Sortie salles France: 26 Juillet 2023 (Int - 16 ans). États-Unis, Canada : 28 juillet 2023
Et il a bien raison. Car selon ma sensibilité de cinéphile acharné, c’est l’un des films les plus flippants que j’aie pu voir, sans la moindre hésitation. Par ses effets de peur que l’on redoute comme la peste - à l’instar d’une Regan possédée et impuissante dans L’Exorciste - La Main cultive ce même inconfort, cette tension tenace, tapie tout au long d’une intrigue à suspense aussi latent que diffus. C’est dire si cette œuvre, emballée avec un soin maniaque (et des effets de caméra étourdissants d’inventivité - la scène du lit, probablement inspirée des Griffes de la nuit, est un sommet), m’a envahi d’immersion. Elle m’a happé dès le prologue dans un cauchemar cérébral, d’une puissance visuelle aussi ensorcelante que malaisante. Comptez notamment 20 à 30 minutes de spiritisme marquantes, dignes du Cercle infernal ou de L’Enfant du Diable.
Mais au-delà de son concept retors - mille fois vu ailleurs - La Main parvient à redorer le genre. Elle le régénère dans sa capacité à susciter, ou plutôt sustenter, la trouille et le malaise, par la caractérisation psychologique d’une bande d’ados à mille lieues des stéréotypes, aux physiques standards, anti tape-à-l’œil. Et surtout, ils deviennent naturellement attachants par leur fragilité nue, leur contrariété commune, leur fébrilité névrosée face à une expérience politiquement incorrecte avec les voix de l’au-delà, fétides et licencieuses. Nous sommes ici face à une horreur adulte, brute, premier degré - sous l’impulsion de personnages juvéniles jamais décervelés ou agaçants - pris dans une spirale de provocation, de perte de repères, de quête d’amour et de rédemption. Et les voir souffrir ainsi, de manière aussi inlassable qu’injuste, ça fait mal. Psychologiquement, très très mal.
L’œuvre, d’une intensité rigoureuse, sombre et désespérée, se déploie aussi en filigrane comme un drame psychologique poignant sur l’incapacité à faire le deuil maternel, vu du point de vue d’une fille tiraillée par ses démons internes. Une interrogation spirituelle, identitaire, coupable : sa mère s’est-elle sciemment donné la mort ? Et pourquoi ? Mais très vite, le film nous fait oublier qu’on est simplement « au cinéma ». Le réalisme de ce quotidien ombrageux est si expressif, si organique, qu’on oublie fissa qu’il s’agit d’un habile divertissement. Les frères Danny et Michael Philippou - youtubeurs à leurs heures perdues (on croit rêver) - orchestrent avec un art consommé de la peur diffuse une nouvelle référence de l’horreur contemporaine. Une œuvre générationnelle, ancrée dans une jeunesse Z asservie au smartphone, au narcissisme, aux réseaux.
Redoutablement efficace par sa mise en scène ciselée, sa maîtrise formelle, et le jeu dépouillé de comédiens habités par l’anxiété, la peur, le désarroi, La Main s’érige en cauchemar à vif. Mia tente d’échapper aux griffes du Mal au gré d’hallucinations morbides, terriblement glaçantes, au point de ne plus pouvoir distinguer le réel de ses visions. Et cette cruauté - graphique, morale- jamais gratuite, jamais convenue, vient gifler le spectateur. Certaines séquences d’ultraviolence gorasse sont si éprouvantes qu’on en sort vidé, lessivé, hypnotisé. Car dans ce nouveau théâtre démonial, la possession des corps laisse des séquelles irrémédiables sur l’âme.
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