mardi 31 mars 2015

A GIRL WALKS HOME ALONE AT NIGHT

                                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site shocktillyoudrop.com

de Ana Lily Amirpour. 2014. U.S.A. 1h39. Avec Sheila Vand, Arash Marandi, Marshall Manesh, Dominic Rains, Mozhan Marno, Rome Shadanloo.

Sortie salle France: 14 Janvier 2015. U.S: 21 Novembre 2014

Récompenses:
Festival du cinéma américain de Deauville 2014: Prix de la Révélation Cartier pour Ana Lily Amirpour (sélection officielle)
Festival international du film de Catalogne 2014: Carnet Jove Jury Award pour Ana Lily Amirpour
Citizen Kane Award for Best Directorial Revelation pour Ana Lily Amirpour
Gotham Awards 2014 : Bingham Ray Breakthrough Director pour Ana Lily Amirpour
Film Independent's Spirit Awards 2015 : Someone to Watch Award pour Ana Lily Amirpour

FILMOGRAPHIE: Ana Lily Amirpour est une réalisatrice, scénariste et productrice américaine.
2014: A Girl walks home alone at night.


Première essai de long-métrage pour la réalisatrice Ana Lily Amirpour, A Girl walks home alone at night est la transposition d'un de ses courts homonymes déjà récompensé au Festival Noor du film Iranien de Los Angeles. Malgré sa relative sortie confidentielle, le film s'attribue d'un succès d'estime chez certains festivaliers, à l'instar du jury de Deauville et de Catalogne (voir ci-dessus).


Tourné en langue perse dans un noir et blanc immaculé, le film emprunte le thème du vampirisme avec la volonté contemplative d'une mise en scène expérimentale oscillant les non-dits de personnages en dérive existentielle. L'action prenant pour cadre un no man's land iranien où quelques marginaux s'adonnent au proxénétisme, à la prostitution et à la drogue pour se donner un semblant de vie à leur existence moribonde. Surgie de nulle part, une femme vampire affublée d'une cape longiligne hante les lieux pour repérer les pêcheurs indociles et les sacrifier. Jusqu'au jour où cette dernière, consciente de son statut délétère, se laisse amadouer par une liaison amoureuse avec un "Dracula" candide ! Voilà en gros le résumé laconique de cette intrigue nébuleuse, une couverture en soit afin de privilégier l'expérimentation d'un climat hermétique où la nature crépusculaire semble détachée du temps quand bien même les rares citadins qui y déambulent suggèrent la nonchalance sentencieuse. Rythmé au son d'une partition éclectique alternant New-wave, Rock et Techno, A Girl walks home alone at night prend le parti de dérouter et fasciner le spectateur dans un brassage de séquences onirico-charnelles (tous les échanges de séduction confinant le couple en étreinte et leur rencard nocturne parfois terni par les vapeurs industrielles) et d'estocades intempestives. L'agissement taciturne de la fille vampire et celui ambigu des citadins exposés à la fragilité de leur quotidien rehaussent d'autant plus l'étrangeté qui s'exalte de son esthétisme perméable.


Pourvu d'un rythme languissant risquant de nuire une frange du public peu habitué à ce type d'expérience abstraite (réfractaires à Under the Skin et Eraserhead, vous pouvez passer votre chemin !), A Girl walks home alone at night fait office d'ovni, tantôt ensorcelant, tantôt opaque, dont l'originalité de ton emportera l'adhésion des plus réceptifs. 

Bruno Matéï

lundi 30 mars 2015

MANGE TES MORTS: Tu ne diras point. Prix Jean Vigo, 2014.

                                                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site papystreaming.com

de Jean-Charles Hue. 2014. France. 1h34. Avec Frédéric Dorkel, Michael Dauber, Jason François, Moïse Dorkel, Philippe Martin, Alexandre Reboncourt

Sortie salles France: 25 Septembre 2014

FILMOGRAPHIE: Jean-Charles Hue est un réalisateur, plasticien et vidéaste français, né en 1968 à Eaubonne. 2009: Carne Viva. 2011: La BM du Seigneur. 2014: Mange tes morts: Tu ne diras point


Oeuvre indépendante au budget minimaliste, Mange tes Morts met en exergue la virée nocturne de quatre marginaux Yéniches (groupe ethnique semi-nomade d'Europe que l'on peut comparer aux Roms) après que le frère aîné eut purgé 15 ans de réclusion pour homicide. Le jour même de sa libération, et par l'influence du benjamin Jason, ils décident de dérober 25 tonnes de cuivre dans le camion d'un entrepôt. 


Pour info, "Mange tes Morts" est une élocution originaire du dialecte manouche signifiant une insulte de haine envers la personne injuriée. Epousant la carte du docu-vérité afin de renforcer l'ultra réalisme des situations et comptant sur l'amateurisme des comédiens néophytes au jeu futilement maladroit, Mange tes Morts réussit à nous immerger durant 1h35 dans l'intimité de quatre paumés ayant comme seul repère l'impériosité de leur doyen inculte. De par l'absence de perspicacité de ce dernier et l'ignorance de ses camarades, cette équipée peut rivaliser avec l'archétype des pieds nickelés tant elle accumule les bévues avec une maladresse intarissable. Si les touches d'humour prêtent parfois même à sourire dans leurs rapports amicaux et divergences de points de vue, l'issue pessimiste (et prévisible) de leur escapade nocturne insuffle l'anxiété par leur inconscience collective à faciliter le danger. Outre l'aspect frénétique de leur nuit étrangement solaire (de par les néons orangers des réverbères qui illuminent l'itinéraire routier et la fumée s'exaltant des usines du Nord), la caractérisation humaniste des protagonistes (solidarité de camaraderie, sens de l'honneur familiale) nous rappelle toujours que l'élément déclencheur de leur mission émane d'une rage de vivre dans leur condition marginale de laissés-pour-compte. Avec ses gueules Yéniches plus vraies que nature et au sens de la répartie volubile, Mange tes Morts réussit donc à nous familiariser parmi la communauté gitane du point de vue d'une jeunesse anachronique sans repère.   


Les Nuits Fauves
Reposant entièrement sur les épaules amateuristes de comédiens novices un peu malhabiles mais néanmoins touchants de sincérité, et sur l'ultra réalisme d'une réalisation parfois expérimentale, Mange tes Morts réussit à dépasser le stade de la fiction dans sa manière documentée à ausculter les états d'esprit de jeunes délinquants aussi fragiles que suicidaires. A découvrir ! 

Remerciement à Pascal Frezzato
Bruno Matéï

vendredi 27 mars 2015

LA NUIT DU LOUP-GAROU (The Curse of the Werewolf)

                                                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site pinterest.com

de Terence Fisher. 1961. Angleterre. 1h31. Avec Clifford Evans, Oliver Reed, Yvonne Romain, Catherine Feller, Anthony Dawson, Josephine Llewellyn, Richard Wordsworth.

