vendredi 20 mai 2016

GOMORRA. Grand Prix, Cannes 2008

                                                              Photo empruntée sur Google, dépendante du site Cineclap.free

de Matteo Garrone. 2008. Italie. 2h17. Avec Toni Servillo, Salvatore Abruzzese, Salvatore Ruocco,
Gianfelice Imparato, Maria Nazionale, Carmine Paternoster.

Sortie salles France: 13 Août 2008

FILMOGRAPHIE: Matteo Garrone, né le 15 octobre 1968 à Rome, est un réalisateur de cinéma italien. 1997: Terra di mezzo. 1998: Ospiti. 2000: Estate romana. 2002: L'Étrange monsieur Peppino. 2004: Primo amore. 2008: Gomorra. 2012: Reality. 2015: Tale of Tales.


En Europe, la Camorra a tué plus que tout autre organisation criminelle. 4000 morts en 30 ans. 1 tous les 3 jours. 
Scampia est l'endroit au monde où l'on vend le plus de drogue. Le chiffre d'affaires par clan est d'environ 500 000 euros par jour. 
En empilant les déchets toxiques traités par la Camorra, on atteint 14 600 mètres de haut. L'Everest fait 8850 mètres. Il y a 20% de cancers en plus dans les zones contaminées. 
Les bénéfices des activités illégales financent des activités légales partout dans le monde. 
La Camorra a investi dans la reconstruction des Tours jumelles à New-York. 


Pour rappel, la Camorra est une mafia italienne urbaine d'origine napolitaine à contrario de Cosa Nostra, mafia issue d'un milieu rural. Le film entrecroise les tranches de vie de 6 personnages en collaboration avec cette organisation criminelle. Leur destin précaire les plongeant dans une dérive de règlements de compte sanglants depuis les félonies et la concurrence mégalo du camp adverse. Avec souci d'ultra réalisme documenté, Matteo Garrone nous plonge dans l'enfer du crime sous l'impulsion de gueules burinées criantes de vérité. Les acteurs, pour la plupart non professionnels (3 d'entre eux ont d'ailleurs réellement écopés des démêlés avec la police), dégageant une intensité viscérale dans leur faciès impérieux sous le pilier d'une mise en scène hyper travaillée. Véritable reportage pris sur le vif à contre-courant de toute forme de romantisme (on est à l'antipode du Parrain de Coppola), Gomorra dévoile l'envers du décor sordide d'un ghetto miséreux où des familles mafieuses s'y sont implantées. De la nouvelle génération décérébrée (les destins dérisoires de Marco et Piselli et l'insertion du petit Toto) en passant par l'autorité des patriarches et des retraités sclérosés, Gomorra inscrit sur pellicule (et de façon méticuleuse) leur portrait vicié avec une puissance dramatique terrifiante. A l'instar de leurs exactions intimes négociées en groupe pour décider du sort d'une femme ou de deux ados en ascension délinquante. Car en dépit de tractations infructueuses, les plus fourbes et sournois emprunteront la trahison, la vengeance et la riposte le plus brutale afin de remporter la mise.


Crapuleux et terrifiant pour son ultra réalisme fétide et la névralgie d'une dramaturgie impromptue, Gomorra constitue sans doute le témoignage le plus tangible jamais décrit sur la mafia italienne. La mise en scène documentée (et personnelle) de Matteo Garrone optant le climat blafard d'un enfer urbain où corruption et criminalité de grande envergure se chevauchent pour des enjeux de cupidité et d'autorité. 

Info subsidiaire Wikipedia:
Certains acteurs sont des gens de la région napolitaine sans aucune référence professionnelle. Le 11 octobre 2008, Bernardino Terracciano, interprète de Zi Bernardino dans le film, a été arrêté dans le cadre d'une opération policière contre le clan des Casalesi. Le 5 janvier 2009, Giovanni Venosa, autre acteur de Gomorra, est lui aussi arrêté dans le cadre d'une enquête sur la collecte du pizzo. Salvatore Fabbricino, interprétant un des camorristes, est lui aussi arrêté pour avoir fait partie d'un commando qui a fait six morts auprès de ressortissants africains.

Récompenses: Grand Prix du jury au Festival de Cannes 2008
European Film Awards 2008 :
Meilleur film européen
Meilleur réalisateur (Matteo Garrone)
Meilleur acteur (Toni Servillo)
Meilleur scénario (Roberto Saviano et Matteo Garrone)
Meilleure photographie (Marco Onorato)

mercredi 18 mai 2016

GODS OF EGYPT

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Alex Proyas. 2016. U.S.A/Australie. 2h07. Avec Nikolaj Coster-Waldau, Gerard Butler, Courtney Eaton, Geoffrey Rush, Emma Booth.

