mercredi 6 avril 2022

Ca peut vous arriver demain / Death Game / The Seducers

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site themoviedb.org

de Peter S. Traynor. 1977. U.S.A. 1h27. Avec Sondra Locke, Seymour Cassel, Colleen Camp, Beth Brickell, Michael Kalmansohn, Ruth Warshawsky.

Sortie salles France: ?. U.S: 13 Avril 1977

FILMOGRAPHIE: Peter S. Traynor est un producteur et réalisateur américain né en 1942 à Newton, Massachusetts, décédé le 15 Octobre 2019 (77 ans) à Santa Monica, Californie, USA. 1977: Evil Town. 1977: Ca peut vous arriver demain. 


Extrêmement rare et peu connu du public, Ca peut vous arriver demain est une curiosité malsaine symptomatique des Seventies. L'intrigue, inspirée d'une histoire vraie nous avertit un message liminaire, relatant les deux journées de calvaire d'un époux séquestré chez lui par 2 inconnues siphonnées du ciboulot. Et ce juste après s'être laissé influencer par un triolisme provoqué par ces charmantes nymphettes en rut (qui plus est mineures avoueront-elles un peu plus tard à leur proie afin de le faire chanter lorsque celui-ci décidera d'appeler la police). Sondra Locke et Colleen Camp jouant fort brillamment les psychotiques dévergondées avec un naturel infiniment spontané quand bien même Seymour Cassel se fond dans le corps de la victime soumise de manière sobrement désarmée.


Ainsi donc, de par son climat folingue à la fois fascinant, irritant et inquiétant, pour ne pas dire hystérisé par nos 2 marginales monomanes monopolisant le cadre 1h27 durant; Ca peut vous arriver demain vaut largement le détour pour qui raffole de curiosité saugrenue réalisée ici avec application et inspiration en dépit des aveux du cinéaste n'ayant que peu d'amour et de passion pour le 7è art. Un jeu de massacre féministe pour ces actrices en roue libre (euphémisme) auquel nous participons incessamment, entre curiosité, répulsion, inquiétude, interrogation et fascination perverse plutôt malaisante. Qui plus est, censurée chez nous de 17 mns lors de son exploitation Vhs chez l'éditeur VIP, ça peut vous arriver demain demeure dans sa version intégrale une oeuvre underground assez magnétique entrecoupée de chansonnettes primesautières afin d'y décupler son ambiance délurée aux confins de la folie meurtrière. 


A réserver toutefois aux amateurs éclairés, notamment pour son aura de souffre à la fois réaliste, flamboyante (photo, éclairages soignés en format scope), ensorcelante régie au sein d'un huis-clos domestique crépusculaire et cauchemardesque.

A privilégier impérativement la Vostfr.

*Bruno
19.08.23. 3èx. Vostfr
 
La chronique de CITIZEN POULPE Par Bertrand Mathieux ·(14 septembre 2022)

Quand Knock Knock, d’Eli Roth, est sorti sur les écrans français en 2015, il a peu été fait mention (en tout cas en France) qu’il s’agissait d’un remake et d’ailleurs, ce n’est même spécifié sur la fiche Wikipédia consacrée au film. Pourtant, Knock Knock n’est pas basé sur une scénario original mais bien sur un film daté de 1977, baptisé, sans grande inspiration, Death Game. Le titre français, plus drôle, étant Ça peut vous arriver demain.

Son réalisateur n’est pas vraiment un grand amoureux et artisan du 7ème art. Peter Traynor était en effet vendeur en assurances professionnelles (auprès des médecins) avant d’être cinéaste et producteur, et il ne se décida à travailler dans l’industrie cinématographique que pour faire de l’argent, de son propre aveu. Il déclara en effet dans une interview donnée en 1973 : "Je sais qu’il y a beaucoup de gens dans le business du cinéma qui prétendent y travailler pour faire de l’art. Ce n’est pas mon cas. Je suis là pour faire de l’argent pour mes proches. Je ne sais pas qui est l’Art, mais je parie qu’il a horriblement faim."

Quand on veut faire de l’argent au cinéma à cette époque, les films d’exploitation à petit budget constituent un assez bon filon. Ils coûtent peu et avec un peu de chance, ils trouveront leur public dans les salles de cinéma (dont les fameux grindhouse), alors beaucoup plus nombreuses et fréquentées qu’aujourd’hui. Ça peut vous arriver demain est un bon exemple de ce type de films. Il n’a coûté que 150 000 dollars ; à titre de comparaison, le remake insipide de Roth en a coûté 10 millions…

La démarche vénale revendiquée de Traynor, et son amateurisme total (il ne connaît rien à la technique cinématographique), pourrait laisser croire que le film n’a absolument aucun intérêt. Or, étonnamment, c’est loin d’être le cas.

Sur le plan formel d’abord, Ça peut vous arriver demain tient la route. C’est sans doute, en grande partie, grâce au chef opérateur David Worth, qui contrairement à Traynor possède une certaine expérience sur le plan technique (trois ans plus tard, il travaillera pour Eastwood sur Bronco Billy). Il parvient ici, en usant de jeux d’éclairage et de couleurs, à créer un climat inquiétant, sexuel et étrange qui convient tout à fait au récit, et qui dépasse en intensité celui du remake, plus lisse et convenu. Quant aux comédiens, si on tient compte du fait qu’ils n’ont apparemment reçu que de très vagues indications de la part du metteur en scène, ils s’en sortent très honorablement. C’est en particulier les performances de Sondra Locke (qui fut la compagne d’Eastwood et tourna dans plusieurs de ses films, dont Bronco Billy justement, mais aussi Josey Wales, hors-la-loi et L’Épreuve de force) et de Colleen Camp qu’il faut saluer ; de toute évidence en roue libre, elles y vont à fond dans le registre de la démence, et cela donne des scènes efficaces et assez intenses.

Sur le fond, enfin, Ça peut vous arriver demain est loin d’être un banal home invasion. Si l’on s’en tient au message qui ouvre le film et à la toute dernière séquence (ridicule), on pourrait penser, selon un point de vue assez simpliste, que le malheureux George est un honnête père de famille victime de deux tentatrices dépravées, corrompues par la révolution sexuelle. Mais cela serait ignorer de multiples indices qui suggèrent une lecture plus subversive, selon laquelle ce même père de famille serait en fait l’incarnation d’une figure américaine hypocrite, revendiquant des valeurs qu’il bafoue à la première occasion. En d’autres termes, à travers lui, Agatha et Donna s’attaquent rageusement au symbole d’une autorité masculine et paternaliste qui, sous le verni, est plus vicieuse qu’il n’y parait.

La chanson de générique, Good Old Dad, dépeint d’ailleurs un père (à travers les mots de sa fille) faussement idéal, et sans doute un vrai pervers (il me donne une fessée quand j’agis mal, dit la chanteuse sur un ton enfantin ironique), tandis qu’Agatha et Donna font fréquemment référence, quoique de façon allusive, à un passé familial douloureux, marqué par un père absent ou abusif. Sous cet angle, Ça peut vous arriver demain est le procès d’un mâle coupable (et de tous ses semblables, y compris un spectateur dont le voyeurisme est régulièrement titillé dans le film), et non le calvaire d’un innocent ; d’ailleurs, l’orage que cadre fréquemment Traynor (sans grande finesse) dans la dernière partie du film souligne l’idée d’une forme de justice biblique.