Sortie salles U.S: 7 Juin 1961

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Terence Fisher est un réalisateur britannique né le 23 février 1904 à Londres (Maida Vale), et décédé le 18 juin 1980 dans la même ville. 1957 : Frankenstein s'est échappé, 1958 : Le Cauchemar de Dracula , 1958 : La Revanche de Frankenstein , 1959 : Le Chien des Baskerville , 1959 : L'Homme qui trompait la mort , 1959 : La Malédiction des pharaons, 1960 : Le Serment de Robin des Bois , 1960 : Les Étrangleurs de Bombay, 1960 : Les Maîtresses de Dracula, 1960 : Les Deux Visages de Docteur Jekyll , 1961 : La Nuit du loup-garou, 1962 : Le Fantôme de l'Opéra , 1962 : Sherlock Holmes et le collier de la mort, 1963 : The Horror of It All, 1964 : La Gorgone , 1965 : The Earth Dies Screaming, 1966 : L'Île de la terreur , 1966 : Dracula, prince des ténèbres , 1967 : La Nuit de la grande chaleur , 1967 : Frankenstein créa la femme, 1968 : Les Vierges de Satan, 1969: Le Retour de Frankenstein, 1974 : Frankenstein et le monstre de l'enfer.


Après avoir rendu hommage à Frankenstein, Dracula, la Momie et le Dr Jekyll, Terence Fisher s'inspire du roman de Guy Endore pour traiter du mythe de la lycanthropie avec la Nuit du loup-garou. Au 18è siècle, une servante muette donne naissance à un enfant après avoir été violée par un vagabond rendu fou de ses années d'emprisonnement en cachot. Recueilli par un couple après la mort de sa mère, le jeune Léon subit la nuit de terrifiants cauchemars lorsqu'il se voit égorger des brebis pour s'abreuver de leur sang. Atteint d'une malédiction depuis le destin sordide de ses parents, Leon se transforme en loup-garou les nuits de pleine lune pour commettre d'horribles meurtres. 


Bougrement inspiré dans sa métaphore sur l'instinct bestial et l'animosité (rancunière) qui sommeille en nous, Terence Fisher se surpasse une fois de plus dans l'art de nous narrer un récit certes prévisible mais transcendé par une mise en scène virtuose ainsi que le profil psychologique de son personnage infortuné. Oliver Reed exprimant avec vigueur une dimension humaine désespérée dans sa condition meurtrie d'avoir été le rejeton d'une malédiction. Incarnation de l'aliénation et de la souffrance de ses parents, Leon symbolise donc la victime primitive lorsque l'iniquité a décidé de s'acharner sur son sort. En prenant soin de nous avoir auparavant documenté sur la genèse miséreuse de ses parents et les conditions bestiales dans lesquelles ils survécurent avant de mourir, Terence Fisher crédibilise l'identité filiale avant de nous immerger dans l'esprit torturé de l'avorton de la honte. Une bête humaine incapable de se délivrer de son instinct meurtrier en dépit de l'amour d'une femme prévenante. Par le biais de cette romance impossible, le cinéaste rehausse l'aspect poignant de cette tragédie dont la Belle et la Bête se fait écho lorsque Léon, rongé par l'injustice, pleure sa condition monstrueuse pour comprendre l'issue irréversible de son sacrifice. En attisant aussi l'expectative de son apparence animale, le film privilégie suspense lattent et suggestion afin de retarder l'apparence horrifiante du lycanthrope. Quand bien même les maquillages astucieux entrevus dans le dernier quart d'heure font preuve de subtilité pour décrire le caractère sauvage et démuni de la bête traquée.


Formellement prégnant dans l'architecture des décors gothiques, l'onirisme de sa nature crépusculaire et l'incandescence de sa photo sépia, La Nuit du loup-garou est rehaussé du brio imperturbable de son auteur, des seconds-rôles robustes et surtout de l'interprétation magnétique d'Oliver ReedDe par son réalisme et l'émotion intense que l'intrigue abrupte véhicule, il en émane un conte horrifique éprouvant, un chef-d'oeuvre à marquer d'une pierre blanche au même titre que ses congénères contemporains, le Loup-garou de Londres et Hurlements


Bruno Matéï
3èx

    jeudi 26 mars 2015

    FRANKENSTEIN S'EST ECHAPPE (The Curse of Frankenstein)

                                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinenode.com

    de Terence Fisher. 1957. Angleterre. 1h22. Avec Peter Cushing, Hazel Court, Robert Urquhart, Christopher Lee, Melvyn Hayes, Valerie Gaunt, Paul Hardtmuth, Noel Hood.

    Sortie salles France: 29 Novembre 1957. Angleterre: 2 Mai 1957

    FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Terence Fisher est un réalisateur britannique né le 23 février 1904 à Londres (Maida Vale), et décédé le 18 juin 1980 dans la même ville.
    1957 : Frankenstein s'est échappé, 1958 : Le Cauchemar de Dracula , 1958 : La Revanche de Frankenstein , 1959 : Le Chien des Baskerville , 1959 : L'Homme qui trompait la mort , 1959 : La Malédiction des pharaons, 1960 : Le Serment de Robin des Bois , 1960 : Les Étrangleurs de Bombay, 1960 : Les Maîtresses de Dracula, 1960 : Les Deux Visages de Docteur Jekyll , 1961 : La Nuit du loup-garou, 1962 : Le Fantôme de l'Opéra , 1962 : Sherlock Holmes et le collier de la mort, 1963 : The Horror of It All, 1964 : La Gorgone , 1965 : The Earth Dies Screaming, 1966 : L'Île de la terreur , 1966 : Dracula, prince des ténèbres , 1967 : La Nuit de la grande chaleur , 1967 : Frankenstein créa la femme, 1968 : Les Vierges de Satan, 1969: Le Retour de Frankenstein, 1974 : Frankenstein et le monstre de l'enfer.


    Premier volet de la saga Frankenstein remis au goût du jour par la célèbre société Hammer Films, Frankenstein s'est échappé confronte un an avant le Cauchemar de Dracula, nos deux gentlemens de l'horreur, Peter Cushing et Christopher Lee. Enorme succès à travers le monde, Terence Fisher réussit ici à réinventer le mythe sans daigner plagier le chef-d'oeuvre de James Whale et parmi le procédé novateur du Warnercolor. Une parti-pris ostensible afin de favoriser l'anxiété du spectateur devant l'apparence estropiée du monstre du Docteur. 