Sortie salles France: 6 Avril 2016. U.S: 26 Février 2016

FILMOGRAPHIE: Alex Proyas est un réalisateur, producteur et scénariste australien, né le 23 Septembre 1963 en Egypte. 1994: The Crow. 1998: Dark City. 2002: Garage Days. 2004: I, Robot. 2009: Prédictions. 2012: Paradise Lost. 2016: Gods of Egypt.


Incendié par les critiques du monde entier (à 2/3 exceptions) sermonnant sans réserve cette luxueuse production de "navet", Gods of Egypt fait office d'ovni de la démesure dans son melting pot de situations homériques toutes plus improbables les unes que les autres. Piquant à tous les râteliers des idées et situations éculées aux classiques du serial (Indiana Jones en tête), de l'heroic fantasy (le Choc des Titans, Jason et les Argonautes), du Space Opera (Star Wars, Flash Gordon, Dune) et du peplum (principalement les B movies des années 60), Alex Proyas nous élabore un blockbuster au surréalisme enchanteur. Fort d'un casting cabotin déversant avec sérieux et ironie des dialogues régulièrement impayables, ce spectacle flamboyant (décors grandioses et photo rutilante !) parvient à extérioriser un sentiment de sympathie chez le spectateur tant Proyas nous évade avec une générosité opulente. 


L'histoire d'une simplicité enfantine se condense à la confrontation des dieux Egyptiens, Horuth et Seth. Deux frères au pouvoirs surhumains se disputent le trône depuis que l'un d'eux s'est engagé dans une rancune orgueilleuse. Après avoir été banni de son temple et rendu aveugle par Seth, Horuth se morfond dans le silence loin de son peuple. Mais un jeune héros fringant du nom de Bek parvient à retrouver sa trace dans le désert pour le solliciter à combattre le nouveau roi et ainsi récupérer son trône. Dès lors, entre deux romances éperdues et le chaos escompté des ténèbres, une grande aventure semée d'embûches s'engage vers eux avec la complicité d'un défunt Dieu. D'un pitch rebattu, Proyas en extirpe un spectacle épique hallucinant de naïveté cocasse (souvent involontaire) tant les morceaux de bravoures déployés font preuve d'une fantaisie débridée sous l'impulsion de personnages aussi grotesques qu'attachants (notamment la taille robuste des Dieux, leur mutation métallique et leurs déplacements aériens !). Clairement estampillé pour un public familial, Alex Proyas se permet d'échauder des séquences monstrueuses de destruction massive avec l'appui de créatures en effets numérisés. Et de manière désordonnée (trois actions distinctes nous sont même décrites en temps réel !) de nous livrer un récit héroïco-mystique où les forces de l'au-delà (les fameuses portes de la mort) vont également servir de vecteur émotionnel pour le sort d'une princesse. Cette action quasi omniprésente alternant de façon pétulante l'épique, la féerie et l'anticipation parvient miraculeusement à nous distraire par le biais d'un esprit Bis irrésistiblement effronté. L'ère numérique déployée ici sans modération se substituant aux moyens dérisoires de la série Z artisanale.


Con comme la lune mais implacablement fun, hilarant et attachant, et esthétiquement aussi fulgurant que boursouflé, Gods of Egypt constitue le divertissement de tous les excès auquel l'extrême générosité du cinéaste et la dérision affable des comédiens parviennent à dépasser toutes ses scories. A condition de le savourer au second degré, ce nanar clinquant risque fort dans les décennies prochaines de se faire une place singulière dans l'écrin de la Bisserie post-moderne. 

mardi 17 mai 2016

TRIPLE 9

                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site traileraddict.com 

de John Hillcoat. 2015. U.S.A. 1h55. Avec Casey Affleck, Chiwetel Ejiofor, Anthony Mackie, Aaron Paul, Clifton Collins Jr., Norman Reedus, Gal Gadot, Woody Harrelson, Kate Winslet, Teresa Palmer

Sortie salles France: 16 mars 2016. États-Unis: 26 février 2016

FILMOGRAPHIE: John Hillcoat est un cinéaste australien né en 1961 au Queensland. 1988: Ghosts… of the Civil Dead. 1996: To Have and to Hold. 2005: The Proposition. 2009: La Route. 2012: Des hommes sans loi. 2016: Triple 9


