vendredi 5 août 2022

Prey

                                                          Photo empruntée sur Google, imputée au site Imdb.com

de Dan Trachtenberg. 2022. U.S.A. 1h39. Avec Amber Midthunder, Dakota Beavers, Dane DiLiegro, Stormee Kipp, Michelle Thrush, Julian Black Antelope

Sortie le 5 Août 2022 (Int - 17 ans aux Etats-Unis)

FILMOGRAPHIEDan Trachtenberg, né le 11 mai 1981 à Philadelphie (Pennsylvanie), est un réalisateur et scénariste américain. 2016 : 10 Cloverfield Lane. 2022 : Prey. 


On ne va pas tourner autour du pot, Prey est un bon film d'action dans la lignée des divertissements sans prétention des années 80. Dans la mesure où Dan Trachtenberg ne compte que sur l'efficacité des scènes d'action plutôt bien emballées, assez spectaculaires, parfois épiques et surtout, une fois n'est pas coutume, jamais outrancières comme le souligne la confrontation finale concise tout à fait modeste (à défaut de combler les fans de surenchère bourrine). Et donc, il me semble évident d'y établir une filiation avec l'excellente séquelle de Stephen Hopkins, Predator 2 dont l'essentiel de l'action fut concentrée en plein centre urbain de Los Angeles pour se démarquer du chef-d'oeuvre de Mc Tiernan à renouveler son cadre géographique. Predator 2 jouant la carte du divertissement du Samedi soir à travers ses moult séquences d'action vénères se rapprochant par ailleurs de la bande dessinée. 


Toutefois, avec plus de sobriété dans le jeu des acteurs et d'une action plus primale aussi généreuse, Dan Trachtenberg, lui, délocalise l'action dans l'Ouest sauvage de 1719 en accordant le premier rôle à un personnage féminin. Une indienne chasseuse en herbe prénommée Naru, vivant paisiblement avec son fidèle chien auprès de sa communauté et qui devra retrousser ses manches depuis l'intrusion inhospitalière de notre alien stellaire. Or cette dernière ne conjurait qu'une chose auprès de son peuple Comanche, leur prouver d'être capable d'accéder au rang de guerrière notoire. C'est dont évidemment à nouveau une chasse à l'homme auquel nous avions droit, une traque inlassable entre indiens et blancs dépouilleurs de peau de bisons (notamment pour y relancer l'action dans une direction plus sanglante) que Dan Trachtenberg transfigure au sein d'une scénographie naturelle fastueuse. Qui plus est renforcé d'une photo assez splendide en rehaussant l'attrait dépaysant de vastes panoramas montagneux. Et à ce niveau formel, on en prend également plein la vue en mode immersif. 


Sans jamais égaler le chef-d'oeuvre indétrônable de John Mc Tiernan, Prey joue la carte du modeste divertissement avec une probité qui fait plaisir à voir en notre ère numérisée trop souvent dénuée d'ambition, d'âme, de fureur, de passion. Tant et si bien qu'ici hormis l'emploi de ses trucages virtuels, on reste assez convaincu de la qualité plutôt correcte de ces CGI assez bien insérés dans le cadre naturel. Assez efficace et prenant pour ne jamais ennuyer tout en se focalisant à nouveau sur l'intensité fascinatoire de notre predator quasi indestructible, Prey se savoure presque aussi bien que Predator 2 sous l'impulsion d'une héroïne assez attachante en guerrière intrépide en ascension de reconnaissance. C'est donc en 3è position que je classe cet aimable divertissement plus sincère, fun et stimulant que tous les produits dérivés que nous nous sommes coltinés sans la force de la passion qui nous manquait tant ces dernières décennies. Le predator est donc bel et bien de retour pour le plaisir des fans (de plaisir innocent). 

*Bruno

jeudi 4 août 2022

Gremlins 2 / Gremlins 2: The New Batch

                                          
                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site imdb.com

de Joe Dante. 1990. U.S.A. 1h46. Avec Zach Galligan, Phoebe Cates, John Glover, Robert Prosky, Robert Picardo, Christopher Lee, Haviland Morris, Dick Miller.

Sortie salles France: 22 Août 1990. U.S: 15 Juin 1990

FILMOGRAPHIEJoe Dante (né le 28 novembre 1946 à Middletown, New Jersey) est un critique, scénariste, monteur, producteur et réalisateur américain. Son plus grand succès populaire est, à ce jour, Gremlins (1984). 1966-1975 : The Movie Orgy 1976 : Hollywood Boulevard, co-réalisé avec Allan Arkush 1978: Piranhas,1981 : Hurlements (The Howling) 1983 : La Quatrième Dimension (Twiling Zone the Movie), troisième épisode, Its a Good Life 1984 : Gremlins 1985 : Explorers 1987 : Cheeseburger film sandwich (Amazon Women on the Moon), 5 sketches 1987 : L'Aventure intérieure, 1989 : Les Banlieusards (The 'burbs) 1990 : Gremlins 2, la nouvelle génération (Gremlins 2 The New Batch) 1993 : Panic sur Florida Beach (Matinee) 1998 : Small Soldiers 2003 : Les Looney Tunes passent à l'action (Looney Tunes : Back in Action) 2006 : Trapped Ashes , premier segment,Wraparound. 2009: The Hole.


Séquelle de tous les excès boudée dès sa sortie par le public (même si en France il cumule tout de même 2 391 391 entrées) et pas vraiment bien accueillie par la critique si je ne m'abuse, Gremlins 2 est un drôle d'objet filmique que tout le monde, ou presque, considère aujourd'hui comme véritablement réussie, pour ne pas dire cultissime. Et bien que personnellement j'ai toujours émis des réserves sur cette suite hystérico-folingue nantie d'un indicible climat à la fois contestataire, satirique et belliqueux, il m'aura fallu un 4è visionnage pour me convaincre de l'apprécier à sa juste valeur. Et ce même si je garde toutefois une préférence pour le 1er opus à travers son alliage idoine d'humour, de tendresse, de féérie et d'épouvante que Spielberg et Dante ont parfaitement su équilibrer afin de rassembler le grand public. Plus insolent, plus fou, plus dégénéré, plus grotesque et même plus inquiétant auprès de son inventivité parfois imprévisible et de son message politique (Trump est ici caricaturé par l'antagoniste Daniel Clamp), Gremlins 2 dégage un sentiment (amer) de défouloir caustique lorsque Joe Dante cible finalement du doigt une multinationale adepte des technologies ultra modernes au sein d'un building High-tech considérant ses employés comme des esclaves soumis. 


