mercredi 18 février 2015

TERREUR DANS LA NUIT (Night Watch)

                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site ninjadixon.blogspot.com

de Brian G. Hutton. 1973. U.S.A. 1h43. Avec Elisabeth Taylor, Laurence Harvey, Billie Whitelaw, Robert Lang, Tony Britton, Bill Dean, Michael Danvers-Walker, Rosario Serrano, Pauline Jameson, Linda Hayden.

Sortie salles U.S: 10 Août 1973

FILMOGRAPHIE: Brian G. Hutton est un réalisateur et acteur américain, né le 1er Janvier 1935 à New-York, décédé le 19 Août 2014 à Los Angeles.
1965: Graine sauvage. 1966: The Pad and How to use it. 1968: Les Corrupteurs. 1968: Quand les Aigles attaquent. 1970: De l'or pour les braves. 1972: Une belle tigresse. 1973: Terreur dans la Nuit. 1980: De plein Fouet. 1983: Les Aventuriers du bout du monde.


Invisible en France depuis plus de 30 ans, plus précisément depuis sa diffusion sur Antenne 2 un mardi de seconde partie de soirée (fin 70/début 80), Terreur dans la Nuit est ce que l'on peut baptiser une relique oubliée que même les fantasticophiles ont tendance à méconnaître du fait de son extrême rareté. Ayant été terrorisé du haut de mes 12 ans lorsque je le découvris pour la première fois chez ma grand-mère, quelle fut ma stupeur de pouvoir retenter l'expérience 30 ans après ma réminiscence grâce à une aubaine inespérée ! Car aussi (faussement) prévisible que la narration le laisse transparaître, Terreur dans la Nuit puise sa densité dans une intrigue délétère redoutablement sournoise, par l'interprétation désaxée de l'illustre Elisabeth Taylor et par son ambiance tantôt angoissante, tantôt oppressante d'une bâtisse gothique renfermant un horrible secret ! Ellen Wheller, veuve aujourd'hui remariée avec un financier, est en proie à la vision nocturne d'un cadavre ensanglanté situé à la fenêtre d'en face d'une maison abandonnée. Dépêché sur les lieux, la police ne constate aucune effraction ni dépouille. Quelques jours plus tard, elle aperçoit à nouveau une étrange silhouette derrière le volet de la demeure. Est-elle sujette à une grave paranoïa du fait de la disparition accidentelle de son mari infidèle ou simplement le jouet d'une odieuse machination ? Et si l'époux était encore en vie ?


Responsable de deux classiques du film de guerre, Quand les aigles attaquent et De l'or pour les BravesBrian G. Hutton s'essaie ici au genre horrifique dans le contexte du thriller à suspense. Si la trame qui se dessine laisse présager situations éculées par le biais d'une potentielle adultère et de faux coupables, la tournure des évènements adopte une ampleur autrement vénéneuse lorsque Ellen est sur le point de chavirer tout en s'efforçant de faire tomber les masques des éventuels imposteurs ! Sans déflorer plus de détails quant à l'ossature du récit, je peux me permettre de prôner l'intensité de son climat angoissant régie autour de la bâtisse délabrée. Le cinéaste cultivant un goût pour le macabre (notamment ses flashs-back décrivant la vision de cadavres blafards au sein d'une morgue !) et le mystère feutré par l'architecture gothique de couloirs, escaliers et chambres décharnées. Sur ce point, le film s'avère une franche réussite et devrait combler les amateurs d'ambiance opaque tant la scénographie des pièces obscures laisse diluer une atmosphère magnétique sous le témoignage impuissant d'une femme fébrile gagnée par la paranoïa. Quand bien même en externe de cet endroit de hantise, un volet fouetté par le vent n'aura de cesse de la brimer et compromettre la véracité de ses hallucinations. Epaulé d'une partition monocorde discrètement perçante, le film instaure l'efficacité d'un suspense latent rehaussé de la sobriété de comédiens jouant avec l'ambivalence de leur posture interlope. Quand au point d'orgue sardonique, le cinéaste transfigure la tension des rapports de force par l'explosion de violence d'un dénouement aussi terrifiant que sanglant ! Et pour l'époque, on reste encore surpris de la verdeur des crimes sauvagement perpétrés au couteau de cuisine !


Correctement réalisé et mené avec le savoir-faire d'un cinéaste épris d'autorité Hitchcockienne, Terreur dans la Nuit privilégie la photogénie d'une ambiance nocturne tangiblement anxiogène juste avant de nous ébranler lors d'un final paroxystique ! Une petite pépite du thriller horrifique honteusement ignorée en dépit de la prestance névralgique d'Elisabeth Taylor

Toute mon affection au blog Les Pépites du cinéma Bis, B et Z
Bruno Matéï
2èx

mardi 17 février 2015

I Origins

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site en.wikipedia.org

de Mike Cahill. 2014. U.S.A. 1h46. Avec Michael Pitt, Brit Marling, Astrid Bergès-Frisbey, Steven Yeun, Archie Panjabi, Cara Seymour.

Sortie salles France: 24 Septembre 2014. U.S: 18 Juillet 2014

FILMOGRAPHIE: Mike Cahill est un réalisateur, scénariste, producteur et monteur américain, né le 5 Juillet 1979 à New-Haven (Connecticut). 2011: Another Erath. 2014: I Origins


"Chaque personne sur cette planète a des yeux uniques. Chaque oeil abrite son propre univers. Je suis le Dr Ian Grey. Je suis un père, un mari, et un scientifique. Tout jeune, j'ai compris que les appareils photo fonctionnent tout comme l'être humain : ils absorbent la lumière par une lentille et créent des images avec elle. Je me suis mis à photographier le plus d'yeux possible. J'aimerai vous raconter l'histoire des yeux qui ont changé ma vie. Souvenez-vous de ces yeux, souvenez-vous de chaque détail !"

"L'oeil et l'oubli de Dieu".
Déjà remarqué avec Another Earth, primé à Sundance, Mike Cahill s’est à nouveau fait entendre dans les festivals avec son second long, I Origins, auréolé de deux récompenses à Sitges et à Sundance. En dépit d’une sortie timide dans nos salles, ce film indépendant, né de l’esprit d’un cinéaste passionné d’astronomie et d’anticipation, oppose frontalement science et spiritualité à travers le projet improbable d’un jeune savant.

Ian Grey est sur le point de parfaire une théorie capable de contredire l’existence même de Dieu. Au hasard d’une rencontre, il tombe littéralement amoureux d’une inconnue, tout entière tournée vers le spirituel. Un étrange concours de circonstances précipitera leurs destins, remettant en cause les certitudes de Ian, embarqué malgré lui dans un périple initiatique.

