jeudi 17 septembre 2015

IN THE CUT

                                                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site ebay.com

de Jane Campion. 2003. U.S.A/Australie/Angleterre. 1h58. Avec Meg Ryan, Mark Ruffalo, Nick Damici, Jennifer Jason Leigh, Micheal Nuccio, Sharrieff Pugh, Heather Litteer, Patrice O'Neal, Kevin Bacon.

Sortie salles France: 5 Novembre 2003. U.S: 22 Octobre 2003.

FILMOGRAPHIE: Jane Campion est une réalisatrice et scénariste néo-zélandaise, née le 30 Avril 1954 à Wellington. 1989: Sweetie. 1990: Un Ange à ma table. 1993: La leçon de piano. 1996: Portrait de Femme. 1999: Holly Smoke. 2003: In the Cut. 2009: Bright Star.


Réalisatrice reconnue par la critique avec Un Ange à ma Table (Grand Prix du Jury à la Mostra de Venise, 90) et la Leçon de Piano (Palme d'Or, Cannes 93), Jane Campion change de registre en 2003 pour emprunter le mode du thriller avec In the Cut, d'après un roman de Susanne Moore. Prenant pour interprète principale l'illustre Meg Ryan dévoilée ici sans maquillage dans un rôle à contre-emploi de son image charmeuse et romantique, Jane Campion nous brosse un portrait de femme indépendante en perdition. Celle d'une professeur de lettres égarée entre sa solitude, son passé familial galvaudé et ses rencontres sexuelles sans lendemain. Meg Ryan, quasi méconnaissable, donnant corps à son personnage apathique avec une émotion contenue, une sensibilité contrariée et un tempérament versatile. Témoin malgré elle des exactions sordides d'un serial-killer démembrant ses victimes, le détective Malloy est contraint de l'interroger, faute du premier crime perpétré sous la fenêtre de son appartement. Rapidement, Frannie se laisse courtiser par ce dernier pour entamer avec consentement une relation lubrique. Mais l'arrogance du meurtrier à l'affût de ses déplacements ainsi qu'un 3è crime crapuleux vont bouleverser sa banale quotidienneté. 


Thriller singulier dans la forme puisque le film esthétiquement crépusculaire se morfond dans un climat anxiogène indicible, In the Cut est une errance au bout de l'enfer urbain qu'une femme esseulée va emprunter de manière impromptue par sa fragile influence et ses rencontres plus ou moins marginales (si on excepte sa relation intrigante avec l'inspecteur Malloy). Chargé d'un érotisme torride par le biais de séquences charnelles particulièrement sensorielles, l'intrigue oppose les étreintes sexuelles à l'horreur de situations crapoteuses parmi l'errance d'une héroïne facilement malléable. Avec le parti-pris de réfuter les conventions du genre, Jane Campion s'intéresse surtout à fignoler son cadre urbain entaché d'une aura glauque vénéneuse autour de l'évolution ambivalente de Malloy et Franny, communément épris d'idylle entre jeux sexuels et désirs éthérés. Nanti d'un langage parfois cru et même de l'utilisation audacieuse d'inserts X lors d'une séquence clef confinée dans les toilettes d'un bar, la réalisatrice sème trouble et malaise afin de désorienter le spectateur embarqué dans une investigation policière à la progression indécise. Exploitant avec subtilité suspense latent, angoisse palpable et tension sous-jacente, In the Cut hypnotise les sens du spectateur parmi l'habileté machiavélique d'une réalisation auteurisante faisant honneur à l'étude caractérielle (l'identité de l'assassin s'avérant finalement peu louable). Avec son atmosphère aussi glauque que feutrée régie au coeur d'un New-York ombrageux et parmi les motivations lubriques de personnages (seconds-rôles à l'appui !) ne prêtant pas à la quiétude, le spectateur observe cette jungle avec l'impuissance de prêter main forte à notre héroïne vulnérable.


L'amour en berne
Angoissant et oppressant, sensuel et provocant, malsain et éprouvant (l'épicentre traumatique s'avère d'une intensité dramatique aussi rigoureuse que bouleversante !), In the Cut bouscule les habitudes du spectateur impliqué dans un thriller d'un érotisme instable, de par les frustrations sexuelles et la désillusion des protagonistes en dépit amoureux. Sans doute un des thrillers les plus marquants des années 2000 malgré sa retenue publique. 

Dédicace à Arnaud Kovac
Bruno Matéï
2èx

mardi 15 septembre 2015

TUEURS NES. Grand Prix Spécial du Jury, Mostra de Venise, 1994.

                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site moviepostershop.com 

"Natural Born Killers" d'Oliver Stone. 1994. U.S.A. 2h02 (Director's Cut). Avec Woody Harrelson, Juliette Lewis, Tom Sizemore, Tommy Lee Jones, Rodney Dangerfield, Everett Quinton, Jared Harris, Pruitt Taylor Vince, Edie McClurg, Russell Means, Lanny Flaherty, Robert Downey Jr.

Sortie salles France: 21 Septembre 1994. U.S: 26 Août 1994

FILMOGRAPHIE: Oliver Stone (William Oliver Stone) est un réalisateur, scénariste et producteur américain né le 15 septembre 1946 à New-York.
1974: La Reine du Mal, 1981: La Main du Cauchemar, 1986: Salvador, Platoon, 1987: Wall Street, 1988: Talk Radio, 1989: Né un 4 Juillet, 1991: Les Doors, 1991: JFK, 1993: Entre ciel et Terre, 1994: Tueurs Nés, 1995: Nixon, 1997: U-turn, 1999: l'Enfer du Dimanche, 2003: Comandante (Doc), 2003: Persona non grata, 2004: Looking for Fidel (télé-film), 2004: Alexandre, 2006: World Trade Center, 2008: W.: l'Impossible Président, 2009: Soul of the Border, 2010: Wall Street: l'argent ne dort jamais. 2012. Savages.


Film culte à la polémique tempétueuse dès sa sortie en raison de sa violence triviale ultra sarcastique, Tueurs Nés traite de ce thème du point de vue psychotique d'un couple de serial-killers engagés à éradiquer la vie d'autrui avant de succomber à leur romance. Trip expérimental d'une fulgurance visuelle exubérante (foisonnance de plans rapides et concis modifiant sans prévenir texture et colorimétrie de l'image !), cocktail au vitriol d'humour noir, d'action cartoonesque et d'ultra violence décomplexée, Oliver Stone allie l'hyperbole et la surenchère afin de porter en dérision la schizophrénie de l'homme hanté par son instinct meurtrier. Ou comment renouer ici avec une liberté épanouie du point de vue immoral de tueurs galvaudés par leur enfance martyr ! A travers ces écorchés de la vie incapables de refréner leur haine, Oliver Stone en profite pour dénoncer la responsabilité morale de nos sociétés modernes se vautrant dans la vulgarité avec une complaisance irresponsable via le tube cathodique !  


