vendredi 23 mars 2012

Les Tueurs fous / Le Sexe de la Violence (Lonely Killers / Quando il pensiero diventa crimine)


de Boris Szulzinger. 1972. France/Belgique. 1h14. Avec Dominique Rollin, Roland Maden, Georges Aminel, Christian Barbier, Patricia Cornelis, Georges Aubert, Marc Audier, Marc De Georgi, Jean Droze, Daniel Dury, Franz Gouvy.

FILMOGRAPHIE: Boris Szulzinger est un réalisateur et producteur belge.
1969: Nathalie après l'amour (pseudo: Michael B. Sanders). 1972: Les tueurs fous. 1975: Tarzoon, la Honte de la jungle (co-réalisé avec Picha). 1980: Mama Dracula


Boris Szulzinger serait resté un cinéaste belge méconnu s'il n'eut co-réalisé le film d'animation égrillard, Tarzoon, la Honte de la jungle d'autant plus que sa carrière énumère uniquement quatre longs-métrages. Ainsi donc, en 1972 sort dans l'indifférence générale une oeuvre choc retraçant le fait divers sordide d'un duo de malfrats perpétrant d'horribles méfaits meurtriers dans la contrée de Bruxelles. Les tueurs fous, également connu sous le titre Le Sexe de la Violence, se décline en petite bande déviante fort peu connue du public mais à découvrir d'urgence tant elle retrace avec réalisme glaçant l'équipée sanglante d'un tandem marginal englué dans leur médiocrité. Le pitchDeux jeunes délinquants prennent les armes pour abattre n'importe quel individu frayant leur chemin. En totale insouciance et dans une quête libertaire immorale, Dominique et Roland fuient leur ennui en perpétrant leur sale besogne entre deux rencontres impromptues avec des citadins besogneux.  


Dans la lignée des portraits abrupts de serial-killer tristement notoires, filmé à l'instar d'un reportage, Les Tueurs Fous nous retrace froidement le parcours meurtrier de deux marginaux profondément esseulés et incapables d'assumer leur homosexualité. Le film débutant sur les chapeaux de roue avec un meurtre gratuit perpétré par nos compères hilares d'avoir persécuté un quidam en mobylette juste avant de s'empresser de l'abattre à coups de carabine. Cette scène dérangeante annonce immédiatement la couleur de leur premier délit à travers les agglomérations nocturnes ou pluvieuses d'une contrée bruxelloise blafarde. Ainsi, sans moralité et en totale négligence, ils décident du jour au lendemain de commettre une série de crimes aléatoires en assassinant froidement des quidams. La suite de leurs vicissitudes se résumant à fréquenter les bars gay animés de spectacles travelos, écumer les honnêtes gens pour subvenir à leur finance, amorcer des rencontres impromptues d'un soir avec des paumés solitaires ou encore tenter d'éveiller l'amitié avec un homo introverti.


Par conséquent, ces badauds désoeuvrés sans lien de parenté n'ont aucune attache ni véritable ami, si ce n'est finalement de se laisser attendrir auprès d'un chat infirme découvert dans l'habitacle d'une voiture volée. C'est d'ailleurs durant leur périple leur seule empathie éprouvée pour un être vivant si bien qu'ils s'efforceront de l'inhumer, Une séquence cafardeuse provoquant un malaise tangible car particulièrement élégiaque de nous confronter subitement à la détresse de ces deux tueurs inflexibles. Leur prise de conscience soudainement révélée face caméra reflétant l'innocence de regards infantiles livrés à la solitude de leur vision morbide. En fuite à travers leur triste médiocrité, Dominique et Roland évacuent donc leur ennui et leur sexualité refoulée en assassinant les habitants du quartier car il n'eurent jamais l'aubaine de grandir pour être éduqués par des parents modèles.


Dérangeant, malsain et immersif de par son ambiance clinique d'un automne déprimant renforcé du jeu naturel des comédiens dans leur posture puérile, les Tueurs Fous constitue un constat terrifiant sur la marginalité des laissés-pour-compte. Sans complaisance ni voyeurisme, le film tire sa force psychologique par son réalisme sordide ancré dans une morosité prégnante et par cette effroyable défiance que n'importe quel individu congédié puisse un jour basculer dans la folie la plus couarde. Oubliez son homonyme racoleur (le Sexe de la Violence) et découvrez sans réserve cette pépite belge ancrée dans la désillusion.

Dédicace à Video Party Massacre
23.03.12
Bruno


lundi 19 mars 2012

Bellflower


de Evan Glodell. 2011. U.S.A. 1h46. Avec Evan Glodell, Jessie Wiseman, Tyler Dawson, Rebekah Brandes, Vincent Gradshaw, Zack Kraus, Keghan Hurst, Alexandra Boylan, Bradshaw Pruitt, Brian Thomas Evans.

Sortie salles France: 21 Mars 2012. U.S: 5 Août 2011

FILMOGRAPHIE: Evan Glodell est un réalisateur, acteur, monteur, producteur, directeur de la photographie, scénariste américain. 2005: La Forme à l'amour (Court-métrage. Co-directeur). 2011: Bellflower
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Avec un budget de 17 000 dollars, le néophyte Evan Glodell entreprend pour son premier long l'argument autobiographique d'une love story traitée de manière peu commune dans sa mise en scène hybride afin de mieux bousculer les attentes du spectateur. Le PitchDeux acolytes entreprennent de façonner un lance-flamme et un véhicule motorisé en guise d'ennui. Mais l'arrivée aléatoire d'une blonde aguicheuse compromet leurs ambitions pour faire sombrer l'un d'eux dans une déchéance suicidaire. Autant avertir de suite les amateurs d'esbroufe avides de pyrotechnie et donc séduits par son affiche prometteuse, Bellflower constitue l'antinomie du spectacle explosif conçu pour rassasier son public lambda. Si bien que cette production indépendante réalisée avec peu de moyens fait figure d'ovni intimiste dans sa douloureuse introspection d'un quidam noyé d'amertume suite à déboire amoureux. Traité de manière insolite auprès d'une réalisation anti conformiste oscillant les ruptures de ton, et formellement criard (saturation de teintes ocres et jaunes fluos), Evan Glodell nous oriente vers une fragile odyssée humaine sur fond d'éloignement existentiel. De prime abord, on se croit embarquer dans une comédie tendre et futile avec les flâneries récurrentes de deux amants communément épris d'amour. A l'instar d'un documentaire pris sur le vif, le réalisateur s'attachant à nous décrire avec humanité le destin aigri de ces deux comparses juvéniles en quête de reconnaissance.