Le critique cinéma John Kenneth Muir vit ainsi dans Death Game un thème féministe, que ne contesta pas, peut-être de façon opportuniste, son auteur ; on peut alors se demander pourquoi celui-ci fit-il le choix d’un dernier plan qui viendrait presque contredire cette interprétation. Mais peut-être ne faut-il pas chercher dans le travail de Traynor de cohérence excessive.

Quoiqu’il en soit, malgré des problèmes de rythme et un côté répétitif, Ça peut vous arriver demain est un grindhouse qui vaut le coup d’œil pour son climat de folie, ses comédiennes finalement assez convaincantes et surtout, sa critique d’une image familiale mensongère.

Sondra Locke veut vous punir !

«Death Game» est un thriller de Peter S. Traynor sorti en 1977, avec la célèbre actrice et regrettée Sondra Locke. J’ai eu envie de voir ce film, car j’ai vu son remake réalisé par Eli Roth «Knock Knock» sorti en 2015. Les deux œuvres sont intéressantes à comparer, tant on n’en retient pas forcément les mêmes choses, ni les mêmes ressenties, malgré un scénario identique.

«Death Game» raconte la terrifiante histoire de Georges Manning (Seymour Cassel), honorable père de famille et homme d’affaire. Se retrouvant seul chez lui le jour de son anniversaire, deux jeunes fille, Agatha (Sondra Locke) et Donna (Colleen Camp) frappe à la porte. Trempées et perdues, elles demandent de l'aide à Georges. Après que les deux jeunes femmes eurent raison de sa fidélité, elles le menacent en lui faisant vivre un véritable calvaire. Sous des aspects de séduisantes jeunes filles, se cache la cruauté incarnée.

 Chronique de BaronDuBis chez SENS CRITIQUE:
 
«Death Game» est supérieur à son remake, de loin… «Knock Knock» virait dans une ambiance burlesque, à la limite de la comédie noire. Dans l’original de 1977, l’ambiance est vraiment beaucoup plus 1er degré. Tandis que le film avance, le style change et s’adapte au fur et à mesure que le pauvre Georges est frappé, maltraité, attaché et dans les vapes. Un travail sur les couleurs et un montage dynamique nous immerge bien dans cette maison de campagne ou de folles insouciantes et cruelles jeunes filles persécutent joyeusement un homme innocent. Contrairement à «Knock Knock», «Death Game» développe un vrai charme avec une mise en scène adaptée au contexte incontrôlable et bordélique.

Une différence de taille avec la version d’Eli Roth: le fond. L’homme est montré ici comme une victime, rien n’indique une charge contre le patriarcat ou la famille traditionnelle, rien ne laisse présager d’une misandrie quelconque, la fin du film ne laisse aucun doute là-dessus. Le remake quant à lui, est clairement une charge contre l’image de l’homme blanc moyen et père d'une famille idéale. L’homme est à la fois objectivement la victime et dépeint comme un coupable. Le film - sous prétexte de comédie noire - cherche clairement à faire plaisir au spectateur en humiliant et culpabilisant l’homme, jusqu’à la scène finale, ce qui rend le tout un peu gênant étant donné la réalité des faits. Là ou «Knock Knock» nous dit «Regarde comment j’humilie le modèle américain», «Death Game» nous dit «Fait attention, les hommes sont faibles, plus que tu ne le crois, tu pourrais te faire piéger».

Dernier détail, le film débute en prétendant que cette histoire est vraie, évidemment, une affirmation invérifiable...

En conclusion, «Death Game» est de l’excellent cinéma bis américain des années 70, un vrai plaisir de voir Sondra Locke en femme tarée et cruelle, usant de ses charmes pour mieux punir ensuite. Une bonne surprise, étant donné la déception que j’avais eue avec version d’Eli Roth, sans saveur particulière. À voir pour les amateurs du genre !
 
BaronDuBis
7/10

Chronique de Dahlia issue du blog les Gloutons du Cinéma
 
Oui, Eli Roth en a fait un remake en 2015 avec Keanu Reeves, Ana de Armas et sa femme (à l'époque) avec qui il a également tourné The Green Inferno: Lorenza Izzo. Knock Knock était sympathique mais assez oubliable. D'ailleurs, "fun fact" le réalisateur de l'original et ses deux actrices font parties des producteurs de ce remake, plus pour Colleen Camp qui y a un petit rôle également.

Revenons donc à Ça peut vous arriver demain / Death Game : Avertissement en introduction : le film est basé sur des faits réels ! (Rien d'étonnant mais je n'ai point trouvé d'information à ce sujet). Là où je classerai Knock Knock dans la catégorie Thriller, ici, c'est plutôt le Home Invasion auquel je pense tout de suite. Là, où le film fait fort c'est la puissance de l'ambiance anxiogène ressenti. Deux jeunes femmes adorables, puis séductrices se transforment en véritable cauchemars. Cette montée angoissante parfaitement réussie, on la doit bien entendu à Peter S. Traynor, avec sa mise en scène, ses plans fascinants, ses couleurs psychédéliques,... Mais également et presque "surtout" à ses deux actrices : Sondra Locke (ex femme de Clint Eastwood qu'on a pu voir (entre autres) dans le meilleur Dirty Harry : Sudden Impact) et Colleen Camp (vu campant dix mille rôles secondaires de Police Academy, Le Jeu de la Mort à Die Hard 3...). Absolument terrifiantes, personnifiant magnifiquement bien la folie furieuse.

Ici, contrairement au remake, le bon père de famille est clairement "innocent", le but et la finalité sont ici, assez différents. On vous met d'ailleurs en garde en introduction que le mal peut frapper partout. Pas de vengeance particulière, juste de la "malchance" et de la chair faible (malgré le doute subsistant sur une lecture pas très saine)...

En bref, c'est pas une surprise et comme bon nombre de films, l'original surpasse de loin son remake. J'insiste sur une ambiance bien plus folle, anxiogène et même horrifique ! Angoisse et frustration assurées. A voir et revoir le 13 et 18 septembre à l'Etrange Festival !

-Dahlia- (5 Septembre 2022)
5/6

mardi 5 avril 2022

Un seul bras les tua tous / Dubei dao

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site dvdfr.com

de Chang Cheh. 1967. Hong-Kong. 1h56. Avec Jimmy Wang Yu, Chiao Chiao, Tien Feng, Huang Chung-hsin, Yang Chih-ching, Pan Yin-tze 

Sortie salles France: 3 Juillet 1974. Hong-Kong: 26 Juillet 1967

FILMOGRAPHIE: Chang Cheh (張徹 en chinois, Zhāng Chè en hànyǔ pīnyīn) est un réalisateur chinois hongkongais, né en 1923 à Hangzhou en Chine et mort le 22 juin 2002 à Hong Kong. 1966 : Le Trio magnifique. 1967 : Un seul bras les tua tous. 1968 : Le Retour de l'hirondelle d'or. 1969 : The Singing Thief. 1969 : Le Bras de la Vengeance. 1969 : The Flying Dagger. 1969 : Le Sabreur solitaire. 1970 : Vengeance. 1970 : Les Treize Fils du Dragon d’Or. 1971 : La Rage du tigre. 1971 : Duel aux poings. 1971 : Duo Mortel. 1972 : Le Justicier de Shanghaï. 1972 : La Légende du lac. 1972 : Le Nouveau justicier de Shanghaï. 1973 : Frères de sang. 1974 : Ceinture noire contre kung-fu. 1974 : Les Cinq Maîtres de Shaolin. 1978: 5 Venins Mortels. 1982 : The Brave Archer and His Mate. 1984 : Shanghai 13. 1993 : Ninja in Ancient China.