Sur ce point, on peut d'ailleurs prôner la manière satirique à laquelle le réalisateur se raille des sitcoms familiales (rajout de rires outrés en fond sonore afin de mieux manipuler le public et l'inciter à ricaner !) pour vulgariser la jeunesse de Mickey et Mallory ! Retraçant de manière débridée et dans un maelstrom d'images ultra agressives leur équipée sauvage avant leur arrestation médiatique puis leur évasion, Tueurs Nés se porte en réquisitoire sur la complicité des médias à engendrer des criminels de masse au travers de leurs émissions sensationnalistes en quête d'audimat. En l'occurrence, ces reportages racoleurs combinant images d'archives et reconstitution factice afin de glorifier le parcours morbide des tueurs en série les plus scandaleux. La quête du scoop le plus crapuleux commenté par des journalistes véreux ayant perdu toute notion de lucidité et de moralité au sein d'une société de décadence ! Baignant dans un climat perpétuel de folie furieuse, en martelant notamment le spectateur de métaphores cauchemardesques émanant des esprits torturés du couple criminel, Tueurs Nés puise son intensité et sa fascination par le portrait imparti à sa jungle de désaxés. C'est à dire l'être humain conditionné à refouler sa violence dans une société civique mais ici contraints de laisser extérioriser sa déchéance animale sous l'influence libertaire d'un couple de tueurs ! Parmi cette posture cabotine et outrancière, les acteurs habités par leur rôle s'en donnent à coeur joie dans les exubérances en roue libre ! Que ce soit Roberft Downey Jr en journaliste cupide subitement réveillé par l'autonomie de son instinct meurtrier, Tom Sizemore en flic sournois tributaire de sa déviance sexuelle, Tommy Lee Jones en directeur pénitentiaire habité par une démence castratrice, Woody Harelson en sommité criminelle et enfin Juliette Lewis donnant corps à son personnage impavide avec constance inquiétante et une sensualité naturelle trouble ! 


Film malade habité par la frénésie d'une violence compulsive, farce au vitriol dénonçant avec dérision insolente l'ascension de la Real TV (le débriefing carcéral et la tuerie qui s'ensuit en direct live !) et la responsabilité des médias et des journalistes en quête du scoop le plus éhonté, fable cinglante sur le pouvoir de l'image, l'influence de la violence cinématographique et la fascination morbide éprouvée pour les serial-killers, Tueurs Nés est une expérience sensorielle sous impulsion reptilienne. Une catharsis en somme au tueur qui sommeille en chacun de nous !

Bruno Matéï
3èx

Récompenses: Mostra de Venise 1994, Grand prix spécial du jury et Prix Pasinetti de la meilleure actrice pour Juliette Lewis


lundi 14 septembre 2015

FIRESTORM

                                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site chinesemov.com

"Fung Bu" de Alan Yuen. 2013. Hong-Kong/Chine. 1h49. Avec Andy Lau, Gordon Lam, Ka-Tung, Yao Chen, Jacqueline Chan.

Sortie salles Hong-Kong: 19 Décembre 2013

FILMOGRAPHIE: Alan Yuen est un réalisateur, scénariste, acteur et producteur chinois
1994: Ai qing jia you shan. 2002: Seung Fei. 2013: Firestorm.


Polar d'action co-produit entre la Chine et Hong-Kong, Firestorm reprend le concept de base d'un modèle du genre, Heat de Michael Mann pour les récurrents agissements de braqueurs professionnels s'en prenant à des camions de transport de fond parmi des moyens disproportionnés (outre leur artillerie militaire, la séquence d'ouverture utilise de manière inédite une grue afin de désosser un fourgon blindé !).


Il s'agit donc d'une incessante rivalité entre ces derniers et les forces de l'ordre que nous relate fébrilement Alan Yuen, quand bien même sous argument corrupteur, le héros principal (l'inspecteur Yan Bin qu'endosse avec aigreur charismatique Andy Lau) est entaché d'une justice aussi sournoise qu'expéditive pour maîtriser ses assassins. Si le scénario n'apporte rien de neuf pour son incessant jeu de chat et de la souris entre flics et truands sans pitié Spoil ! (un gosse y trinque sous les yeux impuissants du paternel !) fin du Spoil, l'énergie de la mise en scène, l'habile dosage des séquences d'actions aussi spectaculaires qu'inventives et l'ambiguïté du héros prêt à braver sa profession pour éradiquer le Mal insuffle une redoutable efficacité au cheminement narratif. En parallèle, Alan Yuen s'intéresse également à mettre en appui la tentative de rédemption d'un second-rôle en sursis, un jeune ex-taulard partagé entre le désir de renouer avec sa marginalité et celui de se racheter une conduite afin de récupérer l'amour de sa compagne. Mené sans répit car surtout dédié à l'impact homérique des fusillades sanglantes, règlements de compte, poursuites effrénées en véhicule et confrontation finale au paroxysme de l'apocalypse (stratégie d'attaque catastrophiste à l'appui !), Firestorm n'oublie pas de provoquer l'émotion parmi la caractérisation humaine d'un flic en voie de perdition morale depuis la mort d'un acolyte. Parmi la dramaturgie d'un évènement aussi brutal, Firestorm gagne donc en intensité tout en portant un regard subversif à l'identité de son personnage obnubilé à l'idée d'éradiquer ses assassins quelqu'en soit les moyens requis, quand bien même l'empathie éprouvée pour son indic progressera lorsque ce dernier tentera une bravoure de dernier ressort.


Se clôturant par le chaos d'une confrontation furieusement belliqueuse en plein centre urbain (comptez 20 bonnes minutes de pyrotechnie à feu et à sang !), Firestorm exploite habilement l'esbroufe à l'aide d'une virtuosité géométrique et l'intensité narrative d'une guerre de clans parmi l'autorité véreuse d'un anti-héros obsédé par sa justice criminelle. 

Dédicace à Jean Michel Micciche.
Bruno Matéï

vendredi 11 septembre 2015

MONSTER BOY: HWAYI

                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de Jang Joon-Hwan. 2013. Corée du Sud. 2h06. Avec Yeo Jin-goo, Kim Yoon-seok, Cho Jin-Woong, Jang Hyun-sung, Kim Sung-Kyun, Park Hae-Joon.