À travers le profil de ce scientifique farouchement athée, ne jurant que par les mathématiques pour démystifier la foi, on observe avec ironie la dérision de ses contradictions : lui qui, en manipulant des mutations sur des lombrics aveugles, incarne presque la figure d’un dieu moderne, prêt à blasphémer les lois de la nature ! Drame intimiste, romance et science-fiction se télescopent ici avec une originalité pudique, où Cahill utilise le prétexte de la vision oculaire pour nourrir une réflexion vertigineuse sur la réincarnation, consécutive à une découverte stupéfiante permettant de retracer la postérité de nos disparus.

Loin de tout prosélytisme, le cinéaste privilégie la force des émotions dans une romance lyrique, où l’identité de l’œil - ces fenêtres de l’âme, comme on dit - viendra fissurer le scepticisme du héros. Porté par de jeunes comédiens sobres et convaincants, tant dans leur fonction investigatrice que dans leurs fragilités, le film exerce un pouvoir de fascination, malgré une seconde partie plus prévisible mais tout aussi captivante. Contemplatifs d’une enquête de longue haleine en terre indienne, nous suivons la quête de vérité de Ian, soutenu par sa foi en la science - une foi qui, paradoxalement, pourrait bien bousculer nos doutes comme nos espoirs sur l’existence de l’âme.

Sans céder au pathos, Mike Cahill parvient à nous bouleverser, notamment lors d’un événement dramatique imprévu (évitez absolument le trailer avant visionnage !) et dans ces plages d’onirisme en osmose avec la nature, avant de conclure sur un épilogue d’une bouleversante acuité humaine.


"Reflets dans un oeil d'or".
Avec pudeur, originalité et une émotion contenue, I Origins nous fait voyager à travers la lentille de l’âme, interrogeant la métaphysique et les croyances sans jamais imposer de dogme. Par le prisme du progrès scientifique, Cahill épingle les méthodes froides des savants utopistes qui veulent quantifier l’insondable et défier Dieu. Il en émane une œuvre forte, passionnante, d’une sensibilité discrète mais tenace, portée par un optimisme rédempteur qui nous invite à sonder notre propre identité, à travers cette troublante théorie de la migration de l’âme.

P.S: Ne ratez pas une révélation à la toute fin du générique !

*Bruno
28.06.25.
2èx. Vost

Remerciements à Pascal frezzato et Isabelle Rocton

Récompenses: Meilleur Film au Festival du film de Catalogne, 2014.
Prix Alfred P. Sloan du Meilleur Film au Festival de Sundance, 2014.


lundi 16 février 2015

A la recherche de Mr Goodbar / Looking for Mr. Goodbar

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Richard Brooks. 1977. U.S.A. 2h15. Avec Diane Keaton, Tuesday Weld, William Atherton, Richard Kiley, Richard Gere, Alan Feinstein, Tom Berenger.

Sortie salles France: 29 Mars 1978. U.S: 19 Octobre 1977

FILMOGRAPHIE: Richard Brooks est un réalisateur, scénariste, producteur et romancier américain, né le 18 Mai 1912 à Philadelphie, décédé le 11 Mars 1992 à Beverly Hills. 1950: Cas de conscience. 1952: Miracle à Tunis. 1952: Bas les masques. 1953: Le Cirque Infernal. 1953: Sergent la Terreur. 1954: Flame and the Flesh. 1954: La Dernière fois que j'ai vu Paris. 1955: Graine de Violence. 1956: La Dernière Chasse. 1956: Le Repas de Noces. 1957: Le Carnaval des Dieux. 1958: Les Frères Karamazov. 1958: La Chatte sur un toit brûlant. 1960: Elmer Gantry le charlatan. 1962: Doux oiseau de jeunesse. 1965: Lord Jim. 1966: Les Professionnels. 1967: De sang-froid. 1969: The Happy Ending. 1971: Dollars. 1975: La Chevauchée Sauvage. 1977: A la recherche de Mr Goodbar. 1982: Meurtres en Direct. 1985: La Fièvre du Jeu.


Drame social illustrant un portrait sans concession de l'émancipation sexuelle féminine au coeur des années 70, A la recherche de Mr Goodbar témoigne de la dérive d'une enseignante scolaire, Theresa, célibataire inflexible au goût prononcé pour les aventures nocturnes sans lendemain. Issue d'un milieu catholique enseigné par un père castrateur, elle décide aujourd'hui de s'enfuir du cocon familial pour vivre son indépendance. Au fil de ses rencontres sexuelles avec des rupins infidèles, phallocrates et marginaux, elle se laisse mener par un mode de vie toujours plus instable, à l'instar d'une clientèle toujours frustrée à l'idée de la soumettre, et de l'émergence de la cocaïne au sein des clubs branchés. Comédie douce-amère toujours plus variable au fil du cheminement existentiel de l'héroïne et des désaxés qui l'entourent, A la recherche de Mr Goodbar progresse sa trajectoire vers le sillage du drame sociétal à travers les tabous en vogue de l'avortement, de l'homosexualité, du porno sur pellicule et de la révolution sexuelle. 


Avec humour et gravité, Richard Brooks maîtrise le sujet sans apporter de jugement sur la moralité de l'héroïne et met en relief le malaise d'une société fluctuante où les individus les plus névrosés exploitent sans modération leur nouveau vent de liberté. Outre le dynamisme de sa mise en scène au montage inventif faisant parfois preuve de dérision débridée (par ex mettre en image les délires inconscients de l'héroïne lors de ses fantasmes les plus exubérants) et d'une BO entraînante alternant Soul et Disco, le jeu d'acteurs accentue le rythme narratif par leur stature farouche. Ils doivent beaucoup de l'intensité qui émane de leur mainmise à vouloir régir la vie d'Helena. 

Je pense à la présence galvanisante de Richard Gere dans celui du marginal impudent toujours plus impérieux lors de ses éclairs de violence. Détestable d'orgueil, il invoque la figure du parfait phallocrate englué dans sa paresse et sa médiocrité. 

Pleine de fraîcheur et d'une élégance longiligne, Dianne Keaton lui partage la vedette en posture épicurienne. Une enseignante aussi attachante et studieuse pour la cause d'enfants sourds le jour, que dissolue et toujours plus effarouchée lors de ses nuits lubriques. Une attitude paradoxale d'autant plus édifiante lorsque l'on apprend par sa confidence qu'elle se refuse à enfanter depuis son traumatisme infantile d'une scoliose héréditaire.