En mémoire de Jimmy Wang Yu...
Premier volet de la trilogie du sabreur manchot, Un seul bras les tua tous est un excellent film d'arts martiaux inauguré en 1967 par le maître Chang Cheh. Car à partir d'un poignant récit de vengeance latente que Fang Gang tente coûte que coûte de canaliser, Un seul bras les tua tous prône les valeurs de l'honneur, de la loyauté et de l'amour sous l'impulsion d'une tendre romance que se partagent le héros et une fermière qui le sauva du trépas. Car un peu plus tôt, Fang Gang perdit l'usage de son bras droit à la suite d'une altercation avec la fille de son maître Qi Ru-feng secrètement éprise de lui. Une séquence terriblement intense par son effet de surprise sous l'impulsion d'un score musical étourdissant ! Rongé de remord par sa rancoeur et sa jalousie, elle tentera lors de retrouvailles de lui avouer ses véritables sentiments en dépit de sa fraîche relation avec la fermière qu'il se refuse à compromettre. 


L'intérêt de l'intrigue misant sur la digne moralité de Fang Gang optant pour la fidélité, la sagesse et la maturité d'une vie de paysan plutôt que de perdurer la pratique des arts-martiaux au risque d'y perdre un jour la vie. Or, son ancien maître Qi Ru-feng (qui l'éleva à la suite de la mort de son père); est menacé par le démon du sabre et ses condisciples délibérés par la tricherie de leurs armes novatrices à annihiler leur dynastie. Emaillé de combats au sabre chorégraphiés en bonne et due forme, on reste surtout impressionné par son ultime demi-heure belliqueuse alternant en parallèle avec de furieux combats sanglants que les clans s'opposent sans relâche. Avec, en guise de point d'orgue singulier un affrontement au fouet que le méchant manipule avec un charisme aussi sournois que délétère. 


Ainsi, de par la disparité des armes parfois modernes et de la tenue vestimentaire de certains antagonistes, Un seul bras les tua tous dégage encore aujourd'hui une troublante modernité près de 60 ans après sa sortie, et ce en misant notamment sur l'aspect sanglant de la plupart des affrontements furibards que Chang Cheh filme avec une évidente sagacité aussi bien formelle (sa nature factice dégage un onirisme quasi enchanteur !) que technique. Pour la triste anecdote, j'appris aujourd'hui à tout hasard, et par l'intermédiaire d'une connaissance amicale (outre-atlantique), la disparition de l'acteur taïwanais Jimmy Wang Yu (héros du film) décédé ce 4 avril 2022 à l'âge de 79 ans. (Ma décision de revoir le film ce soir ayant été prévue depuis la semaine dernière après avoir revu La Rage du Tigre du même auteur).

*Bruno Matéï
2èx

lundi 4 avril 2022

Le Temps d'aimer et le Temps de mourir / A Time to Love and a Time to Die

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

de Douglas Sirk. 1958. U.S.A. 2h12. Avec John Gavin, Lilo Pulver, Don DeFore, Keenan Wynn, Erich Maria Remarque, Dieter Borsche, Barbara Rütting, Thayer David, Charles Régnier, Dorothea Wieck, Kurt Meisel, Klaus Kinski.

Sortie salles France: 16 janvier 1959. U.S: 9 Juillet 1958.

FILMOGRAPHIEDouglas Sirk, de son nom de naissance Hans Detlef Sierck, né le 26 avril 1897 à Hambourg (Allemagne) et mort le 14 janvier 1987 à Lugano (Suisse), est un réalisateur et scénariste allemand d'origine danoise.1935 : La Fille des marais. 1943 : Hitler's Madman. 1944 : L'Aveu. 1946 : Scandale à Paris. 1947 : Des filles disparaissent. 1948 : L'Homme aux lunettes d'écaille. 1951 : La Première Légion. 1951 : Tempête sur la colline. 1954 : Taza, fils de Cochise (Taza, Son of Cochise). 1954 : Le Secret magnifique. 1954 : Le Signe du païen. 1955 : Capitaine Mystère. 1955 : Tout ce que le ciel permet. 1956 : Demain est un autre jour. 1956 : Écrit sur du vent. 1957 : Les Ailes de l'espérance. 1957 : Les Amants de Salzbourg. 1958 : La Ronde de l'aube. 1958 : Le Temps d'aimer et le Temps de mourir. 1959 : Mirage de la vie. 


"L'un des plus beaux films du monde" selon Godard.

« Ce film marque la rencontre bouleversante de Douglas Sirk et d'Erich Maria Remarque, l'auteur de À l'Ouest, rien de nouveau. Une osmose exceptionnelle s'est créée entre Sirk, le romantique, et Remarque, le pacifiste. Le Temps d'aimer et le Temps de mourir constitue l'une des œuvres les plus déchirantes et les plus intenses, sur la folie et l'absurdité de la guerre. “Ce qui m'a intéressé — devait déclarer Sirk — c'est ce décor de ruines et ces deux amants. Cette histoire d'amour est inhabituelle. C'est un film qui est très proche de mes idées, particulièrement par sa description de la brièveté du bonheur1.” Dans le décor apocalyptique d'une Allemagne qui s'effondre moralement, militairement et physiquement, deux êtres unis par un amour subit vont vivre quelques instants de bonheur. La force de ce film est de ne pas défendre une thèse. Sirk nous épargne les habituelles théories antimilitaristes. Pourtant, nous sommes extraordinairement concernés par cette guerre, machine folle qui broie tout. Remarquablement joué et dirigé, avec la tendresse d'un grand auteur, Le Temps de vivre et le Temps de mourir est une œuvre belle et douloureuse, à ne pas manquer. »
Patrick Brion.


Critique publiée par guyness le 2 octobre 2015 sur SENSCRITIQUE.

On confond trop souvent ce qu'est l'essence d'un vrai mélo avec ses excès caricaturaux, ou, pire, avec ses versions outrageusement ratées. Revenir aux fondamentaux est pourtant simple: on retrouve dans ce Sirk la quintessence du genre, débarrassée de de ces aberrations.

Il y a deux aspects passionnants dans l'histoire de cette permission inespérée dont bénéficie un jeune soldat, en pleine débâcle de Russie, qui rencontre l'amour sur le théâtre des ruines encore fumantes de ses souvenirs d'enfance.

La façon parfaite dont se côtoient la romance et la terrible réalité de la guerre, d'abord. Deux dialogues résument, mieux que toute tentative d'analyse, ce mélange divinement dosé.

-Tu as vu l'étoile filante ? Tu as fait un vœu? demande Ernst à Elizabeth (jusque là, plein mélo archétypal, non ?)

-Oui ! (une pause) ... J'espère que ce n'est pas un bombardier.

Un peu plus tard c'est Elizabeth qui interpelle son jeune amant.

