mardi 23 août 2011

DE L'EAU POUR LES ELEPHANTS (Water for Elephants)


de Francis Lawrence. 2011. U.S.A. 1h55. Avec Robert Pattinson, Reese Withespoon, Christoph Waltz, James Frain, Hal Holbrook, Paul Schneider, Tim Guinee, Dan Lauria, Ken Foree, Tatum Etheridge.

Sortie en salles en France le 4 Mai 2011. U.S: 22 Avril 2011.

FILMOGRAPHIE: Francis Lawrence est un réalisateur américain né le 26 Mars 1970 à Vienne, en Autriche. 2005: Constantine. 2007: Je suis une Légende. Eddie Dickens and the Awful End. 2011: De l'Eau pour les Eléphants. 2012: Constantine 2.

                                      

Francis Lawrence m'avait particulièrement surpris avec sa nouvelle adaptation de Matheson, Je suis une Légende, campé par un étonnant Will Smith tout en sobriété. En l'occurrence, il rend cette fois un puriste hommage aux romances flamboyantes de la grande époque hollywoodienne. Quelque peu prévisible et n'échappant pas à certaines conventions du genre (happy-end rassurant à l'appui !), De l'eau pour les Éléphants réussit à séduire dans sa sincérité de livrer sans pathos un spectacle plaisant et émouvant. Un conte de fée romanesque et foisonnant auquel un trio de comédiens contemporains réussissent à transcender les clichés usuels du genre.
Dans les années 30, Jacob Jankowski, étudiant studieux pour son enseignement dans la médecine vétérinaire, vient de perdre ses parents et décide de tout quitter pour s'aventurer dans une contrée indéterminée à bord d'un train de marchandise. Il se trouve que ce convoi est emménagé par une troupe ambulante affiliée aux spectacles de cirque. Le jeune orphelin va rapidement faire la rencontre du directeur autoritaire marié à une acrobate vertueuse. Une relation amoureuse naît entre les deux jeunes amants.



Spectacle tous publics tourné à l'ancienne dans son esprit exaltant et romantique érigé autour d'un cirque, De l'Eau pour les Eléphants doit son charme et sa réussite à la personnalité intègre d'un metteur en scène réfutant la guimauve conforme à ce type de production populaire. Grâce à son talent consciencieux à narrer une histoire forte privilégiée par un épatant trio de comédiens, cette aventure humaine relate avec souffle passionnel une intrigue amoureuse sur fond de maltraitance animale. Hormis la superficialité d'un titre pompeux, le récit fait donc appel à la cruauté pour dénoncer les sévices corporels que pourraient subir certains animaux esclaves des chapiteaux de cirque. En l'occurrence, un éléphant devenu le souffre-douleur d'un directeur mégalo aussi intraitable que bestial pour s'y faire entendre et obéir. Mais l'arrivée inopinée d'un jeune vétérinaire va sérieusement perturber sa hiérarchie dictatoriale, notamment auprès de ses employés. Alors qu'au fil de la progression du récit, l'épouse de celui-ci va finalement se laisser attendrir par cet inconnu loyal et bienfaisant. Toutes les séquences émouvantes illustrant la relation empathique entre nos deux héros pour l'animal violenté ou sacrifié font preuve d'une modeste émotion car elle ne sombre jamais dans le sentimentalisme larmoyant (comme ce cheval volontairement abattu de manière succincte afin de le libérer de sa blessure létale). Il en est autant question pour l'histoire d'amour traditionnellement imposée auquel un trio d'amants va devoir s'affronter pour remporter la mise. Un affrontement psychologique davantage compromettant lorsque le mari n'est plus dupe de la relation amoureuse impartie entre son épouse et l'étranger, culminant vers un dénouement aussi déterminant qu'explosif.


Après son triomphe commercial auprès de la trilogie sirupeuse Twilight, Robert Pattinson réussit honorablement à éclipser son personnage pubère d'ado immortel pour endosser un rôle plus mature et tempéré dans sa nouvelle démarche romanesque à lutiner une femme violentée. Campée par notre radieuse Reese Withespoon, son charme ténue n'a rien à envier aux égéries de la belle époque tant son jeu dépouillé ne bifurque jamais dans les sentiments sirupeux. Ovationné après son rôle marquant d'officier nazi dans Inglorious Basterd, Christophe Waltz réussit encore admirablement à se fondre dans la peau d'un individu interlope car particulièrement sournois. Un patriarche finalement méprisable dévoilant davantage son penchant vénal pour la torture animale ainsi que son irascibilité machiste à vouloir coûte que coûte dompter sa dulcinée.


Hormis son caractère délibérément prévisible et une incohérence narrative intervenant vers un dernier quart-d'heure trop vite expédié (après avoir été violemment corrigé, Jacob réussit trop facilement à retrouver les traces de ses agresseurs embarqués à bord du train !), De l'eau pour les Eléphants séduit sans excès en provoquant une émotion déférente pour ce spectacle flamboyant. Mené avec brio et surtout formidablement interprété, cet hommage aux épopées romantiques d'antan réussit donc à emporter l'adhésion du public prioritairement sensible.

Note: le film est tiré du roman de Sara Gruen

23.08.11
Bruno Matéï

                                          

lundi 22 août 2011

RESCUE DAWN


de Werner Herzog. 2007. U.S.A. 2h06. Avec Christian Bale, Steve Zahn, Jeremy Davies, Toby Huss, Evan Jones, Galen Yuen, François Chau.

Sortie en salles U.S: 4 Juillet 2007.  France: Juin 2008: le film est sorti directement en DVD et n'a pas été doublé, le distributeur français ayant conservé le doublage francophone canadien.

FILMOGRAPHIE: Werner Herzog, de son vrai nom Werner Stipetic, est un réalisateur, acteur et metteur en scène d'opéra allemand, né le 5 septembre 1942 à Munich, (Allemagne).
1968: Signes de vie, 1970: Les Nains aussi ont commencé petit, 1971: Fata Morgana, 1972: Aguirre, le Colèe de Dieu, 1974: L'Enigme de Kaspar Hauser, 1976: Coeur de Verre, 1977: La Ballade de Bruno, 1979: Nosferatu, fantôme de la nuit, Woyzeck, 1982: Fitzcarraldo, 1984: Le Pays où rêvent les fourmis vertes, 1987: Cobra Verde, 1991: Cerro Torre, le cri de la roche, 1992: Leçons de ténèbres, 2001: Invincible, 2005: The Wild Blue Yonder, 2006: Rescue Dawn, 2009: Bad Lieutenant.

