jeudi 30 juin 2016

Ginger Snaps. Prix Spécial du Jury, Toronto 2000.

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com

de John Fawcett. 2000. U.S.A. 1h48. Avec Emily Perkins, Katharine Isabelle, Kris Lemche, Mimi Rogers, Jesse Moss, Danielle Hampton

Sortie salles Canada: 11 Mai 2001. Inédit en salles en France.

FILMOGRAPHIE: John Fawcett est un réalisateur américain, né le 5 Mars 1968 à Edmonton, Alberta, Canada. 1997: The Boys Club. 2000: Ginger Snaps. 2001: Lucky Girl (télé-film). 2005: The Dark. 2008: The quality of life. 2006: Issue Fatale.

"La lune des filles perdues." 

Inédit en salles en France et sorti discrètement en DVD, Ginger Snaps aborde la lycanthropie avec une rare intelligence dans le traitement de ses personnages : deux sœurs inséparables, fascinées par le morbide (elles se mettent en scène dans diverses tentatives de suicide à travers leur caméra) et tiraillées entre le goût de la mort et les premiers désirs de séduction qui accompagnent leur puberté, malgré la présence d’ados machistes et libidineux.

Synopsis : sauvagement agressée une nuit par un loup-garou dans un parc, Ginger change peu à peu de comportement, tandis que sa sœur cadette, Brigitte, impuissante, tente de comprendre. Unies par un lien fusionnel, elles vont lutter ensemble contre le mal qui dévore Ginger de l’intérieur.

Sur le papier, le scénario pouvait laisser craindre une banale resucée du film de loup-garou. Mais John Fawcett en décortique une métaphore vibrante : celle de la crise adolescente et du passage à l’âge adulte, vus d’un point de vue féminin. Un angle rare dans la mythologie lycanthrope, qui renouvelle les clichés tout en convoquant Carrie de De Palma (notamment lors de la première menstruation post-transformation de Ginger) ou encore le si mésestimé Jennifer’s Body, qu’il serait urgent de réhabiliter.

Avec tact, réalisme tranché (notamment pour les sauvages scènes d'agression véritablement terrifiantes, même si suggérées par le montage ultra dynamique) et une tendresse sobre, Fawcett dresse le portrait fragile de deux adolescentes rebelles. Ginger Snaps adopte une approche quasi documentaire pour transformer sa tragédie horrifique en étude de caractère. En scrutant le malaise adolescent et la peur de la mort à travers deux sœurs marginales, le film, sous ses dehors de série B au formalisme étonnamment glauque, déploie une surprenante vigueur psychologique dans sa chronique d’une descente aux enfers identitaire. Autant du côté de la victime, rongée par des pulsions sexuelles et sanguinaires incontrôlées, que de celui de la sœur témoin, bouleversée par la lente métamorphose et déterminée à trouver un remède.

Impeccablement portées par deux actrices juvéniles - Emily Perkins et Katharine Isabelle - d’une spontanéité troublante, les héroïnes irradient une complicité affectée, presque vénéneuse, qui confine au vertige. On jurerait qu’elles sont sœurs dans la vie tant la fusion paraît si authentique.

Le réalisme du contexte horrifique, aussi improbable que dérangeant, surprend par la brutalité crédible des crimes commis par cette créature indomptable. Les effets spéciaux mécaniques, solides et organiques, donnent corps au monstre sans excès de complaisance, tandis que les scènes gores s’attardent juste assez sur les chairs déchirées et le sang coagulé pour nourrir le malaise. Ce climat insalubre, presque clinique, glace d’autant plus qu’il documente la bestialité avec une précision morbide et désenchantée.

John Fawcett transcende ainsi la série B pour en extraire une étude de caractère d’une intensité dramatique inattendue. Ginger Snaps devient un documentaire brut sur l’émoi pubère, sublimé par deux comédiennes transies de vérité fraternelle. En injectant un véritable drame humain dans la chair du film de monstre, le réalisateur signe, sans conteste, l’un des plus beaux films de loup-garou jamais tournés -digne de La Nuit du Loup-Garou, Hurlements ou Le Loup-Garou de Londres.
Quant à sa suite, tout aussi impactante, autrement plus funeste et étouffante, on y reviendra plus tard…

— le cinéphile du cœur noir

4èx. Vostf

Récompenses: Prix spécial du jury, lors du Festival international du film de Toronto en 2000.
Prix du meilleur film, meilleure actrice pour Emily Perkins et meilleurs effets spéciaux, lors de la Semaine du cinéma fantastique de Málaga en 2001.
Prix du meilleur film sorti en DVD, par l'Académie des films de science-fiction, fantastique et horreur en 2002.
Prix du meilleur film, lors des International Horror Guild Awards en 2002.



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