- regarde cet arbre qui a bourgeonné avant tous les autres, avant même l'arrivée du printemps ! N'est-ce pas merveilleux ?

- Je pense que c'est la chaleur de la cabane qui a brûlé à côté, qui a du perturber les bourgeons.

Autant dire qu'il n'y a bien qu'un spectateur doté de la mauvaise foi d'un supporter de foot pour ne voir qu'une simple histoire d'amour, au demeurant superbe, dans cet avant-dernier film du réalisateur allemand.

Car voilà l'autre particularité du film. Montrer la guerre du côté des perdants n'est pas chose si fréquente. Au delà d'un ou deux exemples célèbres, comme peut l'être un inoubliable croix de fer, il faut souvent aller du côté des cinémas allemands, japonais ou italiens, de la deuxième moitié du 20ème siècle, pour trouver des histoires de héros dont les actions glorieuses n'ont pas été légitimés par la bénédiction du bon dieu, qui est, comme chacun le sait, toujours du côté de ceux qui font prévaloir la justice et le bien.

Sirk est natif de Hambourg, mais son cinéma est ici américain, et la singularité et la complexité de son message brouille encore un peu plus l'apparence lisse des choses. Le printemps révèle la putrescence des cadavres, les soldats revenus de l'enfer se font traiter de planqués par les populations restées au pays, les repas aux chandelles se finissent au sous-sol sous une pluie de bombes, et les mécanismes de précipitation vers la défaite des futurs vaincus, en cercles vicieux concentriques, sont superbement étudiés.

Depuis le temps, vous devriez pourtant le savoir: les films ne sont pas vieux ou modernes. Ils ne sont pas en noir et blanc, muets, en couleurs ou parlants. Ils ne sont pas asiatiques, européens, africains ou américains. Ils ne sont pas longs ou courts. Ce ne sont pas des westerns, des polars, des mélos ou des péplums. Ils ne sont pas en 3D ou en animations. Les films sont juste intéressants ou non, ratés ou réussis, touchants ou plats. Bref, si vous êtes effrayés par le mélo, soyez rassurés: le temps d'aimer le temps de mourir fait tout simplement partie des (très) bons films.

8/10 guyness

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Critique publiée par Aurea le 26 juillet 2011 sur SENSCRITIQUE

Ce film est adapté du roman de Erich Maria Remarque : Le Temps de vivre et le temps de mourir, Douglas Sirk tenait vraiment à modifier le titre pour rendre encore plus indissociable l'amour et la mort, et l'on ne peut s'empêcher de penser au Prélude à la mort d'Yseult, de Wagner, l'un des plus beaux morceaux dédiés à l'amour éternel et impossible.

Certes il s'agit d'un film de guerre, mais il est filmé avec l'intensité et la beauté d'un mélodrame, l'histoire d'amour étant d'autant plus forte qu'elle se situe dans un décor en ruines, et si dénonciation du nazisme il y a, elle doit céder le pas à l'histoire d'amour entre ce jeune Allemand, Ernst, généreux et idéaliste, incarné par John Gavin, débutant à l'époque, et la touchante Elisabeth, extraordinaire Liselotte Pulver qui ferait fondre un iceberg tant son jeu est naturel et spontané!

Trois semaines de bonheur intense dans les ruines et la clandestinité pour ces deux amants : "seules les choses condamnées peuvent être si douloureusement tendres".

Un film magnifique dont la dernière scène, poignante, semble hantée par ce que le réalisateur imaginait être les dernières semaines de son fils, et qui pour nous reste inoubliable.

10/10 Aurea ·

samedi 2 avril 2022

Freaks Out

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Gabriele Mainetti. 2022. Italie/Belge. 2h21. Avec Aurora Giovinazzo, Claudio Santamaria, Pietro Castellitto, Giancarlo Martini, Giorgio Tirabassi

Sortie salles France: 30 Mars 2022

FILMOGRAPHIE: Gabriele Mainetti est un réalisateur, acteur, compositeur et producteur de cinéma italien, né le 7 novembre 1976 à Rome. 2015 : On l'appelle Jeeg Robot. 2022: Freaks Out. 

Reconnu avec le savoureux On l'appelle Jeeg Robot découvert en 2015, l'italien Gabriele Mainetti remet le couvert avec un second film de super-héros aussi hétérodoxe et décalé. Si bien que les prods ricaines usuelles feraient bien mieux de s'en inspirer afin d'y dépoussiérer leurs convenances oh combien rébarbatives (et ce étalées sur plus de 2 décennies si j'ose dire) pour qui privilégie les oeuvres personnelles destinées à honorer le genre. Ainsi donc, beaucoup plus ambitieux qu'avec son excellent 1er essai, Gabriele Mainetti s'alloue ici d'un budget plus conséquent afin de rendre plus vrai que nature la triste période du 3è Reich vers la fin de la seconde guerre mondiale (l'action se situant en 1943). Pour ce faire, il jette son dévolu auprès d'un quatuor d'employés de cirque, des freaks ayant chacun des pouvoirs spécifiques surhumains afin de contenter le public ébaubi. Or, lors d'une représentation en bonne et due forme, un assaut de nazis intervient soudainement en semant morts et désolation. Sans chapiteau et démunis, nos héros accompagnés de leur mentor, Israel, tentent de fuir en Amérique afin de refaire leur vie. Mais un concours de circonstances malchanceuses les contraint à se séparer lorsque Israel embarqué de force dans un train, est envoyé dans un camp d'extermination parmi des juifs. Matilde, Fulvio, Cencio et Mario vont donc tout faire pour sauver leur doyen au moment de se réfugier dans un cirque nazi dirigé par Franz, pianiste à 6 doigts délibéré à exploiter les pouvoirs de ceux-ci afin de dominer le monde. 

Un pitch simpliste mais oh combien efficace dans sa structure puisque constamment épique, inventif, belliqueux (préparez vous à un final apocalyptique !), drôle mais aussi dur et cruel, si bien que pour le spectateur non averti, Freaks Out pourrait choquer les plus jeunes par sa violence effrontée dénuée de concession. Gabriele Mainetti dosant avec autant d'audace que d'habileté les composantes du drame, de la tendresse, de la romance et de la cruauté au sein d'un contexte innommable d'épuration ethnique. Car si ce divertissement caustique parvient constamment à surprendre et à amuser, il ne manque pas de brio pour contredire nos sentiments partagés entre rire, joie et larmes. Mais outre son ambiance baroque émaillée de poésie et de féerie que l'on pensait révolues (à la croisée du cinéma de Del Toro et De la Iglesia - en songeant surtout à Ballada Triste -), Freaks Out ne serait pas aussi stimulant sans la caractérisation humaine de ses interprètes aux gueules ordinaires si j'ose dire. Tant et si bien qu'à travers son vibrant plaidoyer pour le droit à la différence, Gabriele Mainetti nous fait aimer ces êtres décomplexés par leur solidarité fraternelle à la fois fragile, incertaine et facétieuse. Les acteurs méconnus chez nous demeurant naturellement attachants sans se laisser déborder par une quelconque outrance gestuelle ou expressive. 