Les Gremlins détruisant et massacrant tout ce qui se trouve sur leur passage afin de réinstaurer une existence traditionnelle plus paisible et bucolique au sein d'une nouvelle topographie urbaine autrement écolo. C'est tout du moins ce qu'imprime comme message final le réalisateur Joe Dante délibéré à vomir de ses tripes une Amérique matérialiste davantage despotique, mégalo et voyeuriste à travers ses vidéos de caméra surveillance exploitées pour dénoncer le mauvais citoyen bravant les règles de la bienséance.  Jeu de massacre donc bourré de références, de gags inventifs et de péripéties tantôt épuisantes, tantôt déconcertantes; film méta, divertissement bicéphale se raillant de son propre concept (et de celui du 1er opus si bien que "l'homme" reste toujours aussi empoté, capricieux et irresponsable), Gremlins 2 s'avère plus ambigu et discursif derrière son gros délire de sale gosse incivilisé que les Gremlins injectent à l'écran avec une verve désinhibée en roue libre. Les effets-spéciaux encore plus réussis qu'au préalable demeurant notamment l'attraction majeure de ce show verbal et musical si bien que l'effet de fascination procurée reste toujours aussi probant de par l'expressivité enjouée des créatures et de leur agile mobilité. Tant auprès de la candeur de Gizmo peu à peu animé par un esprit de rancoeur que de ses rivaux autrement fauteurs de trouble se métamorphosant parfois en créatures ailées, défigurées ou électrifiées pour envahir New-York et asseoir leur autorité. 


Objet filmique non identifié à la fois drôle, fascinant, jouissif mais aussi étonnement étrange, vicié et inquiétant, Gremlins 2 s'alloue en prime d'une aura nostalgique en la présence de nos héros du 1er opus que l'on retrouve ici (pour la plupart) avec une évident plaisir familier. A revoir donc (encore et encore) tant cette séquelle pas comme les autres fourmille d'idées incongrues, de folie ubuesque et de situations improbables avec une liberté de ton fulgurante à faire grincer les dents. 

*Bruno
23.11.17
04.08.22. 4èx

mardi 2 août 2022

La Horse

                                         Photo empruntée sur Google, imputée au site Imdb.com

de  Pierre Granier-Deferre. 1969. France. 1h17. Avec Jean Gabin, André Weber, Marc Porel, Éléonore Hirt, Christian Barbier, Danièle Ajoret, Michel Barbey.

Sortie salles France: 22 Février 1970

FILMOGRAPHIE: Pierre Granier-Deferre, né le 22 juillet 1927 dans le 9e arrondissement de Paris, ville où il est mort le 16 novembre 2007 dans le 16e arrondissement, est un réalisateur français.1961 : Le Petit Garçon de l'ascenseur. 1962 : Les Aventures de Salavin (sous-titré Confession de minuit). 1965 : La Métamorphose des cloportes. 1965 : Paris au mois d'août. 1965 : Histoires d'hommes TV. 1967 : Le Grand Dadais. 1970 : La Horse. 1971 : Le Chat. 1971 : La Veuve Couderc. 1973 : Le Fils. 1973 : Le Train. 1974 : La Race des seigneurs. 1975 : La Cage. 1975 : Adieu poulet. 1976 : Une femme à sa fenêtre. 1979 : Le Toubib. 1981 : Une étrange affaire. 1982 : L'Étoile du Nord. 1983 : L'Ami de Vincent. 1985 : L'Homme aux yeux d'argent. 1986 : Cours privé. 1987 : Noyade interdite. 1988 : La Couleur du vent. 1990 : L'Autrichienne. 1992 : La Voix. 1993 : Archipel. 1995 : Le Petit Garçon.

Flingué par la critique de l'époque (ce qui n'est guère surprenant) mais applaudi par le public français, La Horse ("l'héroïne" en terme argot) s'empare du film d'auto-défense sous la mainmise du solide artisan Pierre Granier-Deferre (le Chat, Adieu Poulet, l'Etoile du Nord, le Train). L'illustre Jean Gabin se fondant dans le corps d'un patriarche réac contraint d'arborer son fusil de chasse auprès de trafiquants de drogue zélés auquel y est mêlé son petit fils Henri. Délibéré à le protéger de la prison et de la mort par ces rivaux vénaux, Auguste Maroilleur défendra bec et ongle toute sa famille quitte à sombrer dans le criminalité parmi la complicité de certains des membres familiaux. Et ce qui semblait à la base un pitch éculé surfant sur le sous-genre du Vigilante Movie devient sous la houlette de Deferre un excellent divertissement autonome, inventif, inquiétant, anticonformiste de par son absence de moralité régie autour de cette famille paysanne en étroite concertation. Ainsi donc, le réalisateur parvient louablement à ne pas sombrer dans les clichés triviaux du film d'auto-défense que l'on connait par coeur. Au contraire, il parvient à se démarquer de ses concurrents de par l'adresse de sa mise en scène faisant vivre ses protagonistes ruraux sous l'égide du renfrogné Gabin motivé par sa droiture d'une hiérarchie familiale auquel il laisse s'exprimer ses réparties tranchées. 

La densité de la mise en scène accordant notamment une grande attention aux décors domestiques et naturels afin de nous immerger dans cette scénographie rustique où les animaux y paieront parfois un lourd tribut. A cet égard, et pour rassurer les fervents défenseurs de la cause animale (dont je fais parti), l'incroyable traque mortelle contre les vaches n'est aucunement un snuf selon les allégations de Jean Gabin de par l'habileté du montage au réalisme saisissant pour nous faire croire à l'impensable. Même si personnellement je trouve que la séquence assez pénible par sa répétition brutale s'attarde un peu trop dans la temporalité à pourchasser les vaches sans relâche (anesthésiées aux médocs donc par des vétos ou préalablement mortes en dehors du tournage). On peut donc parler de films d'acteurs (entourés d'attachants seconds-rôles) solidement investis dans cette vendetta paysanne que Jean Gabin monopolise avec son bagout proverbial qu'on lui connait. Qui plus est, et il est primordial à mon sens de le souligner, la musique composée par Gainsbourg et Michel Colombier renforce cette aura singulière pour rendre compte de l'hostilité de son atmosphère feutrée instaurée en crescendo dès que les vaches trépassent de la manière la plus vile et sournoise. 

La Horse demeure donc du cinéma à l'ancienne comme on n'en fait hélas plus depuis fort longtemps. Ou plus objectivement un moment de cinéma artisanal assez excitant, étonnamment baroque même dans la paysage français, et passionnant à traiter du thème d'auto-défense au sein d'une hiérarchie paysanne à la complicité contagieuse. Et ce tout en prônant, selon la doctrine du patriarche castrateur, des valeurs conservatrices issues de son époque révolue qu'il chérit tant. Solidement mis en scène parmi l'intelligence de l'auteur à ne jamais sombrer dans la surenchère et la facilité routinière, La Horse est un spectacle anticonformiste saturé de l'audace d'une conclusion déroutante qui plus est tourné subtilement en dérision. 

*Bruno 

Ci-joint l'interview de Jean Gabin rassurant les spectateurs de ne pas avoir sacrifié les vaches au moment du tournage. 

Virgin Suicides. Caméra d'Or, Cannes 2000

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Sofia Coppola. 1999. U.S.A. 1h37. Avec James Woods, Kathleen Turner, Kirsten Dunst, A.J. Cook, Josh Hartnett, Leslie Hayman.