Or, Woodrow et Aiden, chômeurs passionnés par la saga post-nuke de Mad-Max, en particulier du personnage asocial Humungus, fuient l'ennui de l'existence avec la construction d'un lance-flamme et d'une voiture vrombissante. En soirée festive, après une rencontre impromptue dans un bar, l'amour frappe à la porte de Woodrow. Depuis, l'homme ne jure que par la probité de son idylle naissante jusqu'au jour où toutes les meilleures choses ont une fin. Ainsi, durant une majeure partie du récit, on se demande alors où le réalisateur souhaite en venir avec cette idylle romanesque finalement mise en exergue sur le fiasco. Puis, de manière latente et avec l'originalité d'une mise en scène expérimentale, c'est le profil désemparé d'un quidam déchu trahi par l'adultère qui nous ait illustré dans une ambiance délétère davantage en chute libre. Et plus la déchéance déshumanisée de Woodrow se chemine vers la régression, plus le film s'aventure vers les sentiers ombrageux d'une errance nocturne vindicative. Il en ressort au final une oeuvre chétive, le sentiment peu commun d'avoir assister à une tragédie sentimentale profondément touchante à travers cette fuite désespérée. La quête existentielle de deux camarades fuyant la monotonie de leur réalité par l'utopie parce que songeurs d'horizons clairsemées.

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L'achèvement d'Humungus
A travers cette errance urbaine chancelante, le réalisateur Evan Glodell se réapproprie des conventions du genre pour transcender la love story éculée dans une mise en scène hétérodoxe. Avec une humanité vulnérable, Bellflower traite donc du deuil délicat, difficilement surmontable d'une rupture amoureuse, mais également des valeurs de l'amitié entre la fraternité de deux héros dépités et de leur quête autoritaire à retrouver une certaine virilité (d'où leur affection partagée avec le personnage redouté d'Humungus). L'intelligence et l'originalité de sa structure narrative, la bonhomie naturelle des personnages et l'esprit libertaire qui y émane en font une oeuvre forte où la rancoeur intrinsèque s'extériorise finalement parmi l'essence candide d'une rédemption. 

*Bruno
19.03.12

vendredi 16 mars 2012

LE MANNEQUIN DEFIGURE (Crescendo)


                                      

d'Alan Gibson. 1970. Angleterre. 1h30. Avec Stéfanie Powers, James Olson, Margaretta Scott, Jane Lapotaire, Joss Ackland, Kirsten Lindholm.

Sortie en salles le 24 Mars 1971

FILMOGRAPHIE: Alan Gibson est un réalisateur canadien, né le 28 avril 1938 à London, en Ontario (Canada), décédé le 5 juillet 1987 à Londres (Royaume-Uni).
1965: 199 Park Lane (série TV). 1966: A Separate Peace (télé-film). Eh, Joe ? (télé-film). 1968: Journey to Midnight. 1969: The English Boy (télé-film). 1970: Le Mannequin Défiguré. Goodbye Gemini. 1971: The Silver Collection (télé-film). 1972: Dracula 73. 1974: The Playboy of the Western World (télé-film). Dracula vit toujours à Londres. 1976: Dangerous Knowledge (télé-film). 1977: Checkered Flag or Crash. 1979: Churchill and the Generals (télé-film). 1980: The Two Faces of Evil (télé-film). 1982: Une femme nommée Golda (télé-film). 1982: Témoin à charge. 1984: Martin's Day. 1984: Helen Keller: The Miracle Continues (télé-film). 1987: The Charmer (série TV).

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Par celui qui aura tenté de moderniser à deux reprises le mythe du vampire des Carpathes avec deux nanars folichons, Dracula 73 (Christophe Lemaire en reste traumatisé !) et Dracula vit toujours à Londres, Alan Gibson avait préalablement réalisé en 1970 le meilleur film de sa carrière avec Le Mannequin Défiguré. Thriller horrifique au suspense Hitchcockien, cette petite série B admirablement orchestrée est à revoir sans modération grâce à la dextérité d'un scénario machiavélique et à ses personnages interlopes très attachants.
Susan Roberts est une jeune étudiante préparant une thèse sur le célèbre compositeur Henry Ryman. Invité chez la veuve du défunt dans une villa du Sud de la France, elle rencontre son fils paralytique, Georges, et entame une complicité. Mais l'attitude désinvolte d'une bonne à tout faire et d'un inquiétant geôlier vont contrarier l'invitée, d'autant plus que la mère semble avoir une emprise d'allégeance sur son fils. 


Film rare totalement sombré aujourd'hui dans l'oubli, Le Mannequin défiguré (pour une fois que le titre français transcende son homologue british !) est une véritable perle dans son genre horrifique produit par la fameuse firme Hammer Film ! Dans une ambiance ombrageuse palpable et un climat pervers étouffant, ce thriller diabolique doit son salut à une narration impeccablement structurée, rehaussée par le talent congru d'interprètes sur mesure. Sur un canevas Hitchcockien en diable, Le Mannequin Défiguré nous invite dans la villa bucolique d'une veuve et de son fils paralytique auquel une étudiante est invitée pour y rédiger une thèse sur le célèbre compositeur, Henry Ryman. Si parmi les témoins, la convivialité d'une ambiance amicale y est perceptible de prime abord, l'attitude insolente et arrogante d'une potiche de service et la présence clairsemée d'un étrange gardien vont rapidement interpeller la quiétude de Susan. D'autant plus que celle-ci va être confrontée aux violentes crises de spasmophilie endurées par Georges. Cet artiste préalablement promu à une riche carrière de pianiste aura eu la malchance de se retrouver en fauteuil roulant suite à un grave accident. Pour aggraver la fatalité, sa femme le quitta du jour au lendemain, faute de sa déficience physique inaltérable. Sujet à des cauchemars récurrents auquel il imagine son propre "double" assassiner sa femme, Georges semble assujetti par l'aguicheuse femme de ménage pour entamer communément une étrange relation masochiste. D'autant plus que pour mieux l'asservir à sa guise, Lilliane pratique un chantage alloué à la toxicité d'un psychotrope. Un soir, un horrible homicide va avoir lieu...


Voilà pour l'intrigue savamment planifiée avant que les enjeux interlopes prennent une tournure dramatique beaucoup plus délétère, voire schizophrène ! Par un savant dosage de suspense intense parfaitement coordonnée, scandé par le profil suspicieux de personnages aussi sournois que véreux, Le Mannequin Défiguré est un jouissif thriller baignant dans un cauchemar diffus et diaphane.
L'architecture gothique de la demeure érigée de manière arquée aux abords d'une piscine familiale agrémente favorablement son atmosphère insolite particulièrement moite et licencieuse. Comme son titre d'origine l'indique (Crescendo), la gravité des évènements va prendre une tournure plus sombre après le fameux meurtre perpétré par un tueur sans visage. Un piège machiavélique semble se refermer sur notre étudiante tributaire des agissements insidieux d'une sombre famille au passé galvaudé. Son point d'orgue révélateur se clôt sur une résolution inopinée alors que son rythme davantage haletant se culmine vers une succession de péripéties sardoniques.