    Christopher Lee endossant son rôle mutique dans une défroque croulante de mort-vivant au visage lardé de plaies et entailles vérolées ! Réduit au monstre de foire, celui-ci est caractérisé comme la symbiose d'une création improbable façonnée entre les mains du savant-fou. De manière décomplexée, Terence Fisher brossant notamment le portrait d'un docteur désaxé car n'hésitant pas à supprimer témoins gênants et à sacrifier la vie d'autrui pour la réussite de ses travaux sur la création de la vie. Arrogant, mégalo, infidèle, obtus et obstiné, Peter Cushing se délecte à exprimer sans retenue ses sentiments indociles dans une mosaïque de folie, de fureur et de perversité. A l'instar de son comportement cynique échangé avec la gouvernante, car n'hésitant pas à l'humilier et la railler lorsqu'elle lui annonce qu'elle porte son propre enfant. Epaulé d'un conseiller humaniste à contre-courant de son esprit sans vergogne, Robert Urquhart lui partage la vedette avec aplomb et inquiétude pour son témoignage désarmé d'assister à des expériences morbides toujours plus licencieuses (le docteur n'hésitant pas à moult reprises à ressusciter sa créature pour parfaire son ambition !). Outre la force de l'intrigue attisant l'expectative de la réussite scientifique avant les revirements de la fuite du monstre, Frankenstein s'est échappé doit beaucoup de sa densité dans l'acuité des rapports de force émis entre le baron et Paul Krempe. Tous deux se livrant aux échanges de point de vue toujours plus virulents quant à la réflexion morale du bien et du mal et avant d'entraîner l'inévitable déroute du Baron. 


    Mis en scène avec brio dans son influence de dépoussiérer le genre horrifique et brillamment interprété (le trio incompatible se démène avec une rogne en crescendo !), Frankenstein s'est échappé réactualise l'histoire de Mary Shelley parmi l'audace de l'étude caractérielle. Celle du baron symbolisé ici comme un meurtrier orgueilleux littéralement aveuglé par sa déchéance morale. Quant à la fonction monstrueuse de Christopher Lee, il se livre au jeu de la pantomime dans une psychose éperdue et parmi l'exubérance de maquillages graveleux ! Une relecture aussi intelligente que passionnante sous l'effigie gothique d'Hammer Films !

    La chronique de la Revanche de Frankenstein : http://brunomatei.blogspot.fr/…/la-revanche-de-frankenstein…

    Bruno Matéï
    2èx

    mercredi 25 mars 2015

    LA FRENCH

                                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com

    de Cédric Jimenez. 2014. France. 2h15. Avec Jean Dujardin, Gilles Lellouche, Céline Sallette, Mélanie Doutey, Guillaume Gouix, Benoît Magimel, Bernard Blancan, Bruno Todeschini, Moussa Maaskri, Féodor Atkine.

    Sortie salles France: 3 Décembre 2014

    FILMOGRAPHIE: Cédric Jimenez est un réalisateur, producteur et scénariste français, né le 26 Juin 1976 à Marseille.
    2012: Aux Yeux de tous. 2014: La French


    Inspiré de l'enquête de Pierre Michel, ancien juge pour enfant recruté pour se charger du grand banditisme Marseillais au milieu des années 70, La French retrace son parcours échevelé pour appréhender un illustre mafieux, Gaëtan Zampa, magnat du trafic de drogue à échelle internationale. On peut aussi rappeler qu'à cette époque la ville de Marseille est considérée comme la capitale mondiale de la drogue traitant en priorité son exportation avec celle des Etats-Unis. Polar français tourné à l'américaine dans la nervosité de sa mise en scène, son sens du découpage affûté, ses éclairs de violence tranchée et le calibre de son budget, La French joue la carte de la fresque mafieuse dans une scénographie exotique du Sud de la France. Tiré d'une histoire vraie dont je tairais le dénouement de l'intrigue quant à l'éventuel victoire du Juge Michel contre le parrain Gaëtan Zampa, le film se permet de prendre quelques distances avec la réalité historique, à l'instar de cette confrontation en tête à tête entretenue entre nos deux rivaux et du destin réservé au truand. 


    D'une durée un peu excessive de 2h15, le film débute comme un solide polar d'une belle efficacité dans les rapports de force intraitables établis entre Michel et Zampa, quand bien même le réalisateur accorde également un certain intérêt à privilégier les relations familiales, principalement celle du Juge davantage terni par sa discorde conjugale. Sur ce point, la faible empathie que l'on éprouve face à leur relation houleuse prouve que le cinéaste ne maîtrise pas cet arc romanesque car trop vite expédié et finalement mal développée dans les rapports de couple. Et malgré la sincérité des comédiens à offrir le meilleur d'eux mêmes (en particulier, le jeu naturel de Céline Sallette découverte dans la série Les revenants !), on a du mal à croire à leurs échanges amoureux en voie de perdition. En prime, le cheminement narratif riche en subterfuges et traîtrises, stratégies de filature et règlements de compte sanglants se perd un peu en cours de route par l'intensité poussive des enjeux. Notamment la manière redondante dont Zampa et le juge Michel alternent accalmies et provocations avant leur prochaine altercation. Hormis ses scories et grâce au savoir-faire de la réalisation, des excellents seconds-rôles aux trognes burinées et des brillantes interprétations de Jean Dujardin et de Gilles Lellouche, le film s'impose comme un divertissement haletant émaillés de moments forts sans jamais glorifier l'univers de la pègre dans leur hiérarchie inflexible. A l'instar de son final à l'émotion rigoureuse car baignant dans l'amertume d'une demi-mesure après avoir ciblé la culpabilité d'un indic et la responsabilité d'une corruption policière. 


    "French Connection" à l'américaine
    Efficace et rondement mené, mais parfois contrebalancé par la défaillance de séquences inutiles s'étirant en longueur, la French se perd un peu à mi-parcours à réguler l'intensité des enjeux lors des rivalités à haut risque. Néanmoins, on se réconcilie à nouveau avec l'intensité émotionnelle de son point d'orgue alarmiste pour finalement approuver ce polar à l'américaine dont la reconstitution des années 70 ne manque pas non plus de carrure. De par l'esthétisme de sa photo sépia, le souci du détail des infrastructures et l'ameublement des logements, les tenues vestimentaires et le charme rétro de sa bande-son pop/disco. 

    Bruno Matéï


      mardi 24 mars 2015

      Capitaine Kronos, tueur de Vampires / Captain Kronos - Vampire Hunter

                                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site horrorseek.com

      de Brians Clemens. 1974. Angleterre. 1h31. Avec Horst Janson, John Carson, Shane Briant, Caroline Munro, John Cater, Lois Daine, William Hobbs.

      Inédit en salles en France. Sortie Angleterre: 7 Avril 1974

      FILMOGRAPHIE: Brian Clemens est un réalisateur, producteur et scénariste, né le 30 Juillet 1931 à Croydon, décédé le 10 Janvier 2015.
      1974: Capitaine Kronos, Tueur de Vampires.