Sortie salles France: 27 Septembre 2000. U.S: 19 Mai 1999

FILMOGRAPHIESofia Coppola née le 14 mai 1971 à New York, est une réalisatrice, actrice, productrice et scénariste américaine. 1999 : Virgin Suicides. 2003 : Lost in Translation. 2006 : Marie-Antoinette. 2010 : Somewhere. 2013 : The Bling Ring. 2017 : Les Proies (The Beguiled). 2020 : On the Rocks. 

Aujourd'hui considéré à juste titre comme un classique, la 1ère réalisation de Sofia Coppola est probablement (et selon moi) sa plus belle réussite. Tout du moins son oeuvre la plus envoûtante, spécialement sensuelle et gracile. Un coup de maître où l'émotion, contradictoire (drame / humour /tendresse), nous ébranle le coeur sans crier gare. Et ce même si le prologue nous eu averti du dénouement mortuaire de ses adolescentes que Sofia Coppola filme comme de véritables déesses sortis d'un Eden en dépit de l'ombre de leur évolution morale davantage pessimiste. Un parti-pris réaliste sans concession mais jamais complaisant et d'autant plus audacieux que l'humour s'y invite fréquemment pour renforcer l'insouciance du passage de l'adolescence partagée entre maladresse, orgueil, audace et trahison dans leur désir de plaire et de convaincre. Inconsciemment inspirée par la mort de son frère Gio Coppola lors d'un tragique accident de voiture à l'âge de 15 ans, Sofia Coppola traite ici du deuil, de la perte de l'innocence et de la quête identitaire à travers le portrait fragile de ces 5 soeurs gouvernées par une mère bigote et un père taiseux (dans une posture hiératique placide peu à peu effacée, James Woods / Kathleen Turner insufflent à merveille une expressivité à la fois intransigeante, désabusée, pour ne pas dire aseptisée). On peut donc évoquer la famille dysfonctionnelle de par le profil castrateur de ses parents conservateurs se pliant aux règles de Dieu afin d'élever leur famille dans un amour catholique (ici) terriblement infructueux. 

Baignant paradoxalement dans un climat langoureux chargé d'une poésie éminemment lascive à filmer ses ados juvéniles en robe de soie (quelle notion de pureté avec leurs cheveux d'or !), Virgin Suicides nous ensorcelle irrémédiablement la vue à travers le charme de ses filles candides apprenant au fil du récit leur condition soumise après avoir bravé leur doctrine familiale. Ses premiers flirts, ses premiers baisers, ses premières étreintes puis finalement les déceptions qui en découlent Sofia Coppola les filment avec une attention avisée afin de susciter une émotion virginale à la fois nostalgique, poignante et pétrie de tendresse que le spectateur se remémore lors de ses réminiscences amoureuses. Kirsten Dunst transperçant l'écran de sa beauté ténue et son regard fondant avec une grâce vertigineuse. Si bien qu'à mes yeux il s'agit de son rôle mélancolique le plus luminescent eu égard de l'objet de fantasme qu'elle nous renvoie. Tant auprès des jeunes ados du récit littéralement transis d'émoi que du spectateur hypnotisé par son aura charnelle subtilement badine, tranquille mais aussi docile et timorée avant de changer de peau. Par conséquent, au gré du drame social qui s'esquisse sous nos yeux contemplatifs avec un réalisme à la lisière de l'étrangeté et du mystère (en  mode éthéré !), rarement de jeunes filles n'auront été sublimées à l'écran avec une grâce aussi sensorielle, pour ne pas dire ésotérique, depuis le chef-d'oeuvre Picnic à Hanging Rock. Alors que le score composé par le groupe AIR magnétise la pellicule auprès de mélodies capiteuses à la fois feutrées et gratifiante afin de renforcer son atmosphère ouateuse qu'on ne souhaiterait jamais quitter en dépit de la dramaturgie escarpée de sa conclusion funeste que l'on considère comme un gâchis inconsolable. La faute incombant à cette intolérance parentale, cette absence totale de communication au sein du foyer éducatif et protecteur afin d'élever l'adolescence vers des horizons fructueuses équilibrées et matures. 

Divinement réalisé avec un art consommé de la perfection (il y a des plans serrés incroyablement géométriques sur le sobre visage de Kirsten Dunst afin d'y imprimer sans ambages ses émotions introverties plus vraies que nature) et porté par le talent de jeunes comédiens et comédiennes d'un naturel trouble, lascif ou gentiment décomplexé (je songe particulièrement aux garçons et à la présence saillante de Josh Hartnett), Virgin Suicides traite du malaise adolescent, de la tare de l'isolement et du désir d'amour du point de vue précaire d'une voix féministe en voie de rébellion mais optant le sacrifice sous l'étendard de leur hiérarchie parentale. Un portrait inoubliable qui charme, trouble, enivre, magnétise, émeut sans une once de prétention arty. 

*Bruno
3èx vostfr

vendredi 29 juillet 2022

A plein temps

                                                Photo empruntée sur Google, imputée au site Imdb.com

de Éric Gravel. 2021. France. 1h27. Avec Laure Calamy, Anne Suarez, Geneviève Mnich, Nolan Arizmendi, Sasha Lemaitre Cremaschi, Cyril Gueï.

Sortie salles France: 16 Mars 2022

FILMOGRAPHIEÉric Gravel est un réalisateur franco-québécois. 2017 : Crash Test Aglaé
2021 : À plein temps. 


Relatant avec une intensité effrénée l'endurance de survie d'une mère séparée tentant d'élever seule ses enfants parmi l'assistance d'une de ses voisines sclérosées si bien que chaque jour elle s'empresse de prendre le train pour se rendre sur son lieu de travail de femme de chambre, A plein temps nous scotche au siège sous l'impulsion de l'actrice Laure Calamy soulevant du poids de ses robustes épaules sa trajectoire semi-dépressive de longue haleine Spoil ! (comme le souligne l'ultime image rédemptrice que l'on ne voit pas arriver puisque l'on craignait le pire l'instant d'avant Fin du Spoil). C'est donc un véritable parcours du combattant, une leçon de résilience et de surpassement que nous propose ici le réalisateur néophyte Eric Gravel (il s'agit de son second long) à l'aide d'un art consommé du vérisme pulsatile. 


Celui-ci établissant dans sa mise en scène électrisante un implacable constat "contemporain" sur l'univers impitoyable du milieu du travail à travers l'ébullition de cette démographie à la fois individualiste et épileptique, faute d'une routine quotidienne vertigineuse que les plus faibles auront peine à gérer et à surmonter selon leur degré d'acuité mentale. Splendide portrait de femme stoïque que Laure Calamy transperce de son naturel d'aplomb, entre franc-parler, impudence et prises de risques épineuses, A plein temps se vit et se ressent telle une expérience sensorielle en temps réel tant l'actrice nous retransmet avec une digne sobriété sa contrariété morale contrebalancé d'une vaillance à toutes épreuves. Tout le récit, malaisant, stressant, inquiétant, anxiogène (entre 2/3 accalmies), étant saturé d'un score électro à propos afin de rehausser l'effet de stress quotidien que subit cette mère esseulée se raccrochant désespérément à l'espoir et à la rage de vaincre afin de pouvoir s'extraire d'une routine infructueuse. Dans la mesure de devoir se résoudre à conquérir un second emploi plus ambitieux pour s'extirper de sa condition domestique de femme de chambre à la discipline drastique.  


