(Crédit photo : image trouvée via Google, provenant du site imdb. Utilisée ici à des fins non commerciales et illustratives).
"Et... ta mère aussi! — La gueule de bois du cœur".
S’il m’a fallu quarante minutes pour m’immerger dans cet univers mexicain d’un naturalisme criard, pour m’accoutumer à ce duo de jeunes queutards, trop vulgaires et désinvoltes pour susciter d’emblée la sympathie, Et... ta mère aussi! a peu à peu glissé ses crochets. Jusqu’à ne plus me lâcher. Leur périple autonome, foutraque, brûlé d’insouciance, s’achemine vers une conclusion foudroyante, d’une émotion sèche, presque sentencieuse. Et soudain, tout se rembobine dans l’esprit ébranlé : on reconsidère chaque geste, chaque silence, chaque rire, à la lumière d’un secret inavoué - miroir crissant de notre existence éphémère.
En retraçant le voyage initiatique de Julio et Tenoch, accompagnés de la cousine Luisa, fraîchement trahie par son mari, Alfonso Cuarón (les Fils de l'homme, Gravity, Roma) mise sur la crudité des situations lubriques que se dispute ce trio improvisé. Il en use avec un art consommé de la provocation, parfois franchement malaisante. Un parti pris frontal, monolithique, pour mieux nous happer dans leur introspection fissurée, sous les apparences d’une insouciance tapageuse.
Mais dans cette furie juvénile, dans cette soif d’amour et de sexe consommé sans modération, Et... ta mère aussi! s’attarde avec une minutie presque tendre sur leurs fêlures : êtres marginaux, immatures, erratiques, incapables de fidélité, noyant leur culpabilité dans l’alcool et la drogue, comme pour maquiller leur propre trahison.
Quand bien même les acteurs juvéniles Gael García Bernal et Diego Luna sont aussi inoubliables de spontanéité renversante que la comédienne Maribel Verdú - à la fois fragile, déterminée, et ne baissant jamais les bras pour s’extirper de la sinistrose -, c’est l’alchimie entre eux qui embrase le film. Luisa, accablée par sa trahison conjugale, devient l’élément perturbateur - féminin, tragique - qui les rappelle, malgré eux, à la gravité du réel. Dans leur arrogance adolescente, ses mots, ses gestes, leur tendent le miroir de leur chute.
À la fois dérangeant et troublant par son climat érotique où le sexe, omniprésent, convoque la gêne avec une sourde envie de rédemption, Et... ta mère aussi! déploie un humanisme d’une tendresse fébrile. Trio d’amants à la dérive, ils s’épanouissent dans une liberté brute, sans bornes, qui fait vaciller l’âme autant que le cœur. Une liberté factice, qui laisse place à un vide : celui d’une amitié corrompue, d’un amour avorté, d’un dernier regard.
On quitte la séance avec une méchante gueule de bois - chargée de larmes irréconciliables.
P.S: Public averti.
Récompense: Prix du meilleur scénario lors du Festival de Venise 2002.
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