Révélé par La Route et (à moindre échelle) par des Hommes sans loi alors qu'il nous avait préalablement estomaqué avec son western sauvage, The Proposition, John Hillcoat réinvente aujourd'hui le polar hard-boiled avec Triple 9. 999 signifiant le code d'alerte des services de police lorsque l'un d'eux est grièvement blessé par l'ennemi. Rameuté en masse, ils tentent alors en dernier recours de sauver leur comparse. Entre les hostilités du cartel mexicain et de la mafia russe, un jeune flic dur à cuire se retrouve mêlé à une odieuse conspiration. A savoir, devenir la cible meurtrière de flics ripoux contraints d'exécuter une ultime fois un cambriolage pour le compte d'Irina Vlaslov, l'épouse d'un éminent mafieux mis sous verrou. Mais rien ne se déroulera comme prévu... Fort d'un casting prestigieux opposant d'illustres vétérans (Woody HarrelsonKate Winslet) aux talents de la nouvelle génération (Casey Affleck, Aaron Paul, Clifton Collins Jr., Norman Reedus ), Triple 9 est l'occasion pour ces têtes viriles de nous livrer un superbe numéro d'acteurs.


Leur prestance burnée imposant chez la plupart un jeu vicié de corruption policière autour de l'héroïsme d'une jeune recrue venu s'interposer avec loyauté. Exploitant un scénario éculé de trahison policière en concertation avec la pègre, John Hillcoat parvient à réinventer les codes grâce à la virtuosité de sa mise en scène nous immergeant de plein fouet dans une situation d'urgence. Les séquences de braquages, poursuites sur bitumes et règlements de compte sanglants s'enchaînant avec une redoutable efficacité au fil oppressant d'un cheminement narratif vénéneux. Quant aux scènes de fusillades remarquablement chorégraphiées, elles nous plaquent au siège par leur intensité effrénée avec la sonorité d'un score à résonance horrifique ! Par le biais d'une intrigue structurée dressant les portraits sournois d'individus véreux (même le chef de la police plutôt largué panse sa solitude avec l'emprise de stupéfiants et d'alcool), John Hillcoat met en exergue la déliquescence d'une cité en perdition où la police tente difficilement d'imposer sa mainmise face aux pouvoirs du cartel mexicain et de la mafia russe. L'ultra réalisme imparti à cette urbanisation marginale est rehaussé d'éclairs de violence arides quant à l'agonie latente des victimes. Cette crudité poisseuse imposée par leurs exactions engendrant une intensité dramatique au fil de l'investigation fébrile de Chris Allen et parmi la contrainte des ripoux assignés à opérer le chantage des russes. Ce dernier redoublant les risques à tenter de les appréhender sans se douter que la menace émane également de sa propre hiérarchie.


Passionnant et rondement mené grâce à l'efficacité d'une réalisation vertigineuse et à la tension des enjeux dramatiques, Triple 9 insuffle une ambiance opaque terriblement ensorcelante au coeur d'une cité urbaine au bord du marasme. Outre ses éclairs d'action et de violence puissamment incisifs, Triple 9 est transcendé par les postures martiales de têtes d'affiche infaillibles (Kate Winslet s'avérant par ailleurs quasi méconnaissable en baronne soviétique !). 

    lundi 16 mai 2016

    LANDMINE GOES CLICK

                                                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site imdb.com 

    de Levan Bakhia. 2015. Géorgie. 1h50. Avec Sterling Knight , Spencer Locke , Dean Geyer , Kote Tolordava, Giorgi Tsaava

    Sortie salles Géorgie: 1er Juin 2015

    FILMOGRAPHIE: Levan Bakhia est un réalisateur, scénariste, acteur et producteur georgien.
    2011: 247°F. 2015: Landmine Goes Click


    Rape and Revenge originaire de la Géorgie, Landmine goes click dépeint la descente aux enfers d'un couple de touristes, Chris et Alicia, pris à parti avec les humiliations d'un métayer après le départ précipité de l'amant de celle-ci. Chris ayant avoué à son meilleur ami une liaison avec sa compagne, Daniel avait déjà prémédité une terrible vengeance. Le pied posé sur une mine, Chris est contraint de resté immobile en attendant les éventuels secours du garde-chasse. Impuissante, Alicia tente en dernier ressort de creuser une tranchée au moment même où un chasseur et son chien viennent s'immiscer à l'improviste. Dès lors, un danger bien plus délétère se profile à l'horizon ! Série B d'un réalisme horrifique par son concept de survival brutal si bien que la première partie oscille humiliations et sévices sexuels, Landmine goes click part d'une idée insolite lorsque qu'un jeune touriste est contraint de témoigner impuissant au calvaire de son amie. Le pied posté sur une mine, Chris va entamer une épreuve de force avec une patience surdouée. Contraint d'espérer l'arrivée des secours sur une durée de 4 heures, il doit en prime affronter l'hostilité d'un redneck sadique cumulant les brimades auprès de ses proies.


