mercredi 30 juillet 2014

Terreur sur la Ligne / When a stranger calls. Prix Spécial du Jury, Prix de la Critique, Avoriaz 1980.

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de Fred Walton. 1979. U.S.A. 1h37. Avec Charles Durning, Carol Kane, Colleen Dewhurst, Tony Beckley, Ron O'Neal, Steven Anderson.

FILMOGRAPHIE: Fred Walton est un réalisateur et scénariste américain.
1979: Terreur sur la Ligne. 1986: Week-end de terreur. 1987: Confession criminelle. 1987: Hadley's Rebellion. 1988: I saw what you did (télé-film). 1989: Seule dans la tour de verre (télé-film). 1990: Murder in Paradise. 1992: The Price She Paid (télé-film). 1992: Homewrecker (télé-film). 1993: Terreur sur la ligne 2 (télé-film). 1994: Dead Air (télé-film). 1995: The Courtyard (télé-film). 1996: The Stepford Husbands (télé-film). 


"La Voix au bout du fil".
Primé deux fois à Avoriaz, Terreur sur la Ligne s’est vu gratifié d’un joli succès commercial à sa sortie. Aujourd’hui oublié, voire méprisé par une certaine frange de cinéphiles et de critiques spécialisées, ce premier long-métrage de Fred Walton s’impose pourtant comme un véritable coup de maître dans sa gestion du suspense et de l’angoisse, profondément imprégnée de l’ombre d’Hitchcock. Découpé en trois actes, le film ouvre sur vingt-et-une minutes d’une tension insoutenable, où une jeune baby-sitter, Jill Johnson, se retrouve harcelée par un maniaque au téléphone. Inlassablement, il lui répète la même question : « Êtes-vous allée voir les enfants ? » Jusqu’à ce qu’elle, submergée par la peur, n’appelle la police en ultime recours.

Dans ce huis clos suffocant, Fred Walton orchestre un modèle de mise en scène, distillant une tension exponentielle avec une précision chirurgicale. La victime, enfermée dans une maison obscure dont elle ne maîtrise pas les contours, incarne la solitude et la peur viscérale d’un danger diffus, mais omniprésent. Le tueur la happe par la voix, enfonçant dans sa psyché cette interrogation entêtante et délirante. L’empathie à son égard s’intensifie, nourrie par son incapacité à contenir l’angoisse, par sa vulnérabilité nue, émotionnellement ravagée. Ce harcèlement psychologique, insidieux et lancinant, la consume de l’intérieur jusqu’à l’issue fatale d’un twist.


Le second acte se recentre sur la figure du tueur : un malade mental récemment échappé de l’asile après sept années d’internement. Dans un bar miteux, il aborde une sexagénaire acariâtre, tandis qu’en parallèle, le détective John Clifford se lance à ses trousses avec pour seul objectif de l’abattre sans sommation. Cette partie du récit s’englue dans une noirceur urbaine, faite de ruelles inquiétantes et de halos blafards, où plane la menace d’un nouveau drame. Le portrait du meurtrier s’affine : un psychopathe déchu, réduit à l’état de clochard, contraint de mendier sa pitance dans les soupes populaires. Égaré, rongé par la solitude, il erre la nuit dans les quartiers délaissés, en quête d’un semblant de chaleur humaine, jusqu’à se perdre dans des visions morbides. Conscient de sa propre déchéance, incapable de s’insérer dans un monde qui le rejette, il finit par entrevoir le suicide comme unique échappatoire. Interprété avec une intensité transie par Tony Beckley — mort d’un cancer trois jours après la sortie française du film —, le personnage dévoile une humanité trouble, entre névrose, détresse et sursauts de violence.

Le troisième et dernier acte referme la boucle de l’effroi, renouant avec la baby-sitter Jill Johnson, désormais mariée et mère de deux enfants. Sur le point de dîner au restaurant avec son mari, elle laisse ses enfants sous la garde d’une nourrice. Le passé ressurgit. Et à nouveau, dans l’enceinte feutrée de la cellule familiale, la tension grimpe jusqu’au paroxysme. Le point d’orgue, littéralement cinglant, foudroie.


"Frissons dans l’ombre, murmures au combiné".
Fer de lance d’une mouvance horrifique qui engendrera plusieurs ersatz plus ou moins inspirés (jusqu’à son remake aseptisé ou la saga Scream), Terreur sur la Ligne demeure un modèle absolu de suspense. Rien que son prologue mériterait d’être enseigné dans les écoles de cinéma. Ce film n’est pas seulement le récit d’une terreur ordinaire, mais aussi l’autopsie de deux fragilités psychiques — celle de la proie, et celle du prédateur. Pour parachever cette œuvre vénéneuse, il faut saluer la puissance de sa partition sonore, ombrageuse, savamment orchestrée pour exacerber l’angoisse… jusqu’à ce fondu enchaîné final, résolument glaçant.

Bruno 
5èx

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