"Blood Feast : la messe des viscères".
Premier film gore de l'histoire du cinéma, inspiré du théâtre du Grand-Guignol parisien (actif de 1896 à 1963 - année même de réalisation du film qui nous intéresse), Blood Feast joue sans complexe la carte du cinéma d'exploitation à budget miséreux. À l'image de son casting amateur, où figure Connie Mason, vedette du Playboy de l'époque. Et force est de constater que, six décennies plus tard, les effets sanglants artisanaux qui gangrènent le récit conservent leur pouvoir de répulsion : véritable catalogue de démembrements, d’éviscérations, de langues arrachées, d’organes saisis à pleine main, le tout baigné dans un rouge vif, rutilant, éclaboussant. Ces trucages charnels font illusion à travers une certaine intensité émotionnelle aussi fascinante que répugnante.
Du Joe D’Amato avant l’heure, en somme, tant ces séquences dégueulasses s’étalent avec une complaisance viscérale - pour notre bonheur de cinéphile gorasse. La splendide photo en eastmancolor sature à merveille ce rouge cerise éclatant, à travers des décors parfois exotiques, parfois baroques, mais jamais négligeables. Quant à l’intrigue, génialement incongrue, elle convoque la figure d’Ishtar : une ancienne déesse que tente de ressusciter un traiteur égyptien en perpétrant, pour elle, les crimes les plus sordides - rituel d’organes étripés, de membres dérobés, de cannibalisme sacré. Joli programme festoyant.
On s’amuse aussi du théâtre involontaire des comédiens, s’exprimant avec un sérieux outré dans des décors exigus filmés en plans fixes, tandis que la réalisation demeure aussi malhabile qu’approximative. Et pourtant, malgré tous ces défauts bonnards, cette péloche d’1h07 dégage un charme rétro inattendu, une audace visuelle inédite, jamais vue auparavant à l’écran.
Qui plus est - et j’insiste là-dessus car une fois n'est pas coutume - la version française s’avère encore plus ludique, grâce à son score musical récupéré de L’Au-delà de Fulci, signé Fabio Frizzi. À titre d’exemple factuel : la séquence d’arrachage de langue se gorge d’un climat véritablement malsain, alourdi par une sonorité viciée, littéralement brutale, opaque, agressive.
Authentique film culte, aussi surprenant que détonant dans son concentré d’horreur putassière et d’humour noir goguenard, Blood Feast reste une étrange curiosité, dont l’ambiance horrifique, bien plus bis qu’il n’y paraît, gagne une intemporalité éclatante en version française. Même s'il s'agit effectivement d'une contrefaçon, payante selon moi.
*Bruno
3èx. vf
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