"Quand on aime, on aime toujours trop". "Quand on aime on voit les belles choses".
mercredi 12 octobre 2011
FURIE
de Brian De Palma. 1978. U.S.A. 1h57. Avec Kirk Douglas, John Cassavetes, Carrie Snodgress, Charles Durning, Amy Irving, Fiona Lewis, Andrew Stevens, Carol Eve Rossen, Rutanya Alda, Joyce Easton.
Sortie en salles en France le 4 janvier 1979. U.S: 10 Mars 1978.
FILMOGRAPHIE: Brian De Palma, de son vrai nom Brian Russel DePalma, est un cinéaste américain d'origine italienne, né le 11 septembre 1940 à Newark, New-Jersey, Etats-Unis.
1968: Murder à la mod. Greetings. The Wedding Party. 1970: Dionysus in'69. Hi, Mom ! 1972: Attention au lapin. 1973: Soeurs de sang. 1974: Phantom of the paradise. 1976: Obsession. Carrie. 1978: Furie. 1980: Home Movies. Pulsions. 1981: Blow Out. 1983: Scarface. 1984: Body Double. 1986: Mafia Salad. 1987: Les Incorruptibles. 1989: Outrages. 1990: Le Bûcher des vanités. 1992: l'Esprit de Cain. 1993: l'Impasse. 1996: Mission Impossible. 1998: Snake Eyes. 2000: Mission to Mars. 2002: Femme Fatale. 2006: Le Dahlia Noir. 2007: Redacted.
Deux ans après Obsession et Carrie réalisés successivement la même année, Brian De Palma renoue avec le thème de la parapsychologie dans Furie. Un film fantastique diaboliquement ficelé, conjuguant avec bonheur espionnage, action, suspense et épouvante traditionnelle, saupoudré d'une pointe de cocasserie en début d'intrigue. Entouré d'acteurs de renom (Kirk Douglas, John Cassavetes, Charles Durning, Amy Irving), ce film sous-estimé est à réhabiliter à sa juste valeur tant il exploite avec beaucoup d'efficacité et de maîtrise technique une intrigue aussi haletante que surprenante.
Doué de pouvoirs paranormaux, un jeune garçon se fait kidnapper par l'agence du gouvernement de son père. Après avoir manqué de trépasser dans un odieux traquenard commandité par un ami de longue date, le paternel décide de partir à sa recherche. Au même moment, une jeune fille, Gillian, possédant également des dons exceptionnels, communique par télékinésie avec son fils.
En s'appropriant une nouvelle fois du thème de la télékinésie préalablement établi avec l'envoûtant Carrie, Brian De Palma s'inspire d'un roman de John Farris pour nous concocter un prodigieux spectacle dans ses genres disparates. On est d'ailleurs surpris du ton ironique des premières séquences lorsque Peter Sandza est contraint de trouver des vêtements en pénétrant par effraction chez un coupe de sexagénaires décontenancés par son apparence demi-nue ! Ou encore la présence risible de ces deux policiers pris en otage par notre héros affublé d'un costume de vieillard et craignant que leur nouvelle carrosserie de fonction ne soit sévèrement cabossée lors de courses poursuites engagées contre des espions. Paradoxalement, après que ne soit intervenu une séquence d'action trépidante particulièrement intense, on pouvait craindre que notre réalisateur se vautre dans le ridicule en y mêlant successivement ce genre de situations cocasses proprement hilarantes.