                             

Hommage subjectif d'un puriste amateur d'évasion
Werner Herzog, réalisateur hétéroclite de renom s'est inspiré en 2006 d'un fait divers ayant eu lieu en pleine guerre du Viêt-Nam au cours duquel un pilote américain (d'origine allemande) a réussi à s'échapper de son camp de prisonniers. Inédit en salles dans notre pays hexagonal, le film est directement passé à la trappe du DTV. En 1997, le réalisateur avait déjà entrepris un documentaire sur le sujet, intitulé Little Dieter Needs to Fly.
Envoyé en mission au Laos à bord de son avion durant la guerre du Viêt-nam, le lieutenant Dieter Dengler est abattu en plein vol par l'antagoniste. Ayant survécu au moment du crash, il est fugacement kidnappé par des miliciens pour être embrigader dans un camp de prisonniers. Avec l'aide de deux américains et trois compagnons étrangers, Dieter envisage d'élaborer un plan d'évasion.
                          
Film de guerre flegmatique d'une surprenante sobriété dans son refus de livrer un survival conventionnel tributaire de traditionnelles scènes d'action vigoureuses, Rescue Dawn surprend modestement à livrer une aventure humaine cauchemardesque d'une belle dimension psychologique. Après le kidnapping de l'aviateur Dieter retenu prisonnier dans un camp de miliciens, la première partie nous illustre la dure quotidienneté de son calvaire et les conditions de vie imposées parmi un petit groupe d'autres détenus auquel il décide de s'engager à les convaincre qu'une évasion risquée est concrétisable. Werner Herzog filme le destin de cette poignée de citoyens appréhendés par l'ennemi opiniâtre dans une mise en scène personnelle, à hauteur d'homme puisque dédiée à l'intimité de survivants en phase de déclin. D'ailleurs, les quelques scènes de torture qui interviennent au début du récit se révèlent plutôt suggérées, refutant une quelconque brutalité spectaculaire, habilement détournées ici par la dimension psychologique de celui qui subi les violences physiques punitives. En prime, le réalisateur accorde beaucoup d'importance à l'immensité de la nature environnante, sauvage et hostile, exacerbée par les teintes naturalistes et pastels d'une jolie photographie et auquel les animaux et insectes évoluent instinctivement dans leur milieu écologique. Des images limpides d'une poésie prude que n'aurait pas renié Terrence Malick et qui accorde une forme d'originalité à ce type de récit viril potentiellement frénétique. Après les conditions de vie drastique illustrées sans complaisance envers les victimes, les préparatifs minutieux de l'évasion sont enfin dévoilées par un leader loyal et enthousiaste motivé par son instinct optimiste plein d'aplomb. Réserves précaires de nourriture et outils façonnés de manière artisanale sont concoctés par nos rebelles, alors qu'un conflit d'autorité semble se confirmer envers deux d'entre eux. Dans ces nombreuses prises de risque compromises envers nos personnages anxieux de leur quête libertaire, un savant suspense lattent est efficacement distillé au fur et à mesure de la progression de leurs enjeux capitaux. 
                         
La seconde partie plus intense et décisive nous entraîne en interne de cette vaste nature auquel notre groupe de survivants va tenter de s'y extraire pour renouer avec leur autonomie rédemptrice. C'est en particulier l'imparable Dieter Dengler et son complice au bord de l'épuisement et de la folie qui vont devoir faire preuve de subterfuge et bravoure physique pour ne pas se laisser appréhender par l'ennemi invisible. Là aussi, une tempérance au niveau de l'action intrépide est privilégiée dans l'itinéraire extrême envisagé parmi ses 2 hommes au bord du marasme, sans que la tension ne vienne s'amoindrir. A contrario, on sera surpris par une séquence choc, sauvage et cruelle intervenant de manière totalement aléatoire à un des protagonistes planqué aux abords d'un village vietnamien. Quand à l'épilogue salvateur et poignant, il réserve un joli moment d'émotion largement assigné par l'excellent Christian Bale.
Un acteur livrant une fois de plus une prestance probante d'une riche intensité dans sa quête affirmée de retrouver au plus vite une liberté inespérée. Un personnage héroïque jamais caricatural, privilégié par son profil chevronné engagé dans la dignité humaine, ne cherchant jamais à se montrer plus finaud ou adroit que son voisin.  inflexible, docilement autoritaire, téméraire, d'un courage et d'une loyauté pleine d'humilité, l'acteur renouvelle son talent inné à s'approprier d'un nouveau rôle majeur. Ce qui va aussi daigner d'enrichir la narration à gagner en véracité et acuité émotionnelle.
                             
Leçon de courage et de survie, Rescue Dawn est un captivant survival sortant des sentiers battus pour contourner habilement les conventions habituelles du genre avec retenue et discrétion. Le soin apporté à la mise en scène octroyée à ces personnages d'une belle profondeur humaine, la beauté dantesque des décors grandioses dans lequel ils évoluent et la densité de leur récit âpre et désespéré acheminent à un très beau témoignage héroïque injustement passé inaperçu.
22.08.11. 
Bruno Matéï. 
                                        

samedi 20 août 2011

Suspiria / Soupirs !

                                                       Photo empruntée sur Google appartenant au site: http://www.listal.com/viewimage/1466818h

Suspiria de Dario Argento. 1977. Italie. 1h39. Avec Jessica Harper, Stefania Casini, Flavio Bucci, Miguel Bosé, Barbara Magnolfi, Susanna Javicoli, Eva Axen, Rudolf Schundler, Udo Kier, Alida Valli, Joan Bennett.

Sortie en salles en France le 18 Mai 1977. U.S: 12 Aout 1977.

