samedi 2 mars 2019

Sur ma peau. Prix ARCA du Meilleur Film, 2018.

                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Sulla mia pelle" de Alessio Cremonini. 2018. Italie. 1h40. Avec Alessandro Borghi, Max Tortora, Jasmine Trinca, Milvia Marigliano, Andrea Lattanzi, Orlando Cinque

Diffusé sur Netflix le 12 Septembre 2018 

FILMOGRAPHIEAlessio Cremonini est un scénariste et réalisateur italien, né en 1973 à Rome en Latium. 2013 : Border. 2013 : Sur ma peau.


Tiré d'une histoire vraie, Sur ma peau relate avec souci de fidélité historique la descente aux enfers du jeune Stefano appréhendé par les carabiniers (gendarmes italiens) pour détention de drogue. Durant sa houleuse garde à vue il est passé à tabac par ces derniers et se retrouve ensuite impuissant à oser les dénoncer. Tant auprès du juge, de l'avocat, des médecins, des infirmiers, des gardiens que de ses propres parents à nouveau désarmés par son éventuelle rechute toxicomane. Ballotté dans divers cellules et centres médicaux, il finit par mourir à l'hôpital dans l'indifférence 1 semaine après son arrestation. Fort d'une mise en scène vériste proche du documentaire et surtout du jeu taciturne d'Alessandro Borghi (Suburra, film et série) d'une modeste expressivité subtilement poignante, Sur ma peau nous laisse en état d'impuissance face à sa lente déliquescence que le cinéaste Alessio Cremonini radiographie avec un humanisme chétif. Tant auprès de son corps contusionné par les coups que de ses impressions morales au confins d'un mutisme dépressif. Si bien que le climat mortifié qu'il nous extériorise avec une désarmante aigreur déteint sur notre propre conscience eu égard de son conditionnement carcéral dénué d'étincelle d'humanité.


A l'exception toutefois d'autres détenus plus tolérants (dont on ne verra jamais le visage) et d'une ou deux infirmières un peu plus empathiques. Quoiqu'il advienne, l'entourage autoritaire (juge, gendarmes, gardiens, médecins) car communément soumis à leur propre déontologie se dispensera le plus couramment d'y faire preuve de discernement, de tolérance et de chaleur humaine face à l'état moribond de Stefano livré au spleen de sa solitude. Ainsi donc, dénonçant sans une once de racolage l'abus de pouvoir de carabiniers cédant parfois aux règlements de compte, les conditions de détention des détenus (tant auprès d'une garde à vue prolongée qu'au sein de leur géole), une juridiction étonnamment arbitraire (le choix d'imposer un avocat d'office à Stéfano ainsi que leur cécité face à ses multiples contusions), la charte draconienne du personnel de garde refusant aux parents de rendre visite à leur fils en soin médical, Alessio Cremonini s'y implique à l'aide d'une vigueur dramatique toujours plus dérangeante. Inévitablement bouleversant lors de son final prévisible d'une incroyable pudeur (tant auprès des derniers instants de la victime recluse que du recueillement des parents en berne), Sur ma peau renchérit dans le sentiment d'injustice à travers les postures monolithiques des médecins (toujours aussi intransigeants de s'opposer à leur règlement) et des carabiniers, notamment lorsque ces derniers annoncent la terrible nouvelle aux parents avec une révoltante absence de bienséance.


A la fois vibrant et douloureux témoignage des conditions carcérales d'un détenu molesté par l'abus de pouvoir, Sur ma peau mine le moral à travers ce fait-divers suffocant expurgé d'humanité dans les plupart des situations de claustration. Intense et vertigineux sous l'impulsion fragile d'Alessandro Borghi, ce dernier pétri d'humilité porte le film à bout de bras avec une acuité émotionnelle aussi timorée que désespérée. Difficile d'y sortir indemne face à la responsabilité policière... 

Dédicace à Mylène Lam
*Bruno

Récompenses: Mostra de Venise 2018 :
Prix ARCA CinemaGiovani du meilleur film pour Alessio Cremonini
Prix FEDIC du meilleur acteur pour Alessandro Borghi
Prix Pasinetti spécial pour Alessandro Borghi et Jasmine Trinca

2 commentaires:

  1. Merci pour cet article. Je ne connaissais pas du tout. Ni l'histoire qui inspire ce long-métrage, ni ce dernier. De quoi avoir très envie de le découvrir...

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