Néanmoins, l'humour omniprésent des vingts premières minutes va peu à peu s'occulter pour exacerber l'action des enjeux avec l'intervention d'un nouveau personnage caractérisé par la ravissante Amy Irving (déjà remarquée dans Carrie). Cette jeune fille profondément accablée par son pouvoir surnaturel est incapable de contrôler ses émotions au moindre contact humain, provoquant chez le sujet une hémorragie impossible à maîtriser. C'est dans une clinique spécialisée que notre témoin va être contrainte de tenter de canaliser son pouvoir alors que des visions hallucinogènes et prémonition vont lui être administrées par l'influence télékinésique de Robin, le fils martyrisé par une confrérie gouvernementale sans vergogne. D'ailleurs, la narration menée avec maîtrise technique assidue (la séquence d'anthologie entièrement filmée en "slow motion" illustrant avec minutie la fuite de Gillian à travers rues contre les ravisseurs de l'odieux Ben Childress) doit beaucoup à la prestance de cette comédienne d'une justesse psychologique admirable. Elle peut même se targuer de voler carrément la vedette à nos héros principaux incarnés par les briscards Kirk Douglas et John Cassavettes ou encore le juvénile Andrew Stevens. C'est ce portrait empathique alloué à Gillian qui rend l'oeuvre si intense et captivante. Une victime chétive totalement dépassée par son don de prescience et de télékinésie, peu à peu asservie par l'arrivisme d'un agent politique. Un affabulateur convaincu de la substituer au fils de Peter davantage irascible, toxicomane et en perte de faculté surnaturelle. Là aussi, l'accent dramatique est privilégié dans la décrépitude du jeune garçon devenu incontrôlable car totalement destitué de sa personnalité. Dans la dernière partie réfutant le happy-end salvateur, nous retrouvons Peter, plus déterminé que jamais, accompagné de Gillian pour tenter de récupérer sain et sauf Robin, plus irascible et pernicieux que jamais. Ce point d'orgue particulièrement cinglant, car déployant des séquences chocs sanglantes magnifiquement supervisées par le maître des FX, Rick Baker, prémédite une mise à mort des plus explosives !
Si l'intrigue de Furie s'avère sans grande surprise et laisse interférer quelques gênantes invraisemblances (comme l'évasion de Peter réussissant à s'extraire de l'embarcation d'un rafiot après une gigantesque explosion), la maîtrise technique de De De Palma (amples mouvements de caméra vertigineux), l'interprétation de qualité (Amy Irving crève l'écran !), le score fastueux de John William et l'efficacité d'un récit fertile en péripéties renvoient au solide divertissement.
Note: C'est le premier rôle au cinéma de Daryl Hannah qui interprète Pam, une écolière à la cafétaria assise à la droite de Gillian (l'avais même pas r'connu !).
Récompense: Saturn Awards 1979: Meilleurs maquillages pour William Tuttle et Rick Baker, remis par l'Académie des films de science-fiction, fantastique et horreur.
12.10.11. 4
Bruno Matéï
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Cela fait un bail que je ne l'ai pas revu ce film , je vais de ce pas voir s'il existe une version remasterisée, car le dvd que j'avais laissait à désirer.
RépondreSupprimerTrès bon film au demeurant pour qui aime les atmosphères d'épouvante , encore que celui ci ne se contente pas de la télékinésie comme état de fait mais
s'évertue à l'emballer d'aventure et de mystère à la hichcock savamment réalisé
Du De Palma en super forme.
Un must du genre sans conteste.
très bons choix de captures…il manque les légendes malgré tout.
1) Kirk Douglas en pleine discussion avec le réalisateur.
2) Amy Irving au casting de polemploi
3) Tu le veux gros comment ton cachet, Amy?
4) OK Kirk , tu as gagné , on fera comme tu veux.
Bonne critique et petit hommage sympa à la belle Amy...
PART 1 : "The raven was called sin..."
RépondreSupprimerAprès avoir été taxé de brillant émule d'Alfred par les uns et pompiste sachant pomper par les autres - ceux qui pensent que Hitchcock est l'alias collectif du Dr. Delabost et de Gallilée - De Palma prouva qu'Eve était faible. Pour cette seconde catégorie, qui fut majoritaire aux USA, l'abus d'hémoglobine porcin de "Carrie", film sublime autant que transfiguration d'un petit roman à bonnes idées, offrit un nouvel angle d'attaque pour une presse trop pressée de réduire le cinéaste le moins consensuel et le plus suspicieux de sa génération. "The Fury" va apporter sur un mode mineur un nouvel épisode au feuilleton de la controverse mesquine et du jugement aux entournures...