FILMOGRAPHIE: Dario Argento est un réalisateur et scénariste italien né le 7 septembre 1940, à Rome (Italie). 1969: l'Oiseau au plumage de Cristal, 1971: Le Chat à 9 queues, Quatre mouches de velours gris, 1973: 5 Jours à Milan, 1975, Les Frissons de l'Angoisse, 1977: Suspiria, 1980: Inferno, 1982: Ténèbres, 1985: Phenomena, 1987: Opera, 1990: 2 yeux Maléfiques, 1993: Trauma, 1996: Le Syndrome de Stendhal, 1998: Le Fantome de l'Opéra, 2001: Le Sang des Innocents,2004: Card Player, 2005: Aimez vous Hitchcock ?, 2005: Jennifer (épis Masters of Horror, sais 1), 2006: J'aurai leur peau (épis Masters of Horror, sais 2), 2006: Mother of Tears, 2009: Giallo, 2011: Dracula 3D.

                                   

"La magie est une chose à laquelle on croit, où et quand que ce soit, et qui que l'on soit".

Deux ans après son chef-d'oeuvre giallesque, Les Frissons de l'Angoisse, Dario Argento fait coup double avec Suspiria, clef de voûte du Fantastique moderne exploitant l'univers de la sorcellerie comme aucun cinéaste n'eut su le retranscrire au préalable. Spectacle halluciné de sons et lumières, cet opéra de mort nous emporte dans un maelstrom d'émotions à la merci de son auteur transi de créativité. Un génie illuminé réussissant à transcender la forme par l'alchimie de sa caméra expérimentale. Ou comment réinventer l'affres de l'angoisse à travers l'existence des sorcières caractérisées par la mère des soupirs: Helena Markos. 
Synopsis: Susie Benner, jeune ballerine américaine, débarqué à Fribourg sous une nuit pluvieuse. Après avoir pris un taxi pour rejoindre son académie de danse, l'école lui interdit l'accès sans motif . Au même moment, elle aperçoit une jeune fille effarouchée quittant brusquement les lieux. Quelques instants après, la mystérieuse inconnue est sauvagement assassinée. Susie comprends peu à peu que l'école renferme de troubles secrets alors que d'autres meurtres aussi cinglants y seront perpétrés.
                                        
Suspiria débute avec un prologue oppressant. Susie Benner, sort d'un aéroport pour appeler furtivement un taxi, faute d'une pluie battante. A bord du véhicule conduit par un étrange chauffeur, son trajet nocturne suscite une aura anxiogène lorsque son regard troublé semble apeuré par l'opacité d'une pluie agressive entrevue par la vitre du taxi. L'inquiétude de la jeune fille va un peu plus s'accentuer avec la découverte irréelle d'une présence humaine courant à travers bois d'une forêt clairsemée. Cette silhouette féminine est une jeune apprentie congédiée de l'académie pour mauvaise conduite. Quelques instants avant sa fuite, Susie tenta de comprendre le vocabulaire de cette inconnue lorsqu'elle s'était adressée à l'interphone de l'établissement. Ainsi, Dario  Argento, en pleine possession de ses ambitions formelles, créé déjà une ambiance atypique aussi fascinante que magnétique. Le score lancinant façonné par les Goblin, comptine doucereuse violemment percutante dans ses accents choraux, scandant ce florilège d'images fantasmagoriques jusqu'au fameux double homicide. Un moment d'anthologie d'une cruauté hallucinée où l'on ne compte plus les coups de poignards assénés à la victime suppliciée, sans compter ce gros plan incongru d'un coeur battant transpercé par la lame d'un couteau acéré. Autant dire que les 20 premières minutes sont déjà pour le spectateur une épreuve horrifique jamais vécue de manière aussi sensitive sur un écran de cinéma ! L'expérience virtuose (la caméra, sagace et véloce, multiplie les angles et cadrages alambiqués !) constituant un concerto funèbre alliant hurlements de la victime moribonde à la frénésie féerique d'images littéralement épiques.

                                            

Le cheminement suivant nous borde par la main de Susie dans l'antre d'un mystère lattent régi au sein d'une académie de danse. Un établissement d'une beauté baroque irréelle variant à l'infini les décors picturaux érigés sous une architecture bigarrée, teintes criardes à l'appui. Une splendeur esthétique désincarnée agencée à l'intérieur du moindre plan, où les quelconques objets, symboles et détails les plus anodins sont contrastés par la caméra expérimentale. Les différentes loges accordées aux apprenties danseuses et les pièces secrètes qui environnent les alentours sont une excursion hermétique où l'occultisme du Mal domine instinctivement ceux qui y ont trouvé refuge. Quand à leur hiérarchie réglementaire, elle est gouvernée par des femmes autoritaires compromises par des secrets inavouables. Cet irrésistible sentiment de perte des sens avec la réalité nous est exacerbé avec l'acte morbide du meurtre gratuit. Celui d'un aveugle piégé au coeur d'un palais historique car subitement égorgé par son propre chien, et celui de la ballerine un peu trop curieuse, pris au piège dans les mailles de filets métalliques. Argento, plus que jamais déguisé en alchimiste perfide, nous hypnotise la vue et l'ouïe à travers ces séquences inédites où l'horreur surnaturelle frappe brutalement sans prévenir (zooms audacieux à l'appui pour venir ausculter les plaies entaillées). Cette synergie de gore outrancier et de beauté gracile est filmée d'une manière si épidermique qu'elle nous fascine avec une anxiété indicible !

                                     

Et lorsque le destin de la reine noire, Helena Markos, est évoquée à travers la culture d'un illustre psychiatre, plus de doute n'est alors imposé à l'héroïne (et au spectateur !), préalablement indécise. Le monde des sorcière existe bel et bien, et Argento souhaite rationaliser ce sentiment absurde du surnaturel tyrannisant notre monde dans l'unique but de nous faire souffrir afin d'accéder à l'autocratie. Mais les sorcières ne peuvent obtenir cette divinité qu'en exerçant le mal pour le soumettre aux êtres humains (par la maladie, la souffrance et fatalement la mort). Cette doctrine mécréante fondée sur l'annihilation par la magie culmine sa danse funeste vers une antichambre de l'enfer en connivence avec la candeur Spoil ! d'une fleur d'Iris. Fin du spoil Ce code secret finalement déchiffré est notamment une quête initiatique pour la jeune Susie, ici éprise de vaillance audacieuse pour accéder à l'horrible vérité ! La fascination exercée par cette confrérie véreuse atteint son apothéose lors d'un point d'orgue de terreur crispante et d'explosions de feu.