Drame sociétal inscrit dans une frénésie tristement actuelle afin de rendre hommage à ses mères soumises à la monoparentalité, A plein temps suscite pour autant l'optimisme, l'espoir, le goût du risque et du combat en dépit d'une épreuve de force quasi suicidaire (il y a d'ailleurs une subtile séquence qui le laisse sous-entendre, notamment pour tenir compte de celles qui n'ont - hélas - pu transgresser leur limite morale). Illuminé de la présence criante de vérité de Laure Calamy, son parcours moral en dent de scie nous est exprimé avec une sidérante force de caractère si bien qu'elle parvient à maintenir notre appréhension pour réveiller notre instinct offensif au sein d'une société aliénante en perdition. 

*Bruno

Récompenses
Mostra de Venise 2021 :
Prix Orizzonti du meilleur réalisateur : Éric Gravel
Prix Orizzonti de la meilleure actrice : Laure Calamy
Fai Persona Lavoro Ambiente Foundation Award (dans le cadre de la Mostra de Venise 2021) :
Mention spéciale sur le thème du travail.
Tertio Millennio Film Fest 202114 :
Prix du meilleur film du jury qualité15
Festival international du Film d'Uruguay 202116
Prix du meilleur film de l'Association de la critique Uruguayenne17
Les Arcs Film Festival 2021
Prix d'interprétation pour Laure Calamy
Prix Cineuropa
Festival du film francophone de Grèce [archive]
Prix du public
Malaysia International Film Festival & Golden Global Awards (en)
Prix du meilleur réalisateur pour Éric Gravel
Prix de la meilleure actrice pour Laure Calamy

jeudi 28 juillet 2022

Rien que pour vos yeux / For Your Eyes Only

                                               Photo empruntée sur Google, imputée au site Imdb.com

de John Glen. 1981. U.S.A. 2h09. Avec Roger Moore, Carole Bouquet, Chaim Topol, Lynn-Holly Johnson, Julian Glover, Cassandra Harris, Jill Bennett.

Sortie salles France: 22 Août 1981. U.S: 26 Juin 1981

FILMOGRAPHIE: John Glen est un réalisateur anglais né le 15 mai 1932 à Sunbury-on-Thames (dans le comté de Surrey, en Angleterre). 1981 : Rien que pour vos yeux (For Your Eyes Only) avec Roger Moore. 1983 : Octopussy. 1985 : Dangereusement vôtre. 1987 : Tuer n'est pas jouer. 1989 : Permis de tuer. 1990 : Checkered Flag. 1991 : Aigle de fer 3. 1992 : Christophe Colomb : La découverte. 1995 : Épisodes de la série télévisée britannique Space Precinct. 2001 : The Point Men.

Rien que pour vos yeux, c'est tout d'abord pour ma part un souvenir d'ado mémorable lorsque je le découvris un mercredi après-midi d'Août au cinéma Apollo de ma contrée lensoise après avoir été littéralement charmé par sa rutilante affiche promotionnelle (qui fit d'ailleurs polémique à sa sortie pour des raisons conservatrices imbéciles à mes yeux). Alors que je ne fus jamais un fan indéfectible de la saga des James Bond que j'ai souvent trouvé prétentieuse, éculée et trop clinquante (pour ne pas dire léchée), j'ai paradoxalement toujours eu une affection exclusive pour ceux incarnés par le héros d'Amicalement votre, Mr Roger Moore. Parce que contrairement bâti sur un jeu de dérision (parfois même parodique) et décomplexé auprès de son assurance à la fois avenante et joviale afin de se prendre (beaucoup) moins au sérieux, ses déclinaisons modernes du mythe m'ont toujours autrement séduit par leur aspect tantôt cartoonesque (Dangereusement Votre), tantôt stellaire (Moonraker), tantôt exotique (Octopussy) et plus aventureux que de coutume (le Bond qui nous intéresse ici). Et donc Rien que pour vos yeux ne déroge pas à cette règle si bien qu'à mes yeux il restera mon Bond attitré tant je le considère franchement comme une référence du film d'action et d'aventures que John Glen maîtrise avec une stupéfiante vélocité (solide artisan qui rempilera d'ailleurs à plusieurs reprises à la saga incarnée par Moore). En exagérant même un chouilla mes propos, j'oserai donc dire qu'il n'a rien à envier par exemple au parangon Les Aventuriers de l'arche perdue à travers sa combinaison idoine, si immersive et dépaysante, d'humour, d'action, de tendresse, de romance et  d'aventures conçus pour un public de 7 à 77 ans. 

D'ailleurs, j'ignore qui a bien pu réaliser ses nombreuses cascades, poursuites et actions intrépides parce que je reste toujours aussi bluffé, époustouflé, sourire de gosse à l'appui, par son souci de véracité artisanale à faire pâlir de jalousies les blockbusters tels Fast and Furious, John Wick ou encore le dernier Marvel souvent grotesques et improbables dans leur surenchère numérisée dénuée de poésie, de véritable souffle épique. En bref, des produits lambdas fréquemment dénués d'âme, d'amour, de passion, de sens vertigineux. Car outre l'élégance de sa mise en scène avisée rehaussée d'un montage à couper au rasoir (raison pour laquelle les moult séquences d'action en règle n'ont pas pris une ride par leur capacité à nous faire rêver comme si nous participions à l'évènement en direct), Rien que pour vos yeux est évidemment conçu pour nous en mettre plein la vue sous l'impulsion de décors exotiques, aériens et maritimes, et de la présence angélique d'une Carole Bouquet littéralement luminescente par sa beauté froide, sa grâce lestement timorée. Certains pourraient peut-être lui reprocher un jeu parfois figé dans sa posture monolithique alors que pour ma part je trouve que sa présence gentiment épurée lui sied à merveille à fréquenter dans la discrétion l'agent secret en ange vindicative que celui-ci tente toutefois de sermonner afin de lui éviter un lourd tribut répréhensible. Par conséquent, ce perpétuel sentiment d'exaltation et de plénitude est rehaussé d'une solide intrigue à rebondissements où l'action reste quasiment à son chevet (en dépit du savoureux prologue aimablement gratuit, clin d'oeil cocasse au volet antécédant). Alors que le générique liminaire mais aussi final (impossible d'interrompre le film avant l'écran noir j'vous dis !) nous laisse béat d'admiration de par l'expressivité de sa féérie mélodieuse que la chanteuse Sheena Easton envoûte par sa voix délicatement lascive. Un véritable enchantement sensoriel qui m'a laissé le souffle coupé, notamment auprès de son esthétisme charnel.

Spectacle héroïco-glamour de chaque instant coordonné avec une fluidité hors-pair afin de faire participer son public à une aventure hétéroclite rafraichissante, Rien que pour vos yeux nous irradie les mirettes, l'ouïe et le coeur sous l'impulsion d'une poésie bienveillante aujourd'hui tristement révolue. De là d'oser avouer que finalement nous vivons une triste époque cinégénique, quitte à jouer le passéiste rabat-joie, les cinéastes actuels feraient toutefois mieux de réviser leurs classiques afin de tenter de leur arriver à la cheville. 