      Inédit en salles en France et précédé d'un échec commercial à travers le monde, Capitaine Kronos, tueur de vampires est l'une des dernières tentatives pour la Hammer de redorer un second souffle au mythe du suceur de sang. Cette tentative moderne étant conçue à l'origine comme un prototype où devait se succéder en guise de succès une série de films mettant en valeur les bravoures du Capitaine Kronos. Pour la réalisation et son unique incursion derrière la caméra, la production fait appel au scénariste Brian Clemens, réputé pour avoir écrit certains épisodes de la série TV, Chapeau Melon et bottes de Cuir, et préalablement responsable du script du Dr Jekyll et Sister Hyde. Le pitchDans un village, la découverte de cadavres de femmes prématurément sclérosées inquiète la population. Dépêché par le docteur Marcus, Capitaine Kronos et son acolyte, le professeur Grost, se lancent dans une longue traque afin d'appréhender le mystérieux assassin, quand bien même sur leur chemin ils sauvent de la mort une charmante vagabonde. Série B mineure au sein de la filmographie de la HammerCapitaine Kronos, tueur de vampires est un mélange désordonné de situations horrifico-épiques alternant les séquences chocs avec d'autres accalmies (in)volontairement cocasses. Délibéré à détourner les codes du genre, Brian Clemens emprunte quelques idées saugrenues dans les stratégies de défense imposées aux héros et dans leur manière hétérodoxe de tuer le vampire, sans craindre de sombrer dans le ridicule.


      A l'instar de cette victime increvable que Kronos tente de détruire à l'aide du traditionnel pieu et par pendaison. Une séquence improbable où le grotesque se dispute à la cocasserie dans les efforts réguliers de Kronos et de son comparse Grost. Peu favorisé d'un scénario des plus élémentaires (toute l'intrigue se résumant à une traque échevelée au vampire entre deux trêves romanesques !), le film accumule les agressions sanglantes du vampire sans visage (il reste encapuchonné durant la majorité du récit) se nourrissant de l'énergie vitale de ses victimes. Ce concept novateur exploitant le thème de l'éternelle jeunesse influencera d'ailleurs la décennie suivante Tobe Hooper pour son ambitieux projet de science-fiction horrifique, Lifeforce ! Epaulé de décors plus sophistiqués que de coutume (l'antre du château est constitué d'une architecture baroque parmi la fulgurance d'une photo criarde), le film est également traversé de plages d'onirisme stylisé, à l'instar du duel à l'épée que Kronos accomplit contre ses adversaires au sommet d'une nécropole. Peu à l'aise derrière la caméra, Brian Clemens tente de pallier ses carences techniques et narratives avec une succession de séquences hybrides où l'aventure, la romance et l'horreur se condensant dans un esprit semi-parodique. En prime, la stature inexpressive du héros principal endossé par Horst Janson renforce le côté bisseux de l'entreprise en dépit de sa modeste sympathie à relever le défi de ces actes pugnaces. Quand bien même sa charmante compagne incarnée par Caroline Munro se prête au jeu de la séduction dans une posture timorée.


      Maladroit et fauché, sporadique et interlope, mais traversé de séquences oniriques quelque peu marquantes, de scènes gores inventives et baignant dans un climat insolite un tantinet séduisant, Capitaine Kronos, tueur de Vampires fait figure d'avorton hybride au sein de l'industrie Hammer. Les inconditionnels aguerris devraient toutefois trouver l'expérience probablement ludique par sa facture iconoclaste si on sait faire fi de certaines longueurs. 

      *Bruno
      21.01.23. 4èx

      lundi 23 mars 2015

      LE POLICEMAN (Fort Apache, The Bronx)

                                                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site cine-loisirs.fr

      de Daniel Petrie. 1981. U.S.A. 2h05. Avec Paul Newman, Edward Asner, Ken Whal, Danny Aiello, Rachel Ticotin, Pam Grier, Kathleen Beller.

      Sortie salles U.S: 6 Février 1981

      FILMOGRAPHIE: Daniel Petrie est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 26 Novembre 1920 à Glace Bay, Nouvelle-Ecosse, Canada, décédé le 22 Août 2004 à Los Angeles, Californie.
      1960: Le Buisson ardent. 1961: Un Raison au soleil. 1962: The Main Attraction. 1963: Les Heures Brèves. 1966: The Idol. 1966: The Spy with a Cold Nose. 1973: Odyssée sous la mer. 1974: Buster and Billie. 1976: Lifeguard. 1978: The Betsy. 1980: Resurrection. 1981: Le Policeman. 1982: Six-Pack. 1984: Un Printemps sous la neige. 1987: Square Dance. 1988: Rocket Gibraltar. 1988: Coccon, le retour. 1997: The Assistant.


      Dans la lignée des Flics ne dorment pas la nuit et de Serpico, Le Policeman relate les virées urbaines de deux flics acolytes dans un quartier chaud du Bronx, au moment même où les meurtres gratuits de deux officiers viennent d'être perpétrés. Essayant de découvrir l'identité de l'assassin au fil de leur infructueuse enquête, ils vont se heurter à l'incident aléatoire d'une corruption policière. Polar urbain décrivant l'état des lieux d'un métropole new-yorkaise avilie par la drogue, la prostitution et la criminalité, le Policeman fait référence à la grimpée de la violence, de l'immigration et du racisme au début des années 80. D'ailleurs, lors de sa sortie, le film se heurta à une certaine polémique auprès de certains frondeurs pointant du doigt son contenu xénophobe envers les communautés noires et Porto-ricaines.


      Si l'intrigue débute à l'instar d'un sympathique buddy movie dans ces situations pittoresques que se heurtent Murphy et Connaly pour appréhender des dégénérés excentriques, sa scène d'ouverture brutale nous avait ébranlé quand une prostituée flegmatique venait d'abattre lâchement deux policiers en patrouille. Ce qui nous amène à la difficile enquête que doit se confronter le corps policier du poste de "Fort Apache" situé dans un Bronx en ébullition. C'est là que Murphy et Connaly vont tâcher de relever leur mission quand bien même le second arc narratif débouche sur leurs romances entamées avec une infirmière et une jeune étudiante. Ces séquences intimistes au propos léger et détendu préparent le terrain de la dramaturgie en évoquant le problème de la drogue du point de vue de l'auxiliaire médicale d'origine latino. Une manière alarmiste d'insister sur la perversité addictive du produit concernant toutes les couches sociales. C'est ensuite le thème de la corruption policière et la prise de conscience de témoins oculaires qui y sont longuement traités lorsque deux agents racistes se sont débarrassés d'un étudiant d'origine porto-ricaine. Ces évènements inopinés exploitent les ressorts dramatiques du troisième arc narratif, avec toujours en parallèle le caractère inquiétant des exactions meurtrières d'une prostituée dont nous ne connaîtrons jamais le motif de son mobile (même s'il s'agit d'une misandre !). La gravité des conséquences et l'aspect tragique qui s'ensuit entraînera un de nos héros à reconsidérer sa responsabilité morale pour oser dénoncer sa déontologie professionnelle, quand bien même le dénouement de l'enquête criminelle restera irrésolue ! (seul, le spectateur connaît l'identité du véritable assassin !).