Témoignage caustique de la liberté sexuelle des années 70 où les plus marginaux se laissent vaincre par leur insouciance alors que d'autres continuent de se morfondre dans le déni d'identité (l'homosexualité refoulée de Gary), A la recherche de Mr Goodbar intensifie l'empathie dans le portrait douloureux alloué à une enseignante sur la corde raide. Captivant, insolent et toujours plus ombrageux au fil de son cheminement erratique, l'épilogue effroyable (avertissement pour les âmes sensibles) enfonce le clou dans son constat sordide d'une émancipation sacrifiée. Une oeuvre puissante inoubliable. 

Bruno
2èx



samedi 14 février 2015

Tusk

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site imdb.com


de Kevin Smith. 2014. U.S.A. 1h42. Avec Justin Long, Michael Parks, Génesis Rodriguez, Haley Joel Osment, Johnny Depp, Matthew Shively.

Sortie France directement en Dvd: 11 Mars 2015. U.S: 19 Septembre 2014

FILMOGRAPHIE: Kevin Smith est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain né le 2 Août 1970 à Red Bank, dans le New-Jersey (Etats-Unis). 1994: Clerks, 1995: Les Glandeurs, 1997: Méprise Multiple, 1999: Dogma, 2001: Jay et Bob contre-attaquent. 2004: Père et Fille. 2006: Clercks 2. 2008: Zack et Miri font un porno. 2010: Top Cops. 2011: Red State. 2014: Tusk.


« Je ne cherche pas à faire mon Kubrick, bordel. Je parle de faire un film avec un putain de gars dans un costume de Morse. Pour la faire courte, c’est juste dingue à quel point nous sommes malgré tout proche de faire quelque chose de vraiment bon ! »
Kevin Smith


Directement sorti en Dvd, Tusk s'inspire de l'épisode The Walrus and The Carpenter créée par Smith lors d'une série de Podcast. Car c'est suite à l'annonce improbable d'un auditeur (en guise de colocation, proposer à un étudiant d'endosser le costume d'un morse et se comporter à la manière de l'animal durant 2h journalières) que Kevin Smith décide d'emprunter ce challenge sans complexe du ridicule. Le pitch en deux mots: Un médecin misanthrope frappé du ciboulot décide de kidnapper un jeune podcasteur pour le transfigurer en véritable Morse et parfaire sa revanche sur la nature humaine (et s'y racheter une conduite !). 


Un concept sardonique sans doute influencé par la farce scabreuse The Human Centipède (délire assumé d'une redoutable efficacité et d'un sens aiguisé de suggestion dans son dosage humour noir/horreur crapoteuse). Kevin Smith tentant d'émuler provocation malsaine, cruauté perverse et sadique et satire morbide pour mieux nous brimer sans faire preuve de complexe. Or, le cauchemar parfois insoutenable en vaut largement la chandelle, qui plus est saupoudré d'humour ultra noir que Johnny Depp amorce par exemple dans sa défroque pittoresque d'investigateur à l'accent québécois saturé d'un regard bigleux. Son sens de dérision macabre étant un tantinet désamorcé d'une aura malsaine trop lourde à tolérer à travers l'alternance de séquences éprouvantes vues nulle part ailleurs. Car de par la situation inhumaine d'un étudiant opportuniste réduit à une masse difforme de Pinnipède humain, de l'intolérance impartie au savant sadique et du climat poisseux régi autour d'eux car trop dérangeant pour égayer la séquestration, Tusk invoque une terreur sournoise littéralement insupportable de tension dramatique. Sur ce point, et pour l'expérience horrifique sévèrement infligée, Tusk s'avère tout simplement une référence encore plus impressionnante et surprenante qu'Human Centipede tant il exploite (plus) adroitement avec un réalisme cru des séquences chocs bâties sur l'humiliation psychologique, la torture physique, la réflexion identitaire quant aux rapports ici communs victime/bourreau jusqu'à y inverser leur rôle. Une manière goguenarde d'ausculter le comportement humain du point de vue d'un animal hybride bientôt motivé par l'instinct de survie. La considération personnelle du serial-killer, porte-parole de la cause animale, s'avère aussi intéressante dans sa réflexion établie sur la nature humaine (l'homme n'est qu'un loup tributaire de ses instincts de survie, de supériorité et de perversité). Ce qui engendre au final l'expiation du savant afin de se pardonner à lui même son manque de dignité lors d'une situation de survie de par le sort imparti à son sauveur que fut un morse. Michael Parks demeurant inoubliable car habité par son personnage sclérosé doucement retors, tétanisant de folie incongrue dans la peau du tortionnaire hanté par son ancienne condition de souffre-douleur et du remord du sacrifice.


A renfort de provocations couillues (si bien que l'on s'étrangle parfois avec nos rires nerveux), Kevin Smith ose filmer l'immontrable, l'absurdité d'une improbabilité sur le chemin d'une dérision morbide extrêmement grinçante, l'horreur poisseuse monopolisant l'absurdité du propos jusqu'au malaise viscéral pour peu que l'on soit sensible à l'agonie exponentielle d'un animal sans défense. Un délire macabre anthologique au demeurant, infiniment déconcertant, voir même bouleversant, à l'instar de son épilogue sciemment insensé lorsque Kevin Smith continue de surfer sur l'humour grinçant auprès d'une empathie poignante difficilement soutenable. L'expérience horrifique, éprouvante, incommodante, contentera donc aisément l'amateur éclairé d'ambiance licencieuse au risque de vous provoquer un malaise viscéral pour les plus sensibles à la cause animale. Tout bien considéré, l'un des métrages les plus extrêmes des années 2000, voir même de l'histoire du genre horrifique. 
A réserver évidemment à un public averti.

*Bruno
24.08.24.
2èx. Vostfr

jeudi 12 février 2015

Maximum Overdrive

                                                                              Photo empruntée sur Google, incombant au site papystreaming.com

de Stephen King. 1986. U.S.A. 1h38. Avec Emilio Estevez, Pat Hingle, Laura Harrington, Yeardley Smith, John Short, Ellen McElduff, J.C. Quinn.

Sortie salles France: 25 novembre 1987. U.S: 25 juillet 1986

FILMOGRAPHIE: Stephen King est un écrivain et réalisateur américain, né le 21 Septembre 1947 à Portland, dans le Maine des Etats-Unis.
1986: Maximum Overdrive


"Le 19 Juin 1987, à 9h47 du matin, la Terre a traversé la trajectoire de la comète Rhéa-M. Selon les calculs astronomiques, la planète restera dans l'influence de la queue de cette comète pendant exactement 8 Jours, 5 heures, 29 minutes et 23 secondes."