Superbement campé par une galerie de comédiens complices s'en donnant à coeur joie dans l'autorité oppressive et mis en scène avec un savoir faire fripon dans l'intensité d'un suspense judicieux, Le Mannequin Défiguré est une petite perle du thriller à se procurer d'urgence. Rehaussé d'une atmosphère atypique dans le refuge affable d'un huis-clos feutré, cette production Hammer Film se pare en outre d'une certaine audace dans l'air du temps (les années 70) par sa violence âpre (le meurtre dans la piscine est particulièrement rigoureux) et son érotisme futilement polisson (Jane Lapotaire use et abuse de provocation impudique en gouvernante mesquine).
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Dédicace à Video Party Massacre
16.03.12
Bruno Mattéï.



jeudi 15 mars 2012

LE TERRITOIRE DES LOUPS (The Grey)



de Joe Carnahan. 2012. U.S.A. 1h57. Avec Liam Neeson, Dallas Roberts, Frank Grillo, Dermot Mulroney, Nonso Anozie, Joe Anderson, Ben Bray, James Badge Dale, Anne Openshaw, Peter Girges.

Sortie salles France: 29 Février 2012. U.S: 27 Janvier 2012

FILMOGRAPHIE: Joe Carnahan est un réalisateur, scénariste, monteur et producteur américain, né le 9 Mai 1969.
1998: Blood and Bullets. 2002: Narc. 2006: Faceless (télé-film). 2007: Mise à prix. 2010: l'Agence tous Risques. 2012: Le Territoire des Loups

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Une fois de plus dans la mêlée. Dans le dernier et plus grand combat de ma vie. Vivre et mourir aujourd'hui. Vivre... et mourir... aujourd'hui.
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Joe Carnahan nous avait préalablement épaté avec son polar moite Narc puis l'excellent caméléon Mise à Prix, pour ensuite nous décevoir avec un blockbuster policé, l'Agence tous Risques. En l'occurrence, il nous revient avec un survival aussi acéré que le tranchant d'une lame, Le Territoire des loups. Et il faudra remonter au mythique Délivrance de John Boorman pour retrouver une telle intensité et un souffle si désespéré pour la sombre destinée d'une poignée de survivants confrontés aux monstres tapis dans l'obscurité, au sein des décors enneigées d'une nature hostile. Un avion transportant des ouvriers d'une compagnie pétrolière s'écrase dans les montagnes du Grand Nord. Un groupe de survivants va devoir se soumette à l'autorité de John Ottway, un solitaire nihiliste profondément marqué par la mort de sa femme. Rapidement, une horde de loups voraces vont venir défier les intrus alors que John va tenter de sauvegarder son équipe par sa pratique professionnelle à déjouer l'instinct du carnassier. 
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La mosaïque du survival horrifique, de l'aventure, du suspense et de l'action échevelée nous ait habilement agencée pour nous illustrer sans fioriture une odyssée humaine désenchanté au réalisme imparable. A travers les montagnes rocailleuses et enneigées du Grand Nord, Joe Carnahan nous entraîne au milieu d'un enfer terrestre avec l'intrusion d'une poignée d'êtres humains survivants d'un crash aérien, fugacement confrontés à la sauvagerie d'une meute de loups. Le film annonce la couleur blafarde dès son préambule défaitiste avec la tentative de suicide de notre expert en chasse, un braconnier de loups employé à préserver la vie de foreurs d'une compagnie pétrolière. John Ottway est un veuf accablé par le chagrin de son épouse, toujours plus dépité par la nature délétère de l'homme. Il décide de rejoindre sa défunte à un moment opportun avant de se raviser, suite aux hurlements plaintifs d'un loup entendu dans la forêt adjacente. Le lendemain, après avoir embarqué dans l'avion parmi son équipe pour rejoindre l'Alaska, l'engin s'écrase en pleine nature déshéritée. Le réalisme de cette catastrophe nous ébranle sans prévenir par sa brutalité aride. Filmé en interne de l'appareil incontrôlé, la panique générale allouée aux voyageurs crispés sur leur siège nous saisit d'une terreur sourde. Un vacarme d'apocalypse où leurs cris de frayeurs s'entremêlent avec le bruit assourdissant des moteurs en flamme et de taules déchiquetées. Dès le prélude, Joe Carnahan va insister à nous décrire sa vision hyper réaliste et dérangée de l'agonie humaine lorsque l'un des survivants sévèrement mutilé va être confronté à sa pire labeur, sa propre mort en direct devant le témoignage de ses compagnons démunis. Ce sentiment morbide de la peur de trépasser, cette affres de rejoindre un ailleurs anonyme vont planer durant toute le récit sur le psyché désarmé de nos survivants. Une poignée d'homme à caractère bien distinct, confrontés au froid glacial d'une contrée inconnue et sauvage, à la famine et la fatigue de l'épuisement. Mais surtout des êtres humains faillibles par leur sentiment d'orgueil, de vanité ou d'arrogance (l'inattention, l'imprudence, la phobie et leur conflit d'égo les mèneront fatalement au déclin). Des quidams perplexes de leur destinée, rapidement accablés par le désespoir car gagnés par la peur envahissante de trépasser. Durant ce périple improvisé, chaque protagoniste va être mêlé à sa propre idéologie, une remise en question individuelle et spirituelle sur le sens de leur propre destinée. Par cette terreur instinctive de trépasser dans un avenir proche au milieu d'une écologie menaçante et par cette crainte primitive d'être violenté par le loup, nos derniers rescapés vont devoir se mesurer à leur courage et leur bravoure pour tenter de s'extraire d'un calvaire toujours plus sinistré.


Cette atmosphère mortifère est parfaitement rendue par l'immensité de l'environnement naturel, par ces tempêtes de neige fluctuantes au vent ardent fouettant les visages burinés de nos héros davantage exténués. Tandis que dans l'obscurité, la présence nuisible souvent latente des loups ne fera qu'accentuer ce sentiment d'insécurité prégnant auprès de nos témoins et surtout leur frayeur sensitive de craindre d'être dévorés par les maîtres des lieux. Il faut d'ailleurs insister sur la physionomie de ces fauves enragés, impressionnant de robustesse dans leur présence iconique, particulièrement terrorisants dans les attaques sournoises violemment perpétrées sur leurs proies humaines. Et personnellement, de mémoire de spectateur, je n'avais pas ressenti une angoisse aussi diffuse devant une hostilité animale depuis les lycanthropes du Loup-Garou de Londres (son préambule auquel les 2 héros s'étaient égarés dans la campagne nocturne des landes !) ou encore Hurlements (l'agression de Terry Fisher dans la cabane). Dans un rôle viril de meneur de groupe intarissable, Liam Neeson crève l'écran par sa stature imposante, sa pugnacité chevronnée à livrer un combat sans merci contre l'ennemi invisible. Mais aussi et surtout sa dimension humaine accablée par la perte d'un être cher et par son éthique à accepter ou stigmatiser sa foi mystique. L'épilogue bouleversant et équivoque ne manquera pas de suggérer un dernier acte de bravoure, un baroud d'honneur pour cet homme livré à sa seule raison.