Sortie salles Corée du Sud: 9 Octobre 2013. Sortie Dvd France: 29 Octobre 2014

FILMOGRAPHIE: Jan Joon-Hwan est un réalisateur et scénariste coréen.
2003: Jigureul jikyeora ! 2010: Kamelia (segment "Love for Sale"). 2013: Monster Boy


Concentré d'action et d'ultra violence aussi sardonique que cruelle, Monster Boy fait office de descente aux enfers du point de vue d'un adolescent embrigadé dès son enfance par des braqueurs pour tenir lieu de rançon. Après avoir été confiné au fond d'une cave durant son enfance puis ayant parvenu à canaliser ses visions hallucinatoires d'un monstre tapi dans l'ombre, Hwayi est aujourd'hui enrôlé pour devenir un tueur méthodique sous son apprentissage parental. Mais au moment de sa première effraction chez un particulier, une révélation inopinée va totalement bouleverser la donne et le substituer en ange exterminateur. Polar aussi tranchant qu'une lame de rasoir pour son parti-pris insolent d'illustrer les exactions meurtrières d'une famille dysfonctionnelle au passé galvaudé, Monster Boy aborde les thématique de la démission parentale, l'enfance maltraitée, la perte de l'innocence et la vengeance par le conditionnement d'un adolescent en voie de mutation. Ou comment parvenir à se fondre dans la peau d'un tueur sans vergogne après avoir réussi à dompter le monstre qui sommeille en nous ! L'éveil et l'équilibre de la maturité étant ici compromis par une éthique nihiliste de perpétrer le Mal sans justification. 


Emaillé de séquences surréalistes pour la caractérisation graphique d'une créature haineuse, Monster Boy bouscule nos habitudes par le biais d'une ambiance aussi survoltée que réaliste, notamment avec l'appui d'une violence sournoise et la personnalité décalée d'antagonistes victimes Spoil ! de leur condition orpheline fin du Spoil. Poignant à plus d'un titre, notamment pour l'intensité dramatique de sa dernière partie, l'intrigue oscille efficacement les règlements de compte sanglants, courses-poursuites et bastonnades autour des agissements punitifs d'un adolescent en crise identitaire. La vigueur brutale qui émane de sa rancune et la vélocité de la caméra nous entraînant dans une vertigineuse spirale de violence toujours plus pernicieuse pour ceux qui s'y morfondent ! Outre sa facture homérique d'exploiter des scènes d'actions à la chorégraphie virtuose, Monster Boy privilégie autant la réflexion sur l'engrenage et l'endoctrinement de la violence (vaincre la peur pour prendre ici la place du monstre que l'on combattait !) tout en fustigeant la responsabilité parentale destituée de pédagogie et de nobles valeurs. La caractérisation psychologique de Hwayi en requête identitaire s'avérant toujours plus bouleversante sous l'impulsion névralgique de l'étonnant Yeo Jin-Goo. On peut également saluer la prestance habitée de Kim Yoon-seok (déjà fulgurant en meurtrier crapuleux dans Sea Fog !) endossant avec flegme viscéral et ambiguïté morale une figure paternelle aussi traumatisée d'un passé martyr. 


Emotionnellement foudroyant pour ses éclairs d'ultra-violence décomplexée, son action épique et sa dramaturgie en chute libre, Monster Boy dresse, non sans une certaine dérision vitriolée, le portrait aliénant d'une famille dysfonctionnelle noyée par leur déchéance immorale depuis leur condition de déréliction. Cri d'alarme contre les conséquences de la démission parentale engendrant la haine de leur progéniture, Monster Boy dégage un humanisme désespéré sous l'appui symbolique de l'Ange du Mal. 

Dédicace à Jean Marc Micciche
Bruno Matéï

jeudi 10 septembre 2015

HYENA. Prix du Jury au Festival de Beaune, 2015.

                                                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site dailymars.net

de Gérard Johnson. 2014. Angleterre. 1h52. Avec Peter Ferdinando, Stephen Graham, MyAnna Buring, Elisa Lasowski, Neil Maskell, Richard Dormer, Tony Pitts, Mehmet Ferda.

Sortie salles France: 6 Mai 2015. Interdit aux - de 16 ans.

FILMOGRAPHIE: Gerard Johnson est un réalisateur, scénariste et producteur anglais, né le
2009: Tony. 2014: Hyena.


Polar choc venu d'Angleterre alors qu'il s'agit de la seconde réalisation de Gerard Johnson, Hyena enthousiasma tant les festivaliers de Beaune qu'il repartit avec le Prix du Jury, sans compter ses récompenses attribuées à Sitges pour celui du Meilleur Film et au Festival européen des Arcs pour celui du Meilleur Acteur que Peter Ferdinando endosse avec une vérité sinistrée ! Uppercut émotionnel d'une grande intensité pour le cheminement de perdition qu'une poignée de flics corrompus s'adonne alors que leur leader tentera en désespoir de cause une quête de rédemption, Hyena fait l'effet d'un mauvais trip pour la verdeur de son réalisme poisseux. Glauque et viscéralement malsain, l'ambiance ténébreuse que Gerard Johnson parvient à régir autour de ses témoins galeux nous ensorcelle parmi la scénographie d'une cité urbaine en décrépitude.


Surveillé par l'autorité de ses supérieurs sur le point de le coffrer pour corruption et meurtre, et menacé de mort par deux tueurs albanais qu'il tente maladroitement de coffrer, (des frères impliqués dans le trafic de came et traite des blanches), l'officier Michael Logan magnétise l'écran de sa présence anxiogène où l'ombre de la déroute semble planer sur ses épaules. Accro à la coke, portant peu d'affection à sa compagne et toujours plus nécrosé par ses trafics en tous genres, ce dernier s'efforce dans un regain de conscience à daigner porter secours auprès d'une albanaise réduite à l'esclavage. Avec souci de réalisme d'une mise en scène personnelle tantôt expérimentale, tantôt stylisée, le réalisateur nous plonge dans cet univers de crime, d'extorsion et de corruption sous l'impulsion du flic ripou en instance de survie. Si le scénario déjà vu n'apporte pas vraiment de nouveauté pour les règlements de compte, trahisons et filatures que se disputent police et pègre, la manière scrupuleuse dont le cinéaste dresse le portrait aride de ces marginaux burnés et l'introspection accordée aux états d'âme de l'officier nous fascine de façon contemplative. Notamment en accordant le bénéfice de l'empathie pour les conséquences dramatiques de sa déchéance morale et de son soutien héroïque auprès de l'albanaise. Si les âpres éclairs de violence qui traversent l'intrigue impressionnent durablement la mémoire, la manière retorse dont Gerard Johnson l'exploite élude tout effet de sensationnalisme, notamment avec le parti-pris d'un réalisme baroque parfois stylisé d'effets de ralenti ! 


Expérience sordide de polar dépressif où flics ripoux et mafieux albanais se bafouent l'autorité sans aucune vergogne, Hyena est une plongée vertigineuse au coeur de la bassesse humaine. Avec sa réalisation auteurisante et ces trognes burinées d'une interprétation hors pair, Gerard Johnson parvient miraculeusement à réinventer le classicisme de sa narration parmi la photogénie crépusculaire d'une cité urbaine méphitique. Avec l'appui de son esprit nihiliste et iconoclaste, une grosse majorité de spectateurs sortiront néanmoins frustrés d'un épilogue aussi elliptique ! Préparez vous donc à la douche froide ! 

