de Pascal Laugier. 2008. Canada/France. 1h37. Avec Morjana Alaoui, Mylène Jampanoï, Catherine Bégin, Robert Toupin, Patricia Tulasne, Juliette Gosselin, Xavier Dolan-Tadros, Isabelle Chasse, Emilie Miskdjian.
Récompenses: Mélies d'Argent du Meilleur Film Européen et Prix du Meilleur Maquillage au Festival de Sitges en 2008.
Sortie en salles en France le 3 Septembre 2008. U.S: 25 Septembre 2008
FILMOGRAPHIE: Pascal Laugier est un réalisateur Français né le 16 Octobre 1971.
Courts-Métrages:1993: Tête de Citrouille. 2001: 4è sous-sol. Longs-métrages: 2004: Saint Ange
2008: Martyrs. 2012: The Tall Man.
MARTYR: Un martyr (du grec ancien ,-υρος martus, « témoin ») est celui qui consent à aller jusqu’à se laisser tuer pour témoigner de sa foi, plutôt que d’abjurer.
Après son (injustement) décrié Saint-Ange, film fantastique tout en ambiance diffuse, Pascal Laugier revient quatre ans plus tard avec un film monstre, une expérience viscérale rarement vécue en interne de notre psyché malmené. Filmé à la manière d'un documentaire abrupt, Martyrs est un témoignage cru sur les sacrifices humains intentés par une bourgeoisie avide d'espoir spirituel. Dans les années 70, une jeune fille séquestrée et torturée pendant des mois par de mystérieux tyrans réussit à s'échapper de son cachot. 15 ans plus tard, après avoir été soignée dans un hôpital spécialisé, Lucie réussit à retrouver la trace de ses anciens bourreaux. Elle décide de leur rendre visite pour se venger du terrible traumatisme préalablement subi. Sa proche amie Anna va bientôt la rejoindre et constater l'horrible massacre perpétré.
Avertissement, et avant la conclusion de l'article, il est préférable d'avoir vu le film avant de lire ce qui va suivre !
Dès le prologue, âpre et haletant, nous sommes frappés par l'intensité émotionnelle qui en émane. Une jeune fille à moitié nue, lardée de cicatrices et de contusions sur le corps, s'enfuit d'un hangar à pieds nus, l'air hagard et terrorisée ! Ce préambule profondément dérangeant par son réalisme clinique, accentué d'une photographie désaturée, nous averti brutalement de l'austérité monolithique du metteur en scène irascible. Dans une structure narrative consciencieuse, Martyrs nous décrit sans concession le calvaire imposée à deux jeunes filles candides vouées à un destin martyr. C'est d'abord Lucie qui nous est caractérisée après son échappatoire de l'enfer, dans son refuge blême d'un centre hospitalier. Durant ces longues années d'internement, elle établit la rencontre d'Anna, une jeune fille empathique avec qui elle va entamer une profonde amitié. Sans cesse harcelée par ses visions horrifiques se matérialisant par l'épouvantable apparence d'une femme décharnée, Lucie reste profondément traumatisée par sa séquestration alors que les responsables n'auront jamais été retrouvés ni condamnés. Spoil ! Un jour, grâce à une photo d'article parue dans un journal, elle retrouve la trace de ses tortionnaires et décide de leur faire payer son impitoyable fardeau. Après que le massacre eut été commis, elle joint au téléphone sa fidèle amie pour l'avertir de son sanglant exutoire. Alors qu'Anna essaie de calmer Lucie, toujours persécutée par ses hallucinations morbides lui causant diverses scarifications qu'elle s'inflige sur son corps, elle se débarrasse péniblement des corps ensanglantés d'une famille au complet. Dans cette demeure bourgeoise d'apparence docile et vertueuse, on peut parfois entendre du sous-sol les agonies suppliciées de jeunes femmes prises en otage pour le compte d'une obscure confrérie. Fin du Spoil. Cet évènement inopiné va permettre de façon surprenante de relancer l'intrigue dans une épreuve atypique de survie contre la mort au prix de la piété religieuse !