Echec public et critique lors de sa sortie (il rapporta 7 430 000 dollars pour un budget de 9 000 000 !), Maximum Overdrive pâtit de la réputation de son auteur, Stephen King, écrivain de littérature mondialement célébré pour ses écrits fantastiques souvent inscrits dans la modernité de notre quotidien. Passé derrière la caméra pour la première fois de sa carrière sous la houlette du producteur Dino De Laurentiis, il se réapproprie une de ses nouvelles de Danse Macabre pour mettre en scène une série B maladroite (réalisation, montage sporadiques) dénuée de surprise hormis un postulat de départ alléchant et la trogne sympathique d'acteurs de seconde zone (Emilio Estevez monopolise la tête d'affiche en porte-drapeau altruiste). 

Synopsis: A la suite du passage d'une comète autour de la terre, toutes nos machines industrielles se transforment en arme de destruction incontrôlée avec comme unique fonction de nous détruire. Durant plusieurs jours, une poignée de rescapés d'un relais routier tente de survivre contre l'autorité des poids-lourds erratiques.



Démarrant sur les chapeaux de roue avec une succession d'incidents techniques aussi inventifs que jouissifs (le distributeur de banque et de boisson, l'ouverture du point-levis, le couteau électrique), Maximum Overdrive débute en fanfare lorsque les machines déréglées s'unifient pour perpétrer des exactions improbables sous influence extra-terrestre. Alternant humour noir et action spectaculaire, le récit redouble d'audace et d'insolence (citadins écrabouillés par des véhicules à moteur, marmot écrasé par un rouleau compresseur, chien retrouvé la gueule déchiquetée par le jouet d'une voiture électrique) à mettre en valeur des situations alertes où nombre de quidams vont sévèrement trinquer ! Durant 45 minutes, Stephen King réussit donc avec assez d'efficacité à miser sur l'enchevêtrement de ces situations de panique à renfort de poursuites automobiles, explosions dantesques et agressions sanglantes. Là ou la machine va s'enrayer, c'est lorsque l'action se confine paresseusement en interne du relais pour adopter une démarche de routine beaucoup moins attractive. De par les échanges amoureux impartis au couple de héros, de l'impériosité mesquine du tenancier sans vergogne et des bavardages inutiles entamés entre une clientèle superficielle. Quand à la stratégie adoptée par Bill (traverser les tuyaux d'écoulement avec l'appui d'un bénévole pour secourir une éventuelle victime située à l'autre bout du relais), elle s'avère finalement peu haletante dans sa coordination et peu intense pour l'enjeu humain, même si la découverte d'un gamin débrouillard va relancer quelques péripéties héroïques. Dénué de surprises, Stephen King tente donc de pallier la maigreur de son intrigue par des séquences d'actions souvent spectaculaires (à l'instar de son final - à la limite du ridicule - lorsque nos rescapés sont contraints de faire le plein sous l'allégeance des poids-lourds) et d'autant mieux scandées du hard-rock électrique du groupe AC/DC ! Quand à l'attitude pugnace du héros sombrant peu à peu dans une dépression passagère, Stephen King n'apporte aucune empathie ni densité pour l'évolution soudaine de son comportement hors d'haleine !


Avec un pitch aussi original que prometteur dénonçant la prolifération de nos technologies modernes (ici, une menace extra-terrestre aiguillant nos propres machines pour nous enrayer !) et l'autorité d'un illustre écrivain passé derrière la caméra, Maximum Overdrive avait de sérieux atouts pour combler l'attente du spectateur. Mal exploité, sans surprises et parfois grotesque, mais récupéré du fun des scènes homériques ou sanglantes, de son ambiance perméable et de la bonhomie d'acteurs cabotins, il reste aujourd'hui un plaisir innocent aussi sympatoche que décomplexé sous l'impulsion oh combien entêtante du groupe AC/DC.

*Bruno
30.04.25. VF

mercredi 11 février 2015

SAMBA

                                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site inthemoodlemag.com

de Eric Toledano et Olivier Nakache. 2014. France. 2h00. Avec Omar Sy, Charlotte Gainsbourg, Tahar Rahim, Izïa Higelin, Youngar Fall, Isaka Sawadogo, Hélène Vincent.

Sortie salles France: 15 Octobre 2014

FILMOGRAPHIE: Olivier Nakache est un réalisateur, scénariste et acteur français, né à Suresnes le 14 Avril 1973. Il travaille souvent en coréalisation avec Eric Toledano. Il est le frère de l'actrice Géraldine Nakache.
Eric Tolédano est un réalisateur, scénariste, acteur et dialoguiste français né le 3 juillet 1971 à Paris. Il travaille régulièrement avec Olivier Nakache sur l'écriture et la réalisation de longs-métrages.
2005: Je préfère qu'on reste amis... 2006: Nos jours heureux. 2009: Tellement proches. 2011: Intouchables. 2014: Samba


Trois ans après le phénomène Intouchables, le duo Eric Toledano/Olivier Nakache renoue avec la comédie sociale sans se laisser influencer par la facilité de la déclinaison. Samba privilégiant les rapports amoureux entre un jeune sénégalais en situation irrégulière et une cadre dépressive en voie de convalescence. Cumulant les p'tits boulots et le travail au noir, Samba est contraint d'exercer l'illégalité, notamment en falsifiant de faux papiers, afin de tenter de se faire une place dans une France gagnée par le chômage et l'immigration de masse. Avec l'appui d'un comparse arabe également en situation illégale, il va tenter de conquérir le coeur d'Alice tout en essayant de se construire une vie sociale décente.


Si la nouvelle présence d'Omar Sy et le retour du duo gagnant Toledano/Nakache laissait craindre une resucée d'Intouchables, ces derniers sont loin de s'être laissés distraire par leur notoriété pour bâtir une nouvelle comédie dramatique axée sur la condition précaire des sans-papiers. Si l'aspect irrésistiblement comique de leur précédent succès avait su faire preuve de subtilité pour traiter également avec émotion poignante l'inattendue complicité entre un aristocrate paraplégique et un jeune délinquant, Samba change littéralement de registre pour s'orienter plutôt vers la romance et la cocasserie de situations intimistes inscrites dans le cadre d'un quotidien blafard. Bien que le rythme de la narration pâti parfois de légers signes d'essoufflement, la bonhomie attachante des personnages en quête d'insertion sociale et de fondation amoureuse, et la sincérité des cinéastes à ne pas les confiner dans le misérabilisme ou le sentimentalisme, réussissent à combiner une aventure humaine inscrite dans les instants de tendresse, d'amitié (Tahar Rahim prêtant sa confiance avec une spontanéité expansive dans celui de l'acolyte serviable !) et d'appréhension pour l'exclusion. Outre la posture naturelle d'un Omar Sy plein de doute et de précarité dans sa fonction clandestine d'immigré (un rôle à contre-emploi du boute-en-train d'Intouchables), Samba est également illuminé par la personnalité fragile de Charlotte Gainsbourg. Endossant la position timorée d'une cadre supérieure aujourd'hui reconvertie en bénévolat chez les sans-papiers, l'actrice dégage une sensualité prude dans la suavité de ses sentiments. A travers leur complicité fébrile sans cesse repoussée par l'hésitation, Samba transmet non sans fioriture leurs vicissitudes humaines parmi le réalisme de confrontations tantôt cocasses, tantôt dramatiques, à l'instar de son final poignant où perce une émotion douloureuse.