*Bruno
3èx

mercredi 27 juillet 2022

La Brigade. Prix d'interprétation, Audrey Lamy, Alpe d'Huez, 2022.

   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Louis-Julien Petit. 2022. France. 1h36. Avec Audrey Lamy, François Cluzet, Chantal Neuwirth, Fatoumata Kaba, Yannick Kalombo 

Sortie salles France: 23 Mars 2022

FILMOGRAPHIE: Louis-Julien Petit est un réalisateur français, né le 6 septembre 1983 à Salisbury (Royaume-Uni). 2009: Les Figures (court métrage). 2015: Discount. 2016: Carole Matthieu. 2018 : Les Invisibles. 2022: La Brigade. 


Révélé par le splendide Les Invisibles (Prix Chabrol coup de coeur du Jury, Prix du Public à Pau), Louis-Julien Petit remet le couvert avec La brigade à travers sa recette payante d'humour, tendresse et soupçon de drama sans s'assombrir de l'ombre du misérabilisme. Le récit "bankable" relatant le parcours houleux d'une cuisinière prometteuse contrainte d'exercer dans une cantine pour migrants à la suite de son expulsion dans une illustre émission TV vantant la compétition culinaire entre jeunes cuistots en herbe. Un sujet Haribo certes mais redoutablement efficace de par le soin consciencieux du réalisateur à cultiver avec intelligence le juste équilibre entre sobriété et émotion fragile sous l'impulsion de bons sentiments jamais programmés. Soulevant du poids de ses épaules d'airain la globalité du récit avec une force de caractère aussi digne qu'entêtée, Audrey Lamy n'a pas volé son Prix d'interprétation à l'Alpe d'Huez tant l'actrice s'y transcende d'endosser une femme de caractère à la fois humaine et fragile mais passionnée, déterminée et ambitieuse à consolider son avenir tout en observant l'évolution de ses migrants substitués en cuistos néophytes. Il y a d'ailleurs une séquence absolument extraordinaire lorsque celle-ci, auscultée face caméra, dégage peu à peu une palette d'émotions lestement contradictoires à travers les diverses expressions de son visage partagé entre empathie, étonnement et  bonheur. Tout cela étant admirablement coordonné tant Audrey Lamy maîtrise à la perfection ses sentiments hétéroclites avec un naturel sensiblement communicatif. Assurément le rôle de sa carrière jusqu'à présent. 


Ainsi donc, avec ce même degré d'authenticité qui faisait tant la fraîcheur des Invisibles, le casting est également principalement composé d'acteurs non professionnels afin de susciter une identité propre à cette comédie sociale aussi attachante que gratifiante (pour ne pas dire salutaire à daigner unifier les différences et les inégalités). Le réalisateur portant avec une certaine justesse un regard à la fois dur, délicat, tendre et modestement cocasse à travers ses portraits d'étrangers en situation irrégulière que la France hésite à adopter à travers leurs normes drastiques (seuls les mineurs pourraient résider chez nous après avoir subi des examens médicaux, les majeurs étant renvoyés illico dans leur pays d'origine). La réussite infaillible de La Brigade émanant de ce sentiment exaltant de vivre en direct ce conte social dénué de stéréotypes (le final demeure d'ailleurs à la fois étonnant et original à défaut de vraisemblance, alors que le film est inspiré d'une histoire réelle située en Corrèze !) qu'une foule de comédiens amateurs parviennent à crédibiliser sans jamais forcer le trait de l'apitoiement. Et pour parachever avec un autre point positif, on peut enfin souligner la présence secondaire de l'illustre François Cluzet en dirigeant autoritaire totalement fairplay et légitime à considérer et former avec une dignité dépouillée ses jeunes migrants d'une timidité jamais outrée afin de ne pas s'encombrer de pathos. L'acteur parfaitement dirigé effaçant rapidement sa notoriété derrière un second-rôle d'une autorité fructueuse justifiée.  


Une comédie indépendante qui rassemble, sa ligne directrice.
Moins réussi et intense que Les Invisibles certes, l'effet de surprise (et la drôlerie permanente) en moins, La Brigade demeure toutefois un très bon divertissement intelligent et jamais prétentieux, sirupeux ou opportuniste à tenir compte de la situation précaire des migrants instaurés en intermittence chez nous. Le récit fluide, attentif et posé tendant à concilier les différences de par l'opposition des sexes apprenant à se connaître et à se comprendre au sein d'une hiérarchie professionnelle militante de vraies valeurs. On en sort studieux, ému, affecté et rasséréné grâce à la fibre de ce sentiment d'espoir optimiste anti morose. 

*Bruno

Box-Office: 383 782 entrées

Récompense: prix d'interprétation féminine pour Audrey Lamy au festival international du film de comédie de l'Alpe d'Huez 2022

vendredi 22 juillet 2022

Les Nuits de Dracula / Nachts, wenn Dracula erwacht

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de Jess Franco. 1970. Allemagne de l'Ouest, Espagne, Italie,  Liechtenstein, Royaume-Uni. 1h38. Avec Christopher Lee, Herbert Lom, Klaus Kinski, Maria Rohm, Fred Williams, Soledad Miranda 

Sortie salles France: 16 Juin 1971. Espagne: 15 Mars 1971

FILMOGRAPHIE: Jess Franco (Jesus Franco Manera) est un réalisateur espagnol, né le 12 Mai 1930 à Madrid, décédé le 2 Avril 2013. 1962: L'Horrible Dr orlof.  1962: Le Sadique Baron Von Klaus. 1964: Les Maîtresses du Dr Jekyll. 1966: Le Diabolique Dr Zimmer. 1969: L'Amour dans les prisons des femmes. 1969: Justine ou les infortunes de la vertu. 1970: Les Nuits de Dracula. 1970: Le Trône de Feu. 1971: Vampyros Lesbos. 1972: Les Expériences Erotiques de Frankenstein. 1972: Dracula prisonnier de Frankenstein. 1972: La Fille de Dracula. 1973: Quartier des Femmes. 1973: Christina chez les Morts-Vivants. 1974: La Comtesse Noire. 1974: Eugénie de Sade. 1976: Jack l'Eventreur. 1980: Terreur Cannibale. 1980: Mondo Cannibale. 1981: Sadomania. 1981: Le Lac des Morts-Vivants (co-réal). 1982: L'Abîme des Morts-Vivants. 1982: La Chute de la maison Usher. 1988: Les Prédateurs de la Nuit. 2002: Killer Barbys.

