lundi 30 mai 2011

JULIA


d'Erick Zonca. 2007. France/U.S.A. 2h20. Avec Tilda Swinton, Saul Rubinek, Kate del Castillo, Bruno Bichir, Jude Ciccolella, Aidan Gould.

Sortie ciné en France le Mercredi 12 Mars 2008.

FILMOGRAPHIE: Érick Zonca est un scénariste et réalisateur Français né le 10 septembre 1956 à Orléans.
1998: La vie rêvée des Anges
1998: Le Petit Voleur
2008: Julia

                           

Il aura fallu attendre 10 ans pour voir débarquer le nouveau projet d'Erick Zonca parti s'exiler en Californie et au nouveau Mexique pour les besoins de ce road movie intense et captivant. Sous ses airs influents de Gloria de Cassavetes, Julia réussit habilement à détourner les conventions balisées du genre pour nous livrer un thriller sur route aléatoire et poignant, dédié à la personnalité éthylique d'une femme sans ambition sur la déroute.

Julia est une quarantenaire alcoolique et marginale cumulant les conquêtes d'un soir et les beuveries des bars branchés afin d'éclipser sa vie esseulée. Un jour, sa voisine névrosée et dépressive d'une existence noyée dans la solitude lui propose un marché singulier ! Kidnapper son propre enfant prisonnier de son riche grand-père en fin de vie et ainsi faire bénéficier à Julia une forte somme d'argent. Au départ perplexe, celle-ci accepte tout en complotant indépendamment un autre scénario. C'est à dire faire chanter cette femme démunie contre une rançon beaucoup plus faramineuse. Mais rien ne va se dérouler comme prévu.

                         

Road Movie sillonnant les routes de Californie et du Mexique dans la mise en forme d'un thriller réaliste, Julia est tout autant un superbe portrait de femme aussi désenchanté que fructueux dans son climax impondérable.
A travers le rapt sordide d'un enfant mis à la garde de son grand-père, Erick Zonca nous fait partager la relation contrainte entre deux êtres opposés qui vont devoir s'accepter durant un long cheminement inépuisable. L'une est une femme perfide et révoltée au bord du marasme, l'autre, un petit garçon innocent privé de sa mère qu'il a depuis longtemps oublié. Ensemble, ils vont devoir apprendre à s'accepter pour finalement s'entraider et faire face à quelques évènements majeurs compromettant fortement les lourds enjeux négociés au préalable.
C'est cette narration totalement imprévisible empêchant le film de s'embourber dans la routine d'un road movie lattent qui permet au spectateur de suivre une histoire d'enlèvement à l'ironie pittoresque dans l'implication d'un trio inopiné de kidnappeurs obsédés par l'appât du gain.
Le réalisateur photographie avec souci de réalisme proche du documentaire un pays américain divisé en deux contrées distincts. L'état de Californie pour la première partie du récit et celui du Mexique situé en Amérique du nord pour une seconde partie octroyée à la fuite irréversible de nos héros méthodiquement traqués. C'est ce second segment beaucoup plus percutant, haletant et violent qui va permettre de relancer l'intérêt de son intrigue. En effet, un revirement narratif va faire basculer le film dans un climat beaucoup plus pernicieux et ombrageux dans le refuge d'une capitale corrompue par toutes formes de délinquance (au cours des quatre dernières années 2007-2011, les violences liées aux narco-trafiquants auront fait plus de 34 600 morts).

                       

Mais Julia, le film, doit de prime abord sa réussite à la forte personnalité de son actrice principale incarnée par Tilda Swinton, saisissante de spontanéité révoltée, naïve et maladroite de s'empêtrer dans les pires scénarios envisagés. Irascible, irritable et névrosée par sa dépendance à l'alcool, son évolution personnelle engagée dans l'illégalité répréhensible et le meurtre va toutefois lui permettre de renouer avec un regain de tendresse maternelle dans son ultime point d'orgue caustique décisif. L'enfant endossé par Aidan Gould réussit avec sobriété à éviter l'écueil caricatural du souffre douleur docile et apporte une crédibilité discrète suffisamment tempérée pour convaincre. Un enfant candide jamais niais à dévoiler ses bons sentiments mais plutôt contraint de devoir accepter et affronter des situations parfois crapuleuses pour un si jeune âge.

Mis en scène avec maîtrise et autorité, Erick Zonca réfute les poncifs redoutées dans ce type de scénario orthodoxe et livre un superbe portrait anticonformiste de femme insidieuse peu recommandable. Une alcoolique désoeuvrée au caractère erratique, fustigée et dénigrée de son ego mais qui finalement retrouvera une certaine forme de repentance dans ses exactions perpétrées pour la quête de l'or. Pour renouer en dernier ressort avec l'instinct maternel inné en chaque femme destituée de tendresse filiale.

Dédicace à Jonathan Charpigny.
30.05.11
Bruno Matéï.

                      


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