Retenue, réalisme et sincérité sont les maîtres mots du duo Toledano/Nakache d'avoir su illustrer avec légèreté la rédemption amoureuse d'un sénégalais sans papier avec une notable dépressive, tout en portant témoignage à la difficile insertion de ces immigrés souvent contraints de frauder pour se faire une maigre place dans l'hexagone. Outre la simplicité des séquences intimistes et d'autres plus enjouées (la soirée dansante improvisée sur un tube de reggae !), la participation harmonieuse des comédiens accordent sans outrance leur soutien au récit initiatique de Samba, notamment lors de petits instants de poésie !

Bruno Matéï 



mardi 10 février 2015

Housebound. Grand Prix, NIFF 2014, Prix du Public, FEFFS 2014.

                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site addictedtohorrormovies.com

de Gerard Johnstone. 2014. Nouvelle-Zélande. 1h49. Avec Morgana O'Reilly, Rima Te Wiata, Glen-Paul Waru, Cameron Rhodes, Ross Harper, Ryan Lampp.

Sortie salles Nouvelle-Zélande: 4 Septembre 2014. U.S: 17 Octobre 2014

Récompenses: Grand Prix au NIFFF 2014 et du Prix du Public au FEFFS 2014,

FILMOGRAPHIE: Gerard Johnstone est un réalisateur et scénariste néo-zélandais,
2008/09: The jaquie brown diaries (Serie TV). 2014: Housebound 

 
"Housebound ou l’art de piéger le fantôme et sa mère".
Inédit en salles en France malgré son Grand Prix au NIFF et son Prix du Public au FEFFS, Housebound est une production néo-zélandaise détonante, télescopage frondeur de comédie pittoresque, de thriller criminel et d’horreur gothique. Inscrit dans une débrouillardise cérébrale, soutenu par une intrigue riche en rebondissements impromptus, Housebound agit comme une attraction foraine : une énergie communicative pulse, alimentée par des protagonistes qui manient la dérision avec une vigueur mordante.

Pitch: Après le braquage raté d’un distributeur, la jeune délinquante Kylie se voit condamnée au bracelet électronique et contrainte de réintégrer, pour huit mois, le giron maternel. Quand elle surprend sa mère confesser à la radio que la maison serait hantée, Kylie découvre à son tour que d’étranges phénomènes sapent la tranquillité domestique.

Modeste entreprise façonnée dans le moule de la série B, Housebound renoue avec l’éclat des premières œuvres bricolées, fort d’une sincérité palpable pour le(s) genre(s) et de trouvailles retorses qui privilégient l’estocade narrative à l’esbroufe racoleuse. Grâce à l’habileté d’un scénario échevelé et à la fougue de personnages aussi décalés que maladroits, le récit nous surprend sans relâche : simulacres, subterfuges, faux coupables et volte-faces émaillent son parcours. Recyclant les codes éculés de la maison hantée et du thriller criminel (jusqu’à l’ombre d’un serial killer), Housebound époussette ces mythes dans un esprit tour à tour burlesque et poignant — son final arrache même une émotion sincère lorsque l’héroïne se heurte à sa propre caricature sous forme de dessins.

Sans éventer l’enquête surnaturelle menée avec son agent de probation, le film exploite avec malice le faux-semblant, tissant une mosaïque de situations toujours plus cartoonesques — la dernière partie s’emballe en une cavalcade meurtrière, truffée de chausse-trappes ! En filigrane, Gerard Johnstone glisse une réflexion sociale sur le rôle pédagogique du parent face à l’errance d’un mineur révolté. Sous couvert de divertissement, il exalte l’initiation à la tolérance et à l’estime de soi, quand une marginale s’arme de sagacité et de bravoure (soutenue par sa mère !) pour dissiper l’incompréhension.

"Bracelet, fantômes et chausse-trappes".
Conjuguant dans un même écrin gothique comédie, horreur et thriller, Housebound orchestre un suspense exponentiel grâce à un montage vigoureux et à l’audace de ses personnages. Il en jaillit un divertissement décoiffant : pochette-surprise d’une savoureuse satire sur la discorde familiale et l’apprentissage de la confiance.

Bruno

12.06.25. 2èx. Vost 


lundi 9 février 2015

HONEYMOON

                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site rhinoshorror.com

de Leigh Janiak. 2014. U.S.A. 1h27. Avec Rose Leslie, Harry Treadaway, Ben Huber, Hanna Brown

Sortie US uniquement en Vod: 12 Septembre 2014

FILMOGRAPHIE:  Leigh Janiak est un réalisateur et scénariste américain.
2014: Honeymoon


Première réalisation de Leigh Janiak après sa sélection officielle à Gérardmer 2015, Honeymoon relate la lune de miel d'un couple d'amoureux dans un chalet champêtre. En plein milieu de la nuit, Paul surprend sa compagne Bea égarée dans la forêt. Prétextant une crise de somnambulisme, le couple tente d'oublier cet étrange incident. Mais au fil des jours, Paul commence à suspecter l'humeur versatile de son épouse, notamment ses pertes de mémoire inexpliquées. 


Production indépendante au budget minimaliste et constitué essentiellement de deux acteurs (si on épargne le 1er quart-d'heure !), Leigh Janiak emprunte la voie du huis-clos à partir d'un concept horrifique subtilement amené et à l'intersection de la science-fiction (les flashs de lumières aveuglantes que Paul observe de la fenêtre de sa chambre en cours de nuit !). Accordant toute son importance à la caractérisation humaine des deux protagonistes, Honeymoon puise sa force dans la remise en question du couple d'amoureux pris à parti avec une situation improbable et ne cessant de se contredire pour la quête de vérité. S'attardant dans un premier temps à surligner leur rapport affectueux dans des moments intimistes de tendresse et de vivacité, nous nous éprenons inévitablement de compassion avant que leur déchéance morale ne viennent nous tourmenter par leur discorde quotidienne toujours plus fébrile. Autour des ces rapports houleux, un climat anxiogène se fait toujours plus pesant lorsque Paul va rapidement déceler que le comportement farouche de son épouse risque de nuire à son état mental (notamment sa défaillance cognitive). Grâce au jeu naturel des comédiens alternant la fraîcheur de leur complicité et la contraction de la méfiance, l'intrigue suggère une inquiétude toujours plus tangible au fil de péripéties de plus en plus pessimistes. Tout l'intérêt résidant dans son suspense progressif et le climat oppressant d'observer méticuleusement leur déchéance morale face à une énigme inexpliquée. En prime, par le biais du refus du happy-end et un désir jusqu'au-boutiste de confronter ces amants au seuil de la folie, le point d'orgue, cauchemardesque et viscéral (une séquence malsaine pourrait d'ailleurs évoquer aux fans du genre un moment anthologique d'X-tro, sans compter son image finale !) risquera d'en dérouter plus un. 