Encore une bizarrerie horrifique estampillée Jess Franco qui se fixe comme ambition de s'attaquer au Dracula de Bram Stoker avec en têtes d'affiches les illustres Christopher Lee (affublé d'une moustache !), Herbert Lom, Klaus Kinski. Truffé de maladresses et d'incohérences (les apparitions risibles de la chauve-souris, les réactions nonsensiques de certains protagonistes, les rochers projetés sur les gitans, Spoil ! pour quelle raison Kinski est défenestré puis finalement vivant pour trépasser un peu plus tard ? fin du Spoil), d'un jeu d'acteurs parfois/souvent hésitant, contracté ou surjoué, Les Nuits de Dracula est pour autant pallié de qualités esthétiques et idées narratives incongrues (les animaux empaillés soudainement doués de vie distillant un drôle de climat insécure !) empêchant le spectateur de sombrer dans la torpeur. Tout du moins chez les amateurs de Bis friands de curiosité à la fois ratée et attachante sous l'impulsion d'une atmosphère gentiment envoûtante. Tant auprès des brumes lactées, des architectures et objets poussiéreux ou encore des monuments historiques que nos protagonistes arpentent ou se réfugient dans une posture à la fois inquiète et déconcertée. 

Jess Franco parvenant fréquemment à soigner ses décors naturels et domestiques par le biais d'un climat gothique natif de sa nationalité ibérique. Je retiens surtout (et en forme de coup de coeur d'ailleurs) la chambre de Lucie d'une beauté azurée à la fois baroque et onirique (notamment au niveau des fenêtres en forme de losange), sans compter ses magnifiques éclairages nocturnes distillant une étrange poésie crépusculaire modestement macabre. Quant au montage elliptique bâclé et au score musical un peu, beaucoup trop itératif (tout du moins dans la VF avec en prime des inserts musicaux à Fabio Frizzi tirés de l'Au-delà !) qui imprègne tout le récit, là encore les amateurs bisseux pourraient probablement éprouver une certaine affection (nostalgique) à travers ses maladresses désuètes d'une époque révolue. Franco façonnant une série B indépendante proprement dégingandée où y émane un climat ombrageux à la fois charmant, séduisant (les actrices aux yeux noirs globuleux étant d'autre part ravissantes dans leur enveloppe à la fois vénéneuse et charnelle) et quelque peu saugrenu dans sa mise en forme aimablement bricolée. A découvrir ou à revoir donc auprès d'un public averti, même si l'indulgence serait probablement conseillée.   

P.S: à voir impérativement en HD à contrario de son abominable Dvd.

*Bruno 
4èx

mardi 19 juillet 2022

Out of the Blue

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Dennis Hopper. 1980. Canada. 1h36. Avec Linda Manz, Dennis Hopper, Sharon Farrell, Don Gordon, Raymond Burr 

Sortie salles France: 15 Avril 1981 (Int - 18 ans). U.S: 3 Décembre 1983

FILMOGRAPHIE: Dennis Hopper est un acteur, réalisateur, poète, peintre et photographe américain, né le 17 mai 1936 à Dodge City (Kansas) et mort le 29 mai 2010 à Los Angeles. 1969: Easy Rider. 1971: The Last Movie. 1980: Out of the Blue. 1988: Colors. 1990: Catchfire. 1990: Hot Spot. 1994 : Chasers. 2000 : Homeless (court métrage). 


Profil sans ambages d'une famille dysfonctionnelle en chute libre.
3è réalisation de Dennis Hopper considérée à juste titre comme son chef-d'oeuvre ultime, Out of the Blue n'y va pas par quatre chemin pour nous mesurer avec une authenticité sordide proche du doc à la descente aux enfers morale de Cindy « Cebe » Barnes. Une jeune ado libertaire aux allures de garçon manqué, passionnée d'Elvis, de rock et de punk à l'orée des années 80. Ainsi, en attendant patiemment la remise en liberté de son père après 5 années de détention, faute d'avoir renversé un bus scolaire bondé d'enfants à bord de son camion, Cebe déambule dans les quartiers malfamés de sa bourgade en guise d'ennui, de rêve, d'évasion, d'ailleurs. Frondeuse en diable, décalée dans sa défroque transgenre, insolente et impertinente, à l'instar de ses séchages scolaires et de ses provocations (risibles) à s'opposer aux grandes gueules et à plus fort que soit, tant auprès de la gente féminine que masculine, Cebe erre d'un endroit à un autre à travers son ardent désir de se brûler les ailes plutôt que de mourir à p'tit feux comme le soulignera à plusieurs reprises la chanson de Neil Young: My My, Hey Hey (sorti en 1978) que l'on entend tel un écho mélancolique. 


La Fureur de Vivre d'une Amérique profonde sans repère. 
Sorte de suite officieuse d'Easy Rider selon les dires de l'auteur, dans la mesure où que serait t'il arrivé au duo d'hippies s'ils étaient restés en vie pour amorcer la décennie 80 en pleine mode disco ? Out of the Blue prend aux tripes par son vérisme absolu à suivre les pérégrinations désenchantées de Cebe en quête d'amour paternel et maternel en dépit de la toxicomanie de celle-ci se shootant à l'héro. Cebe subissant impuissante depuis son enfance et de façon permanente les beuveries en réunion, bastons et déviances sexuels de ses parents instables incapable de lui apporter une touche de réconfort, d'amour et de compassion en dépit de plages d'accalmie que l'on observe la conscience amère. Ainsi donc, à force d'observer les déchéances morales de ses parents à la fois irresponsables et abusifs, le malaise ressenti nous pèse davantage au fil d'une ultime demi-heure d'une intensité psychologique rigoureusement éprouvante. Spoil ! Et ce avant de nous livrer un coup de massue en pleine tronche lors de son épilogue nihiliste d'une horreur sans nom. Fin du spoil.


Sexe / Drogue / Alcool sur fond de punk/rock en sursis. 
Illuminé de la présence écorchée vive de la jeune actrice Linda Manz (Les moissons du Ciel, l'inoubliable Les Seigneurs), qui plus est entouré de seconds-rôles saillants, à l'instar d'un Dennis Hopper hanté par ses démons en jouant les ivrognes avec une expressivité névrotique, Out of the Blue est un électrochoc jusqu'au-boutiste dans son refus impératif de lueur d'espoir de dernier ressort. Car profondément sordide, glauque et malsain mais terriblement beau, sensible et poignant à la fois à travers son humanisme désespéré que retranscrit avec névralgie cette famille inculte victime de leur médiocrité, Out of the Blue résonne tel un cri d'alarme sociétal auprès de ses laissés pour compte jamais remis de leur idéologie "Flower Power". Un portrait vitriolé inoubliable qui nous hante bien au-delà de la projection par son souci d'authenticité rugueuse.

A réserver à un public averti

*Bruno
19.07.22. 2èx 
17.01.10

vendredi 15 juillet 2022

Black Phone

                                                   Photo empruntée sur Google appartenant au site geekslands.fr

de Scott Derrickson. 2022. U.S.A. 1h43. Avec Ethan Hawke, Mason Thames, Madeleine McGraw, Jeremy Davies, E. Roger Mitchell.

Sortie salles France: 22 Juin 2022. U.S: 24 Juin 2022

FILMOGRAPHIE: Scott Derrickson est un réalisateur, scénariste et producteur américain
1995: Love in the Ruins. 2000: Hellraiser V: inferno. 2005: l'Exorcisme d'Emilie Rose. 2008: Le Jour où la terre s'arrêta. 2012: Sinister. 2014 : Délivre-nous du mal. 2016 : Doctor Strange. 2021 : Black Phone. 