Magic Circus
Il s'agit donc d'un formidable spectacle intrépide que nous propose généreusement l'auteur transalpin Gabriele Mainetti déterminé à réanimer les codes du genre avec une liberté de ton à la fois insolente, provocatrice et couillue. Tant et si bien que Freaks Out ne s'adresse pas à tous les publics par son réalisme cru réveillant la psychopathie du 3è Reich. L'intrigue bicéphale rendant autant un vibrant hommage à l'unité des marginaux et des laissés pour compte (ici natifs du milieu festif du cirque) que de la communauté juive destinée à périr sous l'autocratie d'un dictateur en herbe aussi monomane qu'Hitler (Franz Rogowski terrifiant de douce folie dans ses expressions désaxées faussement tranquilles). Merci Mr Mainetti de nous avoir offert ce second cadeau vitriolé, vrai moment de cinéma festoyant en mode franc-tireur.   

*Bruno Matéï

Ci-joint la chronique de On l'appelle Jeeg Robot: http://brunomatei.blogspot.fr/…/on-lappelle-jeeg-robot-prix…

jeudi 31 mars 2022

Impitoyable /Unforgiven. Oscar du Meilleur Film, 93.

                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemachoc.canalblog.com

de Clint Eastwood. 1992. U.S.A. 2h11. Avec Clint Eastwood, Gene Hackman, Morgan Freeman, Richard Harris, Jaimz Woolvett, Frances Fisher, Saul Rubinek, Anna Thomso.

Sortie salles France: 9 Septembre 1992. U.S: 7 Août 1992. 

FILMOGRAPHIE: Clint Eastwood est un acteur, réalisateur, compositeur et producteur américain, né le 31 Mai 1930 à San Francisco, dans l'Etat de Californie. 1971: Un Frisson dans la Nuit. 1973: L'Homme des Hautes Plaines. 1973: Breezy. 1975: La Sanction. 1976: Josey Wales, Hors la Loi. 1977: L'Epreuve de Force. 1980: Bronco Billy. 1982: Firefox, l'arme absolue. 1982: Honkytonk Man. 1983: Sudden Impact. 1985: Pale Rider. 1986: Le Maître de Guerre. 1988: Bird. 1990: Chasseur Blanc, Coeur Noir. 1990: Le Relève. 1992: Impitoyable. 1993: Un Monde Parfait. 1995: Sur la route de Madison. 1997: Les Pleins Pouvoirs. 1997: Minuit dans le jardin du bien et du mal. 1999: Jugé Coupable. 2000: Space Cowboys. 2002: Créance de sang. 2003: Mystic River. 2004: Million Dollar Baby. 2006: Mémoires de nos pères. 2006: Lettres d'Iwo Jima. 2008: L'Echange. 2008: Gran Torino. 2009: Invictus. 2010: Au-delà. 2011: J. Edgar. 2014: Jersey Boys. 2015: American  Sniper.  2016: Sully. 2018 Le 15 h 17 pour Paris. 2018: La Mule. 2019: Le Cas Richard Jewell Richard Jewell. 2021: Cry Macho. 


"Quelques années après, Mme Ansonia Feathers fit le voyage à Hodgeman county pour voir l'endroit où reposait sa fille. William Munny avait disparu avec les enfants... Peut-être à San Francisco om disait-on il avait prospéré dans les étoffes. Rien dans l'inscription ne permit à Mme Feathers de comprendre pourquoi sa fille avait épousé un voleur et un tueur. Un homme connu pour sa nature vicieuse et intempérante."

“La violence est une forme de faiblesse.”
Dur dur d'imprimer ses propres mots à l'écrit sitôt le générique clos bien que j'y replonge ce soir pour la 3è fois. Sans doute faute de ma maturité et de ma sensibilité aujourd'hui plus exacerbées, Impitoyable  (quel titre idoine !) m'a littéralement traumatisé d'émotions rigoureuses (je l'avoue sans racolage aucun) à travers son douloureux traitement de la violence que Clint Eastwood impose avec une vérité aussi crue que mise à nu. Comme s'il était parvenu à filmer la mort en direct. Les scènes de violence infiniment réalistes demeurant à la limite du soutenable de par son intensité dramatique à fleur de peau que l'on subit à l'instar de moult coups de fouet dans l'impuissance. L'intrigue retraçant posément le terrible destin d'un ancien tueur notoire ayant appris grâce à l'amour de son épouse les valeurs de sagesse, de paix avec soi, de tendresse et de plénitude en dépit de ses anciens démons planant discrètement sur ses épaules (comme nous le révélera son évolution morale à nouveau en perdition). Or, depuis le décès soudain de celle-ci, William Munny finit quelques années plus tard par accepter de renouer avec son passé vicié afin de sustenter à la survie de ses 2 enfants (il est au bord de la ruine). A savoir, retrouver la trace de 2 cowboys dont l'un taillada au visage une prostituée, et les tuer afin d'empocher la somme de 1000 dollars. 

Pour ce faire, il décide de renouer avec son meilleur ami afro Little Bill Daggett après avoir accepté sa transaction avec un jeune étranger zélé, le Kid. Mais faute de leur résurgence criminelle de dernier ressort, le trio infortuné entamera un voyage au bout de l'enfer lors d'un concours de circonstances à la fois morbides et tragiques. D'une intensité dramatique que l'on ne voit pas venir, tant Eastwood, réalisateur, maîtrise à la perfection sa mise en scène studieuse réfractaire à la vulgarisation d'une violence aussi sournoise que bestiale, Impitoyable se vit et se subit tel un uppercut dans l'estomac sous l'impulsion d'une fragilité humaine névralgique. La grande qualité du film découlant de la fine caractérisation de ses personnages en proie à des accès de violence préjudiciables. Tant auprès du Kid endossant le cowboy affirmé avec une maladresse pathétique, de Little Bill fatigué par cette violence contagieuse que son acolyte réanime soudainement, que de William Munny constamment hanté par la mort de son épouse mais aujourd'hui contraint de renouer avec ses vices (l'alcool, la violence) en guise de gain mais aussi de vendetta. Clint Eastwood nous relatant au gré d'une dimension humaine aussi fouillée que chirurgicale l'une des plus rudes réflexions sur le poison de la violence (les conséquences irréversibles qu'elle finit par entrainer en contaminant celui qui l'emploie ainsi que ses proches pour des enjeux d'ego, pécuniaires ou de vengeance). Et ce traité ici sans complaisance et avec une lucidité exemplaire. Tant et si bien que celui qui ose ôter la vie d'un être humain au cours de sa vie demeure à jamais avili par son acte impitoyable sans jamais pouvoir se le pardonner. Eastwood recourant notamment en filigrane durant tout le récit au manifeste contre la maltraitance des femmes exploitées ici à la prostitution mais en proie au désir d'émancipation à travers leur cri d'alarme d'y subir le machisme le plus brutal et couard. 