En dépit d'un final irrésolu laissé en suspens (une manière autrement audacieuse d'entretenir le mystère !) et risquant de diviser une partie du public, Honeymoon s'avère suffisamment captivant, anxiogène et cauchemardesque par l'esthétisme de sa nature en demi-teinte (sérénité et opacité de la flore se confondent pour perdre nos repères !), et surtout par sa subtile mise en scène préconisant l'intensité d'un jeu d'acteurs inscrits dans la fougue des sentiments et l'emprise paranoïaque. Une découverte intéressante, honnête échantillon d'un Fantastique éthéré. 

Remerciement à Jacques Coupienne
Bruno Matéï


vendredi 6 février 2015

LE MANOIR DE LA TERREUR (The Blancheville Monster - Horror Castle - Horror - Demoniac)

                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site horrorpedia.com

d'Alberto De Martino. 1963. Italie/Espagne. 1h27. Avec Gérard Tichy, Leo Anchoriz, Ombretta Colli, Helga Liné, Iran Eory, Vanni Materassi, Francisco Moran.

Sortie Salles Italie: 6 Juin 1963. Espagne: 18 Mai 1964.

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Alberto De Martino est un réalisateur et scénariste italien, né le 12 Juin 1929 à Rome.
1962: Les 7 Gladiateurs. 1963: Persée l'Invincible. 1963: Le Manoir de la Terreur. 1964: Le Triomphe d'Hercule. 1964: Les 7 Invincibles. 1966: Django tire le premier. 1967: Opération frère Cadet. 1968: Rome contre Chicago. 1969: Perversion. 1972: Le Nouveau Bosse de la Mafia. 1974: L'Antéchrist. 1977: Holocaust 2000


Inédit en salles en France mais sorti en Vhs au début des années 80 sous le titre Demoniac, Le Manoir de la terreur est ce que l'on peut citer une "perle gothique" du cinéma transalpin que l'éditeur Artus Films nous fait l'honneur d'exhumer via une édition Dvd de qualité. Prévenons tout de suite les amateurs néophytes de ne pas confondre avec le sympathique nanar Le Manoir de la Terreur réalisé en 1981 par Andréa Bianchi, puisqu'en l'occurrence il s'agit d'une oeuvre préalablement tournée en 1963 sous l'égide du vénérable Alberto De Martino (l'Antéchrist, Holocaust 2000). Accompagné de son ami, Emily part rendre visite à son frère auquel il est devenu propriétaire d'un château depuis la mort accidentelle de son père lors d'un incendie. Sur place, outre l'accueil froid de son confrère, elle établit la rencontre suspicieuse du majordome, de la gouvernante et du nouveau praticien. Un soir, des hurlements se font écho dans la nuit ! Son père serait finalement en vie secrètement caché dans l'enceinte du château, quand bien même Emilie va se retrouver confrontée au sacrifice pour le compte d'une prédiction ! 


Véritable bijou du Bis Gothique injustement méconnu et déconsidéré à son époque, Le Manoir de la Terreur fait la part belle à l'univers d'Edgar Allan Poe par son atmosphère lugubre ensorcelante régie autour de monuments historiques, et pour certains thèmes judicieux exploités au cinéma de cette époque (je pense particulièrement à Roger Corman pour La Chute de la Maison Usher et à L'Enterré Vivant). Transfiguré par un superbe noir et blanc contrastant avec l'architecture du manoir situé à proximité d'une abbaye en ruine et d'une chapelle, la nature environnante est également à l'appel pour nous enivrer dans sa facture étrangement poétique (à l'instar de cette forêt décharnée ou des songes obsédants fantasmés par Emilie !). Avec une volonté de styliser le cadre gothique, Alberto De Martino y compose parfois des tableaux d'un onirisme enchanteur (Emilie, hypnotisée par le monstre, traverse durant la nuit, telle un fantôme vêtu de blanc, une allée du château pour rejoindre l'abbaye et y contempler sa tombe !). Outre l'intensité de son climat ombrageux auquel le film baigne avec volupté, Le Manoir de la Terreur est rehaussé d'une intrigue criminelle machiavélique brouillant les pistes à souhait pour mieux nous égarer dans un dédale de faux coupables et simulacres. Alberto De Martino se délectant à nous manipuler dans la caractérisation insidieuse de protagonistes cachottiers tout en utilisant les ressorts dramatiques de victimes tourmentées et molestées. Alors que durant sa dernière partie davantage oppressante, les rôles vont subitement s'inverser pour enfin lever le voile sur le véritable traître et percer le mystère entourant la prophétie des Blackford. 


Sobrement interprété par des comédiens au charisme aristocratique jusqu'aux moindres seconds-rôles (je ne suis pas prêt d'oublier la posture rigide et le regard reptilien de la gouvernante endossée par Helga Liné) et réalisé avec brio dans l'esthétisme gothique d'un noir et blanc immaculé, Le Manoir de la Terreur se permet surtout de fignoler un suspense retors autour d'une conspiration habilement détournée ! Un des plus beaux trésors de la bannière Artus Films et sans nul doute un des meilleurs films de son auteur. 

Remerciement à Artus Films
Bruno Matéï


jeudi 5 février 2015

LE CHAT A 9 QUEUES (Il gatto a nove code)

                                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site pariscine.com

de Dario Argento. 1971. France/Allemagne/Italie. 1h51. Avec Karl Malden, James Franciscus, Cinzia de Carolis, Catherine Spaak, Pier Paolo Capponi, Horst Frank, Rada Rassimov.

