jeudi 6 octobre 2011

DEMAIN LES MOMES. Grand Prix au festival du Rex de Paris 1976.


de Jean Pourtalé. 1975. France. 1h30. Avec Niels Arestrup, Brigitte Rouan, Emmanuelle Béart, Michel Esposito.

Récompenses: Grand Prix au 3ème Festival de film fantastique et de science fiction de Paris, ainsi que celui du Prix Spécial du Jury au Festival International de "New Orléans".

Sortie en salles en France le 18 Août 1976

FILMOGRAPHIE: Jean Pourtalé est un réalisateur français né le10 Septembre 1938 à Paris, décédé le 17 Octobre 1997. 1964: Dernier soir (court-métrage). 1969: Sylvie à l'Olympia (Court-métrage du tour de chant). 1975: Demain les Momes1980: 5% de Risques


En 1976 sort sur les écrans un premier film d'un réalisateur méconnu dans une quasi indifférence générale alors que certaines critiques bien pensantes n'hésiteront pas à lui tourner le dos. Néanmoins, les organisateurs de deux festivals lui ouvrent la voie de la reconnaissance avec 2 prix décernés à Paris et à la Nouvelle Orléans. En l'occurrence, totalement occulté ou ignoré par le plus grand nombre d'entre nous, Demain les mômes est un ovni filmique rare et précieux, aussi réaliste et désespéré que son cousin ibérique, j'ai nommé le chef-d'oeuvre martyr Les Révoltés de l'an 2000Dans une époque future, suite à une potentielle guerre mondiale, le monde est devenu un lieu aride où quelques survivants errent sans but à la recherche d'un éventuel abri. Notre point de rencontre se situe dans le sud-ouest de la France alors que Philippe et Suzanne, réfugiés dans leur ferme champêtre, coulent des jours indolents grâce aux réserves de nourriture qu'ils ont approvisionné dans leur cave. Un jour, un groupe de quidams s'en prennent sauvagement à la jeune femme qui s'était retrouvée à l'extérieur de la maison. Philippe arrive précipitamment à sa rescousse et tire vainement avec son arme de chasse en direction des fuyards. Contraint de subsister solitairement pour cause de la disparition de sa femme, il tente de retrouver un quelconque survivant avec l'aide d'un récepteur radiophonique. C'est alors qu'une bande de gamins font irruption à proximité de sa maison !


Avec l'entremise d'un budget restreint et de décors minimalistes, Jean Pourtalé s'attelle à retranscrire lestement un univers en décrépitude suite à un cataclysme à échelle mondiale. Par le bruit d'un son perçant les tympans de chaque victime, la terre est devenu un cimetière décharné où le peu de survivants tentent maladroitement de subsister en se méfiant de la moindre présence humaine potentiellement hostile. En quelques plans chocs et explicites à nous dévoiler l'apparence horrifiée de quelques cadavres faméliques restés aux abords des trottoirs (maquillages plutôt adroits et morbides !), le réalisateur réussit à rendre crédible un univers glauque où erre le sentiment prégnant de désolation. Où seul l'aura du vent bourdonnant fait office de présence latente afin de renforcer le caractère morose de notre planète réduite en vestige. Après avoir dépeint l'existence quotidienne d'un couple d'amants réfugiés dans leur ferme du sud de la France, le danger aléatoire venu d'un trio de marginaux sans vergogne va inéquitablement soustraire la vie de Suzanne, la femme de ce dernier. Tandis que quelques jours plus tard, après avoir tenté de retrouver d'éventuels survivants par l'entremise d'une radio, Philippe va rentrer en contact avec un groupe d'enfants mutiques, accompagnés d'un cinquantenaire déficient.


Insinueusement et avec un souci d'authenticité proche du documentaire, Demain les Mômes nous dévoile le caractère monolithique et glacial d'une bande de marmots incapables d'éprouver un minimum de compassion face à leur nouveau protégé Philippe, homme de foi davantage désorienté et dérouté. Par petites touches, c'est la nouvelle ambition d'un homme solitaire tentant d'établir un contact amical avec cette bande organisée d'enfants sauvages qui nous ait détaillé scrupuleusement avec une sensibilité poétique, à l'instar de la superbe mélodie composée par Eric Demarsan. En intermittence, ce thème musical va subitement virer de ton pour devenir beaucoup plus ombrageux, de manière à mettre l'accent sur le côté mystérieux, étrangement aphone de la présence presque surnaturelle des enfants mutiques opposés au monde des adultes. La devise de Philippe sera de tenter de leur inculquer le savoir vivre, l'apprentissage des valeurs humaines, le respect d'autrui dans ce monde trop furtivement livré à l'agonie. Dépité et vexé de tant de rancoeur de la part de ces enfants introvertis et taciturnes, Philippe va se rendre à l'évidence que l'espoir de reconstruire un monde meilleur n'est qu'une irréversible désillusion. L'excellent et trop rare Niels Arestrup apporte l'aplomb nécessaire dans sa flegme maturité à daigner éduquer avec reconnaissance des gamins dénués d'amour et d'empathie (comme cette séquence qui voit l'un des leurs trébucher du haut de la toiture de la ferme). Et en ce qui concerne le portrait de ce groupe infantile communiquant exclusivement entre eux, ils retranscrivent avec un naturel trouble un étrange comportement imbitable face à l'encontre de l'adulte qui ne souhaitait qu'une cohésion amicale. Leur présence hostile et pernicieuse participe grandement au climat singulier que le film illustre avec un réalisme terrifiant. D'ailleurs, on ne manquera pas d'établir un rapprochement avec la physionomie interlope, faussement docile des enfants des Révoltés de l'An 2000, sorti la même année en Espagne.A titre subsidiaire, on notera aussi qu'Emmanuel Béart fait ses premiers pas devant la caméra du haut de ses 12 ans.


Les Enfants du Silence.
Baignant dans un climat d'insécurité sous-jacent davantage oppressant, Demain les Mômes constitue le constat d'échec de notre humanité si bien que les enfants du jour d'après adoptent ici une cruelle revanche contre l'autorité parentale responsable de leur perte d'innocence. Son final glaçant et nihiliste renforçant d'autant plus ce sentiment aigri de perdition, cette perte de l'illusion d'où ne présage que déshumanisation et intolérance. En résulte un récit post-apo tristement pessimiste, amer et désenchanté, où les images blafardes marquent les esprits sous le pilier d'un avenir dystopique. 

Dédicace à Atreyu sans qui je n'aurai jamais pû redécouvrir cette perle rare et introuvable.

06.10.11
Bruno Matéï

2 commentaires:

  1. merci mille fois bruno pour cette subtile et éloquente analyse de ce bijou a qui je suis ravi d'avoir donné une nouvelle chance de se faire connaitre des internautes passionnés que nous sommes !

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