Rédemption
Spectaculaire, intense, terrifiant, désespéré et implacable, Le Territoire des Loups est un survival âpre d'une acuité émotionnelle vulnérable autant qu'un drame humain d'une densité bouleversante dans les enjeux aléatoires. La rigueur de sa mise en scène transcendant la beauté sauvage de ces montagnes enneigées, l'interprétation mise à nue des comédiens, son caractère funèbre octroyé au thème spirituel du sens de la vie nous acheminent au grand moment de cinéma. Notamment cette montée progressive d'un suspense rigoureux où chaque survivant appréhende et aménage sa propre mort. 

14.03.12
Bruno Matéï

 

mardi 13 mars 2012

EXTREMEMENT FORT ET INCROYABLEMENT PRES ( Extremely Loud and Incredibly Close)


de Stephen Daldry. 2011. U.S.A. 2h09. Avec Tom Hanks, Thomas Horn, Sandra Bullock, Zoe Caldwell, Dennis Hearn, Paul Klementowicz, Julian Tepper, Caleb Reynolds, John Goodman, Max Von Sydow.

Sortie salles France: 29 Février 2012. U.S: 20 Janvier 2012

FILMOGRAPHIE: Stephen Daldry est un réalisateur et producteur anglais, né le 2 Mai 1961 dans le Dorset.
2000: Billy Elliot
2002: The Hours
2008: The Reader
2011: Extrêmement fort et incroyablement près
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D'après le best-seller de Jonathan Safran Foer, Extrêmement fort et incroyablement près est un mélodrame bâti sur le trauma post 11 septembre que toutes les familles endeuillées ont dû endurer. Le réalisateur Stephen Daldry s'intéresse ici au cas d'un enfant précoce de 9 ans, un élève surdoué incapable d'assumer la mort de son paternel mais qui va apprendre au fil de ses investigations la foi inhérente de subsister.

Oska est un jeune élève de 9 ans, studieux et perspicace mais incapable de réfréner un florilège de  phobies existentielles dans le monde qui l'entoure. Le jour du 11 septembre 2001, son père meurt sous les décombres d'une des tours jumelles du World Trade Center. Après l'enterrement, blotti dans une pièce secrète de sa chambre, il se réfugie longuement à travers ses souvenirs de photos et objets familiers en mémoire de son père.  
Un jour, il renverse incidemment un vase rangé sur l'étagère d'un sellier. C'est là qu'il découvre une clef à l'intérieur d'un buvard où est inscrit au verso le mot "Black". Il décide de retrouver la fameuse serrure qui pourrait lui saisir la chance d'en savoir plus sur son père. 
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A la manière d'un jeu de piste ludique, Extrêmement fort et incroyablement près est un récit initiatique entrepris par un jeune garçon traumatisé par la disparition brutale de son père. Par le biais d'une commémoration aux victimes du 11 septembre, le réalisateur nous façonne un drame intime, une introspection délicate sur la fragilité de l'enfance et de son refus de se soumettre à l'horrible réalité des faits imposés. Réfugié dans sa solitude et dépréciant sa mère en guise de rancoeur, Oskar souhaite découvrir le secret d'une clef qui pourrait lui permettre de renouer une dernière fois avec la mémoire de son père espiègle, préalablement complices de jeux pédagogiques en guise d'éducation spéculative.
Pour retrouver cette fameuse serrure occultée dans la cité urbaine de New-York, Oskar va devoir répertorier tous les patronymes commençant par "Black" et croiser des citadins éclectiques à l'ethnie différente. ATTENTION SPOILER !!! Avec l'aide du nouvel ami de sa grand-mère, un bailleur mutique, l'enfant va peu à peu apprendre à évoluer et réprimer ses peurs par la résolution d'une énigme fortuite auquel un témoin avait enduré une relation conflictuelle avec son géniteur fraîchement décédé. FIN DU SPOILER
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Réalisé avec tact et une sensibilité fébrile, beaucoup de critiques ont reproché son caractère lacrymal trop prononcé alors que la narration aléatoire et contée sans fioriture provoque une intense émotion dans ces moments les plus impondérables. Privilégié par un quatuor de comédiens tout à fait tempérés dans leurs états d'âme discrédités ou lamentés, le réalisateur réussit à provoquer une violente émotion incontrôlée lors de moments flegmatiques auquel nos personnages se sont réfugiés en guise d'exutoire.
S'il est concevable que son final insiste parfois un peu trop à tirer sur la corde sensible, ce mélodrame inscrit dans l'humilité se révèle à mon sens beaucoup plus sincère et modeste que nombre de productions conventionnelles abusant de pathos pour faire pleurer dans les chaumières.
A travers l'enquête minutieuse élaborée par Oskar, Extrêmement fort... aborde le thème du deuil insurmontable auprès des défunts et surtout de la difficulté de réprimer ses angoisses. Le courage de transcender la peur intrinsèque de la mort pour mieux affronter l'effervescence de notre vie auquel chaque jour peut nous être gratifié à la manière d'un miracle.
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Si Sandra Bullock surprend par sa retenue à endosser avec vulnérabilité une femme anéantie par le chagrin et que Max Von Sydow impose une composition sombre et torturée dans celui du bailleur âgé, c'est le jeune Thomas Horn qui crève ici littéralement l'écran ! Il interprète de manière magistrale le rôle hétérogène d'un petit gamin aussi adroit et débrouillard que profondément perturbé et tourmenté par la disparition brutale de son géniteur. La séquence difficile auquel Oskar se résout d'acculer le bailleur à écouter les messages d'adieu inscrits sur répondeur téléphonique par un père accablé, font parti des moments les plus durs et éprouvants du film. Dans ses rares apparitions, Tom Hanks se révèle traditionnellement talentueux dans son jeu décontracté de paternel plein d'aplomb à daigner éduquer son fils de la manière la plus prospère.
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Superbement interprété, mis en scène avec pudeur et tempérance et émaillé de séquences aussi poignantes que déchirantes (la dernière demi-heure vaut son pesant d'émotion cathartique), Extrêmement fort et incroyablement près est un fragile récit initiatique auscultant les névroses d'un enfant prodige scindé entre sa soif d'acquérir les connaissances et la douleur cinglante de la perte de l'être aimé.  En rendant un hommage déférent aux victimes des attentats du 11 septembre, ce mélodrame bouleversant réussit à convaincre et séduire par son habile narration dédiée à la culpabilité de ces protagonistes. Des personnages meurtris ou désunis mais confrontés à leur leçon de vie et de tolérance. 
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13.03.12
Bruno Matéï

lundi 12 mars 2012

CHRISTINE


de John Carpenter. 1983. U.S.A. 1h50. Avec Keith Gordon, John Stockwell, Alexandra Paul, Robert Prosky, Harry Dean Stanton, Christine Belford, Roberts Blossom, William Ostrander, David Spielberg.