La Danse des Sorcières
Conte de fée pour adultes auquel Blanche Neige se serait égarée au pays des merveilles, Suspiria constitue une ultime expérience avec la peur de l'inconnu initiée à la beauté d'une horreur érotique. Argento, hanté par ses ambitions occultes créant ici l'opéra anxiogène le plus scintillant car oscillant inlassablement avec l'élégance épurée et l'horreur forcenée d'une mère des soupirs. Illuminé par la douceur chétive de Jessica Harper, aussi engourdie par son environnement fantasmatique qu'étourdie par le concerto déchaîné des Goblin, Suspiria s'érige en ballet cabalistique ! La danse de sorcières la plus ensorcelante de l'histoire du cinéma. Rien que ça.

Dédicace à Jessica Harper et Bruno Matéï (qui ne s'en est jamais remis)

19.08.11. 6
Bruno Matéï

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vendredi 19 août 2011

LE 7E VOYAGE DE SINBAD (The 7th Voyage of Sinbad)


de Nathan Juran. 1958. U.S.A. 1h27. Avec Kerwin Mathews, Kathryn Grant, Richard Eyer, Torin Thatcher, Alec Mango, Danny Green, Harold Kesket, Alfred Brown, Nana DeHerrera, Nino Falanga, Luis Guedes.

Sortie salles U.S: 23 Décembre 1958.  Allemagne de l'Ouest: 5 Décembre 1958.

FILMOGRAPHIE: Natha Juran est un réalisateur, scénariste et directeur artistique américain, né le 1er Septembre 1907 à Bucovine (Roumanie), décédé de mort naturelle le 23 Octobre 2002 à Paolos Verdes Estates (Etats-Unis). 1953: La Légande de l'Epée Magique. 1957: La Chose surgie des Ténèbres. A des Millions de kms de la Terre. Le Cerveau de la Planère Arous. 1958: L'Attaque de la Femme à 50 Pieds. La 7è Voyage de Sinbad. 1962: Jack, le Tueur de Géants. 1964: Les premiers Hommes dans la lune.
1966: The Deadly Mantis. 1967: Billy the Kid. Les Trompettes de Jéricho. Les Aventuriers de l'Espace.
1969: Land Raiders. 1973: The Boy who Cried Werewolf.

                                     

Il était une fois un enfant qui modelait des monstres dans le garage de ses parents pour se raconter des histoires fabuleuses et effrayantes... Quelques décennies plus tard, il deviendra le poète inné des effets-spéciaux, créateur d'une oeuvre enchanteresse au service du cinéma... Ray Harryhausen.

La même année que l'Attaque de la Femme à 50 pieds, Nathan Juran entreprend avec Le 7è Voyage de Sinbad l'une des plus notoires aventures des 1001 nuits parmi le personnage iconique du capitaine tueur de monstre. Produit pour un million de dollars, le film en engendre 6 pour devenir le succès surprise de l'année. Il va donc permettre de lancer une franchise lors d'une série de films mettant en vedette le célèbre marin mais surtout les créatures façonnées par un maître des effets-spéciaux, Ray Harryhausen. En prime, il s'agit du premier film colorisé auquel l'égérie du stop motion (ou plus précisément le procédé du Dynamation) participa à l'élaboration des trucages confectionnés durant près d'un an.

                                 

Le pitch: Sinbad le Marin rassemble un groupe de 25 dangereux prisonniers pour voyager dans le Sud de l'île de Colossa. Le but de cet expédition est de retrouver une écaille de volatile pour rendre la taille normale de sa dulcinée miniaturisée par un mage. A travers leur parcours semé d'embûches, ils vont établir la rencontre d'un bestiaire de monstres improbables !
Classique notoire, Le 7è voyage de Sinbad s'avère l'un des spectacles les plus populaires et appréciés des aventures du  marin de par son efficacité pour l'enchaînement successif de séquences toutes plus spectaculaires et féeriques les unes que les autres. Sans jamais verser dans la surenchère pour épater la galerie, cette aventure endiablée est menée sur un rythme trépidant ne laissant que peu de répit aux protagonistes. Le scénario structuré et la mise en scène au service des personnages étant agencés pour nous faire rêver 1h30 durant. Un concentré de pure fantaisie et de merveilleux déployés pour nos héros alpagués par une horde de monstres délirants. Tant auprès des cyclopes à sabot, du squelette décharné revenu à la vie, du volatile à deux têtes, du dragon vert enchaîné ou encore de cette femme serpent brièvement métamorphosée pour le tour d'un spectacle de magie dirigé par un oracle ! D'autres personnages fantastiques plus dociles sont également de la partie pour nous attendrir et séduire, telle l'idylle de Sinbad, malencontreusement miniaturisée par les pouvoirs occultes le magicien Sokurah, ou encore le génie infantile confiné dans une lampe. L'attraction du film est évidemment due en majeure partie à ces séquences oniriques calibrées par le maître des effets-spéciaux, Ray Harryhausen. Chaque séquence traitant une créature insolite en stop motion s'insérant facilement avec les prises de vue réelles auquel nos personnages évoluent, si bien que l'on a cette troublante impression de les voir réellement affronter ces monstres en pâte à modeler ! Les décors kitchs saturés de couleur criarde et la complicité enthousiaste des comédiens participant également au charme naïf de ce fabuleux voyage aussi enchanteur que dépaysant. Quand bien même la musique épique du grand Bernard Herrman influe une formidable vigueur lors de ces péripéties hallucinées.

                                

Alors nos blockbusters actuels dotés de budgets faramineux se rabattent paresseusement sur des effets-spéciaux numériques pour tenter de nous bluffer à grand renfort d'action pétaradante (le choc des Titans de Letterier, G.I Joe, Transformers, Le Prince de Persia, Battle Los Angeles, etc, etc...), le 7è voyage de Sinbad transcende son économie de moyens de par l'amour d'un travail artisanal et de cette sincérité de nous enchanter comme au prémices de notre naîve enfance. L'association du génie des FX et d'un cinéaste sans prétention contribuant à immortaliser ce voyage poétique au pays des mythologies séculaires.