    Plutôt bien soutenu, et avec l'appui d'un jeu d'acteurs assez convaincant, le suspense distille une tension toujours plus ardue pour le sort fragile des touristes. Par leurs comportements de stress et de malaise et parmi le jeu de provocations putassières imposé par leur tyran, on songe inévitablement à la Dernière maison sur la Gauche jusqu'à sa dérive primitive du viol (une séquence démonstrative s'attardant d'ailleurs un peu trop sur l'expression des visages). La seconde partie dérangeante continuera d'ailleurs d'explorer le schéma narratif de Craven du point de vue d'un justicier déterminé à se venger. Par son climat oppressant émanant du huis-clos domestique où des otages innocents vont à leur tour subir les bizutages, Landmine goes click éprouve un peu plus par sa violence gratuite engendrée par un bourreau sans vergogne. Jusqu'au-boutiste, l'issue de l'intrigue détonne pour nous laisser sur une impression amère de déchéance morale. Sa réflexion sur la vengeance s'avérant ici habilement exposée du point de vue de la remise en question finale du vindicateur. Une image forte qui en dit long sur le caractère vénéneux de la haine et l'incapacité d'y refréner ses pulsions perverses.


    Haletant, efficace et tendu, Landmine goes click repose beaucoup sur la dimension humaine des personnages exprimant une palette d'émotions de révolte et de désespoir par leur situation d'otages en survie. Psychologiquement éprouvant pour le chemin de croix de la victime et davantage malsain chez le cheminement immoral du justicier, sa conclusion glaçante fait mouche pour dénoncer l'avilissement d'une haine rendue ingérable.  

    vendredi 13 mai 2016

    LA FALAISE MYSTERIEUSE

                                                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site retro-hd.com

    The Uninvited de Lewis Allen. 1944. U.S.A. 1h39. Avec Ray Milland, Ruth Hussey, Donald Crisp,
    Cornelia Otis Skinner, Dorothy Stickney.

    Sortie salles : 10 février 1944

    FILMOGRAPHIE: Lewis Allen est un réalisateur britannique, né le 25 décembre 1905 à Oakengates, Telford, décédé le 3 mai 2000 à Santa Monica (Californie).
    1943 : Freedom Comes High. 1944 : La Falaise mystérieuse. 1944 : Our Hearts Were Young and Gay
    1945 : Those Endearing Young Charms. 1945 : L'Invisible meurtrier. 1947 : The Perfect Marriage
    1947 : Suprême aveu (en). 1947 : La Furie du désert. 1948 : Une âme perdue. 1948 : Verdict secret.
    1949 : Enquête à Chicago. 1951 : Rudolph Valentino, le grand séducteur. 1951 : Échec au hold-up.
    1952 : Les Fils des mousquetaires. 1954 : Je dois tuer. 1955 : Un pruneau pour Joe. 1955 : Témoin à abattre. 1958 : Je pleure mon amour. 1959 : La Lorelei brune ou La Fugitive du Rhin. 1963 : Decision at Midnight.


    Edité en Blu-ray et Dvd sous l'effigie de Wild Side Video et vendu comme l'un des films les plus effrayants selon Martin Scorcese, La Falaise Mystérieuse peut enfin aujourd'hui s'exhumer de sa torpeur. Série B modeste tournée en noir et blanc et préfigurant les futurs sommets d'effroi que seront La Maison du Diable et Les Innocents, la Falaise Mystérieuse joue la carte de suggestion pour tenter d'impressionner le spectateur. Car il faut bien l'avouer, cette curiosité oubliée suscite plus la sympathie amusée que la terreur escomptée. L'allégation du maître Scorcese s'avère donc à mon sens disproportionnée (ou pire mensongère) et ressemble plus à un alibi commercial, à l'instar de son confrère James Cameron ayant prodigué avec constance ses éloges à Terminator Genesys.