Bruno Matéï

Récompenses: Prix du jury au Festival du film policier de Beaune en 2015
Meilleur film à Fantàstic Orbita de Sitges Film Festival 2014 
Meilleur Acteur (Peter Ferdinando) au Festival Européen des Arcs 

mercredi 9 septembre 2015

SEA FOG

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Haemoo" de Shim Sung-bo. 2014. Corée du Sud. 1h56. Avec Kim Yoon-seok, Park Yoo-chun, Han Ye-ri.

Sortie salles France: 1er Avril 2015. Corée du Sud: 13 Août 2014

FILMOGRAPHIE:  Shim Sung-bo est un scénariste (Memories of Murder, 2003) et réalisateur sud-coréen. 2014: Sea Fog.


Première réalisation de Shim Sung-ho, scénariste de Memories or murder, Sea Fog aborde le thème (on ne peut plus actuel !) de la situation des migrants à travers un périple maritime en perdition. Le film, sans concession par son climat aussi malsain qu'étouffant, provoque d'autant plus le malaise qu'il s'inspire d'une histoire vraie ! Parce qu'il est sur le point de perdre son emploi, un capitaine propose à son équipage d'accepter d'embarquer des migrants chinois en toute illégalité. Par la cause d'une défaillance technique, leur transaction converge à une impitoyable descente aux enfers. 


Introspection au coeur de la turpitude humaine, épreuve de force morale pour la survie, jeu de massacre entre un équipage cupide corrompu par leurs bas instincts de dernier ressort, Sea Fog est un drame horrifique d'une intensité éprouvante. De par le réalisme sordide alloué à la déchéance d'une équipe de prolétaires contraints d'enfreindre la loi afin de préserver leur précarité professionnelle, Shim Sung-ho insuffle un malaise toujours plus tangible au fil de leur dérive meurtrière en chute libre. Ce dernier prenant soin de structurer une intrigue machiavélique autour de leurs exactions où chacun des membres de l'équipage ne comptera finalement que sur leur libre arbitre afin de rester en vie et fuir leur responsabilité. Outre le portrait méprisable alloué à la nature humaine, la force de l'intrigue résidant également dans la tension d'une progression de suspense quant à la situation alarmiste octroyée à une clandestine planquée sous la salle des machines. En filigrane, et avec une pudeur sensible aussi lyrique que bouleversante, le cinéaste prenant soin de nous attacher à la survie de cette candide rescapée éprise d'affection pour un jeune matelot. Autour de leur faible enjeu de survie où l'injustice des règlements de compte s'avère toujours plus abrupt, l'intrigue converge vers une tournure dramatique au dénouement indécis. A savoir si la rédemption amoureuse pourrait vaincre la mort et parvenir à leur faire oublier l'expérience traumatique.


Drame horrifique jusqu'au-boutiste sur fond de romance à l'humanisme affligé, Sea Fog empreinte le canevas de l'oeuvre choc sans misérabilisme ni complaisance. Shim Sung-ho illustrant âprement un constat aussi édifiant que pessimiste sur la nature humaine lorsque l'homme est contraint de transgresser la loi pour l'unique enjeu de sa survie. A travers ce périple morbide où la fonction des immigrants n'est qu'un bénéfice de gain, le cinéaste pointe du doigt l'irresponsabilité des passeurs à oser braver risques et préjudice. Une épreuve d'autant plus bouleversante pour la réalité sociale de son thème d'actualité que Shim Sung-ho dépeint scrupuleusement avec une sensibilité sans échappatoire. 

Dédicace à Cid Orlandu et Jean Marc Micciche.
Bruno Matéï

mardi 8 septembre 2015

DRACULA CONTRE FRANKENSTEIN

                                                                           Photo emprunté sur Google, appartenant au site en.wikipedia.org

"Los Monstruos Del Terror" de Hugo Fregonese et Tulio Demicheli. 1970. Espagne/Allemagne. 1h27. Avec Paul Naschy, Patty Shepard, Craig Hill, Michael Rennie, Karin Dor.

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Tulio Demicheli est un réalisateur, scénariste et producteur espagnol, né le 15 Août 1914 en Argentine, décédé le 25 Mai 1992 à Madrid, Espagne.
1966: Deux garces pour un tueur. 1970: Dracula contre Frankenstein. 1972: Les 2 visages de la peur.
Hugo Fregonese est un réalisateur, acteur et scénariste espagnol né le 8 Avril 1908 en Argentine, décédé le 17 Janvier 1987. 1973 La mala vida. 1970: Dracula contre Frankenstein (non crédité). 1966: La pampa sauvage. 1964: Les cavaliers rouges. 1964: Les rayons de la mort du Dr. Mabuse. 1962/I: Marco Polo (US version). 1958: Harry Black et le tigre. 1957: Les sept tonnerres. 1957: La spada imbattibile. 1956: I girovaghi. 1950: L'impasse Maudite.


Production hispano-germanique débutée par le cinéaste Hugo Fregonese puis finalisé par Tulio Demicheli, faute de moyens financiers en berne, Dracula contre Frankenstein s'inspire éminemment de la zéderie de Ed Wood, Plan nine from outer space considéré comme l'ofni le plus nul de tous les temps ! Des extra-terrestres prenant notre apparence humaine débarquent sur terre et s'installent dans un château afin de parfaire leur odieux stratagème. C'est à dire exhumer de leur tombe les monstres les plus célèbres de nos superstitions (Frankenstein, Dracula, le Loup-garou et la Momie) pour envahir notre monde. Mais un inspecteur enquêtant sur la disparition de jeunes filles va tenter de déjouer leur improbable complot ! Titre français fallacieux s'il en est, puisque à aucun moment de l'histoire nos deux monstres notoires viennent improviser un quelconque pugilat, Dracula contre Frankenstein est une aberration filmique aujourd'hui exhumée de l'oubli chez nos éditeurs d'Artus Films. Les mauvaises langues pourraient d'ailleurs gentiment s'en railler en prétendant le contraire, à savoir qu'il aurait mieux valu qu'il reste inhumé dans les limbes du silence !


Nanti d'un faible budget, eu égard des décors minimalistes du sombre manoir terni d'une photo décolorée, cette série Z s'efforce de ressusciter les monstres de notre enfance sous l'impulsion d'une poignée d'acteurs inexpressifs mais convaincus de leur stature horrifiante ! Traité avec un sérieux contracté comme le prétendent ces derniers, l'intrigue saugrenue de cette mascarade provoque successivement consternation et sourire amusé face à un contexte aussi ubuesque où les monstres séculaires de nos mythologies reviennent à la vie sous l'obédience d'une dictature extra-terrestre ! Déambulant dans le château en guise d'ennui et avec désir inné de vivre leur indépendance, nos créatures sont néanmoins contraintes de tester leur compétence physique sur des cobayes (tout en se provoquant mutuellement) sous l'autorité du savant extra-terrestre. Mais parmi ces créatures malfaisantes, Waldemar Daninsky (campé avec sobriété par l'inénarrable Paul Naschy !), épris d'aigreur et d'insurrection pour sa condition esclave de lycanthrope et féru d'amour pour une secrétaire, songe au suicide après avoir tenter de s'évader depuis les cruelles expériences de son maître. Pendant ce temps, un inspecteur sur le qui-vive se rapproche un peu plus du repère du Docteur Warnoff (maître d'oeuvre de cette résurrection folklorique !) depuis le kidnapping de sa propre dulcinée. Nanti d'un rythme assez sporadique pour la conduite désordonnée du récit multipliant incohérences et situations horrifiques sans ressort dramatique, Dracula contre Frankenstein se suit modestement comme un délire d'inepties en roue libre avant que le loup-garou ne se porte garant d'une rédemption héroïque !