Sortie salles France: 11 Août 1971. Italie: 11 Février 1971

FILMOGRAPHIE: Dario Argento est un réalisateur et scénariste italien né le 7 septembre 1940, à Rome (Italie). 1969: l'Oiseau au plumage de Cristal, 1971: Le Chat à 9 queues, Quatre mouches de velours gris, 1973: 5 Jours à Milan, 1975, Les Frissons de l'Angoisse, 1977: Suspiria, 1980: Inferno, 1982: Ténèbres, 1985: Phenomena, 1987: Opera, 1990: 2 yeux Maléfiques, 1993: Trauma, 1996: Le Syndrome de Stendhal, 1998: Le Fantome de l'Opéra, 2001: Le Sang des Innocents,2004: Card Player, 2005: Aimez vous Hitchcock ?, 2005: Jennifer (épis Masters of Horror, sais 1), 2006: J'aurai leur peau (épis Masters of Horror, sais 2), 2006: Mother of Tears, 2009: Giallo, 2011: Dracula 3D.


"Un chat à neuf queues est un instrument de torture - un fouet - composé d'un manche de bois de 30 à 40 cm de long auquel sont fixées neuf cordes ou lanières de cuir d'une longueur qui varie de 40 à 60 cm dont chaque extrémité mobile se termine par un nœud."

Deuxième volet de sa trilogie animalière, le Chat à 9 queues possède une facture américaine imposée par son distributeur de même nationalité depuis l'énorme succès de l'Oiseau au plumage de Cristal, Argento étant chargé de recruter deux acteurs dont ses choix se porteront sur Karl Malden et James Franciscus. Mais ce n'est pas tout, alors que le cinéaste souhaitait à l'origine l'actrice italienne Tina Aumont pour endosser un des premiers rôles, son producteur réfute sa proposition pour lui imposer l'illustre Catherine Spaak. C'est aussi en raison de ces discordes qu'Argento ne porte pas trop dans son coeur le Chat à 9 QueuesAprès la découverte d'un gardien assassiné dans un institut de recherche génétique, un aveugle et un journaliste décident de s'associer pour enquêter sur cet homicide ainsi que le mystérieux vol d'un dossier concernant des chromosomes exclusifs. Alors que d'autres meurtres compliquent leur investigation, de potentiels suspects et l'indice d'une médaille commencent à porter leur fruit. 


Si on peut facilement admettre que Le Chat à 9 Queues s'avère en effet le plus faible de la trilogie, l'intrigue (inaboutie) s'avère suffisamment ombrageuse, parfois tendue (le dernier tiers multipliant rebondissements alertes dans une progression du suspense maîtrisée !), émaillé de meurtres stylisés (les strangulations sont très impressionnantes dans leur crudité assumée !) ou spectaculaires (l'éviction d'une victime sur les rails d'un train, la chute d'une autre dans le couloir câblé d'un ascenseur) et parfaitement interprétée (Malden et Franciscus se complètent à merveille dans leur fonction d'investigateurs scrupuleux) pour emporter l'adhésion. Et cela en dépit de conventions du genre policier, d'un humour potache dispensable et d'un rythme parfois défaillant, principalement sa première partie un peu trop conformiste (à l'instar de cette poursuite urbaine inutile perpétrée contre une patrouille de policiers). Au-delà de l'originalité de son énigme (le concept scientifique du gêne Y double permettant de démasquer plus facilement les assassins violents !) évoluant autour des tabous homosexuels et incestueux et multipliant potentiels coupables et fausses pistes, on retiendra surtout du Chat à 9 queues ces 45 dernières minutes savamment palpitantes dans ses péripéties accordées et son suspense infaillible. A l'instar de cette visite nocturne empruntée dans le caveau d'un cimetière, ou lors de la traque du tueur imposée sur les toits d'un immeuble ! Des séquences angoissantes, violentes et réalistes dont le clou de la cruauté culmine avec le kidnapping d'une fillette molestée devant nos yeux ! 


En dépit de ses défauts précités (notamment ce rythme sporadique d'une enquête en dent de scie) et du manque de motivation de la réalisation (même si l'on reconnait en intermittence la patte du maestro), le Chat à 9 queues s'avère néanmoins attachant, atmosphérique et davantage captivant, comme le souligne le sublime score de Morricone avec candeur mélancolique. 

Bruno Matéï
3èx

Ci-dessous, les chroniques des 2 autres volets:
Oiseau au Plumage de Cristal (l'): http://brunomatei.blogspot.com/2011/12/loiseau-au-plumage-de-cristal-luccello.html

mercredi 4 février 2015

L'HOMME QUI RETRECIT (The Incredible Shrinking Man)

                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmsduparadoxe.com

de Jack Arnold. 1957. U.S.A. 1h21. Avec Grant Williams, Randy Stuart, April Kent, Paul Langton, Raymond Bailey, William Schallert.

Sortie salles France: 17 Mai 1957. U.S: Avril 1957

Récompenses: Prix Hugo du meilleur film en 1958.

FILMOGRAPHIE: Jack Arnold est un réalisateur américain, né le 14 Octobre 1916, décédé le 17 Mars 1992.
1950: With These Hands. 1953: Le Crime de la semaine. 1953: Filles dans la nuit. 1953: Le Météore de la nuit. 1954: l'Etrange Créature du lac noir. 1955: La Revanche de la créature. 1955: Tornade sur la ville. 1955: Tarantula. 1955: Crépuscule Sanglant. 1956: Faux Monnayeurs. 1957: l'Homme qui Rétrécit. 1957: Le Salaire du Diable. 1958: Le Monstre des abîmes. 1958: Madame et son pilote. 1959: Une Balle signé X. 1960: La Souris qui rugissait. 1961: l'Américaine et l'amour. 1964: Pleins phares. 1969: Hello Down There. 1975: The Swiss Conspiracy.


Grand classique de la science-fiction au pouvoir de fascination prégnant, à l'instar du Voyage Fantastique de Richard Fleischer, L'Homme qui Rétrécit relate les vicissitudes de Scott Carey, un homme subitement atteint de miniaturisation après avoir été incidemment aspergé d'un pesticide et après être passé sous un nuage radioactif en mer. Ayant effectué divers examens pour se rassurer, les médecins impuissants n'ont aucun recours pour le soigner. Confiné dans une maison miniature que son épouse a aménagé à l'intérieur de leur foyer, Scott finit par rencontrer l'hostilité du chat, faute de son rétrécissement régressif, et se retrouve coincé dans la cave après leur altercation. Destiné à survivre dans ce gigantesque endroit caverneux, il va tenter par tous les moyens de regagner l'issue de secours pour alerter son épouse, et en dépit de sa dégénérescence physique. 