    Séduits par la scénographie côtière d'une bâtisse située à proximité d'une falaise, un frère et une soeur décident de l'acheter pour une modique somme. Mais rapidement, des voix inquiétants perçues dans la nuit vont importuner nos propriétaires. Dès lors, Roderick et Pamela vont enquêter sur l'ancienne résidente, Mary Meredith, mystérieusement décédée des années au préalable. Cette intrigue futile, Lewis Allen l'exploite avec efficacité d'un rythme soutenu par le biais d'une investigation de longue haleine que concertent le couple de héros, la fille de la défunte disparue et un praticien. Emaillé de quelques traits d'humour afin de désamorcer les situations trop anxiogènes, La Falaise Mystérieuse parvient à divertir et instaurer un climat d'inquiétude avec l'intelligence du hors-champ sonore. Les séquences les plus réussies émanant des voix d'outre tombe oscillant pleurs, rires et râles pour distiller un (timide) malaise. Par l'entremise éthérée de spectres en fâcheuse contradiction, le réalisateur prend plaisir à détourner les rôles pour mieux nous égarer tout en nous révélant des indices au compte-goutte autour d'une relation filiale en quête identitaire et de rédemption. Enfin, en parallèle du récit en suspens, il cultive un goût pour la romance que partagent fougueusement Roderick et Stella, la fille persécutée de Mary.


    Reposant sur l'autorité d'une mise en scène inspirée et servi par des comédiens attachants dans leur motivation impromptue de détectives, La Falaise Mystérieuse parvient à divertir sous le principe modeste de la série B. Attention toutefois au slogan dithyrambique révélé par Martin Scorcese, vous risqueriez d'être sévèrement déçus !  

    jeudi 12 mai 2016

    MUSTANG. Meilleur premier film, César 2016.

                                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

    de Deniz Gamze Ergüven. 2015. Germano-franco-turco-qatari. 1h37. Avec Güneş Nezihe Şensoy,
    İlayda Akdoğan, Tuğba Sunguroğlu, Elit İşcan, Doğa Zeynep Doğuşlu.

    Sortie salles France: 17 Juin 2015. Turquie: 23 Octobre 2015.

    FILMOGRAPHIE: Deniz Gamze Ergüven est une réalisatrice, scénariste et actrice franco-turque, née le 4 juin 1978 à Ankara en Turquie.
    2004: Libérables (court). 2006: Mon trajet préféré (court). 2006: Une goutte d'eau (court). 2015: Mustang


    Drame social d'une rigueur toujours plus grave, Mustang traite du patriarcat au sein de la société Turque, alors que paradoxalement, en 1934, le droit de vote pour les femmes fut autorisé chez eux bien avant l'hexagone (1945). A travers le terrible destin de 5 orphelines livrées à la dictature de leur grand-mère et d'un oncle, la réalisatrice franco-turque met en exergue l'idéologie obscurantiste de son pays depuis l'arrivée au pouvoir d'un nouveau parti patriarcal (l'AKP) instauré depuis 2003.


    Cette régression morale, Deniz Gamze Ergüven l'illustre à travers le calvaire de ces soeurs avides de liberté et de désir d'aimer mais toujours plus contraintes de se confiner dans le mutisme depuis les nouvelles normes drastiques exigées par des parents rétrogrades. C'est bien connu, plus on interdit les choses, plus on est tenté de les braver ! Et ces adolescentes recluses dans leur cocon familial (l'oncle à installer des barreaux derrière chaque fenêtre et leur a interdit de retourner à l'école) vont donc user de stratagèmes d'évasion et de rébellion afin de s'accorder un semblant d'épanouissement. Parmi la subtilité d'une mise en scène jamais démonstrative (la réalisatrice use d'ellipses pour aller droit à l'essentiel et ainsi éviter les conventions) et le talent sémillant d'une distribution juvénile débordante de naturel, Mustang provoque une émotion prude réfutant le misérabilisme. Car ces portraits fragiles d'ados en quête d'amour et de désir sexuel nous émeut sobrement par leur situation désoeuvrée à subir le machisme d'un patriarche aussi insidieux qu'immoral (Spoil ! ses abus sexuels perpétrés sur une des filles ! Fin du Spoil).


