vendredi 15 février 2013

Insensibles / Painless

                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Juan Carlos Medina. 2012. France/Espagne. 1h45. Avec Alex Brendemühl, Irene Montalà, Derek de Lint, Tomas Lemarquis, Juan Diego.

Sorties salles France: 10 Octobre 2012. Espagne: 1er Février 2013

FILMOGRAPHIE: Juan Carlos Medina est un scénariste et réalisateur né en 1977 à Miami, en Floride. 1999: Trinidad (court-métrage). 2001: Rage (court-métrage). 2003: Mauvais jour. 2012: Insensibles



Violent réquisitoire contre le régime franquiste qui perdura de 1939 à 1977, Insensibles s’impose comme le premier coup de maître d’un cinéaste engagé, décidé à dénoncer le despotisme hérité de la guerre d’Espagne. À partir d’une histoire d’enfants enlevés, martyrisés et séquestrés dans de sordides cellules, parce qu’affligés d’un mal inconnu (ils ne ressentent ni douleur physique ni souffrance morale), le film nous entraîne dans leur calvaire avec une âpreté réaliste. En parallèle, par un jeu de flash-back incessants entre passé et présent, une énigme tortueuse se déploie autour d’un neurochirurgien en quête d’identité. Après avoir perdu le contrôle de son véhicule en compagnie de sa femme enceinte, David se réveille à l’hôpital : elle n’a pas survécu, mais le nourrisson, lui, a été sauvé. Foudroyé par un cancer, il entreprend en désespoir de cause de retrouver ses parents biologiques pour une greffe. Ce cheminement jonché d’interrogations le conduit à remonter le temps, à exhumer le traitement inhumain infligé à ses géniteurs et à interroger la part de responsabilité de ses parents adoptifs.


À travers deux intrigues parallèles parfaitement imbriquées, Juan Carlos Medina choisit une démarche baroque, originale, pour illustrer le sort réservé aux enfants martyrs. Parce qu’ils sont condamnés à ne pas ressentir la douleur, un médecin nazi entreprend de les transformer en cobayes pour servir une race supérieure destinée à dominer le monde (thème déjà abordé par Franklin J. Schaffner dans l’audacieux Ces garçons qui venaient du Brésil). Dans l’humanisme désespéré de cette innocence crucifiée par le fascisme, Insensibles devient une épreuve de force que le spectateur subit pas à pas, contraint de sonder ses abîmes. Figure centrale, l’enfant monstre mutique incarne toutes les souffrances : engendré par le conservatisme des nationalistes, conditionné à infliger les pires tortures aux otages anarchistes, il symbolise une enfance déchue, livrée à la déchéance. À travers son destin martyr, le réalisateur interroge la violence éducative, la discipline autoritaire, l’intolérance, et la manière dont certains enfants, dès l’aube de leur vie, reproduisent les effets délétères de la haine. Derrière cette réflexion se dessine la quête identitaire de l’enfant en gestation, et son besoin instinctif d’amour maternel, seul rempart possible au sein de la cellule familiale.

Chronique de la douleur.
Superbement écrit à travers une intrigue foisonnante, Insensibles est un chemin de croix hypnotique dont la rudesse psychologique fera chanceler plus d’un spectateur. Métaphore de l’endoctrinement du mal, œuvre humaniste profondément désespérée, cri d’alarme pour la postérité des enfants martyrisés. Si son réalisme cru se révèle parfois insoutenable, Medina a l’intelligence de recourir au hors-champ pour éluder la violence la plus ignoble (les tortures infligées aux partisans). Il demeure pourtant impossible de sortir indemne d’une œuvre aussi abrupte, presque antipathique et bouleversante, fustigeant la candeur la plus sacrée : l’enfance violée.

Public averti

— le cinéphile du cœur noir

15.02.13
21.09.25. Vost



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