samedi 12 juillet 2025

Rêves Sanglants / The Sender de Roger Christian. 1982. Angleterre. 1h32.


"Une transe douce et clinique, un cauchemar transmis par ondes mentales".
Il n’a pas de nom. On l’appelle John Doe #83. Un garçon éteint, échoué aux abords d’un monde qui n’est plus le sien. Il a tenté de disparaître dans un lac comme on cherche le néant dans un verre d’eau. Mais l’eau l’a recraché. Et nous avec.

Avec Rêves sanglants, Roger Christian glisse une lame fine sous la peau du fantastique. Pas de second degré, pas d’échappatoire, pas de clin d’œil au spectateur. Juste une horreur adulte, froide, troublée. Une douleur blanche, enveloppée dans la lumière blafarde d’un hôpital psychiatrique où l’on scrute la folie comme un phénomène biologique.

Ici, les terreurs ne sortent pas des murs ou des masques grotesques. Elles sortent d’un esprit. Elles s’infiltrent. Elles contaminent.
Car John n’est pas seulement un jeune homme perdu. Il est un émetteur : il projette ses cauchemars dans la tête des autres. Ce qu’il rêve, vous le vivez. Ce qu’il redoute, vous l’endurez. Et ce qu’il a vécu… vous le revivez, en boucle.

Et pourtant, Rêves sanglants n’est jamais vulgaire, jamais complaisant. Pas une goutte de sang inutile. Les visions sont terribles, mais jamais gratuites. Elles dérangent, elles vrillent, elles s’infiltrent comme une pensée intrusive qu’on n’arrive plus à expulser.
Une scène en particulier, d’un choc absurde et effrayant, vous laisse suspendu comme en apnée - l’horreur n’est plus une pulsion, c’est une maladie mentale, une contagion de l’invisible.

Le film se tient droit. Sérieux. Intègre. Froidement sincère.
Sa mise en scène, sobre et chirurgicale, refuse l’esbroufe. Chaque plan est cadré comme un soupçon. Chaque coupe, un fragment de conscience qui bascule. Ce monde est feutré, étouffant, comme si le cauchemar lui-même avait besoin de silence pour s’exprimer.

Et puis il y a Gail, la psychiatre. Incarnée par Kathryn Harrold, au regard doux et solide, elle traverse le film comme une lumière fragile. Ni héroïne, ni figure d’autorité. Juste une présence humaine, calme, rassurante - un point d’ancrage dans ce flux hallucinatoire. Elle tente de comprendre là où d’autres enferment. Elle écoute là où d’autres condamnent. Et c’est peut-être ça qui fait le plus peur : quand la normalité, la tendresse même, se voit contaminée par la psychose d’un autre.

Le film s’engloutit doucement dans un délire où le réel se plie sous la pression du rêve. L’hallucination devient notre nouvelle logique. Plus on approche du cœur du mystère, plus tout devient flou, fissuré, schizophrène. Est-ce que l’on rêve ? Est-ce que l’on est déjà mort ? Ou bien est-ce cela, vivre : subir les visions de ceux qu’on n’a pas su sauver ?

Rêves Sanglants est une œuvre unique, visionnaire, qui a le mérite immense de prendre son sujet au sérieux sans jamais en faire trop. Un pur film de genre à la gravité clinique, aux images inédites, aux frissons silencieux, aux scènes chocs atypiques. Un précurseur oublié, injustement noyé dans le flot des années 80 tapageuses. Il mérite d’être redécouvert. Et respecté.

Un cauchemar sans hurlement. Une onde mentale. Un rêve sanglant, mais sans éclaboussure.

Gratitude Rimini pour cet écrin précieux.

— le cinéphile du cœur noir 🩸

18.05.17
12.07.25. Vost

"The Sender/Deadly Dreams" de Roger Christian. 1982. Angleterre. 1h22. Avec Kathryn Harrold, Željko Ivanek, Shirley Knight, Paul Freeman, Sean Hewitt.

Sortie salles U.S: 22 Octobre 1982.

FILMOGRAPHIE: Roger Christian est un réalisateur et scénariste britannique, né en 1944 à Londres. 1982 : Rêves sanglants. 1985 : Starship. 1994 : Nostradamus. 1995 : The Final Cut. 1996 : Underworld. 1997 : Masterminds. 1999 : Star Wars, épisode I : La Menace fantôme de George Lucas (réalisateur 2e équipe). 2000 : Battlefield Earth - Terre champ de bataille. 2004 : American Daylight. 2004 : Bandido. 2013 : La Malédiction de la pyramide (TV). 2013 : Intuition maternelle (Dangerous Intuition) (TV) . 2013 : Invasion sur la Lune.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire