Sortie salles France: 27 Septembre 2000. U.S: 19 Mai 1999
FILMOGRAPHIE: Sofia Coppola née le 14 mai 1971 à New York, est une réalisatrice, actrice, productrice et scénariste américaine. 1999 : Virgin Suicides. 2003 : Lost in Translation. 2006 : Marie-Antoinette. 2010 : Somewhere. 2013 : The Bling Ring. 2017 : Les Proies (The Beguiled). 2020 : On the Rocks.
Aujourd'hui considéré à juste titre comme un classique, la 1ère réalisation de Sofia Coppola est probablement (et selon moi) sa plus belle réussite. Tout du moins son oeuvre la plus envoûtante, spécialement sensuelle et gracile. Un coup de maître où l'émotion, contradictoire (drame / humour /tendresse), nous ébranle le coeur sans crier gare. Et ce même si le prologue nous eu averti du dénouement mortuaire de ses adolescentes que Sofia Coppola filme comme de véritables déesses sortis d'un Eden en dépit de l'ombre de leur évolution morale davantage pessimiste. Un parti-pris réaliste sans concession mais jamais complaisant et d'autant plus audacieux que l'humour s'y invite fréquemment pour renforcer l'insouciance du passage de l'adolescence partagée entre maladresse, orgueil, audace et trahison dans leur désir de plaire et de convaincre. Inconsciemment inspirée par la mort de son frère Gio Coppola lors d'un tragique accident de voiture à l'âge de 15 ans, Sofia Coppola traite ici du deuil, de la perte de l'innocence et de la quête identitaire à travers le portrait fragile de ces 5 soeurs gouvernées par une mère bigote et un père taiseux (dans une posture hiératique placide peu à peu effacée, James Woods / Kathleen Turner insufflent à merveille une expressivité à la fois intransigeante, désabusée, pour ne pas dire aseptisée). On peut donc évoquer la famille dysfonctionnelle de par le profil castrateur de ses parents conservateurs se pliant aux règles de Dieu afin d'élever leur famille dans un amour catholique (ici) terriblement infructueux.
Baignant paradoxalement dans un climat langoureux chargé d'une poésie éminemment lascive à filmer ses ados juvéniles en robe de soie (quelle notion de pureté avec leurs cheveux d'or !), Virgin Suicides nous ensorcelle irrémédiablement la vue à travers le charme de ses filles candides apprenant au fil du récit leur condition soumise après avoir bravé leur doctrine familiale. Ses premiers flirts, ses premiers baisers, ses premières étreintes puis finalement les déceptions qui en découlent Sofia Coppola les filment avec une attention avisée afin de susciter une émotion virginale à la fois nostalgique, poignante et pétrie de tendresse que le spectateur se remémore lors de ses réminiscences amoureuses. Kirsten Dunst transperçant l'écran de sa beauté ténue et son regard fondant avec une grâce vertigineuse. Si bien qu'à mes yeux il s'agit de son rôle mélancolique le plus luminescent eu égard de l'objet de fantasme qu'elle nous renvoie. Tant auprès des jeunes ados du récit littéralement transis d'émoi que du spectateur hypnotisé par son aura charnelle subtilement badine, tranquille mais aussi docile et timorée avant de changer de peau. Par conséquent, au gré du drame social qui s'esquisse sous nos yeux contemplatifs avec un réalisme à la lisière de l'étrangeté et du mystère (en mode éthéré !), rarement de jeunes filles n'auront été sublimées à l'écran avec une grâce aussi sensorielle, pour ne pas dire ésotérique, depuis le chef-d'oeuvre Picnic à Hanging Rock. Alors que le score composé par le groupe AIR magnétise la pellicule auprès de mélodies capiteuses à la fois feutrées et gratifiante afin de renforcer son atmosphère ouateuse qu'on ne souhaiterait jamais quitter en dépit de la dramaturgie escarpée de sa conclusion funeste que l'on considère comme un gâchis inconsolable. La faute incombant à cette intolérance parentale, cette absence totale de communication au sein du foyer éducatif et protecteur afin d'élever l'adolescence vers des horizons fructueuses équilibrées et matures.
Divinement réalisé avec un art consommé de la perfection (il y a des plans serrés incroyablement géométriques sur le sobre visage de Kirsten Dunst afin d'y imprimer sans ambages ses émotions introverties plus vraies que nature) et porté par le talent de jeunes comédiens et comédiennes d'un naturel trouble, lascif ou gentiment décomplexé (je songe particulièrement aux garçons et à la présence saillante de Josh Hartnett), Virgin Suicides traite du malaise adolescent, de la tare de l'isolement et du désir d'amour du point de vue précaire d'une voix féministe en voie de rébellion mais optant le sacrifice sous l'étendard de leur hiérarchie parentale. Un portrait inoubliable qui charme, trouble, enivre, magnétise, émeut sans une once de prétention arty.
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