Film d'aventures fertile en rebondissements et redoutablement efficace dans sa succession de revirements cauchemardesques, (l'inondation dans la cave, l'escalade des escaliers, le piège à rat, puis les affrontements périlleux entrepris avec un chat ou une araignée rendus géants sous les yeux du héros), L'Homme qui rétrécit redouble d'intensité et de réalisme face à son concept délirant de miniaturisation humaine. A l'aide d'effets spéciaux simplistes mais souvent adroits et parfois très impressionnants, le film réussit à alterner l'amusement et l'inquiétude exponentielle lorsque le héros, toujours plus petit, est contraint de survivre dans un nouvel environnement qu'il ne reconnait plus. Notamment lorsqu'il est confronté à cette loi du plus fort lorsque la taille de l'ennemi, disproportionnée, profite de sa prétention physique pour mieux écraser le plus faible ! Jouissif en diable par son action trépidante et ses trucages délirants de maquettes grandioses, mais également pessimiste et abrupt dans le cheminement désespéré du héros toujours plus infime, l'Homme qui Rétrécit amène une réflexion spirituelle sur notre place dans l'univers lorsqu'un nouveau monde s'ouvre à nous. Par le courage, la persévérance et le dépassement de soi d'affronter des épreuves de survie, notre héros finit pas accepter son destin dans sa condition infinitésimale, avec comme éthique existentielle que l'incroyablement petit et l'incroyablement grand sont étroitement liés au cercle de l'infini.  


Chef-d'oeuvre écolo fustigeant les dangers de la radioactivité et celle de la pollution, plaidoirie pour le droit à la différence, réflexion métaphysique sur notre poste dans l'univers, l'Homme qui Rétrécit épouse autant la carte du divertissement roublard à travers ces morceaux d'anthologie aussi réalistes qu'intenses, et auprès de la dimension humaine du héros livré à une solitude finalement optimiste (perdurer au-delà du néant par l'infiniment petit !). 

Bruno Matéï
3èx

mardi 3 février 2015

Baron Blood / Baron Vampire /Gli orrori del castello di Norimberga

                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Wikipedia

de Mario Bava. 1972. Italie/Allemagne de l'Ouest. 1h38 (Italie) / 1h30 (U.S.A.). Avec Joseph Cotten, Elke Sommer, Massimo Girotti, Rada Rassimov, Antonio Cantafora, Umberto Raho, Luciano Pigozzi.

Sortie salles Italie: 25 Février 1972

FILMOGRAPHIE: Mario Bava est un réalisateur, directeur de la photographie et scénariste italien, né le 31 juillet 1914 à Sanremo, et décédé d'un infarctus du myocarde le 27 avril 1980 à Rome (Italie). Il est considéré comme le maître du cinéma fantastique italien et le créateur du genre dit giallo. 1946 : L'orecchio, 1947 : Santa notte, 1947 : Legenda sinfonica, 1947 : Anfiteatro Flavio, 1949 : Variazioni sinfoniche, 1954 : Ulysse (non crédité),1956 : Les Vampires (non crédité),1959 : Caltiki, le monstre immortel (non crédité),1959 : La Bataille de Marathon (non crédité),1960 : Le Masque du démon,1961 : Le Dernier des Vikings (non crédité),1961 : Les Mille et Une Nuits,1961 : Hercule contre les vampires,1961 : La Ruée des Vikings, 1963 : La Fille qui en savait trop,1963 : Les Trois Visages de la peur, 1963 : Le Corps et le Fouet, 1964 : Six femmes pour l'assassin, 1964 : La strada per Fort Alamo, 1965 : La Planète des vampires, 1966 : Les Dollars du Nebraska (non crédité), 1966 : Duel au couteau,1966 : Opération peur 1966 : L'Espion qui venait du surgelé, 1968 : Danger : Diabolik ! , 1970 : L'Île de l'épouvante ,1970 : Une hache pour la lune de miel ,1970 : Roy Colt et Winchester Jack, 1971 : La Baie sanglante, 1972 : Baron vampire , 1972 : Quante volte... quella notte, 1973 : La Maison de l'exorcisme, 1974 : Les Chiens enragés,1977 : Les Démons de la nuit (Schock),1979 : La Venere di Ille (TV).


Un an après son chef-d’œuvre La Baie sanglante, Mario Bava retourne au gothique avec Baron Blood, librement inspiré de L’Homme au masque de cire et du Fantôme de l’Opéra. Tourné en cinq semaines dans la région d’Autriche, le récit relance les méfaits du sinistre baron Otto Von Kleist, depuis qu’un couple imprudent a osé invoquer ses malédictions enfouies par le biais d’un parchemin. Autrefois bourreau sadique des villageois, sa dernière victime - une sorcière - lui jura vengeance avant de périr sur le bûcher. Accueilli par son oncle dans un château promis aux enchères, Peter Kleist et sa compagne Eva Arnold deviennent à leur tour témoins des exactions du baron, avant de chercher refuge et délivrance par l’entremise d’une médium. Ce drôle de scénario, brassant quelques échos du Masque du Démon et de la Chambre des Tortures, souffre parfois de situations convenues : visites guidées interminables et poursuites prévisibles entre le monstre et ses proies.


Non exempt d’incohérences (comment le baron peut-il changer à sa guise d’apparence ? N’était-il pas condamné à souffrir sous son masque difforme ?), Bava parvient pourtant à entretenir le doute sur l’identité du spectre, tout en peaufinant l’ambiance crépusculaire d’un manoir gothique saturé de lumières irréelles. Passé maître pour transcender une scénographie macabro-sensuelle, le cinéaste déploie une fois encore son talent, armé d’un sens esthétique à fleur de peau. En prime, impossible de ne pas sourire devant le faciès vérolé du baron, ressemblant à s’y méprendre à une tarte à pizza, génialement putrescente, rongée par les siècles. Serti d’un score rétro typiquement latin signé Stelvio Cipriani, Baron Blood fascine à sa manière, maintenant l’intérêt grâce à ce climat funèbre, parfois ponctué de morts brutales surgies des instruments de torture (le cercueil hérissé de pointes acérées laissant un souvenir mordant). Et si l’intrigue piétine ici ou là, ces sautes de rythme se pardonnent aisément tant la bonhomie des personnages, la folie du dénouement et surtout l’icône morbide du baron captivent dans cette bisserie inattendue, dotée d’un modernisme visuel et expressif aussi audacieux que singulier.


Indubitablement attachant, ludique, fascinant - tout du moins pour l’amateur éclairé - Baron Blood exhale un délicieux parfum vintage autour de son icône torturée et de l’architecture alambiquée de son château autrichien, filmé sous tous les angles avec un art baroque d’une inventivité inépuisable. Sans oublier la nature et le village fantasmatiques (splendide poursuite nocturne noyée de brume), hantés par l’entité d’une sorcière qui crève l’écran de sa présence transie. À réhabiliter.

*Bruno
10.02.24. 4èx