Le loup-garou contre la Momie, Frankenstein et Dracula
Série Z ombrageuse sauvée par l'hérésie d'une intrigue saugrenue constamment impromptue et par la fantaisie archaïque des monstres au faciès "Paella", Dracula contre Frankenstein éveille un intérêt gentiment ludique pour les inconditionnels de bisserie atypique (à l'instar de cette opération du coeur pratiquée sur Waldemar afin de l'exhumer de sa torpeur !).   

Bruno Matéï

lundi 7 septembre 2015

BIG RACKET

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site cineforum-clasico.org

"Il grande racket". de Enzo G. Castellari. 1976. Italie. 1h44. Avec Fabio Testi, Vincent Gardenia, Renzo Palmer, Orso Maria Guerrini, Glauco Onorato, Marcella Michelangeli, Romano Puppo, Antonio Marsina, Salvatore Borghese.

Sortie salles France: 2 Août 1978

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Enzo G. Castellari est un réalisateur, scénariste, acteur, monteur et producteur italien, né le 29 Juillet 1938 à Rome (Italie).
1967: Je vais, je tire et je reviens. 1968: Django porte sa croix. 1968: 7 Winchester pour un massacre. 1968: Tuez les tous... et revenez seul ! 1973: Le Témoin à abattre. 1976: Keoma. 1976: Big Racket. 1977: Une Poignée de salopards. 1977: Action Immédiate. 1979: La Diablesse. 1979: Les Chasseurs de Monstres. 1981: La Mort au Large. 1982: Les Nouveaux Barbares. 1982: Les Guerriers du Bronx. 1983: Les Guerriers du Bronx 2. 1987: Striker. 1987: Hammerhead. 1997: Le Désert de Feu.


Pur film d'exploitation surfant sur la vague des Vigilante Movies initiés par l'Inspecteur Harry et Un Justicier dans la ville, Big Racket tire parti de son attraction grâce à l'efficacité de sa mise en scène exploitant nerveusement les séquences de gunfights sur un rythme métronomique, notamment avec l'appui du montage calibré. 


Enzo G. Castellari s'avérant particulièrement inspiré à chorégraphier ces règlements de compte par le biais d'une violence spectaculaire n'hésitant pas parfois à la vulgariser. De par la posture réactionnaire (et suicidaire) de justiciers aveuglés par leur déchéance meurtrière (l'un d'eux n'hésitera pas à blesser son rival de plusieurs balles avant de froidement l'assassiner !) et la dérive perverse d'un quatuor de malfrats adeptes du viol en réunion (une des deux séquences d'agression sexuelle s'avère assez dure pour le réalisme imparti aux clameurs d'une innocente mineure, même si le hors-champs désamorce graphiquement l'horreur des sévices). Si l'intrigue canonique (pour déclarer la guerre à la mafia, un flic déchu de ses fonctions décide de fonder une milice avec le soutien de parents de défunts) fait preuve d'idéologie irresponsable et ne sert que de prétexte à surenchérir l'action, le savoir-faire de son auteur de nous tenir constamment en haleine parvient à transcender ses facilités en jouant la carte décomplexée du western urbain. Outre le caractère ludique de ses affrontements belliqueux que s'imposent insatiablement flics et pègre, Big Racket est également servi par un casting de seconde zone des plus attachants. Des trognes burinées d'acteurs italiens complètement impliqués dans leur fonction criminelle (et)ou justicière, quand bien même les réparties cocasses de Vincent Gardenia viennent un peu détendre l'atmosphère dans son statut affable d'indic en semi-retraite. Des seconds rôles insufflant un bel entrain à leur cohésion rebelle quand bien même Fabio Testi mène sa hiérarchie officieuse avec le flegme autoritaire d'un flic en insurrection.    


Naïf et réactionnaire pour l'idéologie primaire d'une justice expéditive, Big Racket est transcendé par la dérision d'un faiseur de Bis adepte d'une série B d'exploitation ludique sous l'impulsion d'une poignée d'acteurs s'en donnant à coeur joie dans les expressions bellicistes. Si sa violence parait aujourd'hui un brin désuète (son interdiction au moins de 18 ans peut aujourd'hui être levée), la vigueur spectaculaire qui émane des canardages n'a rien perdu de son ressort jouissif au point de concurrencer la modernité de nos films d'action numérisés. 

Remerciement à Artus Film.
Bruno Matéï

jeudi 3 septembre 2015

CANNIBAL FEROX


d'Umberto Lenzi. 1981. Italie. 1h36. Avec Giovanni Lombardo Radice, Lorraine De Selle, Robert Kerman, Danilo Mattei, Zora Kerova, Walter Lucchini.

Sortie salles France: 16 Juin 1982. Italie: 24 Avril 1981. Interdit aux - de 18 ans lors de sa sortie en salles.

FILMOGRAPHIE: Umberto Lenzi est un réalisateur et scénariste italien, né le 6 Aout 1931 à Massa Marittima, dans la province de Grosseto en Toscane (Italie).
1962: Le Triomphe de Robin des Bois, 1963: Maciste contre Zorro, Sandokan, le Tigre de Bornéo, 1964: Les Pirates de Malaisie, 1966: Kriminal, 1967: Les Chiens Verts du Désert, 1968: Gringo joue et gagne, 1969: La Légion des Damnés, Si douces, si perverses, 1970: Paranoia, 1972: Le Tueur à l'orchidée, 1972: Au pays de l'Exorcisme, 1973: La Guerre des Gangs, 1974: Spasmo, La Rançon de la Peur, 1975: Bracelets de Sang, 1976: Brigade Spéciale, Opération Casseurs, La Mort en Sursis, 1977: Le Cynique, l'infâme et le violent, 1978: Echec au gang, 1980: La Secte des Cannibales, l'Avion de l'Apocalypse, 1981: Cannibal Ferox, 1983: Iron Master, la guerre du fer, 1988: Nightmare Beach, la Maison du Cauchemar, 1991: Démons 3, 1996: Sarayevo inferno di fuoco.