Sortie salles France: 25 Janvier 1984. U.S: 9 Décembre 1983

FILMOGRAPHIE: John Howard Carpenter est un réalisateur, acteur, scénariste, monteur, compositeur et producteur de film américain né le 16 janvier 1948 à Carthage (État de New York, États-Unis). 1974 : Dark Star 1976 : Assaut 1978 : Halloween, la nuit des masques 1980 : Fog 1981 : New York 1997 1982 : The Thing 1983 : Christine 1984 : Starman 1986 : Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin 1987 : Prince des ténèbres 1988 : Invasion Los Angeles 1992 : Les Aventures d'un homme invisible 1995 : L'Antre de la folie 1995 : Le Village des damnés 1996 : Los Angeles 2013 1998 : Vampires 2001 : Ghosts of Mars 2010 : The Ward


"Laisse-moi te dire ce que je pense de l'amour Denis. L'amour à un appétit vorace. Il te bouffe tout. Les amis, la famille. Tout ce que ça bouffe, ça me sidère. Mais ce que je sais maintenant... C'est que si tu le nourris bien, ça peut devenir une belle chose. Et c'est ce qui nous arrive. Quand tu es sûr que quelqu'un croit en toi, tu peux tout faire. Faire tout ce dont tu as envie. Et si en plus tu crois toi-même en l'autre,... mon vieux... Alors attention le monde, personne ne pourra jamais t'arrêter, jamais !"

Un an après l'échec public et critique de The Thing, John Carpenter adapte un roman de Stephen King, Christine, injustement considéré comme une oeuvre mineure dès sa sortie. Il s'agit pourtant (à mon sens) d'une clef de voûte du fantastique moderne, une variation ensorcelante sur le thème du vampirisme entre un adolescent introverti et sa Plymouth Fury d'un rouge immaculé: Christine !
Arnie est un ado introverti et timoré. Son meilleur ami Dennis tente de le convaincre de tenter de courtiser le nouvelle étudiante du lycée, Leigh. Un après-midi, alors qu'ils roulent tranquillement sur une route bucolique, Arnie tombe sous le charme d'une vieille carrosserie garée dans le jardin d'un vieux propriétaire. Il demande à son ami de s'arrêter sur le bas-côté puis décide illico d'acheter le véhicule au prix exorbitant de 250 dollars. Une étrange relation amoureuse commence à se nouer entre Christine et Arnie. 


"Elle sentait bon la voiture neuve, sûrement la meilleur odeur au monde, à part une chatte peut être" 
Fort d'un scénario aussi original (bien qu'à deux doigts de sombrer dans le ridicule !), John Carpenter a relevé l'immense gageure de nous convaincre qu'un véhicule diabolisé puisse posséder un adolescent sous son influence amoureuse. Formellement stylisé et incarné par des interprètes juvéniles épatant de sincérité à travers leur humanisme candide, Christine séduit promptement par son ton résolument fantasmatique (la voiture crève l'écran à chacune de ses apparitions et exactions !) et inévitablement tragique (la déshumanisation progressive d'Arnie). Si bien que Carpenter réalise ici une tragédie funèbre au pouvoir d'envoûtement indéfectible. L'histoire d'amour insoluble entre un jeune ado pour sa Plymouth Fury préalablement délabrée. Grâce à l'emprise amoureuse de Christine, Arnie va complètement changer de ton pour devenir revanchard, orgueilleux et égocentrique, et ce dès qu'un rival voudra se frayer leur chemin. Beaucoup mieux affirmé et désinhibé qu'au préalable, il réussit même à conquérir la plus belle fille du lycée, Leigh. Mais Christine, plus jalouse que jamais, ne tarde pas à manifester sa rancoeur auprès de sa concurrente.


En talent de conteur, Big John accorde beaucoup d'importance à l'humanité chétive de ces protagonistes (Leigh, Dennis et les parents démunis d'Arnie) évoluant autour d'un adolescent en mutabilité maléfique depuis l'emprise de sa carrosserie. Si le récit parfois poignant (Christine, désossée de tous ses membres face à son gendre irascible !) se révèle si hypnotique, il le doit à la sobriété de ses interprètes chargés de désillusion lorsqu'ils ils se voient contraints d'assister impuissants au déclin caractériel d'Arnie. De par cette relation attendrissante entreprise avec son véhicule de fonction, ce dernier solitaire nous immerge totalement de sa fougue passionnelle auprès de Christine. Et pour incarner ce personnage opiniâtre transi de rancoeur, Keith Gordon s'avère saisissant d'autorité marginale par le biais de son regard fanatisé. Avec peu d'effets-spéciaux et une action intermittente parfois spectaculaire, John Carpenter réussit néanmoins à nous livrer quelques séquences d'anthologies restées dans les mémoires. Telle la reconstitution matérielle de Christine après avoir été réduite en pièces par les casseurs, ou encore toutes les séquences incluant quelques poursuites automobiles rehaussées d'une atmosphère crépusculaire à l'aura surnaturelle. Pour exacerber son climat irréel ancré dans la quotidienneté paisible d'une bourgade ricaine, le score funèbre composé par Carpenter et Alan Howarth décuple son pouvoir émotionnel avec une trouble fascination.


Liens d'amour et de sang
Superbement conté en toute simplicité, Christine n'en demeure pas moins un chef-d'oeuvre (maudit) d'une beauté baroque et d'une intensité émotionnelle fragile. Tant auprès de l'évolution des personnages gagnés par la peur, le désarroi ou la méchanceté, de son atmosphère irréelle quasi indicible que de son score électro littéralement ensorcelant (ma BO tourne en boucle tous les mois !). Fable sur le fétichisme, l'emprise de l'amour et sur la jalousie destructrice, Christine transcende le genre fantastique par le truchement d'un vampire de métal se nourrissant des sentiments de son amant peu à peu destitué d'éthique. Par son emprise immorale aussi bien vénéneuse que magnétique, la rutilante Christine crève l'écran, et ce jusqu'à lui tolérer une certaine empathie lors de sa dernière course mortelle. 

* Bruno
12.03.12
6èx


vendredi 9 mars 2012

ILSA LA LOUVE DES SS (Ilsa, She Wolf of the SS / Le Nazi était là, les Gretchen aussi)


de Don Edmonds. 1974. U.S.A/Allemagne. 1h36. Avec Dyanne Thorne, Gregory Knoph, Tony Mumolo, Maria Marx, Nicolle Riddell, Jo Jo Deville, Sandy Richman, George 'Buck' Flower, Rodina Keeler, Wolfgang Roehm.

Sortie salles U.S: Octobre 1975

FILMOGRAPHIE: Don Edmonds est un réalisateur, acteur, producteur, scénariste et cascadeur américain, né le 1er Septembre 1937 dans le Kansas City, décédé le 30 Mai 2009 en Californie.
1972: Wild Honey. 1973: Tender Loving Care. 1974: Ilsa, la louve des ss. 1976: Southern Double Cross. 1976: Ilsa, Gardienne du Harem. 1977: Bare Knuckles. 1980: Demon Rock. 1991: Tomcats Angels. 1991: Les dessous de Palm Beach (Série TV. Pilot).