EPISODE IV : "QUAND LA FURIE CONFORTE LE COURROUX" (un nouvel espoir)
Personne n'est innocent. A commencer par De Palma lui-même qui, par provocation et un soupçon de masochisme qui lui va plutôt bien, reviendra souvent instrumentaliser le cinéma et certaines de ses icônes en brisant ironiquement leurs signes extérieurs de richesse les plus identifiables, à seule fin de servir ses propres recherches et nourrir son terrain de jeux démiurgique. Plus iconoclaste qu'iconographe, le cinéma selon De Palma est de fait pré-Tarentino, dans une galaxie pas si lointaine où la citation à la Godard avait déjà
fait long feu et où le bris de vitrine se devait d'être une manière d'hommage, de soumission dévote aux vieux maîtres d'hier. Là ou son ami Martin Scorsese multiplie les emprunts avec une forme de respect tout en les digérant, De Palma lui, régurgite une vision plus déviante, une fausse émulation qui procède d'une considération plus technique, scientifique du langage cinéma. Comme Kubrick, le monde n'existe chez De Palma que dans la signalétique qu'il impose. De Palma fait de la génétique en filmant, une certaine démonstration d'eugénisme avec pour cellule première la mise en doute de notre perception. Au risque de se faire mal comprendre par ses idolâtres, perturber jusqu'à ses admirateurs les plus fidèles, toujours à la recherche d'une règle rassurante, d'un credo éventuel qui pourrait habiter cette matière extrême mais soigneusement agencée que l'auteur soumet à ses caprices. Un espace toujours calculé, pour mieux y lâcher les chiens agressifs de son talent exhibitionniste visité parfois par un indubitable génie. La carrière de Brian De Palma se déroulera ainsi à la manière d'une incessante sarabande du reproche, de la fascination coupable et du malentendu (ou du mal vu). Au plan de la discorde, pendant longtemps, De Palma sera aux États-Unis ce que Ken Russell fut à la Grande-Bretagne : la mauvaise bête de tous les procès.
En raison de ses nouveaux déluges de "rouge", de son outrance revendiquée - quand Brian brise un verre, il le fait comme la Callas - de sa complexité narrative tortueuse mais également, comme le fait remarquer Bruno, de sa proximité avec "Carrie" réalisé juste avant, "The Fury" recevra un accueil glacial et devra, comme presque toujours dans la carrière de De Palma, compter avec le futur pour rencontrer un regard un peu mieux adapté. Pourtant, l'expérience est un moment clé dans l'évolution du cinéaste. L'obsédé du double et de toutes les dualités se voit ici séparer aussi violemment que les siamoises Breton qui placèrent ses premiers jalons dans la sphère populaire.
PART II : "The hell of it"
RépondreSupprimerA l'instar de son héroïne Gillian, De Palma doit prendre conscience ici des règles du jeu. Un constat dicté par quelques nécessités. Celle de l'adaptation de son langage et de ses ambitions au sein d'un système implacable pour l'artiste, où la machine-spectacle ne va cesser d'avancer vers le rationnalisme, le besoin toujours plus net de simplification des histoires proposées (ses amis Steven Spielberg et George Lucas y contribueront d'ailleurs bien involontairement). Celle plus prosaïque de sa survie au sein de l'entreprise. Celle enfin de ses choix. Car De Palma n'est pas, comme la suite de sa carrière le confirmera, un metteur en scène de films fantastiques par essence mais par escales et necessités. Il refusera d'ailleurs ultérieurement des propositions comme "Interview with the Vampire" et "Altered States". A l'époque de "The Fury", De Palma pense déjà à sortir du cercueil qui ne manquera pas de paralyser ses perspectives...
A l'instar de ses personnages et de certaines de ses œuvres, "The Fury" est une poupée russe. Une histoire qui contient les éléments d'une autre histoire. L'opportunité pratique est l'adaptation du roman de John Farris dans le script duquel De Palma trouve des similitudes avec le film qu'il prépare alors et qui lui tient à cœur : "The Demolished Man" (L'Homme Démoli) tiré de l'excellent roman d'Alfred Bester. Dans ce polar d'anticipation, il est question de la préparation d'un crime dans une société où la pensée de chacun est devenue transparente, accessible à tous. Or comment commettre un assassinat quand le monde entier peut le prévoir ? Pour De Palma, accepter de réaliser "The Fury" est un moyen de nourrir pratiquement "The Demolished Man", un projet qu'il envisage comme un récit principalement visuel dans lequel l'image et le son supplanteront le dialogue. C'est également la chance de travailler avec un gros budget pour la première fois de sa carrière. Les voyages futurs qu'envisagent De Palma coûteront plus chers que ses premières armes dans le "protest-film" où que les couteaux volants de Carrieta White. Il est donc temps pour lui de consolider les bases établies.