Pur produit d'exploitation typiquement transalpin, Cannibal Ferox surfe sur le succès du scandaleux Cannibal Holocaust un an après que le classique de Deodato eut éclaboussé les écrans dans des versions tronquées. Réalisé par Umberto Lenzi qui fut l'initiateur du genre en 1972 avec Au pays de l'Exorcisme, Cannibal Ferox fut interdit dès sa sortie dans 31 pays en raison de son extrême violence et de ces séquences snufs animalières (honteusement) familières au sous-genre. Si la plupart des films de cannibales avait déjà provoqué un tollé de réprobation de la part du public et des défenseurs de la cause animale, Cannibal Ferox continue de se complaire dans la mise à mort réelle d'animaux avec une gratuité triviale. En dehors du dégoût viscéral que provoque inévitablement ses châtiments cruels pris sur le vif, le film parvient tout de même à nous "distraire" dans son format de série B/Z exploitant avec une certaine efficacité l'aventures et l'horreur crapoteuse par le biais d'une intrigue fertile en péripéties. 


En gros, une équipe d'étudiants en anthropologie préparant une thèse sur la cannibalisme décident de se rendre en Amazonie afin de prouver que cette pratique indigène n'était qu'une légende. Durant leur périple, ils font la rencontre de deux trafiquants de drogue délibérés à retrouver des émeraudes au fin de fond de la jungle. Parmi ce duo suspicieux, le leader cocaïnomane s'avère un psychopathe sans vergogne multipliant les intimidations meurtrières auprès d'une tribu autochtone. Si cette intrigue conventionnelle n'accorde aucune surprise quant au cheminement de survie des protagonistes fatalement pourchassés par des indigènes revanchards depuis leurs sauvages exactions, Cannibal Ferox puise son intérêt dans le dépaysement de sa scénographie végétative au rythme de scènes de poursuites et de fugue que nos protagonistes doivent encourir afin de rester en vie. On peut aussi relever l'ironie finale du réalisateur à mettre en appui l'hypocrisie de l'anthropologie lorsque l'unique survivante primée d'un diplôme de docteur à l'université de New-York est contrainte de feindre à ses professeurs que le cannibalisme n'était qu'un mythe ! Mais le clou du spectacle, si escompté, se révèle bien entendu les moments gores de mises à mort cruelles intentées sur les êtres humains. Les multiples sévices infligés sur les indigènes et (anti)héros s'avérant assez impressionnants de réalisme grâce à l'habileté du montage et des maquillages élaborés par Giuseppe Ferranti. A l'instar des seins d'une jeune femme suspendus par des crochets, de l'émasculation suivie d'un scalp (en gros plan) d'un prisonnier et de l'énucléation d'un indigène sans défense ! Si la plupart des acteurs cabotins offre le minimum syndical pour leur prestance superficielle d'expéditeurs apeurés, Giovanni Lombardo Radice parvient à s'extraire du lot pour son rôle erratique de tortionnaire pervers (à la moindre occasion il n'hésite pas à parfaire ses délires morbides tout en influençant l'une de ses proches !) prêt à trahir les siens afin de s'extraire de l'enfer vert ! 


Dénué de suspense et d'intensité pour les enjeux de survie et la fonction alimentaire des personnages, notamment faute d'un scénario éculé inspiré de Cannibal Holocaust, Cannibal Ferox fait aujourd'hui office de curiosité Bis par son aspect attachant de film d'aventures horrifiques mené sur un rythme soutenu. Du Grindhouse transalpin de (bon) mauvais goût sauvé par l'audace de son ambiance malsaine où des marginaux peu recommandable vont finalement servir de dîner anthropophage parmi des séquences mémorables de châtiment rustre.    

La Chronique de Cannibal Holocaust: http://brunomatei.blogspot.fr/2013/07/cannibal-holocaust.html

Bruno Matéï
3èx 


mercredi 2 septembre 2015

THE AGE OF ADALINE

                                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site lajupettedejeannette.com

de Lee Toland Krieger. 2015. U.S.A. 1h55. Avec Blake Lively, Michiel Huisman, Kathy Baker, Harrison Ford, Ellen Burstyn, Amanda Crew, Richard Harmon, Mark Ghanimé.

Sortie salles France: 22 Mai 2015 en video. U.S: 24 Avril 2015

FILMOGRAPHIE: Lee Toland Krieger est un scénariste et réalisateur américain.
2006: December Ends. 2009: The Vicious Kind. 2012: Celeste and Jesse Forever. 2015: Adaline.


Honteusement banni de nos salles pour être directement passé par la case DTV, The Age of Adeline empreinte les thématiques universelles de l'amour, la solitude et la vieillesse avec une pudeur inattendue pour le genre romantique. L'intrigue érigée en conte de fée illustrant le cheminement existentiel d'une jeune fille de 29 ans incapable de vieillir corporellement depuis un grave accident de voiture. Alors qu'elle se jure de renoncer à l'amour une seconde fois, Adaline se laisse finalement séduire par un affable inconnu, Spoil ! au moment même où ressurgit l'obscur passé de sa première idylle Fin du Spoil.


Romance prude où se conjugue subtilement la science-fiction (stellaire) et sa poésie qui en émane, The Age of Adeline s'entreprend de narrer avec souci de maturité et vibrante émotion une magnifique histoire d'amour où chaque personnage insuffle une belle densité psychologique dans leur tourment sentimental. Faute de la condition maudite de notre héroïne destinée à se morfondre dans la solitude depuis le fardeau de sa jeunesse éternelle, Adaline est condamnée à se reclure afin d'épargner la souffrance de l'être aimé destiné à vieillir naturellement. Privilégiant la sobriété d'une émotion contenue et l'art de conter sa romance épurée, Lee Toland Krieger nous livre une fable sur la candeur de la vieillesse lorsque deux êtres sont destinés à la longévité amoureuse. Notamment cet équilibre moral d'être parvenu à combler l'être aimé dans le respect des sentiments et de la sincérité. En épargnant intelligemment le pathos et la mièvrerie dans lequel le récit aurait facilement basculé, le cinéaste compte autant sur la spontanéité de comédiens renversants de naturel pour nous émouvoir avec une intensité imprévisible ! Blake Lively (Savages, Green Lantern) livrant avec justesse une composition fragile de célibataire aguerrie, compromise entre ses émotions contradictoires à se laisser gagner par l'amour ou à le fuir afin d'épargner au conjoint sa malédiction improbable. Si Michiel Huisman lui partage la vedette avec une belle retenue en philanthrope inscrit dans la sincérité des sentiments, le vétéran Harrison Ford lui dérobe la vedette dans sa posture confuse d'époux septuagénaire Spoil ! subitement ébranlé par une rencontre aléatoire ! Fin du Spoil. Enfin, c'est avec une émotion élégiaque que l'on retrouve l'illustre Ellen Burstyn (l'Exorciste, Requiem for a Dream) pour son apparition secondaire de maman octogénaire férue de vitalité empathique pour sa progéniture !