"L'animation doit être un langage, un art, c'est à dire la création de quelque chose sortant du néant, une projection pendant une heure et demie d'une pseudo réalité des plus bizarres extensions de l'imagination à l'injection d'une vie illusoire dans ce qui est basiquement inanimé." Ray Harryhausen.

Bruno Matéï

                               

25.08.11

jeudi 18 août 2011

LA NUIT DES MORTS-VIVANTS de Tom Savini. (The Night of the Living-Dead)


de Tom Savini. 1990. U.S.A. 1h29. Avec Tony Todd, Patricia Tallman, Tom Towles, Mc Kee Anderson, William Butler, Katue Finneran, Bill Mosley.

Sortie en salles U.S.A: 19 Octobre 1990.

FILMOGRAPHIE: Tom Savini est un acteur, réalisateur, maquilleur et ateur d'effets-spéciaux américain, né le 3 Novembre 1946 à Pittsburgh (Pennsylvanie).
1990: La Nuit des Morts-Vivants (Remake)
Maquilleur: 1974: Deranged. 1977: Martin. 1978: Zombie. 1980: Vendredi 13. Maniac. 1981: Carnage. Rosemary's Killer. 1984: Vendredi 13 IV. 1986: Le Jour des Morts-Vivants. Massacre à la Tronçonneuse 2. 1988: Incidents de Parcours. 1993: Trauma. 2004: Family Portraits.


22 ans après le chef-d'oeuvre de Georges A. Romero, La Nuit des Morts-vivants fait l'objet d'un remake à la demande du maître, dépité à l'époque (ainsi que toute son équipe technique) de n'avoir pu être financièrement rémunéré suite à une erreur de gestion de droit d'auteur. A l'origine du film fondateur, le maquilleur Tom Savini avait été enrôlé pour s'occuper des effets-spéciaux mais son recrutement précipité au Viêt Nam en tant que photographe de guerre le contraint de quitter l'entreprise. Georges A. Romero, cette fois-ci producteur et désireux de récupérer des bénéfices jamais versés, décide donc en 1990 de réunir toute l'équipe originelle et d'offrir le poste de metteur en scène à son confrère Tom Savini. Un frère et une soeur se rendent sur la tombe de leur mère quand un inconnu moribond se met à agresser cette dernière. Après une violente confrontation avec ce quidam erratique, le frère venu en aide à sa soeur succombe incidemment à une chute mortelle. La jeune Barbara réussit in extremis à s'enfuir pour rejoindre une demeure champêtre située à proximité du cimetière. Sur place, elle fait la rencontre d'un afro-américain déterminé à se défendre contre ces mystérieux individus se déplaçant de manière apathique, l'air hagard ! Les morts putrescents semblant revenir à la vie sans explication logique !


Il ne faut pas se leurrer, il y avait de quoi être dubitatif, voir carrément réfractaire à la vue du projet de remake d'un des films les plus terrifiants de tous les temps ! Scénarisé et produit par Georges Romero en personne et réalisé par le novice Tom Savini attitré derrière la cam, La Nuit des Morts-vivants s'avère pourtant une surprise inespérée au vu du résultat. Dès le prologue, préalablement célébré par une tirade dans toutes les mémoires ("ils vont venir te chercher Barbara !!!"), Tom Savini réussit à surprendre et terrifier son public en faisant intervenir de nouveaux éléments narratifs impondérables. Au vu du soin méticuleux octroyé à l'aspect clinique des zombies décharnés, l'ambiance funèbre qui en découle scotche le spectateur impressionné par le réalisme brutal de scènes d'agression aussi intenses (la mort accidentelle de Johnny s'avérant viscéralement percutante !). En prime, l'idée couillue d'avoir privilégié la lueur du jour dans un cimetière (un paradoxe !) était une gageure au défi relevé (alors qu'à la base Savini souhaitait filmer cette séquence-clef sous un climat diluvien !). L'évolution du récit qui voit la fuite éperdue de Barbara à travers champs complètement affolée par ces agressions en série, perdure dans la terreur oppressante avec ces diverses rencontres de zombies confinés dans une demeure bucolique. Des séquences horrifiques superbement réalisées, transcendant notamment l'aspect repoussant de ces morts-vivants plus vrais que nature ! (une rumeur prétend même que Romero était jaloux au vu du résultat graphique des machaabées). Ce tour de force technique est imparti à John Vulich et Everett Burrell ayant communément passé de longs mois à lire des bouquins de médecins légistes afin de mieux coller à la réalité quant à l'incarnation de la mort putride. Ils vont apprendre entre autre que les vrais cadavres n'ont pas une teinte grisonnante comme on peut souvent l'observer dans les fictions mais une mine parcheminée !


Après la caractérisation de nos deux héros, place au développement des rôles secondaires blottis dans le refuge restreint d'une cave. Avec intelligence, Tom Savini réussit à maintenir l'intérêt d'une histoire éculée par sa faculté à daigner réinventer le "zombie movie". Cette alchimie miraculeuse est appuyée par le soin d'une mise en scène assidue, de morts-vivants criant de vérité dans leur aspect fétide, d'interprètes pleins de vigueur dans leur jeu antinomique et d'une ambiance inquiétante de fin du monde. En outre, le réalisateur va malicieusement inverser les rôles principaux attribués à Ben et Barbara en faisant de la femme chétive effarouchée un superbe portrait d'héroïne pugnace ! En l'occurrence, le nouveau huis-clos par ailleurs magnifiquement photographié renoue avec la caractérisation passionnante de ses protagonistes égoïstes et couards. Lors de ses conflits anarchiques, Savini stigmatise notre instinct d'arrogance, notre esprit de supériorité et notre orgueil vis à vis de l'étranger dans un contexte de crise politico-sociale. L'amertume de son final nihiliste et l'impact de certaines images scabreuses vont enfoncer le clou dans la turpitude, l'incommunicabilité, la violence primitive régies par une Amérique profonde.