L'ange de la mort.
Voilà de quoi traite durant tout son cheminement moral Impitoyable sous l'impulsion d'acteurs au diapason. Gene Hackman n'ayant point usurpé son oscar tant il demeure terrifiant de cynisme en shérif castrateur sado-maso, Morgan Freeman nous arrachant les larmes de sa condition démunie d'observer son meilleur ami céder à nouveau à ses pulsions primitives, Jaimz Woolvett inspirant sans fard la pitié en meurtrier néophyte finalement en proie au dégout de son éthique galvaudée, et enfin Clint Eastwood écrasant d'ambiguïté versatile à travers sa fêlure morale tantôt fragile, tantôt inquiétante, tantôt spectrale si je me réfère à l'éprouvant règlement de compte apocalyptique d'une vigueur émotionnelle toute à la fois terrifiante et bouleversante. Le spectateur assistant impuissant à cette déchéance criminelle en roue libre avec une amertume en berne. Si pour ma part Impitoyable est l'un des 3 westerns de ma vie (avec Il était une fois dans l'Ouest et La Horde Sauvage), il faut aussi savoir qu'en juin 2008, il est classé comme le quatrième meilleur film américain du genre western de la liste AFI's 10 Top 10 de l'American Film Institute. Derniers mots subsidiaires: photo sépia, décors naturels et mélodie élégiaque d'une beauté sensitive à damner un saint (à l'instar du sort infortuné de Will Munny...)

*Bruno Matéï
3èx

Box Office France: 793 304 entrées

Récompenses
Oscars 1993 :
meilleur film 
meilleur réalisateur : Clint Eastwood 
meilleur second rôle masculin : Gene Hackman 
meilleur montage : Joel Cox.
British Academy Film Award du meilleur acteur dans un second rôle pour Gene Hackman
Golden Globes 1993 de la meilleure réalisation et du meilleur acteur dans un second rôle pour Gene Hackman
LAFCA du meilleur film 1992
Prix Sant Jordi du cinéma du meilleur film étranger 1993
Fotogramas de Plata du meilleur film étranger 1993
National Film Preservation Board en 2004

mercredi 30 mars 2022

Massacre at central High

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de René Daalder. 1976. U.S.A. 1h27. Avec Derrel Maury, Andrew Stevens, Robert Carradine, Kimberly Beck, Ray Underwood, Steve Bond, Steve Sikes.

Sortie salles France: 11 Janvier 1978 (int - 18 ans). 

FILMOGRAPHIE: René Daalder est un réalisateur, producteur, éditeur, responsable d'effets visuels, compositeur de musique et scénariste américain né le 3 Mars 1944 à Texel, Noord-Holland, Netherlands, décédé le 31 Décembre 2019 en Californie. 1997: Hysteria. 1997 Habitat. 1985 Supertramp: Brother Where You Bound (Music Video). 1976 Les baskets se déchaînent. 1969 De blanke slavin.

Human Bomb.
Ovni improbable surgit de nulle part, véritable précurseur de Class 84 de Mark Lester, Massacre at central High est sorti en salles chez nous sous le titre aussi ubuesque que ridicule: Les Baskets se déchainent. Un titre honteusement fallacieux si bien qu'il ne s'agit nullement d'une comédie potache pour ados mais plutôt d'un film de bande accouplé au psycho-killer et au vigilante movie dans un esprit sarcastique insidieusement délectable. Rien que ça ! L'intrigue retraçant de manière aussi inattendue que décomplexée (et parfois elliptique) l'équipée sauvage d'un quatuor de lycéens semant la terreur au sein de leur lycée. Or, depuis l'arrivée de l'étudiant David, ceux-ci vont sérieusement déchanter lorsqu'un mystérieux assassin s'en prendra à eux lors d'un décompte chronologique. Tout du moins c'est ce que la première partie nous amorce à renfort de séquences tantôt incongrues, tantôt vrillées. Tant auprès des brimades que les lycéens sont contraints de supporter dans leur fonction soumise que des violences plus corsées à l'instar de viols perpétrés dans une classe sur 2 gamines par la bande de Bruce. Tout un programme débridé donc (si j'ose dire) que le cinéaste souligne au gré d'un vent de liberté anticonformiste qui ravira les amateurs de cinéma d'exploitation des Seventies. Cette manière bisseuse à la fois sincère et perfectible de filmer les lâches agissements de ses cancres de bas étage voués à une violence triviale distillant un climat désinhibé sous l'impulsion d'acteurs méconnus prenant leur rôle  primaire au sérieux. 

On s'immerge donc dans l'action bas de plafond avec une curiosité amusée permanente mêlée de fascination macabre. Le réalisateur recourant par ailleurs à une certaine inventivité dans les stratégies criminelles confectionnées à l'artisanale par un amateur éclairé. Bougrement ludique donc, en zieutant en intermittence les poitrines dénudées de quelques actrices de seconde zone se prélassant avec leurs amants sur la plage ou sous une tente, Massacre at central high est quasi indescriptible dans son savant dosage d'humour très noir, de romance volage, de suspense oppressant (son final explosif durant le bal de promotion !) et de règlements de compte décérébrés tous azimuts. Sans compter l'ambiguïté de certains personnages, à l'instar de la petite amie de Marc lui avouant qu'elle faillit copuler quelques heures plus tôt avec l'étranger David que le spectateur reluqua en mode voyeuriste dans la séquence antécédente ! (Nos 2 amants s'élançant spontanément sur la plage dans leur plus simple appareil). Mais alors que la vengeance méthodique se clôture à mi-parcours de l'intrigue à travers des séquences-chocs plutôt malsaines car dénuées de concession, v'la ti pas que le cinéaste relance l'action improbable lorsque le vengeur décide ensuite de s'en prendre aux copycat du lycée depuis la disparition morbide du quatuor d'harceleurs. Dès lors, une foule d'étudiants subitement zélés s'empressent de se la jouer violemment rebelle afin d'y diriger tout le lycée. S'ensuit une multitude de séquences semi-cocasses, semi-inquiétantes, semi-cintrées alors que les exactions meurtrières s'avèrent toujours plus nombreuses, impromptues (effets de surprise assurés) et sans pitié. 


Atomic College
B movie déjanté sans nous avertir de son contenu hybride à la croisée des sous-genres, Massacre at central High est une merveille d'insolence, d'audace, de provocations et de savoureuses incohérences (pas un flic à l'horizon malgré le carnage ostensiblement déployé, en dépit de l'ultime minute du métrage !) sous l'impulsion de trognes cartoonesques ou autrement saillantes, comme le soulignent modestement Robert CarradineKimberly BeckAndrew Stevens (Furie de De Palma), Ray Underwood (quasi sosie de Timothy Van Patten célébré dans Class 84 !) ou encore l'inquiétant Derrel Maury  dangereusement discret en justicier psychopathe en roue libre. A ne pas rater, notamment du fait de sa rareté infondée car on peut sans rougir prétendre à l'oeuvre culte en bonne et due forme du moule underground.  

*Bruno Matéï
05.03.11.
04.03.21.
30.03.22. 3èx

mardi 29 mars 2022

La Rage du Tigre / Xin du bi dao

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

de Chang Cheh. 1971. Hong-Kong. 1h38. Avec David Chiang, Ti Lung, Ku Feng, Wong Chung, Li Ching

Sortie salles France: 28 Juin 1973.U.S: 7 Février 1971

FILMOGRAPHIE: Chang Cheh (張徹 en chinois, Zhāng Chè en hànyǔ pīnyīn) est un réalisateur chinois hongkongais, né en 1923 à Hangzhou en Chine et mort le 22 juin 2002 à Hong Kong. 1966 : Le Trio magnifique. 1967 : Un seul bras les tua tous. 1968 : Le Retour de l'hirondelle d'or. 1969 : The Singing Thief. 1969 : Le Bras de la Vengeance. 1969 : The Flying Dagger. 1969 : Le Sabreur solitaire. 1970 : Vengeance. 1970 : Les Treize Fils du Dragon d’Or. 1971 : La Rage du tigre. 1971 : Duel aux poings. 1971 : Duo Mortel. 1972 : Le Justicier de Shanghaï. 1972 : La Légende du lac. 1972 : Le Nouveau justicier de Shanghaï. 1973 : Frères de sang. 1974 : Ceinture noire contre kung-fu. 1974 : Les Cinq Maîtres de Shaolin. 1978: 5 Venins Mortels. 1982 : The Brave Archer and His Mate. 1984 : Shanghai 13. 1993 : Ninja in Ancient China.