Derrickson, habile conteur sous la mainmise de Joe Hill. 
Capable du meilleur (l'Exorcisme d'Emilie Rose, Sinister - son meilleur film -) comme du pire (le jour où la terre s'arrêta, Délivre nous du mal, Doctor Strange), Scott Derrickson renoue avec l'horreur glauque sous l'égide de la nouvelle de Joe Hill (Le Téléphone noir écrit en 2004), fils du maître du suspense Stephen King. Et si The Black Phone n'atteint jamais le niveau malaisant du macabre Sinister, c'est qu'il décide notamment de s'en démarquer en misant ici la carte du suspense lattent parfois oppressant. A l'instar de son final éprouvant et percutant qui plus est renforcé d'une intensité dramatique poignante lors de la séquence suivante autrement émotive. Remarquablement campé par une poignée d'ados rebelles que monopolise le néophyte Mason Thames, celui-ci porte le film sur ses épaules de par sa sobriété expressive en victime calfeutrée entre 4 murs par un dangereux maniaque masqué. Le gosse passant finalement par diverses étapes morales parfois préjudiciables à endurer situation précaire aussi indécise face à la présence rigoureusement étrange de son tortionnaire faussement rassurant. Outre l'aspect dérangeant de ce serial-killer singulier à la fois insidieux et provocateur, Scott Derrickson soigne le cadre exigu de cette geôle rubigineuse avec comme seuls accessoires un vieux matelas poussiéreux et un mystérieux téléphone noir alors que les murs semblent tapissés de sueurs humaines crapoteuses. Et pour en revenir au mystérieux tueur d'enfants campé par le méconnaissable Ethan Hawke, là aussi le cinéaste renoue d'une certaine manière avec l'aura malsaine de Sinister de par l'apparence épeurante de cet individu masqué aux mobiles de prime abord ambigus, pour ne pas dire indécis. 


Le spectateur restant constamment sur le fil de la défiance et dans l'interrogation à travers ses agissements sardoniques à tester l'endurance morale de ses victimes et leur comportement éventuellement rebelle pour s'extirper de leur chaine. Qui plus est, et en prime de nous narrer soigneusement son histoire dans une structure planifiée, l'intrusion intelligente du surnaturel demeure gratifiante si bien que le spectateur accepte facilement cet alibi risqué de par l'adresse de la réalisation soignant ses apparitions morbides avec un sérieux imperturbable (j'ai par ailleurs vaguement pensé par moments au Loup-Garou de Londres). The Black Phone traitant non sans gravité des thèmes douloureux de la maltraitance infantile (certains exactions en 1ère partie sont étonnamment dures par leur réalisme assumé), du harcèlement scolaire et des disparitions d'enfants à travers le parcours initiatique de Finney Blake en proie à une remise en question morale lors de son conditionnement esseulé. Alors que sa soeur cadette, effrayée à l'idée de le perdre, s'efforce d'y trouver une solution en désespoir de cause et en dépit des menaces de son père à la fois abusif et éthylique. Toute l'intrigue, au service du profil torturé de Finney, demeurant une quête pour la survie à s'efforcer à moult reprises de s'échapper de la cave au risque de trépasser à tous moments comme le furent les autres enfants disparus avant lui. Et si la géniale trouvaille du téléphone surnaturel fut déjà exploitée au cinéma (le sympathique 976 Evil même si maladroit, brouillon et joué par des acteurs lambdas) ou à la télévision (le génial épisode "Appels dans la nuit" de la 4è Dimension), son exploitation est ici intelligemment détournée au profit d'une intrigue à la fois solide, originale et inquiétante eu égard de la tournure anxiogène des rebondissements jamais gratuits et de la mise en attente d'une angoisse éthérée.


Baignant dans une ambiance Seventie à la fois chaleureuse et (contrairement) insécure en se permettant en intermittence de rendre hommage aux classiques horrifiques et séries TV de l'époque, The Black Phone s'avère une excellente trouvaille horrifique dénuée de prétention auprès du thème central de la perte d'innocence. Ce qui à mes yeux est une plus-value pour le charme infaillible de sa forme vintage sous l'impulsion de ces attachants héros juvéniles à travers leur caractérisation fragile en voie de stoïcité à dépasser leurs craintes et leurs peurs pour y combattre le mal dans une bravoure insoupçonnée. Vivement recommandé donc pour tous les fans d'horreur adulte "1er degré" même si l'humour noir vitriolé s'invite en quelques savoureuses occasions. A l'instar de la présence secondaire du voisin cocaïné jouant le détective en herbe, pour le meilleur et pour le pire. 

Ci-joint la critique dithyrambique de Gilles Rolland: [CRITIQUE] BLACK PHONE - On Rembobine

*Bruno

mercredi 13 juillet 2022

9 semaines et demi / Nine ½ Weeks

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Adryan Line. 1986. U.S.A. 1h57. Avec Kim Basinger, Mickey Rourcke, Margaret Whitton, David Margulies, Christine Baranski, Karen Young, William De Acutis.

Sortie salles France: 16 Avril 1986 (Int - 13 ans). U.S: 21 Février 1986.

FILMOGRAPHIE: Adrian Lyne est un réalisateur et producteur britannique, né le 4 Mars 1941 à Peterborough (Grande Bretagne). 1980: Ca plane les filles. 1983: Flashdance. 1986: 9 semaines et demi. 1987: Liaison Fatale. 1990: L'Echelle de Jacob. 1993: Proposition Indécente. 1997: Lolita. 2002: Infidèle. 2022 : Eaux profondes (Deep Water).


Une décennie inoxydable.
Film culte de la génération 80 en dépit de son échec critique et public outre-atlantique, 9 semaines et demi fut malgré tout un succès international puisqu'il cumule plus de 100 millions de dollars. Que reste t-il aujourd'hui de cette romance érotico-sm inspirée du clip en vogue ? Un excellent divertissement fleurant bon les années 80 à travers son ambiance constamment envoûtante saturée d'une BO pop  entêtante n'ayant pas pris une ride qu'Adrian Lyne met en exergue avec un soin esthétique léché eu égard de sa réalisation à la fois solide et consciencieuse à cumuler les ébats érotiques sans que le public n'y éprouve une lassitude. Il faut dire que le duo galvanisant Mickey Rourke / Kim Basinger doit beaucoup au charme et à l'intensité de leurs délires érotiques élégamment filmés puisque jamais vulgaires ou complaisants en dépit d'un final sciemment glauque et malsain (le refuge dans une boite porno afin de dissoudre leur amour commun). Des jeux érotiques toujours plus audacieux et délétères pour leur destin sentimental que Mickey Rourke provoque dans un jeu interlope de domination à la fois placide et taiseux. 