Sans verser dans le gore festif et décomplexé, cette Nuit des Morts-vivants colorisée réussit haut la main au premier degré à terrifier et secouer le spectateur. Baignant dans un esthétisme limpide, agréable contrepoint à la beauté macabre de sa nature crépusculaire, ce joyau âpre est à réhabiliter d'urgence tant il s'avère immersif pour sa plongée de la bassesse humaine châtiant nos damnés ancêtres. Quand aux zombies décharnés, Savini a accompli ici le tour de force de parfaire les cadavres les plus réalistes du cinéma ! 

18.08.11. 4èx
Bruno Matéï

                                        

lundi 15 août 2011

ALIEN, LA RESURRECTION (Alien: resurrection)



de Jean Pierre Jeunet. 1997. U.S.A/Angleterre. 1h44. Avec Signourney Weaver, Winona Ryder, Dominique Pinon, Ron Perlman, Gary Dourdan, Michael Wincott, Kim Flowers, Dan Hedaya, J.E. Freeman, Brad Dourif, Raymond Cruz.
Sortie en salles en France le 12 Novembre 1997. U.S.A: 26 Novembre 1997.

FILMOGRAPHIE: Jean Pierre Jeunet est un réalisateur et scénariste français né le 3 Septembre 1953 à Roanne, Loire.
1978: l'Evasion (court), 1980: Le Manège (animation de marionnettes), 1981: Le Bunker de la dernière rafalle (court 26 mns coréalisé avec Marc Caro), 1984: Pas de repos pour Billy Brakko (court), 1989: Foutaises, 1991: Delicatessen (coréalisé avec Marc Caro), 1995: La Cité des Enfants perdues (coréalisé avec Marc Caro), 1997: Alien, la Résurrection, 2001: Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain, 2004: Un Long Dimanche de Fiançailles, 2009: Micmacs à Tire-larigot.

                                    

Cinq ans après le 3è opus christique façonné par David Fincher, c'est au tour d'un metteur en scène français d'imposer sa patte personnelle à l'univers ombrageux d'AlienDeux cent ans après la mort de Ripley, des généticiens ont finalement réussi à cloner le lieutenant en croisant son Adn avec celui de l'alien enfanté. Subitement revenue à la vie, Ripley leur informe que les monstres issus de leurs manipulations génétiques sont une menace létale insoluble à éradiquer. Avec l'arrivée inopinée d'un groupe de mercenaires, la situation va redoubler de dangerosité depuis que l'un des aliens eut réussi à s'échapper du laboratoire expérimental.


Dès le générique d'une beauté diaphane dans la mosaïque d'images macabro-charnelles, Jean Pierre Jeunet insuffle radicalement le ton organique de ce nouvel opus centré sur la personnalité hétéroclite de Ripley. Pour cause, depuis qu'elle est revenue à la vie par la cause de généticiens sans vergogne, une bribe de son psyché ainsi que sa chair corporelle ont été modifiés par l'Adn d'un Alien créant ainsi une femme hybride. Une mutante douée de force surhumaine, insensible à la souffrance physique, viscéralement habitée par l'emprise d'une forme extra-terrestre véreuse. Durant cette traque haletante entreprise avec une bande de mercenaires réfugiés en interne du vaisseau spatial, les états d'âme de Ripley semblent scindés entre l'attirance maternelle pour ces nouveaux monstres génétiquement modifiés et sa dignité vertueuse de sauver malgré tout la race humaine. Ce quatrième volet tire donc son originalité et se distingue de ses prédécesseurs par le profil interlope de notre héroïne. Notamment cette symbiose biologique permettant à Jeunet de donner lieu à d'audacieuses séquences baroques d'une beauté funèbre viscérale. Comme cette séquence au cours duquel Ripley se laisse envahir par la compagnie d'Alien enlacés autour d'elle. Une séquence organique au pouvoir de fascination sensuel que n'aurait pas renié David Cronenberg !


Entre des séquences d'action superbement coordonnées (la séquence oppressante de poursuite aquatique  !) et des rebondissements impromptus assénés au profil mesquin de certains personnages,  Jeunet mise surtout sur l'efficacité de son récit rondement mené. En accordant notamment une grande importance à l'ambiance glauque dépeinte avec poésie sensuelle (le laboratoire rempli de monstres difformes digne des exactions d'un Dr Frankenstein ou l'accouchement final d'une nouvelle race d'Alien, mi monstre-mi humain !). En outre, il y a un moment aussi terrifiant que poignant lorsque Ripley assiste impuissante à l'agonie de son double génétiquement modifié dans un amas de chair, là où les membres de son corps se démembrent puis se recomposent ! Nouvelle posture et nouvelle coupe de cheveux, Sigourney Weaver porte le film sur ses épaules et transcende à nouveau une interprétation fluctuante beaucoup plus ambiguë que ces compositions antérieures. Proprement habitée par son rôle de clone asservi par des savants perfides, elle réussit en prime de provoquer l'empathie vers son point d'orgue dramatique. Spoiler ! C'est à dire lorsqu'elle assiste désespérée, mais assumant son acte de trahison, à la mort de son rejeton tout en lui invoquant de la pardonner. Fin du Spoil. La présence gracile de Winona Ryder étonne agréablement par son jeu naturel dont la personnalité humaine et artificielle présente une certaine similitude avec la versatilité de Ripley. Dominique Pinon apporte la touche de légèreté pittoresque lors de ses réparties adressées à ses pairs et Ron Perlman lui partage la vedette dans une posture de guerrier au charisme trapu. Enfin l'inquiétant Brad Dourif endosse le rôle d'un généticien azimuté dans ses ambitions délurées de daigner domestiquer des Aliens opiniâtres.

                            

Une résurrection organique !
Superbement photographié dans de dantesques décors rubigineux, Jean Pierre Jeunet réussit avec habileté le difficile cap d'honorer une suite à succès. Et même si ce quatrième opus se révèle moins substantiel que ces ascendants, le rythme échevelé des nombreuses péripéties et son climat glauque emportent aisément l'adhésion. Mais c'est surtout le profil imputé à la nouvelle matriarche Ripley qui avive la fascination, car nous offrant un superbe portrait de femme bâtarde à la croisée du Mal !