      Très attachant dans la relation amicale du couple en roue libre, Paul Newman et Ken Whal, et puisant son inspiration dans l'ironie satirique, la violence poisseuse et le réalisme documenté, Le Policeman débouche sur un polar désenchanté lorsque la corruption policière et le fléau de la drogue vont finalement bouleverser l'éthique d'un homme pour braver l'omerta. Un grand polar urbain d'une intensité émotionnelle aussi bouleversante qu'impondérable dans son constat pessimiste agréé à l'inefficacité de l'institution policière. 

      Bruno Matéï
      3èx

                                                

      vendredi 20 mars 2015

      DR JEKYLL ET SISTER HYDE (Dr. Jekyll and Sister Hyde)

                                                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site popcornpictures.co.uk

      de Roy Ward Barker. 1971. Angleterre. 1h37. Avec Ralph Bates, Martine Beswick, Gerald Sim, Lewis Fiander, Susan Broderick, Dorothy Alison.

      Sortie salles Angleterre: 17 Octobre 1971

      FILMOGRAPHIE PARTIELLE: Roy Ward Baker est un réalisateur, producteur, scénariste anglais, né le 19 Décembre 1916 à Londres (Royaume-Uni), décédé le 5 Octobre 2010.
      1947: L'Homme d'Octobre. 1952: Troublez moi ce soir. 1968: Les Champions. 1969: Mon ami le fantôme. 1970: The Vampire Lovers. 1970: Les Cicatrices de Dracula. 1971: Dr Jekyll et Sr Hyde. 1972: Asylum. 1973: Le Caveau de la Terreur. 1973: And now the Screamin starts. 1974: Les 7 vampires d'or. 1980: Le Club des Monstres. 1984: Les Masques de la mort (télé-film). 


      Pour la dernière décennie de la Hammer, Dr Jekyll et Sr Hyde continue de surfer sur l'érotisme et une violence plus outrée afin de redorer un second souffle à la société. Epaulé d'un brillant scénario de Brian Clemens alternant la satire et les clins d'oeil amusés aux classiques de l'horreur (on y croise dans le même film Jack l'éventreur et les déterreurs de cadavres Burke et Hare au coin des rues malfamées de Whitechapel !), cette variation du Dr Jekyll et Mr Hyde redouble d'audaces pour détourner le mythe. En télescopant les exactions sordides de l'éventreur parmi l'ambition scientifique du savant fou et d'y établir ici une métaphore (gay) sur la part de féminité enfouie en chaque homme. 


      Si au premier coup d'oeil, le scénario aurait pu facilement sombrer dans la parodie, Roy Ward Barker maîtrise son sujet avec autant de sérieux que d'ironie débridée parmi la présence d'Alan Bates et de la vamp Martin Beswick. Par leur talent obstiné et leur ressemblance binaire, les comédiens font preuve d'un surprenant charisme bicéphale afin de transfigurer deux antagonistes livrés au duel sexiste en interne du corps du savant. Car, par le biais d'une expérience scientifique allouée à l'élixir de jouvence et parmi l'appui de l'hormone femelle, c'est une véritable guerre des sexes que doit déjouer Jekyll lorsque son double, Sister Hyde, souhaite prendre le pouvoir pour asservir l'homme qui est en elle. A la satire féministe s'attribue également une réflexion sur l'homosexualité (Jekyll ne serait-il finalement qu'un gay refoulé ?), la jalousie et le besoin de séduction inhérent à notre instinct sexuel ! Sr Hyde éprouvant un rapide désir pour son voisin de palier tandis que Jekyll s'éprendra d'amour pour la soeur de ce dernier. De cette rivalité toujours plus hostile, la jalousie finira par causer leur perte et donc la désillusion scientifique de Hyde lors d'un mea culpa inévitablement tragique ! Outre le rythme vigoureux de l'intrigue fertile en suspense et homicides sauvages, ainsi que l'étude passionnante allouée au personnage véreux de Hyde, le film cultive un humour réjouissant lorsque par exemple la police distingue difficilement l'identité du meurtrier dissimulé en travesti pour mieux les duper !  


      Chef-d'oeuvre de la Hammer en cette décennie des années 70, Dr Jekyll et Sr Hyde cultive un iconoclasme incisif afin de dépoussiérer les mythes de l'horreur séculaire dans un esprit débridé aussi fascinant qu'haletant. Outre l'intelligence de ces thèmes abordés et l'inventivité de sa mise en scène, le film est également transcendé par l'élégance ténébreuse de la troublante Martine Beswick. Et si le docteur Jekyll a essuyé une déroute pour sa quête de l'éternelle jeunesse, Roy Ward Barker a réussi à la matérialiser à travers sa macabre satire féministe ! 
         
      Bruno Matéï
      3èx


      jeudi 19 mars 2015

      La Fille de Jack l'Eventreur / Hands of the Ripper

                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site avoir-alire.com

      de Peter Sasdy. 1971. Angleterre. 1h25. Avec Eric Porter, Angharad Rees, Keith Bell, Jane Merrow, Derek Godfrey, Dora Bryan.

      Sortie salles Angleterre: 17 Octobre 1971

      FILMOGRAPHIE: Peter Sasdy est un réalisateur anglais, né le 27 Mai 1935 à Budapest. 1970: Une Messe pour Dracula. 1971: La Fille de Jack l'Eventreur. 1971: Comtesse Dracula. 1972: Doomwatch. 1972: The Stone Tape (télé-film). 1973: Nothing but the Night. 1975: Evil Baby. 1975: King Arthur, the young Warlord. 1977: Welcome to blood City. 1983: The Lonely Lady. 1989: Ending up (télé-film). 1991: Sherlock Holmes and the leading lady (télé-film).


