(Crédit photo : image trouvée via Google, provenant du site imdb. Utilisée ici à des fins non commerciales et illustratives).
"Naître, renaître, et ne plus jamais revenir".
Film de science trouble, Birth/Rebirth dissèque sans anesthésie le mythe de Frankenstein au féminin, sans fard, sans pathos, sans peur. Laura Moss déploie une œuvre austère, charnelle, presque clinique, où l’amour maternel devient matière organique, terrain d’expérimentation, espace de déraillement.
Les interprétations étranges - presque froides, presque antipathiques - de Marin Ireland et Judy Reyes fascinent autant qu’elles dérangent. Anti-manichéennes au possible, leurs présences nous déstabilisent, flirtent avec l’inhumanité sans jamais y sombrer. Deux corps, deux volontés entêtées, guidées par un instinct irréductible, qui ne se regardent ni ne s'excusent. Juste s'obstinent, jusqu'à l'obsession.
La mise en scène, sèche, resserrée, infuse un climat d’inconfort persistant. Images corporelles, sanitaires, sexuelles : tout suinte la matière malade, la chair disséquée, la vie trafiquée, exsangue et pourtant palpitante. Quelque chose de dérangeant naît de cette intimité forcée avec les fluides, les tissus, les gestes médicaux presque rituels - comme une danse entre le soin et la profanation.
La musique, évanescente, agit comme un poison doux. Nappes tranquilles, faussement rassurantes, qui rampent dans le silence, s’y logent comme un écho hanté. Elle nous enveloppe pour mieux nous aspirer, hypnotique, spectrale, jamais là pour soulager.
Le récit, inspiré librement du roman de Shelley, ne cherche pas la morale mais bien la faille. L’ambiguïté est reine. Ce n’est pas un conte d’épouvante, c’est une tentative désespérée de panser nos blessures maternelles, de combler un vide avec des gestes de sorcières, des actes sans retour. Le film ose aller au-delà du bien et du mal, et c’est là qu’il dérange. Et qu’il touche.
Je l’ai revu une seconde fois, et c’est là qu’il s’est imposé davantage. Sans être un grand film, c’est quand même bon - parfois même très bon. Ça laisse des marques. Ça ronge en silence.
On pourra certes être déçu par une conclusion précipitée, expédiée presque, mais je l’ai acceptée - car elle prolonge la logique interne du film : il n’y a pas de résolution, pas de paix, seulement des apprenties-sorcières, consumées par leurs excès, vouées à continuer. Sans répit. Sans fin.
— le cinéphile du cœur noir
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