Le script de Farris - adaptateur et scénariste de son propre roman - est si touffu et prend tant de directions que De Palma est obligé de le réduire. Le casting est ce qu'il est. Une vieille gloire d'Hollywood à l'égo démesuré qui accepte presque tout pour prouver qu'il est encore "The Kirk", un rejeton de Stella Stevens peu charismatique mais plein de bonne volonté et soutenu par De Palma, Carrie Snodgress brillante comédienne que le réalisateur a apprécié au théâtre, un Cassavetes ironique qui comme toujours quand il ne travaille pas pour ses films, ballade un mépris affiché pour cette "nouvelle connerie hollywoodienne" qui l'aidera cependant à financer son prochain bébé, une ravissante actrice british dont Roger Daltrey a embrassé les seins au rythme d'un métronome dans le plus mauvais film de Ken Russell, des acteurs fétiches (Charles Durning et Dennis Franz), enfin Amy Irving, transfuge botticellien de "Carrie", amie et protégée du barbu le plus bougon depuis Barbe Noire. Encore maladroit dans l'exercice de la production lourde, De Palma parvient malgré tout à tenir le gouvernail non sans heurts et bras de fer avec les exécutifs pour imposer sa vision et constamment contrarié par les problèmes rencontrés avec les effets spéciaux. La ménagerie d'acteurs où petits nouveaux choyés côtoient vieux briscards n'allège pas le cirque. A commencer par Cassavetes qui se paie la fiole d'Amy Irving lorsqu'il la voit se donner à fond. "Regardez là, elle croit qu'elle interprète Shakespeare ! (rires)"
PART III : "He's alive"
RépondreSupprimerDans cette "Prisonnière du Désert" revisité en thriller fantastique et (gentiment) politique, le cinéaste va faire des gammes, parfaire son langage en proposant des séquences qui restent aujourd'hui encore parmi les meilleures de son cinéma. Les visions de Gillian, l'audace et l'intelligence formelle de ses rencontres visuelles entre présent et passé, l'irruption inattendue d'actions violentes et, bien sûr, l'évasion de Gillian en slow-motion, sont autant de scènes impressionnantes qui marquent chez De Palma une évolution ambitieuse dans la manière comme dans la narration. Dans "Carrie", l'utilisation du ralenti visait à amplifier le suspense, l'impact de la farce humiliante qui fera tout basculer dans l'horreur. Ici l'emploi du ralenti procède du même esprit. Une sorte de "sadisme" dans la volonté de dilater le temps de manière extrême pour rendre quasi insupportable le sentiment d'impuissance; Celui des personnages mais avant tout le nôtre. Tout comme le plan-séquence qui deviendra une marque de fabrique du style De Palma, l'emploi du ralenti permet dans cet épisode une évaluation précise de tous les éléments dramatiques placés dans le décor autant qu'il nous oblige à anticiper l'effet de Charybde en Scylla que les actions des protagonistes vont occasionner. Surtout, De Palma prend le contre-pied des séquences de films d'action d'alors où tout ne cesse d'aller de plus en plus vite, en montage rapide et serré. A contrario, par abus de jump-cuts et surcharge d'effets gore qui techniquement sont encore assez grossiers - nous sommes en 78 -, De Palma compromet la virtuosité qu'il dispense par ailleurs.
Globalement, et malgré une intrigue originale qui jongle brillamment avec plusieurs genres, le film est handicapé par un trop plein d'éléments qui ne s'harmonisent jamais vraiment. Entre les expérimentations du cinéaste et les maladresses de ses premiers pas dans la superproduction, les concessions faites à la machine-spectacle et un casting trop hétéroclite, "The Fury" impose maladroitement sa valeur. Il est un spectacle ambitieux mais parasité par un effet de brouhaha constant.
On retiendra le score extraordinaire composé par John Williams dont les rappels furtifs à "La Forza del Destino" de Verdi semblent, considéré a posteriori, avoir anticipé le futur de Brian De Palma. Car cette "Furie" boudée au box-office convaincra malgré tout suffisamment les studios pour permettre à l'enfant terrible de poursuivre son chemin. En France, le film fut très mal accueilli par une grande partie de de la critique et ne trouva alors qu'un fan pour l'aduler...
...Jean-Luc Godard.
Adam "never more" Eterno
Merci de ta collaboration Adam !
RépondreSupprimerC'est toujours un plaisir, Bruno.
RépondreSupprimerUn truc à rectifier, cependant. A propos de "Sisters" auquel je fais référence; il ne s'agit pas des siamoises Breton mais Blanchion. Breton étant le patronyme du bon docteur, époux d'une des jumelles.
C'est le tome 1 ou le tome 2 ? MDR
RépondreSupprimer"Un espace toujours calculé, pour mieux y lâcher les chiens agressifs de son talent exhibitionniste visité parfois par un indubitable génie".
Justement trouvé.
@ lirandel
RépondreSupprimerUn seul tome... à venir.