      Fidèle artisan de la Hammer Film, puisque déjà responsable d'Une Messe pour Dracula puis un peu plus tard de Comtesse Dracula, Peter Sasdy entreprend avec La fille de Jack l'éventreur de revisiter notre criminel notoire de manière plutôt originale si bien que la psychanalyse et le surnaturel se télescopent durant tout le cheminement narratif. Le PitchTraumatisée par la mort de sa mère assassinée sous ses yeux par son père Jack l'Eventreur, Anna est recueillie par une médium pour être exploitée à la prostitution. Mais à la suite d'un élément déclencheur ravivant son souvenir morbide, Anna l'assassine froidement. Témoin de la scène, le médecin John Prichard décide de la prendre sous son aile afin d'étudier sa pathologie schizophrène. Cette intrigue astucieuse opposant également la foi spirituelle et l'athéisme cultive une progression du suspense parmi la relation épineuse d'une meurtrière accompagnée de son théoricien. Dépeinte comme une véritable victime, faute de son témoignage de l'assassinat de sa mère par son propre père et de ces tourments invoqués par l'esprit diabolique de ce dernier, Anna nous suscite l'empathie dans sa fragilité et son émoi ingérable. 


      Au fil de ses exactions meurtrières aussi imprévisibles que sauvages (gore graphique à l'appui !), l'intensité dramatique de ces estocades émane également de l'attitude complice du médecin féru de compassion pour elle tout en l'exploitant à des fins scientifiques. Celle d'y démystifier la nature criminelle d'un assassin puis tenter de le guérir de ses pulsions psychotiques. Bravant l'interdit parmi l'appui d'un membre du parlement plutôt sournois, John Prichard s'adonne donc à l'illégalité afin de protéger sa patiente et apporter son concours au progrès de la psychothérapie. Ces rapports troubles entamés entre ces deux personnages font tout le sel de l'intrigue fertile en meurtres cinglants en accordant une belle attention à leur étude de caractères ternies par le désespoir et l'angoisse. Outre l'interprétation pleine d'aplomb du vétéran Eric Porter, La Fille de Jack l'Eventreur est sublimé de la prestance angélique de Angharad Rees. Une jeune actrice affublée d'un teint de porcelaine mais dont la préoccupation du regard en atténue sa fraîcheur pour nous laisser transparaître la confusion. L'intensité de son jeu névrosé doit donc beaucoup au caractère crédible de son cheminement psychotique jusqu'à ce que la dernière partie vienne nous ébranler de plein fouet par son émotion tragique. Un final majestueux d'une beauté morbide singulière, notamment par son ampleur grandiloquente édifiée dans une galerie des échos.


      Réalisé durant la dernière décennie de la Hammer Film, La Fille de Jack l'Eventreur fait preuve d'une belle audace dans la violence sanguine de ces actes meurtriers et dans l'originalité de son script détournant intelligemment l'archétype du célèbre éventreur. Un fleuron du psycho-killer surnaturel dont la dimension dramatique des deux complices culmine vers un splendide point d'orgue taillé dans le lyrisme mélancolique. 

      *Bruno 
      12.12.22. 
      3èx. VF

      3

      mercredi 18 mars 2015

      LES MAITRESSES DE DRACULA (The Brides of Dracula)

                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site galleryhip.com

      de Terence Fisher. 1960. Angleterre. 1h25. Avec Peter Cushing, Yvonne Monlaur, David Peel, Martita Hunt, Freda Jackson, Fred Johnson.

      Sortie salles France: 21 Décembre 1960. U.S: 5 Septembre 1960. Angleterre: 7 Juillet 1960

      FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Terence Fisher est un réalisateur britannique né le 23 février 1904 à Londres (Maida Vale), et décédé le 18 juin 1980 dans la même ville.
      1957 : Frankenstein s'est échappé, 1958 : Le Cauchemar de Dracula , 1958 : La Revanche de Frankenstein , 1959 : Le Chien des Baskerville , 1959 : L'Homme qui trompait la mort , 1959 : La Malédiction des pharaons, 1960 : Le Serment de Robin des Bois , 1960 : Les Étrangleurs de Bombay, 1960 : Les Maîtresses de Dracula, 1960 : Les Deux Visages de Docteur Jekyll , 1961 : La Nuit du loup-garou, 1962 : Le Fantôme de l'Opéra , 1962 : Sherlock Holmes et le collier de la mort, 1963 : The Horror of It All, 1964 : La Gorgone , 1965 : The Earth Dies Screaming, 1966 : L'Île de la terreur , 1966 : Dracula, prince des ténèbres , 1967 : La Nuit de la grande chaleur , 1967 : Frankenstein créa la femme, 1968 : Les Vierges de Satan, 1969: Le Retour de Frankenstein, 1974 : Frankenstein et le monstre de l'enfer.


      Tourné entre le Cauchemar de Dracula et Dracula, Prince des ténèbres au sein de la carrière de l'éminent Terence Fisher, Les Maîtresses de Dracula s'alloue d'un cachet particulier en l'absence du gentleman de l'horreur, Christopher Lee. Un parti-pris volontaire de la part de son auteur privilégiant ici la stature plus rassurante d'un acteur aussi bellâtre qu'efféminé afin de redorer le blason du vampire archaïque. A ce titre, le préambule envoûtant de manque pas de distiller une atmosphère de mystère latent lorsqu'une jeune institutrice accueillie au château de la baronne Meinster découvre la condition d'esclave du fils de cette dernière. Eprise de compassion pour son sort et sa beauté innocente, elle décidera de lui porter secours pour lui ôter sa chaîne sans mesurer la gravité de son acte de délivrance. Le baron Meinster symbolisant bien entendu la menace du vampire aristocrate particulièrement fourbe dans son art de séduire cette candide proie trop influençable. Emprisonné dès son plus jeune age au sous-sol du château par sa mère et sa gouvernante, celui-ci peut enfin profiter de sa liberté pour aller répandre le mal dans un village déjà contrarié par les superstitions. Pour sa conquête du Mal et du pouvoir, quoi de plus manipulable que de séduire de naïves étudiantes après Spoiler ! s'être débarrassé de sa génitrice ! Fin du Spoiler


      A partir de cette intrigue simpliste réunissant la plupart des clichés du genre, Terence Fisher en tire un modèle d'efficacité dans la dextérité de sa structure narrative alternant l'investigation circonspecte et la traque du Dr Val Helsing (que Peter Cushing endosse avec traditionnel aplomb !) avec la relation naissante de Marianne, femme-objet éprise d'amour pour le Baron. A cet égard, ce dernier semble d'ailleurs plus obnubilé à l'idée d'infecter sa victime pour procréer le Mal plutôt que de choisir sa muse en guise d'amour éternel. Comme de coutume chez les studios Hammer, on retrouve le soin formel imparti aux décors gothiques du château et d'un moulin à vent (dont un final fulgurant par son atmosphère crépusculaire de pleine lune bientôt ravivée par la lumière d'un incendie !), épaulé d'une photographie suave tirant sur le mauve. Sans compter le charisme indétrônable de tous les comédiens (la française Yvonne Monlaur s'avérant par ailleurs délicieuse de volupté charnelle !) et la maîtrise d'une mise en scène épurée transcendant par exemple les apparitions spectrales des maîtresses du Mal, fantômes nocturnes affublés de nuisettes de soie blanche !