Film fondateur du Nazisploitation (si on écarte l'oeuvre abstraite Portier de Nuit, réalisé la même année - critique détaillée ici -http://brunomatei.blogspot.com/2011/11/portier-de-nuit.html), Ilsa, la Louve des SS fut un tel succès lors de sa sortie en salles en 1975 que deux autres suites furent rapidement mises en chantier. Il faut reconnaître l'audace indécente du cinéaste d'avoir osé exploiter à l'écran l'holocauste du nazisme de la guerre 39/45 sous la structure d'un pur film d'horreur complaisant et putassier. D'ailleurs, plusieurs cinéastes de tous horizons ne vont pas hésiter à profiter du nouveau filon hérité du WIP (Woman In Prison) en façonnant d'autres rejetons tout aussi vulgaires, voirs encore plus incongrus (la Dernière orgie du 3è Reich, Train Spécial pour Hitler, SS Camp 5, Holocaust Nazi ou encore KZ9 Camp d'Extramination). Deux auteurs frondeurs parviendront néanmoins à livrer des films artistiquement ambitieux et dialectiques avec justement Portier de Nuit de Liliana Cavani et Salon Kitty de Tinto Brass. Amis du bon goût, il est maintenant temps pour vous de plier bagage !


A la fin de la seconde guerre mondiale, Ilsa, officier SS lubrique et tortionnaire exploite son nouveau camp de prisonniers dans une contrée germanique. Epaulé par ses officiers, elle se livre à diverses expériences médicales sur ses patientes molestées par le supplice de la torture. Mais l'arrivée d'un groupe de détenus mâles va considérablement changer la donne quand l'un d'eux, Wolf, décide d'entraîner le groupe à l'insurrection. Quand on revoit aujourd'hui Ilsa, la louve des SS, on se rend compte à quel point les années 70 furent l'époque de toutes les transgressions et des déviances. Dans un alliage de sexe putanesque et de violence crade, ce pur produit d'exploitation proche de la bande dessinée accorde un intérêt très limité dans ses péripéties sordides alignant nombre de scènes de tortures aussi abjectes que vomitives. Sorte de Saw avant gardiste où ici notre tortionnaire utilise sur ces patients des ustensiles rubigineux et nombre d'idées utopiques afin de leur contracter les maladies les plus contagieuses et létales en guise de mégalomanie. Ces pratiques barbares sont également vouées à une ambition toute personnelle car purement sadienne, à savoir quel sujet pourra réussir à supporter la plus grande douleur sur un laps de temps indéfini !


Le film mollement réalisé parvient tout de même à préserver un certain intérêt grâce à cette surenchère sadique d'étaler à intervalle régulier (voire, sans discontinuer !) nombre de scènes gores hardcores et orgies sexuelles vouées à la débauche la plus cynique. Mais Ilsa possède également un atout de choix en la présence iconique de l'inoubliable Dianne Thorne. Une actrice blonde extravertie qui en rajoute des tonnes dans la cabotinerie pour incarner une officière allemande adepte du fétichisme, n'hésitant jamais à se dévêtir pour copuler et ainsi afficher fièrement l'opulence de sa poitrine. Mais une interprète exubérante, véritable garce de l'outrance et de l'outrage immoral, réussissant à invoquer auprès du spectateur une fascination/répulsion dans ses méfaits licencieux particulièrement insatiables. L'atmosphère malsaine qui émane des décors sépias d'un camp de prisonniers vétuste jusqu'aux laboratoires expérimentaux souillés par les éclaboussures de sang participe également à accentuer son climat étouffant, voir parfois dérangeant. Heureusement, pour mieux faire passer la pilule du mauvais goût, Ilsa, la Louve... possède une aura typiquement kitch et ringarde parmi le surjeu de ces acteurs, par ses décors approximatifs (le camp est en faite la même scénographie préalablement utilisée dans la fameuse série TV Papa Schultz !) et par son ton grossier plein d'extravagance.

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Volontairement obscène, cul et hardgore, Ilsa, la Louve des SS est un nanar malotru mais foutraque, insolent et paresseux dans sa trame linéaire dénuée d'intérêt. Par son ambiance aussi malsaine que cartoonesque, ce pur produit Bis estampillé seventie garde intact son impact choquant dans ses tortures les plus déviantes. Une curiosité insensée à revoir d'un oeil distrait, d'autant plus que Dianne Thorne mène la sarabande graveleuse avec une spontanéité assumée ! A réserver néanmoins à un public préparé et à subir au 10è degré !
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Dédicace à l'Antre du Bis et de l'exploitation
09.03.12
Bruno Matéï


jeudi 8 mars 2012

BUTTERFLY KISS. Double Prix d'interprétation Féminine à Dinard 1995.


de Michael Winterbottom. 1995. Angleterre. 1h25. Avec Amanda Plummer, Kathy Jamieson, Saskia Reeves, Des McAleer, Lisa Riley, Freda Dowie, Paula Tilbrook, Fine Time Fontayne, Elizabeth Mc Grath, Joanne Cook.

Sortie salles France: 10 Janvier 1996. Angleterre: 26 Avril 1996

Récompenses: Double Prix d'interprétation Féminine au Festival du film Britannique de Dinard en 1995.

FILMOGRAPHIE: Michael Winterbottom est un monteur, producteur, réalisateur et scénariste britannique, né le 29 Mars 1961.
1990: Forget about me. 1992: Under the Sun. 1995: Butterfly Kiss. 1995: Go now. 1996: Jude. 1997: Bienvenue à Sarajevo. 1998: I want you. 1999: Wonderland. 1999: With or without you. 2000: Rédemption. 2002: 24 Hour Party People. In this World. 2003: Code 46. 2004: 9 Songs. 2005: Tournage dans un jardin anglais. 2006: The Road to Guantanamo. 2007: Un Coeur invaincu. 2009: Un Eté Italien. 2010: La Stratégie du choc. 2010: The Killer inside me. 2011: The Trip. 2011: Trishna.


"Il y a du bon et du mauvais chez tout le monde"
En 1995, sort dans l'indifférence générale le troisième long-métrage d'un réalisateur polygraphe aujourd'hui reconnu pour ses compétences. Récompensé d'un double prix d'interprétation féminine décerné respectivement à Amanda Plummer et Saskia Reeves au Festival de Dinard, Butterfly Kiss s'est taillé au fil des années une réputation de film culte introuvable auprès d'un public marginal. Histoire d'amour écorchée vive, oeuvre austère inclassable et hermétique, ce road movie au vitriol laisse une méchante empreinte dans l'encéphale sitôt l'épilogue brutalement achevé. Une vagabonde saphique erre sur les autoroutes d'Angleterre pour retrouver une certaine Judith aux abords des stations services. Sur son chemin, elle rencontre la serveuse Miriam, une jeune femme niaise et introvertie. Ensemble, elles décident d'entamer un périple meurtrier auprès des quidams machistes avant de tomber amoureuses l'une de l'autre. Film choc profondément dérangeant, de par son ambiance malsaine au confins du marasme et le profil torturé d'un duo de lesbiennes compromises au meurtre en série, Butterfly Kiss est un ovni subversif qui aura bouleversé nombre de spectateurs déconcertés par cette relation amoureuse sous formol. Une serial killeuse obsédée à l'idée de retrouver une certaine Judith rencontre au hasard de sa route Miriam, une serveuse solitaire vivant reclus avec sa mère dans un sombre appartement.