Hymne à l'amour passionnel et à la dignité de la vieillesse, métaphore sur la peur de l'engagement et la crainte d'aimer, fable sur la symétrie naturelle du temps, The Age of Adaline parvient à séduire et bouleverser sans jamais préméditer une structure émotive convenue. Outre la poésie candide de ses images mystiques renforcées d'une photo épurée, le magnétisme naturel des comédiens est autant à prôner, comme le souligne la présence bouleversante d'Harrison Ford et la personnalité torturée de Blake Lively parvenant aussi à nous tirer les larmes par le biais d'une simple tige de cheveu ! 

Remerciements à Pascal Frezzato et Olivier le Docteur.
Bruno Matéï

La critique de Gilles Rolland: http://www.onrembobine.fr/critiques/critique-adaline

mardi 1 septembre 2015

LA RAGE AU VENTRE

                                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site joblo.com

"Southpaw" de Antoine Fuqua. 2015. U.S.A. 2h03. Avec Jake Gyllenhaal, Rachel McAdams, Forest Whitaker, Oona Laurence, Curtis "50 Cent" Jackson, Skylan Brooks, Naomie Harris, Victor Ortiz, Beau Knapp.

Sortie salles France: 22 Juillet 2015. U.S: 24 Juillet 2015

FILMOGRAPHIE: Antoine Fuqua est un réalisateur américain, né le 19 Janvier 1966 à Pittsburgh (Etats-Unis).
1998: Un Tueur pour Cible. 2000: Piégé. 2001: Training Day. 2003: Les Larmes du Soleil. 2004: Le Roi Arthur. 2007: Shooter, tireur d'élite. 2010: L'Elite de Brooklyn. 2013: La Chute de la Maison Blanche. 2014: Equalizer. 2015: La Rage au Ventre.


Cinéaste éclectique dans sa diversité des genres ayant su alterner avec plus ou moins de savoir-faire l'aventure, le polar, la guerre et l'actionner bourrin, Antoine Fuqua renoue avec la qualité d'une de ses oeuvres les plus abouties (l'Elite de Brooklyn) afin de parfaire une nouvelle "success-story" initiée par la célèbre saga RockyLa Rage au Ventre cultivant avec pathos le cheminement de constance d'un ancien champion du monde délibéré à récupérer son prestigieux titre après avoir essuyer une sérieuse déroute. Ce pitch éculé du dépassement de soi que l'on connait par coeur, Antoine Fuqua le réexploite parmi l'efficacité d'une intensité dramatique (au plus près de la corde sensible) et la précarité humaine d'un ancien héros en quête de rédemption tendant à nous questionner sur le sens de l'injustice. Et le miracle de se (re)produire ! Car aussi prévisible que soit son initiation à la sagesse et à la volonté de vaincre, La Rage au Ventre parvient à nouveau avec l'alibi des bons sentiments à nous immerger dans la détresse de ce boxer subitement ébranlé par la perte de l'être cher.


Véritable descente aux enfers pour sa déliquescence humaine et le concours de circonstances aggravantes entraînant notamment la démission de sa fille, l'intrigue s'érige en tragédie de la déveine avant de renouer avec l'optimisme victorieux (ou tout du moins tenter de remonter sur le ring pour affronter l'ancien rival responsable de sa tragédie familiale). Pour l'amour et l'honneur familial, et justifier un sens à l'iniquité de sa cruelle destinée, Billy Hope va réapprendre à vivre afin de récupérer sa dignité par l'entremise d'un coach chevronné, et en escomptant récupérer la garde de sa fille. Par le biais de ce propos dramatique multipliant les situations lacrymales autour d'une discorde familiale (celle d'un père fustigé par sa propre fille), Antoine Fuqua met en appui les conséquences juridiques du deuil accidentel lorsqu'un paternel n'est plus apte à gérer son devoir pédagogique. Le poids incommensurable de cette affliction humaine, Antoine Fuqua l'illustre avec autant de pudeur et d'intensité que de réalisme pour les séquences intimes les plus bouleversantes, et ce en dépit d'une certaine complaisance à manipuler notre corde sensible. Malgré ce part-pris trivial impliqué dans la facilité, nous nous immergeons de plein fouet dans le désarroi de cette famille en berne parmi la stature charismatique d'une poignée de comédiens avenants. Que ce soit la présence viscérale de Jake Gyllenhaal (doublée d'une transformation physique saillante !) en boxeur noyé de chagrin, la composition acquise du vétéran Forrest Whitaker en mentor avisé, la fonction maternelle de Rachel McAdams en épouse consultante, et la sobriété infantile de Oona Laurence en fillette insurgée, La Rage au Ventre compte sur leur vigueur autoritaire pour nous entraîner dans un déluge d'émotions aussi fortes (les combats de boxe très réalistes et violents génèrent tension exponentielle autour d'une mécanique de suspense éprouvant !) que fragiles (toutes les séquences précitées avant les retrouvailles du pardon et l'issue de la rédemption).


Le Champion
Spectacle ardu d'émotions fortes érigées autour de la compétition symbolique de la boxe, La Rage au Ventre parvient avec l'efficacité de sa mise en scène à renouveler sa narration prévisible par le biais d'un contexte tragique rigoureux (préparez impérativement les mouchoirs pour son intensité dramatique en roue libre !) et le talent sentencieux de comédiens jouant autant sur les ressorts de pudeur que de révolte pour décrocher la sérénité. Si je compte sur l'instant euphorique de mon ressenti à chaud, je peux prétendre sans complexe le "Coup de Coeur" ! 

P.S: A déconseiller la vision de son Trailer avant la projo puisque dévoilant sans complexe le clou dramatique de l'intrigue !  

Bruno Matéï

    lundi 31 août 2015

    TULPA - PERDIZIONI MORTALI

                                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site horreur.net  

    de Federico Zampaglione. 2012. 1h32. Italie. Avec Claudia Gerini, Michela Cescon, Ivan Franek, Nuot Arquint, Laurence Belgrave, Yohann Chopin.

    Sortie salles Italie: 20 Juin 2013

    FILMOGRAPHIE: Federico Zampaglione est un réalisateur et scénariste italien, né le 29 Juin 1968 à Rome. 2007: Nero bifamiliare. 2009: Shadow. 2012: Tulpa - Perdizioni Mortali.


    Inédit en salles chez nous, Tulpa - Perdizioni Mortali relate les vicissitudes d'une femme d'affaires ébranlée par un mystérieux tueur s'en prenant à son entourage, uniquement la clientèle de la Tulpa, boite d'échangisme aux pratiques occultes que Lisa s'adonne chaque soir. Alors que les meurtres s'accélèrent, elle tente d'avertir son nouveau compagnon sexuel, Stéphano.