      Sans révolutionner le genre, Terence Fisher accomplit toutefois un nouveau tour de force dans l'efficience de sa construction narrative remarquablement contée et parfois traversé d'épisodes démoniaques, à l'image de l'exhumation d'une vampire incantée par une gouvernante désaxée. Qui plus est, parmi certaines trouvailles audacieuses (le traitement infligé à Van Helsing, la relation ambiguë du Baron avec sa famille puis celle de la gente féminine) et l'iconisation de ce vampire dandy, Les Maîtresses de Dracula s'alloue d'un traitement vénéneux dans la caractérisation sournoise d'un vampire uniquement motivé par le pouvoir et l'émancipation par sa condition souveraine.   

      Bruno Matéï
      2èx


      mardi 17 mars 2015

      WHAT WE DO IN THE SHADOWS

                                                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site bloody-disgusting.com

      de Jemaine Clement, Taika Waititi. 2014. Nouvelle-Zélande. 1h25. Avec Jemaine Clement, Taika Waititi, Jonathan Brugh, Cori Gonzales-Macuer, Stuart Rutherford.

      Sortie salles France: Prochainement. Sortie salles Nouvelle-Zélande: 19 Juin 2014

      FILMOGRAPHIEJemaine Clement est un acteur, musicien, humoriste et réalisateur néo-zélandais, né le 10 Janvier 1974 à Masterton. 2014: What we do in the Shadows.
      Taika Waititi est un réalisateur, scénariste, acteur et producteur néo-zélandais, né le 16 Août 1975. 
      2002: John and Pogo. 2004: Two Cars, One Night. 2004: Heinous Crime. 2005: Tama Tu. 2007: A chacun sa chacune. 2008: Cinema 16: World Short Films. 2010: Boy. 2014: What we do in the Shadows


      Sélectionné à Gérardmer 2015 mais déclaré "hors-compétition", What we do in the shadows est une petite production indépendante venue de la Nouvelle-Zélande, à l'instar du très sympa et bricolé Housebound. Ici, le duo Jemaine Clement / Taika Waititi empreinte la même démarche de la comédie horrifique avec un hommage appuyé pour la parodie vampirique. Afin de tenir lieu d'un documentaire, une équipe de cameramans dont nous ne verrons jamais le visage fait irruption dans la quotidienneté de vampires cohabitant dans leur demeure sclérosée. Mais dans sa nouvelle condition d'immortel, l'arrivée d'un cinquième membre va ébranler leur tranquillité au point de les mettre en danger. Comédie pittoresque surfant sur le principe du Found FootageWhat we do in the Shadows dépeint avec ultra réalisme les vicissitudes de vampires anachroniques s'efforçant de se faire discret au sein de notre société moderne. Incessamment interrogés face caméra et pris en filature chez leurs faits et gestes de virées nocturnes, ces vampires au look aristocrate ont accepté de se prêter au jeu de la vérité pour nous livrer indépendamment leurs confidences, entre liberté épanouie mais aussi mélancolie esseulée (la souffrance récurrente de voir disparaître les êtres chers au fil de leur existence et celle de ne pouvoir croiser l'amour même si l'un d'eux en sortira vainqueur !).


      Emaillé de déboires et festivités avec d'improbables rencontres nocturnes (les altercations avec les loups-garous valent leur pesant de cacahuètes !), où gags hilarants et idées retorses fusent tous azimuts (compter en moyenne une trouvaille toutes les 10 secondes !), What we do in the shadows redouble de générosité cocasse. A l'instar de la bonhomie décalée deux nouveaux protagonistes entrant en scène par inadvertance et donc prochainement voués à la métamorphose malgré leur charisme lambda. Si le film fait preuve d'une vigueur rafraîchissante dans le sens des réparties et des rapports parfois houleux compromis entre nos acolytes, il le doit beaucoup à la spontanéité des comédiens se prêtant au jeu avec autant de sobriété que de dérision mordante. L'aisance de cette parodie émanant notamment de leur esprit de cohésion et de leur indulgence à épargner la vie d'un humain trop vertueux pour le vouer au sacrifice. Ce savoureux dosage d'humour noir et de tendresse prouve aussi l'indéniable respect des réalisateurs à se moquer du genre vampirique sans volonté de les vulgariser au ridicule. Et en alternant notamment le clin d'oeil amusé aux classiques d'antan (Nosferatu et le Bal des Vampires en premier lieu !) et aux séries B édulcorées de la nouvelle génération (Twilight et Blade sont gentiment pastichés). En prime, sans se livrer à une démonstration de force opportuniste, les effets-spéciaux numériques qui intègrent discrètement l'intrigue retrouvent le charme et la magie d'antan par leur réalisme cuisant et leurs effets spectaculaires de stupeur inopinée.    


      Débordant de bonne humeur et d'enthousiasme sans verser dans l'outrance ou la trivialité, What we do in the shadows symbolise par miracle la difficile recette rire/frisson dans un esprit décomplexé généreusement inventif. Car accordant une grande part d'humanisme à la caractérisation décalée de ces vampires séculaires, le film s'avère délicieusement réaliste au point d'envier leur situation invulnérable. A la manière du Bal des Vampires et de Vampires, vous avez dits VampiresWhat we do in the shadows s'édifie donc en perle rare appelée à devenir culte chez les amateurs de parodie révérencieuse. A mon sens, et sans me laisser gagner par l'euphorie actuelle, il s'agit de la meilleure comédie horrifique vue depuis les deux classiques précités. Et le film de parachever ses nobles intentions sur une leçon de tolérance romantique que n'auraient pas renié Harold et Maude

      Bruno Matéï


      lundi 16 mars 2015

      LA PROCHAINE FOIS JE VISERAI LE COEUR

                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site estelleelkaim.wordpress.com

      de Cédric Anger. 2014. France. 1h51. Avec Guillaume Canet, Ana Girardot, Jean-Yves Bertellot, Patrick Azam, Arnaud Henriet, Douglas Attal, Piérick Tournier.

      Sortie salles France: 12 Novembre 2014

      FILMOGRAPHIE: Cédric Anger est un réalisateur et scénariste français, né 1975
      2011: L'Avocat. 2014: La prochaine fois je viserai le coeur.


      Inspiré de l'affaire du "Tueur de l'Oise" au cours duquel les exactions d'Alain Lamare eurent lieu à la fin des années 70, Cédric Anger nous propose avec la Prochaine fois je viserai ton coeur un drame criminel glaçant sous la houlette d'un gendarme perpétrant une vague de meurtres auprès de jeunes étudiantes dans la région de Picardie. Timide et introverti, vivant reclus dans un appartement, la solitude de Franck finit par l'orienter vers une devise criminelle, celle de la folie meurtrière, sachant que lors de son arrestation il fut reconnu irresponsable de ses actes pour être interné en Psychiatrie. Les experts évoqueront d'ailleurs chez lui le syndrome de l'héboïdophrénie, une psychopathologie de l'ordre des schizophrénies.