Car mystérieux et secret, charmeur et raffiné dans son costume noir corbeau, l'acteur use de son élégance et de sa voix rassurante pour envoûter Kim Basinger crevant l'écran à chacune de ses apparitions d'une charnalité torride. L'actrice délivrant avec un naturel fureteur, sémillant et parfois badin un jeu à la fois fébrile et fragile au fil de ses relations sexuelles toujours plus risquées, pour ne pas dire éprouvantes. Le récit efficacement traité nous interrogeant sur les limites à ne pas franchir lors de propositions transgressives entre couple (triolisme, sm) et l'influence que peut exercer un amant pervers délibéré à soumettre sa maîtresse au risque de la plonger dans une perte de repères irréversible. Film romantique n'omettant jamais les agréables touches d'humour (avec parfois des instants d'hilarité), 9 semaines et demi est à revoir absolument pour tenir compte du talent indiscutable d'Adrian Lyne filmant cette odyssée érotique avec autant de provocation stylisée que de sensibilité morale eu égard du profil torturé  d'Elizabeth partagée entre sa passion amoureuse littéralement capiteuse et ses sombres remords de s'adonner à des actes sexuels toujours plus houleux, audacieux, dérangeants. 


L'érotisme stylisé à son apogée (musicale).
On peut enfin également parler de vrai film d'ambiance auprès de son émotion musicale ensorcelante et de son climat d'étrangeté parfois proche du thriller qu'Adrian Lyne prend soin de mettre en pratique avec une solide maîtrise inhabituelle pour le sous-genre souvent raillé par les critiques snobinards. Le terme culte n'est donc point galvaudé si bien que 9 semaines et demi existe par lui même sous l'impulsion d'un duo iconique irremplaçable à travers leur emprise séductrice ardente.  

*Bruno
3èx. Vostf 5.1 Dts hd

Box Office France:  1 201 156 entrées

mardi 12 juillet 2022

Presque Célèbre / Almost Famous

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Cameron Crowe. 2000. U.S.A. 2h03. Avec Billy Crudup, Frances McDormand, Kate Hudson, Jason Lee, Patrick Fugit, Zooey Deschanel, Anna Paquin 

Sortie salles France: 21 Mars 2001. U.S: 13 Septembre 2000.

FILMOGRAPHIECameron Crowe est un réalisateur, producteur et scénariste américain, né le 13 juillet 1957, à Palm Springs, Californie.1989 : Un monde pour nous (Say Anything). 1992 : Singles. 1996 : Jerry Maguire. 2000 : Presque célèbre. 2001 : Vanilla Sky. 2005 : Rencontres à Elizabethtown (Elizabethtown). 2011 : Pearl Jam Twenty (en). 2011 : Nouveau Départ (We Bought a Zoo). 2012 : The Union (documentaire). 2015 : Welcome Back (Aloha). 2016 : Roadies

Oeuvre quasi autobiographique de la part de son auteur vue à travers les yeux de William Miller, ado timoré de 15 ans endossant le poste d'un journaliste en herbe à suivre les concerts et pérégrinations d'un groupe avide de notoriété (en dépit de la réticence de sa mère bigote que campe brillamment avec droiture et émotions maternelles Frances McDormand), Presque Célèbre est touché par une grâce capiteuse eu égard de son pouvoir émotionnel inscrit dans une tendresse en roue libre. Les acteurs, connus et moins connus, incarnant chacun leur fonction avec un naturel désarmant de tranquillité sereine. Particulièrement la jeune groupie Penny Lane jouée par la radieuse et sémillante Kate Hudson tant et si bien qu'elle transperce littéralement l'écran de sa fougue sensuelle sous l'impulsion d'un cinéaste captant ses expressivités faciales "attendries" avec une sobriété perfectionniste. Et à ce niveau technique, chapeau bas à la rigueur du montage passant avec fluidité d'un personnage à l'autre afin de ne rien omettre de leurs réactions humaines aussi bien fragiles que fébriles. Mais il y aussi William Miller que Patrick Fugit  (alors méconnu à l'époque) compose avec une attachante innocence dans la peau d'un journaliste à la fois interrogatif, perplexe mais passionné puis peu à peu amoureux de cette jeune fille que le leader du groupe Russel Hammond compte toutefois conquérir sans passion. 

Ainsi donc, celui-ci se laisse embarquer à travers les tournées du groupe Stillwater en voie de reconnaissance médiatique avec ce que cela sous-entend de sorties éméchées avec les fans, entre drogue, sexe et alcool que Cameron Crowe évite toutefois de se complaire grâce à une certaine pudeur des situations et grâce à la complicité amicale de ces jeunes passionnés férus de joie de vie, d'amour et de pop-rock dans l'air du temps. Voyage temporel au sein des Seventies à l'aune de cette jeunesse flower power irrésistiblement attirée par les paradis artificiels que notre jeune héros ne cède toutefois jamais de par sa sagesse, son intégrité et son intelligence d'esprit, Presque Célèbre touche droit au coeur auprès de ses moments d'intimité romantique et de communion amicale que les comédiens, extrêmement aisés, décomplexés, exaltés, nous transmettent avec une vérité humaine fulgurante. Au point même où, outre les morceaux musicaux entêtants et explosifs, je me suis surpris à moult reprises d'y verser des larmes de par l'intensité des sentiments humains livrés ici sans ambages, la pudeur et la réserve restant les maîtres mots, qui plus est renforcé de la lucidité de la réal portant un regard terriblement affectueux sur cette génération rock éloignée de la réalité mais pour autant rattrapée par une remise en question et d'une prise de conscience auprès du trio Penny / William / Russel.  

Tu l'auras compris, et fort d'une réputation élogieuse auréolée de récompenses (voir ci-dessous), Presque Célèbre s'avère le haut du panier du genre musical à travers les yeux d'un parcours initiatique semé de turbulences, de désillusions, mais aussi d'espoir et d'optimisme. Celui d'un ado idéaliste partageant avec nous (et face au témoignage versatile du groupe) ses passions (et envers le journalisme et envers la musique), ses doutes, ses angoisses et ses désirs sentimentaux en s'interrogeant sur la réalité des sentiments exposés lors de tournées pailletées triomphantes et lors de ses échanges avec sa mère autoritaire. Bref, du vrai et beau cinéma comme on en voit hélas que rarement grâce à l'alchimie idoine d'une réalisation scrupuleuse (jamais pédante puisque c'est sa simplicité qui le rend tant charmant) entourée d'une galerie d'acteurs épatants de peps, de cocasserie (le récit est effectivement plein d'humour bonnard) et de mélancolie existentielle sous couvert d'une satire du journalisme à potins que les artistes suspectent d'un oeil versatile. 

*Bruno
12.07.22. 2èx vf
23.12.01

Récompenses
Oscar du meilleur scénario original pour Cameron Crowe
Golden Globe du meilleur film musical ou de comédie
Golden Globe de la meilleure actrice dans un second rôle pour Kate Hudson
British Academy Film Award du meilleur scénario original pour Cameron Crowe
British Academy Film Award du meilleur son pour Jeff Wexler, Doug Hemphill, Rick Kline, Paul Massey et Michael D. Wilhoit
Online Film Critics Society - Meilleur film
American Film Institute Awards lors de la 1re cérémonie des American Film Institute Awards