Dédicace à Luke Mars.
15.08.11
Bruno Matéï. 4

Les critiques des autres opus:
Alien, le Huitième Passager: http://brunomatei.blogspot.fr/2012/04/alien-le-huitieme-passager.html
Aliens, le retour: http://brunomatei.blogspot.fr/…/aliens-le-retour-aliens.html
Alien 3: http://brunomatei.blogspot.com/2011/09/alien-3.html
Note: Cet opus reçut un excellent accueil critique et public en Europe mais les réactions furent plus mitigées outre-Atlantique, notamment en ce qui concerne l’apparence de l’alien mi-humain.
Une des scènes les plus marquantes du film reste le passage filmé sous l’eau avec deux aliens qui nagent agilement vers un groupe de passagers tentant de quitter le vaisseau en passant par les cuisines inondées. Cette scène a été une des plus compliquées à tourner du fait que l’actrice Winona Ryder est ablutophobe (elle qualifie cette expérience de tournage comme « la pire de sa vie ») et qu’un grand nombre de prises a dû être réalisé. La préparation et le tournage ont demandé plus d’un mois de temps et cette séquence a été la première à être réalisée pour le film, comme on le découvre dans le making-off de la séquence, sur les bonus du DVD « Édition Prestige ».

Les effets spéciaux de cet épisode furent réalisés en majeure partie par une équipe française : la compagnie de Pitof, Dubois.


samedi 13 août 2011

LA PLANETE DES SINGES: LES ORIGINES (Rise of the Planet of the Apes)


de Rupert Wyatt. 2011. U.S.A. 1h46. Avec James Franco, Tom Felton, Freida Pinto, Andy Serkis, Brian Cox, John Lithgow, Tyler Labine, David Hewlett, Sonja Bennett, Chelah Horsdal, David Oyelowo.    

Sortie en salles en France le 10 Aout 2011. U.S.A: 5 Aout 2011

FILMOGRAPHIE: Rupert Wyatt est un réalisateur et scénariste anglais né le 26 Octobre 1972.
2001: Subterrain. 2008: Ultime Evasion. 2009: Birdsong. 2011: La Planète des Singes: les Origines

                                       

ATTENTION !!! IL EST PREFERABLE D'AVOIR VU LE FIM AVANT DE LIRE CE QUI VA SUIVRE !

D'après le roman de l'écrivain français Pierre Boule, la saga La Planète des Singes fut un succès planétaire autour de cinq volets issus des années 70. Si au préalable, le chef-d'oeuvre de Franklyn J. Schaffner fut passé à la moulinette du remake (superficiel) par Tim Burton, Rupert Wyatt s'attelle à relancer la franchise avec cette préquelle dont les singes sont aujourd'hui digitalisés en performance capture. Un procédé numérique risqué mais toujours plus novateur de la part de l'éminente société Weta Digital de Peter JacksonDans un laboratoire scientifique, des chercheurs ont trouvé un traitement contre la maladie d'Alzheimer grâce à l'expérimentation d'une femelle chimpanzé. Les effets psychologiques sur l'animal sont stupéfiants, son activité cérébrale étant décuplée. Mais à la suite d'une violente rébellion d'avoir protégé la vie de son bébé, elle est abattue par le service d'ordre. Le chercheur Will Rodman décide d'éduquer en cachette le bébé primate en le ramenant dans sa demeure où loge également son paternel infirme. Rapidement, il s'aperçoit que le jeune chimpanzé est lui aussi doué d'une intelligence supérieure, ce qui l'amène à expérimenter en désespoir de cause le traitement sur son père souffrant d'Alzheimer. 

                                         

Après l'annonce prometteuse d'un trailer jouissif, voici la préquelle tant attendue par les fans curieux d'assister à l'insurrection de primates digitalisés. De prime abord, je tiens à acclamer l'exploit technique réalisé par la "performance capture" qui atteint ici un degré de réalisme aussi stupéfiant que le remake miraculeux de Peter Jackson, King-Kong ! La physionomie expressive des chimpanzés, gorilles ou orangs-outans, ainsi que la texture de leur fourrure poilue sont si réalistes qu'elle permettent "naturellement" de les humaniser avec une trouble acuité. La première partie illustrant la phase d'évolution de César éduqué par le chercheur Will Rodman (James Franco) face au témoignage médusé de son père, donne lieu à un florilège de séquences intimistes laissant libre cours à l'humanité craintive d'un chimpanzé doué d'intelligence supérieure. A titre d'exemple, sa manière de reluquer par la fenêtre de sa chambre la vie civilisée des êtres humains évoluant dans leur milieu urbain émeut le spectateur fasciné par son regard étrangement innocent et susceptible. Sa bonhomie altruiste de prêter main forte au paternel infirme (remettre à l'endroit une fourchette de table saisie à l'envers) ou encore les rapports affectueux entretenus avec son maître nous touche avec une vraie pudeur. L'empathie qu'il réussit à exercer à travers son comportement bienveillant nous captive irrémédiablement à chacune de ses apparitions. Durant le cheminement évolutif de César, le réalisateur va démontrer à quel point le sentiment d'injustice, la maltraitance et la soumission peuvent gravement concourir à changer un individu vers des pulsions vindicatives. Il démontre à quel point l'homme, instinctivement arrogant dans son estime de supériorité, souhaite dominer l'être inférieur au profit de sa cupidité et mégalomanie.