      Outre le climat maussade d'une région bucolique ternie par l'intempérie, ce parti-pris esthétique reflète avec la sinistrose du criminel dans sa conscience aussi torturée qu'impassible. Un misanthrope incapable d'éprouver une quelconque compassion lorsqu'il s'efforce d'entamer une liaison avec une amie puis de fréquenter en parallèle la communauté gay, mais aussi inapte à ressentir un éventuel remord de dernier ressort pour ses actes crapuleux. Et dans un rôle à contre-emploi, Guillaume Canet réussit à faire oublier son illustre stature pour incarner à l'écran ce tueur pisse-froid se raillant du corps policier (il ne cesse de manipuler ses confrères afin de mieux brouiller les pistes) et de sa petite amie car suscitant une véritable aversion pour les rapports de tendresse. Son seul dérivatif afin de se libérer de ses actes criminels et oublier l'indifférence de ses parents, s'expier de ses pêchers par le masochisme en se flagellant le corps ou en se baignant par l'eau glacée ! C'est donc l'introspection d'un serial-killer peu commun que nous illustre Cédric Anger parmi le souci documentaire de ces pérégrinations solitaires et le réalisme sordide de ces assassinat en série. A l'instar du premier homicide perpétré froidement sur une auto-stoppeuse dans le cadre étriqué de son véhicule. Une séquence choc assez pénible par l'estocade improvisée et l'affolement désaxée du meurtrier ! Enfin, la partition musicale cafardeuse accompagne toute l'intrigue à la manière d'une lancinante marche funèbre que le tueur frigide déambule jusqu'au point de chute de son arrestation.


      Austère et rigide, de par son atmosphère dépressive imposée et les pulsions névrotiques du sociopathe, La Prochaine fois je viserai le coeur privilégie densité psychologique et intensité des moments crapuleux parmi l'aplomb inflexible de Guillaume Canet

      Bruno Matéï


      vendredi 13 mars 2015

      GODZILLA (Gojira)

                                                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site galleryhip.com

      de Hishiro Honda. 1954. Japon. 1h36. Avec Akira Takarada, Momoko Kôchi, Akihiko Hirata, Takashi Shimura, Fuyuki Murakami.

      Sortie salles Japon: 3 Novembre 1954. Sortie Française: 1957

      FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Hishiro Honda est un réalisateur japonais né le 7 Mai 1911, décédé le 28 Février 1993 à Tokyo.
      1954: Godzilla. 1955: L'Abominable homme des neiges. 1956: Godzilla, king of the monsters ! 1956: Rodan. 1957: Prisonnière des martiens. 1961: Mothra. 1962: King Kong contre Godzilla. 1963 : Matango. 1963: Atragon. 1964: Mothra contre Godzilla. 1964: Dogora, the Space Monster. 1964: Ghidrah, le monstre à trois têtes. 1965: Frankenstein vs. Baragon. 1965: Invasion Planète X. 1966: Come Marry Me. 1966: La Guerre des monstres. 1967: La Revanche de King Kong. 1968: Les envahisseurs attaquent. 1969: Latitude Zero. 1969: Godzilla's Revenge. 1970: Les Envahisseurs de l'espace. 1975: Mechagodzilla contre-atttaque. 1980: Kagemusha, l'ombre du guerrier. 1990: Rêves (Yume) (coréalisé avec Akira Kurosawa). 1993: Madadayo.


      Métaphore sur le péril atomique et les conséquences psychologiques de la guerre après les bombardements, Godzilla est ce que l'on peut nommer un film hybride. Dans le sens où Hishiro Honda alterne le caractère spectaculaire de destructions massives et de foule en panique avec l'aspect docu-drama du génocide de la guerre lorsqu'un monstre préhistorique vient d'anéantir toute une ville. Célébré ensuite comme une icone populaire auprès des jeunes spectateurs par le biais d'une série de divertissements dévoilant notre monstre d'écaille sous un aspect autrement héroïque, Godzilla version 54 n'emprunte pas le ton de la légèreté, en dépit de ses redondances à mettre en exergue l'appétit destructeur de ce dernier saccageant moult infrastructures urbaines. On est d'ailleurs frappé par l'ambiance crépusculaire qui émane de ses apparitions dantesques lorsqu'une ville incendiée est bientôt réduite en décharnement ! La texture monochrome de sa photographie amplifiant l'aspect sinistre de ces visions d'apocalypse ternies par la nuit ! Quant à la démarche nonchalante de Godzilla filmée au ralenti, sa lourde présence, son rugissement strident, son souffle atomique et son regard spectral nous évoque l'aliénation d'un animal déchu par les rayonnements chimiques ! On est aussi frappé par le réalisme de sa morphologie d'écaille alors que derrière le masque s'y cache un cascadeur en combinaison !


      Si la première heure adopte une démarche laborieuse par son rythme poussif à insister sur l'inquiétude et l'affolement de la population japonaise prise à partie avec les récurrentes provocations du monstre, les 35 dernières minutes affichent une intensité dramatique franchement évocatrice quant au contexte chaotique d'une population en berne. Témoignage aussi puissant que bouleversant faisant écho aux traumatismes d'Hiroshima et de Nagasaki, le film insuffle dès lors une affliction mélancolique (score élégiaque à l'appui !) lorsque Hishiro Honda s'attarde à décrire l'apitoiement des femmes et des enfants démunis après le désastre causé par l'animal. Fruit des conséquences de la radioactivité provoquée par les essais nucléaires de l'homme, ce dernier n'est donc qu'une victime mutante rendue erratique par notre faute. Le scientifique étant capable de transfigurer de nouvelles armes nucléaires pour mieux intimider son rival et anticiper la guerre. On est aussi ébranlé par l'empathie que l'on s'accorde finalement pour Godzilla lorsque celui-ci se retrouve exploité au fond de la mer par la cause de "l'oxygen destroyer". L'invention novatrice d'un chimiste chargé de remords mais prêt à se sacrifier pour pardonner la folie de ses expérimentations !


      Chant d'amour désespéré pour la paix, cri d'alarme contre les essais nucléaires, témoignage bouleversant sur le génocide des guerres et la condition des enfants martyrs, Godzilla fait preuve d'une rigueur dramatique inattendue lors de sa bouleversante dernière partie. On pardonne alors l'aspect cheap des FX en carton-pâte et la lenteur de son rythme abusant de redondances dans son premier acte pour garder en mémoire un douloureux réquisitoire contre le péril atomique. 

      Bruno Matéï
      3èx