C'est le début d'une tendre relation auquel Eunice va lamentablement entraîner sa compagne dans des pérégrinations meurtrières afin de punir les cavaleurs de jupons. Voilà pour la synthèse de ce road movie blafard auquel les décors glauques d'autoroutes anglaises renforcent son côté dépressif, accentuant par la même occasion la grisaille naturelle d'un climat maussade. Nous ne connaîtrons rien du passé de ces deux femmes paumées ni pour quelle véritable raison Eunice s'évertue à retrouver une certaine Judith, faute d'une préalable idylle potentiellement déchue, s'entêtant par la même occasion à retrouver le tube musical d'une chanson SUR l'amour. Le réalisateur s'attachant surtout à nous décrire avec humanisme désespéré leur frêle union inscrite dans la rancoeur morale et le meurtre gratuit. C'est une forme élégiaque d'odyssée désenchantée qui nous ait illustré avec verdeur pour dépeindre sans revirement leurs vicissitudes sordides présageant en fin de parcours une rédemption nihiliste. Comme si ces deux héroïnes incomprises s'empressaient de rejoindre le monde des ténèbres par l'acte meurtrier pour s'extraire au plus vite de leur univers nonsensique. Jalonné de tubes pop-rock des groupes Cranberries, P.J Harvey ou encore Bjork, ces accents musicaux autonomes exacerbent un peu plus une ambiance terne afin de valoriser l'amertume suicidaire de ces deux paumées incapables de s'assumer et d'accepter le bonheur existentiel.


Pour interpréter Eunice, Amanda Plummer livre peut-être son rôle le plus délicat et magnétique tant elle retranscrit avec une acuité désespérée le rôle d'une tueuse en série répugnée par sa propre personnalité. Ainsi, pour s'expier de ses crimes, elle martyrise son corps de piercings, tatoos et chaînes de métal afin de mettre en valeur des stigmates d'hématome. Saskia Reeves lui partage la vedette pour endosser avec naïveté candide une femme-enfant en perte de repère. Une célibataire inflexible dénuée d'ambition, davantage influencée par la misanthropie sordide d'Eunice, faute de leur intense liaison amoureuse.

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Seules au monde
Magnifiquement interprété par deux comédiennes à la beauté naturelle, Butterfly Kiss est une virée cafardeuse, une odyssée romantique invoquant l'opacité des ténèbres en guise de délivrance. Son épilogue traumatique se révèle d'autant plus inopiné et bouleversant qu'il intervient brutalement sans pouvoir nous prémunir. Le spectateur envahi d'une émotion incontrôlée se surprend d'accorder subitement autant d'empathie à ces deux protagonistes besogneuses. Passé cet exutoire cinglant et indélébile, il se révèle impossible de sortir indemne d'une oeuvre aussi fragile, malsaine et désenchantée. A réserver néanmoins à un public averti en raison de son climat perturbant ainsi que de son final cathartique, d'où son interdiction au moins de 16 ans.
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A Isabelle Pica
08.03.12
Bruno Matéï
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ATTENTION SPOILER POUR CET EXTRAIT DEVOILANT SON FINAL IMPLACABLE !



mercredi 7 mars 2012

CELLULE 211 (Celda 211)


de Daniel Monzon. 2009. France/Espagne. 1h50. Avec Carlos Bardem, Luis Tosar, Alberto Ammann, Marta Etura, Antonio Resines, Luis Zahera, Manolo Solo, Félix Cubero, Jesus Carroza, Joxean Bengoetxea, David Selvas.

Sortie salles France: 4 Août 2010

FILMOGRAPHIE: Daniel Monzon est un réalisateur, scénariste et acteur espagnol, né en 1968.
2000: Le Coeur du Guerrier. 2002: El robo mas grande jamas contado. 2006: The Kovak Box. 2010: Cellule 211.

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Multi récompensé dans son pays d'origine mais passé inaperçu et déprécié dans l'hexagone, Cellule 211 est un thriller carcéral alternant action et psychologie des personnages au fil d'une narration dramatique en chute libre. Pour sa première journée de service, un nouveau gardien de prison se retrouve embrigadé dans une émeute pénitentiaire. Pour sauver sa peau, il est contraint de se faire passer pour un détenu aux yeux des prisonniers délibérés à obtenir leur requête. Alors que les forces spéciales sont prêtes à intervenir, un évènement inopiné va totalement changer la donne et semer l'anarchie la plus désordonnée dans les deux camps adverses.
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De manière ludique mais réaliste, cette série B rondement menée entame sa première partie avec assez d'efficience pour embarquer le spectateur dans un film de prison alerte.  D'autant plus que la confrontation entre nos deux protagonistes antinomiques ne manquent pas d'intensité dans leur relation ombrageuse davantage équivoque. A cause d'un accident aléatoire et d'une violente émeute engagée en interne du pénitencier, un gardien de prison va devoir s'affilier avec un leader contestataire pour tenter d'étouffer la vérité sur sa propre identité. Alors que quelques geôliers et membres de l'ETA sont retenus en otage par les insurgés, les forces spéciales sont sur le point d'entamer un assaut. A l'extérieur, une manifestation de citadins ainsi que les familles des détenus bat son plein autour de l'enceinte. Le gouvernement décide donc de déployer une cohorte de CRS pour tenter d'apaiser la situation. Voilà pour la mise en place de l'intrigue accentuée par la caractérisation autoritaire et fraternelle de nos deux anti-héros finalement conciliés dans une confiance commune. Mais un évènement dramatique impondérable va totalement reconsidérer la conspiration, tandis que les rôles majeurs vont considérablement s'inverser et se combiner.
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C'est à ce moment propice que Cellule 211 va prendre une ampleur psychologique considérable dans le profil galvaudé d'un des protagonistes principaux. Dès lors, la frontière entre le bien et le mal commence sérieusement à régresser pour compromettre chaque protagoniste davantage déconsidéré. L'avènement du chaos semble être la pire solution à tolérer, sachant en outre que notre gardien de prison est à deux doigts de se faire démasquer sur sa véritable identité ! Chaque camp adverse (les représentants de l'ordre contre les marginaux pourfendeurs) va donc devoir user de ruse pour tenter de gagner la partie et ainsi préserver sa propre hiérarchie. La où le film gagne en intensité dramatique et suspense tranchant, c'est dans la démarche immorale et manipulatrice que se résigne chaque témoin contradictoire pour tenter de s'extraire du conflit. La tragédie humaine qui en découle est sévèrement prescrite par le sort réservé à ce gardien de prison déchu. Un pion meurtri devenu en l'occurrence contre sa moralité un véritable détenu aussi délétère et forcené que ses voisins de cellule. Les rapports affectés qu'il entretient avec son coéquipier permettent d'établir un rapport trouble, voir empathique dans leur relation autoritaire, partagée entre sentiment d'iniquité, suspicion et vengeance. Quand au nihilisme du point d'orgue fortuit, il réfute admirablement l'esbroufe au profit d'un conclusion immorale gangrenée par l'opportunisme et la félonie.
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Captivant et davantage haletant dans les enjeux sévèrement encourus, Cellule 211 constitue un excellent actionner subversif pour son immoralité orgueilleuse. Il s'enrichit d'un drame humain particulièrement poignant vers sa seconde partie démontrant avec acuité que l'individu lambda peut un jour bafouer sa liberté pour le compte de la partialité et la vengeance. Le réalisateur tend également à souligner les conditions inhumaines entretenues chez les détenus lorsqu'ils sont amenés à contracter une pathologie en interne de leur cellule. Quand aux interprètes frappants de charisme patibulaire, Carlos Bardem et Luis Tosar mènent leur insurrection avec une virilité primale. 
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07.03.12
BM


