"Quand on aime, on aime toujours trop". "Quand on aime on voit les belles choses".
jeudi 26 mai 2011
L'ENFANCE NUE. Prix Jean Vigo 1969.
de Maurice Pialat. 1968. France. 1h23. Avec Michel Terrazon, Raoul Billerey, Maurice Coussonneau, Pierrette Deplanque, Linda Gutemberg, Marie Marc, Heny Puff, Marie-Louise Thierry et René Thierry.
Sortie Salles France: 22 Janvier 1969.
FILMOGRAPHIE: Maurice Pialat est un réalisateur français né le 21 aout 1925, mort d'une maladie rénale le 11 janvier 2003 à Paris. Il avait 77 ans.
1968: l'Enfance nue, 1970: la Maison des Bois (série TV), 1972: Nous ne vieillirons pas ensemble, 1974: La Gueule ouverte, 1978: Passe ton bac d'abord, 1980: Loulou, 1983: A nos amours, 1985: Police, 1987: Sous le soleil de Satan, 1991: Van Gogh, 1995: Le Garçu.
C'est quand les choses vont mal que je suis le mieux.
Je réussis au moins ça. De là à dire qu'il faut que ça aille mal pour
que je me retrouve et que je fais exprès de foutre la merde…"
Maurice Pialat, mai 1992.
Avis subjectif d'un puriste amateur.
Produit par les cinéastes Vera Belmont, Claude Berri, Mag Bodard et François Truffaut, l'Enfance nue est le premier essai derrière la caméra du grand Maurice Pialat. Un témoignage touchant sur la région nordiste de la France en pleine période de crise culturelle, sociale et politique (le fameux Mai 68) sous le regard d'un enfant révolté destitué de ses parents natifs.
François est un jeune garçon de 13 ans, introverti, instable et impulsif, abandonné très tôt par ses parents et trimballé depuis dans des familles d'accueil ayant difficilement autorité à son égard.
Renvoyé vers un autre foyer, ces nouveaux parents sont des personnes âgées sevrées aux liens de filiation adoptive car déjà à la charge du jeune Raoul, enfant de la DASS assez respectueux mais fragile et soucieux de ne pas connaître la véritable identité de ses parents originels.
Conçu comme un reportage façon cinéma vérité, Maurice Pialat nous conte avec souci d'humanisme et authenticité tangible l'histoire d'une époque révolue dans la région du Nord-Pas de Calais à l'aube des années 70.
Avec une précision consciencieuse à ausculter les états d'âme de nos protagonistes débordant de spontanéité et de bon sens, le réalisateur porte un regard chaleureux, attendri sur les petites gens, les ouvriers et les mineurs de fond dans la contrée de Lens. Une région typiquement ch'ti où s'amoncellent au delà des horizons quelques montagnes grisonnantes de charbon noir, aux abords des cités de coron.
Par le regard innocent d'un enfant de 13 ans, l'Enfance nue est un hommage à une époque charnière de toute une population travailleuse réputée pour sa bonhomie, son franc parler d'accent nordiste et sa modeste simplicité. Le film rempli d'humilité est un hymne vibrant à l'apprentissage de la vie, aux prémices de notre enfance attendrie par le cheminement versatile d'un garçon esseulé sans véritable repère, en quête éternelle d'amour et de reconnaissance.
Ces tranches de vie inscrites dans la quotidienneté désaturée d'une époque obsolète nous font revivre avec souci de véracité les moments inconscients de notre enfance en émoi et des toutes premières fois. La curiosité indocile de la première cigarette fumée avec les copains dans un coin de cachette, la bagarre de collège avec un fauteur de trouble, le mariage festif d'un beau-frère sous un air de valse populaire, l'expérience du deuil avec la mamie âgée partie subitement sur son lit de chevet, la fête foraine de la ducasse ou encore la projection d'un film dans une salle de ciné devant les yeux captivés de François, dégustant un cône glacé à la vanille.
C'est toute notre enfance personnelle qui remonte à la surface de nos réminiscences que Maurice Pialat dépeint avec une acuité humaine particulièrement frêle et sensorielle.
Il affiche également au premier abord, non sans une certaine brutalité rugueuse (on perçoit l'improvisation de certaines séquences afin de retranscrire au mieux la dure réalité des faits), la dureté incongrue et la cruauté insensée de l'enfance fustigée, dépréciée, abandonnée par la filiation parentale. Des enfants souvent très jeunes réunis par centaine dans des foyers spécialisés en l'attente d'une famille d'accueil (dans notre pays, 100 000 bambins sont séparés de leur famille en 1968). Des parents impromptus qui sauront peut-être capable de leur redonner l'affection requise dont ils ont été depuis si longtemps proscrits.
LA SEPARATION.
Hormis un jeu parfois théâtral de certains des comédiens (souvent amateurs), l'Enfance nue est un très beau portrait sans fioriture ni mièvrerie d'un garçon marginal en demi-teinte, aussi instable et discrètement rebelle que profondément esseulé et altruiste, en quête perpétuelle d'affection parentale.
A la manière d'un documentaire pris sur le vif, Maurice Pialat raconte une histoire simple sur l'enfance sacrifiée en pleine puberté, sur l'instinct farouche, la rancune meurtrie en guise de détresse humaine.
Une chronique sociale pleine de tendresse rendue extravertie sous l'oeil attentif d'une caméra scrutant l'introspection comportementale de nos protagonistes débordant de vitalité dans une cité minière ouvrière. On regrette instinctivement un final rebutant si vite achevé et expédié, bien que logiquement accompli dans son potentiel optimisme pour la postérité du petit François.
A ma grand-mère...
26.05.11
Bruno Matéï.
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