Film mythique s'il en est que les vidéophiles des années 80 s'empressèrent de louer sous la bannière de René Chateau, La Rage du tigre est le 3è opus de la trilogie du sabreur manchot interprété en l'occurrence par David Chiang. Ou plus exactement le remake officieux de son 1er opus Un seul bras les tuas tous réalisé en 1967 du même signataire Chang Cheh comme le fut également sa séquelle réalisée 2 ans plus tard, Le bras de la vengeance. Ayant inspiré divers cinéastes parmi lesquels Tarantino pour Kill Bill et Georges Lucas pour sa trilogie Star Wars, La Rage du Tigre est un superbe film d'action célébré pour sa bataille dantesque érigée sur un pont. Et ce en plein décor naturel pour tenir lieu de souci de réalisme historique. Chang Cheh multipliant les affrontements barbares entre le sabreur et ses rivaux avec un art consommé de la chorégraphie épique. Proprement jubilatoire jusqu'au tournis ! 

Et ce tout en délocalisant en intermittence l'action au sein du manoir de Long depuis que Lei Li est affublé du sentiment de vengeance, Spoil ! faute de la mort de son ami Feng Chun-Chieh Fin du Spoil. L'intrigue étant bâtie sur l'abnégation de Lei Li à employer les arts martiaux depuis sa défaite avec le traitre du manoir, maître Long qui l'incita à se couper le bras pour mieux l'humilier. Or, accablé de honte et de déception, notamment pour la tare de son orgueil, Lei Li s'est réfugié dans une taverne en tant que serveur domestique incapable de se rebeller auprès de la provocation de chevaliers sans vergogne. Ainsi donc, en abordant les thématiques de l'amitié, de l'honneur, de l'humilité et de la vengeance, Chang Cheh compte sur la dramaturgie de ses profils héroïques vaincus (Lei Li et son comparse Feng Chun-Chieh) pour substantialiser l'intrigue plutôt prévisible il faut avouer. La justification de la vengeance (bicéphale) lui permettant de reprendre les armes et combattre au front, Spoil ! tant pour honorer la mort de son meilleur ami que pour punir le responsable de l'amputation de son bras. Fin du Spoil.  

Très spectaculaire parmi la juste mesure de soumettre l'action à sa narration latente, La Rage du Tigre brille de 1000 feux sous l'impulsion de ses affrontements barbares perpétrés au sabre avec une intensité exponentielle. A l'instar de son ultime demi-heure jubilatoire s'autorisant tous les excès à l'aide d'une précision chirurgicale. On peut d'ailleurs relever en guise d'audace (nous sommes en 1971) et de trouvaille gorasse une hallucinante séquence morbide lorsqu'un corps en lévitation attaché par des cordes aux extrémités des poignées et des pieds se retrouve sectionné au sabre en deux parties. Outre l'impact de son action dévastatrice magnifiquement improbable comme seuls les hong-kongais ont le secret, il faut enfin louer la prestance sentencieuse de l'acteur David Chiang suscitant un humanisme à la fois accablé, noble et torturé en sabreur maudit peu à peu motivé par le désir de rébellion. Incontournable. 

*Bruno Matéï 
2èx

lundi 28 mars 2022

Le Rideau Déchiré / Torn Curtain

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Alfred Hitchcock. 1966. U.S.A. 2h08. Avec Paul Newman, Julie Andrews, Lila Kedrova, Hansjörg Felmy, Tamara Toumanova, Wolfgang Kieling, Ludwig Donath.

Sortie salles France: 16 Novembre 1966. U.S: 14 Juillet 1966

FILMOGRAPHIE: Alfred Hitchcock est un réalisateur, producteur et scénariste anglo américain, né le 13 Août 1899, décédé le 29 Avril 1980. 1935: Les 39 Marches. 1936: Quatre de l'Espionnage. Agent Secret. 1937: Jeune et Innocent. 1938: Une Femme Disparait. 1939: La Taverne de la Jamaique. 1940: Rebecca. Correspondant 17. 1941: Soupçons. 1942: La 5è Colonne. 1943: l'Ombre d'un Doute. 1944: Lifeboat. 1945: La Maison du Dr Edward. 1946: Les Enchainés. 1947: Le Procès Paradine. 1948: La Corde. 1949: Les Amants du Capricorne. 1950: Le Grand Alibi. 1951: L'Inconnu du Nord-Express. 1953: La Loi du Silence. 1954: Le Crime était presque parfait. Fenêtre sur cour. 1955: La Main au Collet. Mais qui a tué Harry ? 1956: l'Homme qui en savait trop. Le Faux Coupable. 1958: Sueurs Froides. 1959: La Mort aux Trousses. 1960: Psychose. 1963: Les Oiseaux. 1964: Pas de Printemps pour Marnie. 1966: Le Rideau Déchiré. 1969: l'Etau. 1972: Frenzy. 1976: Complot de Famille.


N'ayant pas bien pigé l'intrigue plutôt confuse selon moi tout en précisant que je considère malgré tout Le Rideau Déchiré comme un excellent thriller d'espionnage impeccablement joué (Paul Newman / Julie Andrews sont divins en amants) et assorti d'une incroyable scène de meurtre anthologique ("tuez quelqu'un est très dur, très douloureux et très, très long..."), je laisse la parole à Ugly

Voici un film d'Hitchcock très sous-estimé, voire même mésestimé, je trouve ça totalement injuste vu que le monde de l'espionnage avait déjà inspiré le Maître dans le passé, souvenons-nous de les 39 marches, Correspondant 17, Cinquième colonne, les Enchaînés et bien sûr le chef d'oeuvre qu'est la Mort aux trousses... bref Hitchcock a toujours su jouer avec le milieu de l'espionnage, et de mon côté j'aime particulièrement les ambiances de guerre froide, l'action qui se déroule en Allemagne de l'Est, dans une atmosphère grisaille et avec des personnages troubles, où la peur et l'angoisse sont liées.

On a tout ça dans le Rideau déchiré qui souffre depuis sa sortie d'une réputation moyenne on va dire, alimentée par la critique américaine qui trouvait le film banal et sans grand intérêt, il n'a d'ailleurs pas tellement marché au box-office, en dépit d'un duo de vedettes sur lequel Hitchcock comptait se garantir un succès ; en fait, il a déchanté de son choix et fut gêné par Paul Newman qui nullement impressionné par Hitchcock, a servi son jeu Actor's Studio dans une action et une intrigue qui n'en avait pas besoin. Malgré cette déconvenue et quelques autres menus désagréments, on ne peut pas dire que ce film est raté, faut arrêter de taper gratuitement sur un film parce que tout le monde le fait, moi je le trouve très correct, certes c'est bien moins achevé que la Mort aux trousses ou Psychose, mais le film témoigne une fois de plus du brio hitchcockien et de ses touches personnelles qui caractérisent tous ses films.