mardi 6 mars 2012

CANDYMAN. Prix du Public Avoriaz 93.


de Bernard Rose. 1992. U.S.A. 1h38. Avec Virginia Madsen, Tony Todd, Xander Berkeley, Kasi Lemmons, Vanessa Williams, DeJuan Guy, Barbara Alston, Caesar Brown, Kenneth A. Brown, Michael Culkin.

Sortie salles France: 20 Janvier 1993. U.S: 16 Octobre 1992
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Récompense: Prix du Public à Avoriaz en 1993.
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FILMOGRAPHIE: Bernard Rose est un réalisateur, scénariste, acteur, directeur de la photographie et monteur britannique. Il est né à Londres le 4 août 1960.
1987 Body contact, 1988 Paperhouse, 1990 Chicago Joe and the Showgirl, 1992 Candyman, 1994 Ludwig van B.(Immortal Beloved),1997 Anna Karénine, 2000 Ivans xtc., 2008 The Kreutzer Sonata, 2010 Mr Nice.

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Quatre ans après l'éblouissant Paper House, poème diaphane sur l'enfance galvaudée, Bernard Rose transpose à l'écran l'une des nouvelles de Clive Barker, The Forbidden tiré du roman Livres de sang. Sous couvert de légendes urbaines et de superstitions alimentées par la peur des déshérités, Candyman aborde le thème de l'exclusion et de la xénophobie à travers le martyr d'un croque mitaine, symbole vindicatif de la communauté noire immolé par la haine raciale. Une étudiante et sa collègue rédigent une thèse sur les légendes urbaines. Elles décident de s'aventurer dans un quartier noir défavorisé de Chicago pour enquêter sur le célèbre mythe de Candyman. Au départ incrédule et athée, Hélène va malgré tout devenir la nouvelle cible du croque mitaine afin de la reconvertir en maîtresse des ténèbres. 
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Avec l'impact d'un scénario astucieux transcendant un conte social d'une épouvantable noirceur, Candyman progresse tranquillement lors de sa première partie avec l'investigation scrupuleuse de deux étudiantes compromises au mythe des légendes urbaines. A première vue, on pourrait croire se retrouver embarquer dans un énième avatar de slasher inspiré des cavalcades insolentes d'un Freddy Krueger préalablement adulé durant les années 80. Pourtant, par le biais de cette première partie suggérant au possible tout effet horrifique, et par la diabolique présence d'un éventuel personnage chimérique, l'oeuvre austère de Bernard Rose distille un suspense anxiogène habilement diffus. Par l'entremise du personnage d'Hélène, étudiante érudite interpellée par les croyances populaires mais dubitative à toute notion de véracité, le réalisateur exploite son incrédulité pour la révéler au rang de nouvelle victime emblématique imposée par son bourreau. Car il s'agit de la vengeance implacable d'un homme de couleur préalablement massacré par une population raciste mais revenu de l'au-delà par le truchement des miroirs dès qu'une personne souhaite invoquer à 5 reprises son patronyme face à la glace. A chaque meurtre perpétré dans les bas-fonds d'un quartier insalubre gangrené par la précarité, Hélène sera malencontreusement la coupable idéale sous l'influence délétère de Candyman. Par ses exactions sanguinaires commises avec une rare sauvagerie, notre spectre revenu des limbes de l'enfer va lui imposer la responsabilité de ses odieux méfaits en lui administrant la preuve tangible de l'arme du crime apposée dans ses mains. Une manière sournoise de la contraindre à reconnaître devant la justice sa culpabilité mais aussi l'acculer à un odieux chantage infantile grâce à l'enlèvement d'un bambin préservé dans une cachette imprenable.
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Cette empathie éprouvée pour la victime blanche issue d'un quartier aisé, ce sentiment d'impuissance de pouvoir clamer son innocence face à sa propre justice, cette désillusion de daigner convaincre l'improbable nous insufflent un sentiment implacablement éprouvant, intense et terrifiant. Doté d'une maîtrise technique imperturbable pour exacerber un sentiment d'angoisse tangible face aux apparitions ou exactions sanguinaires du Candyman, Bernard Rose dilue un malaise persistant qui ne va pas lâcher d'une seconde le spectateur ébranlé par l'invalidité d'une héroïne vouée à la damnation. L'environnement inquiétant de ces décors d'HLM saturés de graffitis criards et l'incroyable score cérémonial de Philip Glass vont également amplifier ce climat morose et cafardeux. Quand à l'apparence béante du spectre revanchard affublé d'un manteau de velours noir et armé d'un crochet amovible à la place de la main droite, il nous glace instinctivement d'effroi comme le laisse sous-entendre l'écho de sa voix gutturale ! Spoil ! Enfin, l'épilogue sardonique se réapproprie malicieusement d'une nouvelle légende urbaine à travers l'emblème féministe d'une femme blanche sacrifiée pour la cause d'une ségrégation raciale. Fin du Spoil.


Brillamment interprété par la candide Virginia Madsen, poignante de sensibilité et de désillusion se disputant la vedette avec un Toni Todd effrayant de présence mortifère, Candyman s'achemine au chef-d'oeuvre du fantastique à résonance sociale. Un conte moral particulièrement cruel dans sa peinture sans concession imputée à la haine raciale et à l'exclusion si bien que l'atmosphère urbaine suffocante nous hante dans sa détresse humaine. A redécouvrir d'urgence !

Bruno Matéï
06.03.12.
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