jeudi 15 avril 2021

Embryo

                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site blu-ray.com

de Ralph Nelson. 1976. U.S.A. 1h44. Avec Rock Hudson, Barbara Carrera, Diane Ladd, Roddy McDowall, Anne Schedeen, Jack Colvin, Joyce Brothers.

Sortie salles U.S: 21 Mai 1973

FILMOGRAPHIERalph Nelson est un réalisateur américain, né le 12 Août 1916 à New York, décédé le 21 Décembre 1987 à Santa Monica. 1962: Requiem for a Heavyweight. 1963: Le Lys des champs. 1963: La Dernière Bagarre. 1964: Le Crash Mystérieux. 1964: Grand Méchant loup appelle. 1966: La Bataille de la Vallée du Diable. 1968: La Symphonie des héros. 1968: Charly. 1970: Soldat Bleu. 1972: La Colère de Dieu. 1975: Le Vent de la Violence. 1976: Embryo. 1979: Christmas Lilies of the Field (télé-film). 


"Le film que vous allez voir n'est pas totalement de la science-fiction. Il repose sur une technologie médicale qui est couramment mise en pratique pour le développement foetal extra-utérin. Ce qui va suivre sera peut-être possible demain si ce ne l'est déjà aujourd'hui." 
Charles R. Brinkman, docteur en médecine.

Si dans la filmo de Ralph NelsonSoldat Bleu reste l'une de ses oeuvres les plus connues, dures et marquantes, on a tendance à oublier que durant cette même décennie il nous concocta une série B horrifique avant-gardiste à travers le thème de la manipulation génétique, qui plus saturée d'une inopinée ambiance malsaine lors de sa seconde partie dénuée de concession. Le pitchGrâce à un remède, un chirurgien réussit à sauver la vie d'un foetus canin en accélérant sa croissance. Il décide ensuite de tenter l'expérience sur celui d'un humain, ce qui donnera naissance à une jeune femme prématurée. Mais au fil de son apprentissage existentiel, et afin de préserver sa propre survie, elle s'épargne de moralité pour parvenir à ses fins. Sur un argument scientifique visionnaire (la technologie du développement foetal extra-utérin) accouplé au fameux mythe de Frankenstein (en l'occurrence, créer la vie à partir d'un embryon humain), Ralph Nelson joue la carte de la science-fiction et de l'horreur clinique. La première partie, particulièrement prenante car oh combien passionnante et prévenante, traite de la pédagogie évolutive du cobaye féminin à la fois fureteuse, érudite et sagace à observer sa condition de vie ainsi que ses progrès cérébraux et cognitifs tout en se familiarisant auprès de son entourage (notamment celui fidèle avec le chien cerbère qui l'accompagne lors de ses déplacements).  


Avec une certaine ironie (la partie d'échec improvisée entre Victoria et le champion irascible) et légèreté (sa relation davantage romanesque avec le Dr Holliston), le réalisateur réussit à nous familiariser auprès de la bonhomie de ces amants livrés au secret inavouable. Mais surtout, il parvient facilement à nous attacher auprès de la candeur de cette femme lascive férue de curiosité et de soif de découverte pour tout ce que représente la vie. Incarné par Barbara Carrerra, cette ancienne mannequin parvient à livrer sa plus belle performance d'actrice tant elle réussit à insuffler à son personnage autant d'attachement et d'empathie (de par son innocence infantile) que d'effroi (se détermination désespérée à subvenir à sa survie sans pouvoir faire preuve de discernement). Pour cause, en jouant autant sur le charme de sa silhouette charnelle que sa physionomie étrangement impassible, la comédienne suscite un magnétisme trouble auprès du spectateur attentif à ses expressions hétéroclites. D'ailleurs, lors de la seconde partie, elle réussit tellement à nous communiquer un malaise diffus à travers ses actes perfides qu'elle vole quasiment la vedette à l'excellent Rock Hudson, endossant ici avec un humanisme circonspect le rôle du Frankenstein déchu. Si au préalable, et hormis la présence inquiétante du chien cerbère fidèle à sa maîtresse, l'ambiance légère laissait distiller une atmosphère avenante face à la déférence de Victoria, la suite adoptera un virage à 180° lorsque cette dernière cumule les malaises corporels. Qui plus est, par l'entremise d'une partition musicale dissonante, le climat ombrageux devient beaucoup plus tendu au fil de sa dégénérescence morale et corporelle. Spoil ! Car rendue accro à divers produits qu'elle doit s'injecter pour pallier sa douleur, celle-ci se soumettra finalement à l'irréparable pour sa quête de survie. Car insatiable de pouvoir perdurer son existence et remplie de lâcheté, Victoria ira jusqu'à commettre des exactions meurtrières dans une ambition purement égotiste Fin du Spoil. Avec une audace glauque,  Ralph Nelson enfonce le clou lors de son dernier acte éprouvant particulièrement sordide. Si bien que le spectateur, tour à tour incommodé, empathique et malaisant, est contraint d'observer la déchéance (sournoise) d'une femme objet noyée de désespoir mais livrée à ses instincts les plus bas. 


Une perle hybride des années 70 gardant intacte son odeur de souffre. 
Jalon d'horreur déviante transplanté dans le cadre d'une science-fiction alarmiste, Embryo joue la carte d'une ambiance faussement rassurante peu à peu gangrenée par les motivations meurtrières d'une mutante décatie en proie à une poignante déliquescence morale. Anxiogène, opaque et déstabilisant, Embryo doit beaucoup de son intensité grâce à l'intelligence de son propos décrié, à la sobriété de son étonnant casting et à sa réalisation solide (toute aussi étonnante !) instillant un climat d'inquiétude hautement malsain. 

*Bruno
15.04.21. 4èx
05.07.13. 86 v

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