La perfection de son style et son habileté à mener un récit triomphent d'un scénario pas très fiable et assez embrouillé, Hitchcock est très inspiré avec les pays étrangers et les atmosphères troubles, et le plus drôle c'est que l'action est censée se passer à Berlin, alors que tout a été tourné sur les plateaux de Universal et en extérieurs dans une ferme californienne pour la scène du meurtre, dans un campus et un aéroport à Long Beach en Californie, un véritable exploit donc, seule la scène de l'autocar nécessita des transparences qui sont d'ailleurs trop visibles ; Hitchcock a révélé à Truffaut dans leurs entretiens qu'il était insatisfait de ce travail mais que le studio rognait sur le budget et que ses 2 vedettes lui avaient coûté si cher qu'il ne put faire retourner en Allemagne ces scènes de background par une équipe compétente.

Au final, Hitchcock plonge encore le spectateur dans une aventure dramatique pleine de suspense, d'humour noir, d'espionnage loin des clichés bondiens, et même d'horreur, avec l'une des 2 scènes les plus réussies : la mort de Gromek, qui trouve une mort terrible et dérisoire, et encore une fois, Hitchcock a confié à Truffaut qu'il a voulu montrer par cette scène de meurtre très longue combien il était difficile et pénible de tuer un homme, prenant ainsi le contrepied du cliché qui veut que dans ce type de films, un meurtre va très vite.

L'autre scène très hitchcockienne est celle de l'autocar qui est un magnifique modèle de suspense. D'autre part, le Maître toujours soucieux de la technique, a utilisé ici une photographie spéciale combinant lumière naturelle et filtres gris pour donner un ton plus "guerre froide" et plus austère. Malgré les caprices de Newman, on peut dire quand même que lui et Julie Andrews sont bien dirigés, et bien entourés par un casting homogène où se distinguent Lila Kedrova et David Opatoshu, tous deux habitués des films d'espionnage troubles. Pour moi, c'est donc un bon Hitchcock, efficace et rigoureux qu'il faut réhabiliter.

Ugly  7/10 

jeudi 24 mars 2022

From Hell

                                          
                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

de Albert et Allen Hughes. 2001. U.S.A. 2h02. Avec Johnny Depp, Heather Graham, Ian Holm, Robbie Coltrane, Ian Richardson, Jason Flemyng, Sophia Myles.

Sortie salles France: 30 Janvier 2002. U.S: 19 Octobre 2001

FILMOGRAPHIEAlbert et Allen Hughes sont des frères jumeaux producteurs, scénaristes et réalisateurs américains, né le 1er Avril 1972 à Détroit (Michigan). 1993: Menace II Society. 1995: Génération Sacrifiée. 1999: American Pimp (doc). 2001: From Hell. 2009: New-York, I love you (un segment d'Allen Hughes). 2009: Le Livre d'Eli. 2013: Broken City (d'Allen Hughes). 2016 : The Solutrean d'Albert Hughes.


Superbe variation de Jack l'éventreur érigée par les frères HughesFrom Hell déborde de qualités esthétiques, techniques et narratives afin d'y dépoussiérer le célèbre assassin de Whitechapel dans une scénographie aussi moderne qu'archaïque. Une conjugaison idoine donc afin de réconcilier ancienne et nouvelle génération contemplant cette mise en scène horrifique avec une fascination morbide. Car régal formel à la croisée de The Crow et d'un Hammer film de par sa rutilante photo picturale résolument atmosphérique, From Hell baigne dans un climat crépusculaire délectable sous l'impulsion d'un Johnny Depp étonnamment sobre en opiomane de l'ordre chargé d'une houleuse enquête. Son investigation l'incitant inévitablement à plonger dans les bas-fonds londoniens que les Frères Hughes filment dans un  parti-pris réaliste eu égard de l'environnement éminemment malsain, crasseux, brutal, dépravé que les péripatéticiennes côtoient avec une maladroite vigilance. Si bien que la plupart d'entre elles tombent comme des mouches parmi les subterfuges de jack et de son cochet appâtant celles-ci à l'aide d'une grappe de raisin et d'un verre d'absinthe teinté d'opium. Car à cette époque le fruit extrêmement rare n'était à la portée que des rupins comme le souligne lors d'une réplique l'un des protagonistes.


Ainsi donc, en alignant efficacement lors de sa première partie des séquences de meurtres étonnamment stylisées (qu'Argento n'aurait surement pas renié !), les frères Hughes ne se complaisent ni dans le racolage ni la facilité en accordant plus d'attention à dépeindre leurs univers mortifère et ses personnages qui y évoluent dans une moralité toute à la fois sournoise et viciée. Tant auprès des prostituées en manque pécuniaire que de leur clientèle masculine résolument machiste et brutale pour les maltraiter sans une once de pitié, d'amicalité ou d'empathie. C'est donc un univers dur et cruel que nous dépeignent scrupuleusement les cinéastes jusqu'à sa seconde partie cédant place à un suspense davantage captivant lorsque l'Inspecteur Fred Abberline (Johnny Depp donc) cumule les indices afin d'y démasquer la mystérieux éventreur issu de la classe des nobles. Et c'est là qu'intervient l'originalité des compères transis d'amour pour leur énigme horrifique en empiétant sur les platebandes de la Franc-maçonnerie. L'intrigue devenant toujours plus obscure, inquiétante, fétide, perfide et déconcertante à travers la théorie d'une complicité politique et policière que les franc-maçons suborneraient par leur suprématie monarque. Tout un programme sordide donc à travers cette sombre communauté sectaire que les seconds-rôles incarnent dans un charisme machiavélique somme toute distingué. Baroque et emphatique à travers sa sombre liturgie magnifiquement composée, nous sommes peu à peu en perte de repères. Les cinéastes recourant qui plus est en intermittence à des séquences surréalistes expérimentales issues d'esprit dérangé alors que l'inspecteur Abberline s'alloue de clairvoyance lors de ses hallucinations toxicomanes afin d'y parfaire son enquête sur le point de converger. 

 
Formidable spectacle horrifique d'une classe folle à travers sa texture flamboyante, From Hell revisite le mythique profil de Jack l'Eventreur avec originalité, audace et intelligence dans leur ambition d'y parfaire un fulgurant jeu du chat et de la souris dénué de happy-end. Ou tout du moins mi-figue, mi-raisin quant à sa conclusion bipolaire à tiroirs risquant même de déconcerter une frange de spectateurs. Brillamment interprété par un Johnny Depp étonnamment flegme et contenu en inspecteur émérite peu à peu épris de sentiments pour Mary Kelly (élégamment endossée par Heather Graham même si son jeu perfectible fut à mon goût trop injustement critiqué auprès de critiques autrement drastiques), From Hell brille autant par la présence charismatique de ces interprètes masculins s'adonnant aux règlements de compte couards et impitoyables pour y discréditer la femme soumise molestée, objet sexuel aviné rejeté par la haute société que les comédiennes endossent avec un naturel strié.  

*Bruno Matéï
05.04.17
24.03.22. 4èx

Box-Office France: 824 189 entrées