    Giallo typiquement représentatif de la tradition du genre, à contre-emploi donc des expériences auteurisantes (voires gonflantes pour les réfractaires !) d'Amer et de L'Etrange couleur des larmes de ton corps, Tulpa empreinte le moule de sa série B sous la houlette d'un réalisateur respectueux de ces illustres ancêtres. Comme souvent chez le genre codifié, le scénario ne brille ni par son originalité (la forme de conscience et la volonté psychique de la "Tulpa" sont à peine survolées !) ni par ses rebondissements avares en suspense (la révélation du meurtrier s'avérant assez insignifiante), l'intrigue n'étant qu'un prétexte à émailler habilement des séquences de meurtres directement inspirés de Dario Argento. Sur ce point, difficile de décevoir les amateurs face au stylisme de sa violence graphique aussi cruelle que cradingue. On appréciera d'ailleurs le clin d'oeil du prologue faisant écho à un célèbre assassinat vu dans Opera ! En ce qui concerne la forme, Tulpa s'avère donc une réussite, notamment pour le soin esthétique imparti à ses décors baroques (bien que minimalistes) régis autour des nuances de rouge et de noir profond. Et en dépit du classicisme de son cheminement narratif et du manque de profondeur des personnages, on se prend d'intérêt à suivre les péripéties nocturnes de notre héroïne malmenée par un assassin revanchard. D'autant plus que l'élégante Claudia Gerini se fond dans le corps (lubrique) d'une entrepreneuse parmi l'autorité d'une personnalité respectée du cadre professionnel. On appréciera aussi le magnétisme ensorcelant qu'invoque implicitement son regard concupiscent !


    Sympathique série B à la réalisation perfectible mais récupérée par une ambition formelle, Tulpa réexploite les codes du giallo avec assez de sincérité pour façonner un divertissement sanglant mené tambour battant. En dépit du caractère éculé des situations et de la révélation aseptique du tueur, on gardera surtout en mémoire une ambiance ombrageuse assez palpable, des séquences horrifiques de meurtres très crus et le jeu suave de la charmante Claudia Gerini parfois contemplée dans des étreintes sexuelles mystiques ! 

    Dédicace à Céline Trinci et Cid Orlandu.
    Bruno Matéï

    Qu’est-ce qu’un/une Tulpa ?

    Tulpa(e): Littéralement “Forme de pensée” en Sanscrit. Le concept émergea il y a longtemps en Asie, et s’inscrivait naturellement dans les longues sessions de méditation des moines tibétains.

    Pour compléter la définition donnée plus haut, on peut dire qu’une tulpa est une forme de conscience autonome et indépendante, modelée à partir de la simple volonté psychique. Elle possède les mêmes capacités intellectuelles que son hôte (créateur) ainsi que les mêmes possibilités à penser, raisonner, croire, espérer et percevoir le monde... que lui.


    vendredi 28 août 2015

    OTAGE

                                                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site dougrichardson.com

    de Florent Emilio Siri. 2005. U.S.A. 1h53. Avec Bruce Willis, Ben Foster, Jonathan Tucker, Marshall Allman, Kim Coates, Robert Knepper, Tina Lifford, Kevin Pollak.

    Sortie salles France: 27 Avril 2005. U.S: 11 Mars 2005

    FILMOGRAPHIE: Florent Emilio Siri est un réalisateur et scénariste français, né le 2 Mars 1965 à Saint-Avold en Lorraine.
    1998: Une Minute de Silence. 2001: Nid de Guêpes. 2005: Otage. 2007: L'Ennemi Intime. 2012: Cloclo. 2015: Pension Complète.


    Quatre ans après nous avoir agréablement surpris avec le très efficace Nid de Guêpes, digne hommage à AssautFlorent Emilio Siri empreinte la voie du thriller à suspense avec Otage. Un huis-clos aussi intense qu'implacable comme le souligne son prologue abrupt lorsqu'un négociateur se retrouve en porte-à-faux face au comportement désaxé d'un père de famille déterminé à abattre froidement sa femme et son fils. Cette séquence choc d'une rare violence dans le châtiment imparti aux victimes, notamment cette mort impardonnable perpétré sur l'enfant, nous éprouve émotionnellement par son réalisme rigoureux, même si le hors-champs nous épargne intelligemment l'impact graphique du carnage annoncé. Par l'intensité de la prestation de Bruce Willis endossant avec humanisme fébrile le négociateur, nous nous éprenons d'empathie pour l'accablement de son affliction allouée à la responsabilité de sa déroute. Un an plus tard, toujours marqué par cette tragédie, Jeff Taller se retrouve à nouveau confronté à une situation de prise d'otage lorsque trois jeunes marginaux ont décidé de s'en prendre à la famille d'un riche comptable.


    Convenue mais efficace, l'intrigue aurait pu s'en tenir là pour laisser diluer le traditionnel suspense haletant autour des stratégies du négociateur jouant une ultime fois le héros en guise de rédemption. Mais afin de corser l'affaire, Florent Emilio Siri relance rapidement les enjeux avec le stratagème imposé d'une autre bande de malfaiteurs délibérés à faire chanter Jeff Taller afin de le forcer à récupérer un Dvd chez le domicile du comptable. Sa femme et sa fille étant kidnappés vers un endroit tenu secret, le négociateur n'a d'autre choix que de s'efforcer de convaincre les trois marginaux à libérer les otages et tenter de pénétrer en interne de la bâtisse pour pouvoir avoir accès au disque contenant des informations capitales. En décuplant les situations de péril face au contexte inédit de deux prises d'otages, Florent Emilio Siri insuffle un suspense d'une tension tangible dans son lot de rebondissements et revirements souvent imprévisibles. Exploitant à merveille les compartiments intimes de la riche demeure (barricadée de l'extérieur par une alarme dernier cri !), notamment les combles derrière les murs que le fils cadet parvient à emprunter pour pouvoir s'y réfugier et correspondre avec la police, Otage multiplie les situations de stress parmi ce personnage secondaire aussi audacieux que retors. Par le tempérament erratique des trois ravisseurs, l'intrigue suscite également une angoisse diffuse par la rigueur de son réalisme traversée d'éclairs de violence à la dramaturgie tantôt éprouvante, tantôt dérangeante. Dans celui du héros hanté par le passé de son échec professionnel, Bruce Willis agence les actions de bravoures de dernier ressort et négociations perfides dans une prise de conscience hésitante afin d'acheminer deux situations alertes vers le succès. Un dilemme draconien que l'acteur parvient à rendre crédible face à sa fonction désespérée de héros faillible néanmoins motivé par la volonté de vaincre sa peur afin d'épargner victimes et sa propre famille.


    Fort d'un scénario astucieux fertile en rebondissements impondérables et péripéties explosives, Otage parvient surtout à faire naître l'angoisse et la tension parmi l'efficacité d'une réalisation maîtrisée exploitant sans fioritures le cadre d'un huis-clos de tous les dangers. Un thriller percutant donc largement au dessus du tout venant commercial, notamment dans la vigueur vertigineuse de ses séquences d'action éprouvantes. 

    Bruno Matéï
    2èx