Dans notre paysage hexagonal, jamais un film d'horreur d'une envergure aussi viscérale n'aura autant éprouvé et martyrisé son spectateur. A travers le calvaire jusqu'au-boutiste de deux jeunes filles livrées à elles-mêmes, Pascal Laugier nous emmène au coeur de l'enfer terrestre, dans une abominable expérience incongrue au seuil de l'au-delà. D'une portée mystique universelle que certains auront trouvé absurde (ou ridicule), Martyrs est un poème d'amour (noir) sur la solitude et l'endurance meurtrie de deux acolytes condamnés à souffrir leur désespoir. En prenant le contre-pied du divertissement sardonique gentiment compromis entre le spectateur et le réalisateur (Saw, Hostel et consorts), le réalisateur nous livre sans anesthésie ni complaisance rébarbative des séquences hardcores de violence acerbe infligées sur la victime. D'un réalisme estomaquant parfois insupportable pour les plus sensibles, ces séquences se déroulant durant le second acte nous met dans une situation encore plus gênante qu'au préalable car elle nous impose presque en temps réel le calvaire imbitable entrepris avec une nouvelle victime substituée à Lucie. Si l'on ressort de l'expérience Martyrs si ébranlé et péniblement affecté par la décrépitude autant morale que corporelle de Lucie et Anna, c'est parce que Pascal Laugier prime avant tout sur la psychologie névralgique de ses personnages fragiles et de cette violence putanesque justifiée par la cause d'une bourgeoisie mystique.
Peine d'amour au nom du Martyr.
Fragilisé par le talent ténu de deux actrices dévouées corps et âmes, Martyrs est une forme de chef-d'oeuvre maudit où l'horreur préconçue dépasse sa fonction de divertissement orthodoxe pour en extraire un drame humain profondément bouleversant et inoubliable (autant pour la compassion émise pour nos deux héroïnes que de l'horreur graphique qui en culmine). Nos frêles sentiments mis à nus s'avérant ici écorchés à vif pour mieux nous rappeler à l'ordre que la vie est une inépuisable défiance contre l'affliction. Là où des engeances aristocrates vendent leur âme afin de fuir leur médiocrité vers un ailleurs hypothétique et imprécis... La quête spirituelle de la paix éternelle nous laissant indubitablement dans le questionnement, nous n'avions plus qu'à attendre de rejoindre les suppliciées Lucie et Anna...
A Benoît...
Dédicace à Mathias Chaput
03.10.11
Bruno Matéï
POLEMIQUE: Le 29 Mai 2008, à 13 voix contre 12, la commission de classification des oeuvres cinématographiques avait décidé d'interdire Martyrs aux moins de 18 ans. Suite à cette décision, de nombreuses voix se sont élevées, et une manifestation contre la censure et pour soutenir le cinéma de genre en France, s'était déroulée le 13 Juin 2008 devant le ministère de la culture à Paris. Y étaient présent, le metteur en scène Fernando De Azevedo, l'actrice Morjana Alaoui, ainsi que les membres de l'association du Club du Vendredi 13. Début juin, après que le réalisateur est venu défendre la question artistique de son film, la ministre de la Culture, Christine Albanel, a demandé à la commission une révision du classement, ce qu'elle fit le 1er juillet, en proposant une mesure d'interdiction du film aux moins de 16 ans avec avertissement.
Le point de vue de Olivier Strecker (réalisateur et passionné de cinéma de genre):
"Martyrs" c un film inclassable... au même titre que "baise moi" et "irreversible".... les FX de Benoit lestang sont et resterons mémorables puisque jamais en France personne n'avait créé un "costume" (à l'instar de prods US "hellraiser" ou italienne "La Chiesa" où benoit est d'ailleurs sous "la bête")..... Quant à la superbe musique de Seppuku Paradigm elle reste une des plus glaciale, triste et mémorable dans la tête des fans du genre..... tout ceci fait de "martyrs" une oeuvre à part ! un chef d'oeuvre ? (c quoi d'abord un "chef d'oeuvre "?) en tous cas "martyrs" est et restera une oeuvre majeure dans le cinéma français... on nous a habitué à un cinéma frileux et gracement subventionné pour faire des nazeries... avec plus de 25 ans de ciné en tant qu'exploitant en salles de ciné "martyrs" EST le film de la controverse !!!!! et ça c'est bon..."
