Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com
d'Abel Ferrara. 1993. U.S.A. 1h27. Avec Terry Kinney, Meg Tilly, Gabrielle Anwar, Reilly Murphy, Billy Wirth, Christine Elise, R. Lee Ermey, Kathleen Doyle, Forest Whitaker, G. Elvis Phillips.
Sortie en salles en France le 9 Juin 1993. U.S: 28 Janvier 1994
FILMOGRAPHIE: Abel Ferrara est un réalisateur et scénariste américain né le 19 Juillet 1951 dans le Bronx, New-York. Il est parfois crédité sous le pseudo Jimmy Boy L ou Jimmy Laine.
1976: Nine Lives of a Wet Pussy (Jimmy Boy L). 1979: Driller Killer. 1981: l'Ange de la Vengeance. 1984: New-York, 2h du matin. 1987: China Girl. 1989: Cat Chaser. 1990: The King of New-York. 1992: Bad Lieutenant. 1993: Body Snatchers. Snake Eyes. 1995: The Addiction. 1996: Nos Funérailles. 1997: The Blackout. 1998: New Rose Hotel. 2001: Christmas. 2005: Mary. 2007: Go go Tales. 2008: Chelsea on the Rocks. 2009: Napoli, Napoli, Napoli. 2010: Mulberry St. 2011: 4:44 - Last Day on Earth.
Un an après nous avoir dépeint la descente aux enfers (vitriolée) du Bad Lieutenant, Abel Ferrara réactualise en 1993 une troisième adaptation du fameux roman de Jack Finney, l'Invasion des profanateurs paru en 1955. Après les brillantes versions de Don Siegel et Philip Kaufman, le maître du polar urbain s'autorise un écart afin de se convertir à la science fiction horrifique en remakant une insolite offensive extra-terrestre. En l'occurrence, le cadre de l'intrigue est érigé au sein d'une base militaire afin de souligner en background sa propagande inculquée auprès de la génération 90. Dans une base militaire de l'Alabama, un chimiste s'installe avec sa famille pour assainir un dépôt de produits toxiques. Alors que son petit frère remarque l'étrange attitude de sa maîtresse et de ces camarades de classe, sa soeur aînée se lie d'amitié avec un jeune soldat durant une soirée arrosée. Un soir, dans la chambre des parents, le garçon est témoin d'une macabre découverte via l'apparition d'une créature humaine ayant dupliquer l'enveloppe corporelle de sa mère assoupie. Une invasion extra-terrestre à grande échelle vient de s'amorcer !
Co-scénarisé par Stuart Gordon, la narration de Body Snatchers réussit une troisième fois à renouveler l'intérêt d'une invasion extra-terrestre préalablement créée par un illustre auteur de science-fiction et de thriller. Ainsi, en adoptant le décor aussi bien austère qu'exigu d'une base militaire, Abel Ferrara emprisonne ses protagonistes dans ce lieu clos crépusculaire éclairé d'un hale oranger. Dans la mesure où nos héros sont ici dépeints à travers une famille de parents divorcés auquel l'adolescente Marti Malone a beaucoup de mal à respecter les consignes du paternel préventif. En classe, son petit frère Tim remarque que tous les élèves ont illustré le même dessin morbide. Alors qu'en rentrant des cours, il sera témoin de la vision effroyable de sa mère reconvertie dans le corps d'une créature d'apparence uniforme. La menace extra-terrestre est donc de prime abord efficacement perçue auprès des témoignages fragiles des progénitures de la famille Malone impuissants à convaincre leur paternel autoritaire. Dans une ambiance sombre subtilement diffuse, la tension découlant de ces perfides voleurs de corps va s'accroître au fil d'un cheminement dramatique en crescendo. Comme nos protagonistes, nous nous sentons pris au piège en interne de cette base militaire nocturne si bien qu'un sentiment d'insécurité nous est exacerbé auprès de cette menace extra-terrestre éludée d'émotion humaine, alors qu'au premier stade d'incubation elles s'y caractérisaient sous la forme de cocons.
Sournoisement, ces envahisseurs s'insinuent durant notre sommeil en absorbant notre âme, notre énergie et notre sang à l'aide de rameaux végétaux. Passé le stade de la métamorphose, et pour mieux y dénoncer sa prochaine victime, la créature profère un hurlement strident parmi l'appui de son index accusateur (photo ci-dessous). En éludant miraculeusement le sentiment de déjà vu des deux premières versions, Abel Ferrara réussit modestement à captiver et maintenir notre intérêt avec un sens efficace des situations perfides. Son caractère haletant et surtout l'ambiance d'étrangeté émanant du climat machiste voué à la dictature militaire nous confinant dans un véritable cauchemar paranoïaque. Ce sentiment prégnant d'insécurité grandissante ainsi que le comportement monolithique de ces créatures impassibles nous envoûtent à travers leur dessein subversif. Tant et si bien qu'au fil du cheminement alarmiste en perdition morale, nous nous interrogeons sur l'identité potentiellement frauduleuse de chacun de nos protagonistes confondus parmi une foule indolente, à moins d'y jouer l'apparence du zombie en guise de stratagème de survie. Spoiler !!! En prime, pour renchérir d'ambiguïté couillue, le point d'orgue en demi-teinte clôt son épilogue vers une note (probablement) pessimiste lorsque nos deux héros réfugiés à bord d'un hélico décident d'atterrir à Atlanta sous l'obscurité d'un contre-jour solaire et parmi l'intervention d'un guide patibulaire. Fin du Spoil.
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Sobrement interprété (Meg Tilly franchement inquiétante et magnétique, tant auprès du regard vaporeux que de sa sensualité diaphane) et mis en scène avec efficacité sans pour autant recourir à l'esbroufe (on peut d'ailleurs signaler la qualité de ces trucages, aussi clairsemés soient-ils), Body Snatchers inquiète sensiblement à travers son angoisse ténébreuse dénuée d'optimisme. Sa réflexion métaphorique sur la paranoïa collective instaurée par la hiérarchie militaire enrichissant la redite du scénario, notamment auprès de leur doctrine dictatoriale aussi expéditive que sans vergogne. Ainsi donc, à travers la série B d'un genre inhabituel, le maître du polar noir cultive son savoir-faire pour y transfigurer une scénographie mortifère à la photogénie aussi prégnante que glaçante.
*Bruno
05.03.19. 4è
18.11.11. 192 vues
Avec plaisir
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