    Illustrant avec vitalité la crise adolescente de cinq soeurs en quête de fantaisies et d'amour (tant du point de vue des fréquentations que de leurs parents démissionnaires) puis cédant ensuite au désespoir de leur situation de claustration, Mustang dérange, émeut, prend aux tripes le spectateur, témoin impuissant des traditions archaïques d'une société patriarcale imposant les mariages forcés afin de taire leurs effronteries. Hymne à l'émancipation de la cause féminine, cette oeuvre magnifique aborde sans fard la désillusion existentielle avant de ranimer l'espoir d'une révolte féminine au bord du suicide. Bouleversant. 

    Récompenses:
    Festival de Cannes 2015 : Label Europa Cinema21 (sélection Quinzaine des réalisateurs3,22)
    Festival international du film d'Odessa 2015 : Duc d'or du meilleur film
    Festival international du film de Stockholm 2015 : prix du meilleur scénario23
    Prix LUX du Parlement européen 201524
    Festival international du film de femmes de Salé 2015 : Prix du scénario
    21e cérémonie des prix Lumières 2016 :
    Prix Lumières du meilleur film
    Prix Heike Hurst du meilleur premier film
    Prix Lumières du meilleur espoir féminin pour Güneş Nezihe Şensoy, Doğa Zeynep Doğuşlu, Elit Işcan, Tuğba Sunguroğlu et Ilayda Akdoğan
    Prix de la meilleure photographie pour David Chizallet
    Goya du meilleur film européen 2016
    Festival de Valladolid 2015 : Espiga de plata Largometraje, Premio "Pilar Miro" al mejor nuevo director.
    Prix du cinéma européen 2015 : Prix découverte - prix FIPRESCI
    41e cérémonie des César 2016 : Meilleur scénario original. Meilleur montage. Meilleure musique
    Meilleur premier film.

    mercredi 11 mai 2016

    APPEL INCONNU

                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site goldposter.com

    El Desconocido de Dani de la Torre. 2015. Espagne. 1h40. Avec Dani De La Torre, Luis Tosar, Javier Gutiérrez, Goya Toledo.

    Sortie salles Espagne: 25 Septembre 2015.

    FILMOGRAPHIE: Dani de la Torre est un réalisateur espagnol né en 1975 à Galicia.
    2013: Gala premios Mestre Mateo 2012 (télé-film). 2015: Appel Inconnu


    Suspense oppressant prenant pour cadre restreint l'habitacle d'une voiture auquel un père et ses deux enfants y sont embrigadés de force depuis l'amorce d'une bombe confinée sous les sièges, Appel Inconnu parvient à nous tenir en haleine dans sa succession de revirements alertes ! Grâce à la maîtrise de sa mise en scène et à la géométrie du montage, Dani de la Torre insuffle une belle vigueur au cheminement narratif sous l'impulsion de protagonistes démunis contraints de céder au racket d'un étranger cupide. Sans céder à la facilité de l'esbroufe pour sa situation hostile sur le qui-vive, le réalisateur préconise un réalisme percutant pour nous convaincre de la véracité du fait singulier. A savoir, une prise d'otage échelonnée à distance par l'entremise de téléphones portables !


    Ce concept insolite va imposer au fil de son huis-clos routier une sévère épreuve de force pour le père de famille. Si bien que son entourage familial et professionnel, ainsi que la police en alerte n'auront de cesse de le suspecter d'être l'instigateur de la prise d'otages. Fustigeant en sous texte social la corruption financière du management, Appel Inconnu insuffle une intensité dramatique du point de vue moral du criminel et de la victime, au moment même de la déconvenue d'une cellule familiale en crise. Au-delà de l'aspect effréné de quelques courses-poursuites sur bitume et de la solide gestion du suspense, Appel Inconnu met en exergue le portrait galvaudé d'un père de famille Spoil ! peu à peu rongé par le remord d'une lâcheté et en quête désespérée de rédemption afin de préserver la vie de ses enfants fin du Spoil. Par l'entremise des rapports intimes entretenus avec sa fille aînée, Dani de la Torre accentue l'empathie d'une vibrante relation paternelle davantage gagnée par la fraternité.


    Thriller à suspense mené avec savoir-faire et impeccablement servi par une distribution sans fard, Appel Inconnu oscille réalisme et vigueur dramatique face à un contexte de survie sur le fil du rasoir. On pardonne donc la facilité d'une bravoure finale futilement improbable et quelques clichés usuels au genre que l'intrigue exploite (efficacement) dans sa dernière partie (son principe éculé de la vengeance criminelle et l'identité du coupable). Un excellent divertissement taillé sur mesure.  

    Dédicace à Seb Lake.