                                          

En ce qui concerne la révolte des singes, Rupert Wyatt nous entraîne dans une bataille frénétique à couper le souffle si bien que des centaines de primates pugnaces ont décidé de s'unir en force pour démontrer leur capacité physique et intellectuelle à s'opposer à notre dictature. Mais avant cet ébauche d'action, il y a les prémices où Caesar, belliciste, organise sa révolte par le langage des signes avec l'aide d'un orang-outan. A ce titre, il y a un moment clef particulièrement éloquent lorsque César dicte à ses confrères le premier mot vocal: "nooooooon" à l'asservissement ! Sa manière d'acclamer de façon virulente sa protestation contre le despotisme des hommes  (préalablement mis en cause par un gardien sadique) et d'engager une houleuse sédition se révèle aussi intense que poignante. Sachant que durant l'émeute, un accident mortel est (involontairement) perpétré à l'un des gardiens par Caésar, subitement conscient du dommage collatéral d'une riposte irréversible. Leur arrivée impromptue en pleine agglomération urbaine donne lieu à des séquences explosives incroyablement coordonnées chez la hiérarchisation des singes. Sans verser dans la violence brutale, ce point d'orgue très spectaculaire enchaîne des séquences d'actions virtuoses et nous suggère en sous-texte social un message pacifiste. Comme en témoigne l'épilogue auquel Caesar et ses comparses, à nouveau réfugiés dans la forêt, invoquent à Will leur désir de vivre en communauté au sein d'un environnement écolo, et donc à l'écart de l'homme et de leurs mégalopoles. Outre son excellente distribution, James Franco extériorise avec sensibilité un profond humanisme dans son affection allouée à la cause animale mais aussi à celle de son père atteint d'une maladie incurable. A moins de jouer aux apprentis sorcier pour tenter de le sauver d'Alzheimer ! John Litgow endossant le rôle de ce paternel infantile avec une vérité poignante dans sa conscience dégénérative.

                                     

Réflexion sur le pouvoir, sur l'instinct belliqueux de l'homme et sur l'inégalité des ethnies, La Planète des Singes: les Origines demeure un époustouflant spectacle homérique où l'émotion exponentielle est reine. Outre sa faculté à passionner le spectateur à travers ses thèmes profondément humanistes, il doit également sa réussite à des effets spéciaux ahurissants de réalisme afin de rendre crédible les singes numérisés. Du grand et beau cinéma d'une belle dignité et d'une intelligence mature au sein du Blockbuster habituellement lisse et formaté.    

13.08.11
Bruno Matéï.


Box-office:
Selon Box office mojo le film a réalisé 19,7 millions USD le premier jour d'exploitation et 54 millions de dollars pour son premier week-end. Il se classe premier devant Les Schtroumpfs et Cowboys vs Envahisseurs .
Au box office international pour son premier week-end, il arrive en 4e place avec 23,8 millions de dollars de recettes. En France lors de sa sortie il est premier avec 3 938 entrées devançant Green Lantern.
Il enregistre le 5e meilleur démarrage de 2011 devant pirate des caraïbes 4
Mondial: 120,790,607 US$

États-Unis : 77,375,919 $
International : 43,414,688 $
France: à Venir

 

vendredi 12 août 2011

La Proie


d'Eric Valette. 2011. France. 1h40. Avec Albert Dupontel, Alice Taglioni, Sergi Lopez, Stéphane Debac, Natacha Regnier, Caterina Murino, Zinedine Soualem, Serge Hazanavicius, Jean-Marie Winling.

Sortie en salles en France le 13 Avril 2011.

FILMOGRAPHIE: Éric Valette est un réalisateur et scénariste français né en 1967 à Toulouse.
2001: Dégustation (court). 2003: Maléfique. 2008: One Missed Call. 2009: Une Affaire d'Etat. 2010: Hybrid. 2011: La Proie

                                   

Eric Valette m'avait bien surpris avec Maléfique sorti en 2003, huis clos horrifique à l'ambiance d'inquiétude plutôt bien retranscrite. Mais là, avec son p'tit dernier focalisé sur l'actionner bourrin et le suspense haletant, je reste plutôt sur ma faim et assez déçu. Le PitchA deux mois de sa liberté, un braqueur de banque s'échappe de ses barreaux pour courser son ancien compagnon de cellule, un pédophile malencontreusement affranchi de sa culpabilité et ayant kidnappé sa fille. Les forces de l'ordre sont lancés à ses trousses. Ok pour la trame qui promet en interne des métropoles urbaines une intense partie de chasse à l'homme entre les forces de l'ordre, notre braqueur contrarié et un psychopathe licencieux. Mais dommageablement, les quelques invraisemblances et incohérences qui émaillent l'intrigue bondissante vont venir discréditer l'ensemble de l'entreprise. De surcroît, l'élément le plus répréhensible à souligner est encore plus gênant et s'oriente plutôt vers l'interprétation d'ensemble, aussi solide que semble présager des valeurs sures comme Albert Dupontel, Sergi Lopez ou Natacha Reigner. En effet, Eric Valette dirige maladroitement une direction d'acteurs pris en otage par leur maitre à penser. Un réal plus préoccupé à diriger d'excellentes scènes d'action joliment chorégraphiées et maintenir un suspense échevelé plutôt que de tenter de convaincre des enjeux dramatiques émanant des interprètes au destin fustigé. L'excellent Albert Dupontel semble cette fois-ci mal à l'aise dans la peau du braqueur au grand coeur et s'évertue tant bien que mal à offrir le minimum syndical dans ces agissements désespérés contre ses oppresseurs (flics et tueur). Alors que le pédophile interprété par Stéphane Debac plombe sérieusement la crédibilité de l'ensemble dans le stéréotype d'un psychopathe (intello à lunette à l'apparence docile) qui ne laisse aucunement transparaitre son côté délétère et insidieux. A contrario, Alice Taglioni assure une excellente composition musclée de femme flic vaillante, la seule comédienne adroite et naturelle (avec peut-être la présence secondaire de Sergi Lopez qu'on a connu largement plus persuasif !) réussissant à tirer son épingle du jeu.

                                   

Pour les amateurs d'action ludique du samedi soir, La Proie peut malgré tout trouver son public en faisant abstraction des grosses ficelles, incohérences et direction d'interprétation hasardeuse qui empiètent le récit. Car le divertissement, parfaitement rythmé et rondement mené réussit malgré tout à maintenir l'intérêt, d'autant plus que la violence rugueuse de certaines scènes surprend pas sa brutalité (le prologue dans la prison pendant l'évasion). Et même si une fois encore, le dénouement final prévisible, est assez téléphoné.

Pour l'anecdote subsidiaire: le générique de fin est superbement conçu dans une texture carminée stylisée.      

12.08.11
Bruno