Et si je peux me permettre en sus, "martyrs" est une perle rare dans le cinéma français....j'avais les larmes aux yeux sur la scène finale... des larmes pour la violence du film... des larmes pour Benoit...
Mathias Chaput:
Véritable film « coup de poing », « Martyrs » réconcilie avec le cinéma de genre tricolore, jusqu’ici bien moribond…
Laugier parvient à capter la viscéralité de ses personnages de façon si dense et habile que l’on ne peut qu’éprouver une immense empathie pour ces derniers.
Des plans-séquences d’une fluidité hors du commun confèrent à instaurer une grâce rarement atteinte jusqu’alors…
Un vrai électrochoc, mais parfaitement mesuré et exempt du moindre voyeurisme, ici on fonctionne sans parti pris ni scènes outrancières mais bien dans la beauté du décharnement, dans l’accomplissement de deux destinées que tout oppose et sépare, jusqu’à une conciliation du fait des événements, tenants et aboutissants d’une vengeance ancrée à postériori…
Lucie et Anna (jouées magistralement par Mylène Jampanoi et Morjana Alaoui) sont des filles perdues à jamais, confrontées dans une spirale dédalesque où l’issue ne peut qu’être funeste et la souffrance omniprésente…
Mesurant cet aspect de ses personnages, Laugier a pris le choix de jouer la carte de l’émotionnel et le tout fonctionne de façon sidérante !
Il faut y voir un immense professionnalisme de sa part et une originalité s’articulant avec une histoire super casse gueule si on l’appréhende sans talent…
Mais Laugier a su insuffler la grâce par le biais de sa direction d’acteurs, précise et méticuleuse, et par une approche mystique justifiant le dénouement du métrage, bluffant le spectateur par son culot et l’aspect novateur qu’elle procure au genre…
Il n’y a pratiquement rien à redire devant cette maestria cinéphilique, humaine, juste et d’un aspect certes perturbant pour certains, mais qui restera une pierre angulaire du cinéma contemporain, dont on sort « collapsé » et bizarrement, rassuré et vidé…
Une vision expérimentale du septième art en quelque sorte mais en tous points maitrisé via une réalisation épurée et des passage très marquants qui vous hanteront à jamais…
Morjana si un jour tu lis ces lignes, « Je t’aime »…
10/10
chef d'oeuvre viscéral d'une puissance émotionnelle assez rare au cinéma.
RépondreSupprimerfilm surestimée dans un paysage cinématographique morne...
RépondreSupprimerFilm choc qui traumatise à jamais, mis en scène avec les tripes, interprété par des actrices habitées par leurs personnages. Forcément les spectateurs intelligents en sortiront marqués à jamais.
RépondreSupprimerPour les autres, comme cet anonyme aux propos risibles, il reste toujours CAMPING avec Franck Dubosc et mon majeur bien levé qui les accompagne respectueusement, puisque c'est ce genre de commentaire et de réaction qui fait qu'aujourd'hui les producteurs français alignent les merdes cinématographiques qui font notre fierté nationale et probablement la tienne cher anonyme.
Magnifique critique Bruno, d'un vrai passionné éclairé, qui lui aime le cinéma, le vrai, et le défend avec cœur.
Les autres y a aussi le RAID et LE BOULET, alors abstenez-vous de balancer votre haine gratuitement ici pour faire de l'esprit et retournez regarder TF1, où au moins argumentez un minimum (et je reste poli!)
Moi j'ai aimé mais oui c'est un film assez traumatisant, son effet met du temps à se dissiper
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