vendredi 28 avril 2017

ZARDOZ

                                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site cartelesmix.com

de John Boorman. 1974. Angleterre. 1h46. Avec Sean Connery, Charlotte Rampling, Sara Kestelman, Niall Buggy, John Alderton.

Sortie salles France: 13 Mars 1974. U.S: 6 Février 1974

FILMOGRAPHIE: John Boorman est un réalisateur, producteur, scénariste et acteur américain, né le 18 Janvier 1933 à Shepperton (Royaume-Uni).
1965: Sauve qui peut. 1967: Le Point de non-retour. 1968: Duel dans le pacifique. 1970: Leo the last. 1972: Délivrance. 1974: Zardoz. 1977: L'Exorciste 2. 1981: Excalibur. 1985: La Forêt d'Emeraude. 1987: Hope and Glory. 1990: Tout pour réussir. 1995: Rangoon. 1998: Le Général. 2001: Le Tailleur de Panama. 2003: In my Country. 2006: The Tiger's Tail. 2014 : Queen and Country.


En 2293, des survivants de l'apocalypse, les brutes et les éternels, se disputent le pouvoir depuis l'intrusion de l'exterminateur Zed dans le vortex de ces derniers. Semant la zizanie autour d'eux, Zed va tenter de bouleverser les règles de leur hiérarchie en essayant notamment de découvrir qui tire les ficelles derrière le tavernacle. Un cristal démiurge potentiellement créé par des savants fous afin de permettre l'immortalité chez une poignée de survivants rupins. Quand bien même, à l'extérieur du vortex, les brutes perdurent leur génocide auprès des laissés pour compte selon la vocation du dieu Zardoz.  


Trip hallucinogène au sein d'un paysage dystopique surgi de nulle part (ah ce masque de pierre se déplaçant dans les airs, tel un dirigeable, afin de procréer la guerre !), expérience métaphysique sur notre questionnement spirituel et le sens de notre mortalité, Zardoz arbore les thèmes de l'immortalité et de la création divine avec une folie furieuse sans égale. En grossissant le trait de la dérision, le film serait presque un jumelage entre Les Diables de Ken Russel et La Montagne sacrée de Jodorowski ! De par son audace formelle à la fois inépuisable et électrisante, l'excentricité des personnages aux cimes d'une folie collective et par ses thèmes mystiques invoquant un Dieu manipulateur. Boudé par le public et assassiné par la critique depuis sa sortie, alors que son succès en Vhs lui aura pour autant permis d'accéder au rang de film culte (dans le sens étymologique !), Zardoz ne peut laisser indifférent par sa vigueur visuelle "schizophrène" que John Boorman coordonne avec une ambition délurée. Si l'intrigue hermétique se perd un peu en cours de route (la dernière demi-heure part en vrille de manière aussi chaotique qu'effarouchée !) et que son cheminement narratif parfois/souvent elliptique nous donne le vertige par le biais d'indices nébuleux, le spectacle furieusement grisant nous hypnotise les sens jusqu'au semblant de vertige. Certains spectateurs toujours aussi impassibles au programme expérimental ont beau continuer de railler l'accoutrement sexy de Sean Connery en brute virile plantureuse et de conspuer ses figurants bigarrés tout droits sorti d'un "âge de cristal", Zardoz fascine incessamment par sa facture psychédélique éminemment ensorcelante. Quand bien même son thème existentiel opposant la mortalité à l'immortalité sous-entend que l'éternité serait synonyme d'ennui par son absence d'enjeu et d'activités si bien que notre unique destin serait de procréer la vie sur Terre par l'entremise d'une cohésion familiale. La vie sur terre ayant plus de valeur lorsque nous ignorons le temps qu'il nous reste.


Le Magicien d'Oz
Atypique, débridé et désincarné, déconcertant, fascinant et hypnotique, Zardoz demeure un ovni d'anticipation passionnant par sa satire philosophique où la religion et le fanatisme sont ici floués par un maître chanteur (Oz !). L'un des spectacles les plus hallucinants jamais inscrits sur pellicule, un "mad movie" à découvrir de préférence à jeun au risque de flirter avec une douce démence. Il faut le voir pour le croire ! 

Bruno Dussart
3èx

jeudi 27 avril 2017

CHRONIC. Prix du Scénario, Cannes 2015

                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allociné.fr

de Michel Franco. 2015. Mexique. 1h34. Avec Tim Roth, Tate Ellington, Bitsie Tulloch, Maribeth Monroe et Cleo Monroe, Claire van der Boom

Sortie salles France: 21 octobre 2015

FILMOGRAPHIE: Michel Franco est un réalisateur et scénariste né en 1979 à Mexico. 2009 : Daniel y Ana. 2012 : Después de Lucía. 2013 : A los ojos. 2015 : Chronic. 2017 : Las hijas de Abril


Relatant avec une rare pudeur la réalité quotidienne de David, un infirmier auprès du chevet de ces malades en phase terminale, Chronic insuffle un climat déprimant relativement lourd et sans échappatoire. Abordant les thèmes de la maladie, de la solitude et de la mort avec un réalisme quasi documentaire, Michel Franco opte pour une mise en scène clinique afin de plonger le spectateur dans la réalité morose de ces patients extrêmement fragiles quant à leur situation de survie. Parfois éprouvant et blafard par le biais de séquences intimistes d'une intensité dramatique inopinée (leurs crises d'angoisse et leurs symptômes pathologiques que David s'efforce d'assister sans répit), Chronic ausculte leurs derniers instants sous l'assistance de cet infirmier prévenant. Et ce en dépit de l'égoïsme de certains d'entre eux (notamment l'entourage familial) n'hésitant pas à le discréditer pour des motifs personnels d'euthanasie, de déni ou d'insolence colérique.


Au-delà des rapports sensiblement amicaux que se partagent ces malades avec leur aide-soignant, l'intrigue met en parallèle la remise en question de David à reprendre contact avec sa famille qu'il n'a pas revu depuis des années, et ce depuis l'injustice de la mort. Davantage conscient de la fragilité de la vie et de la mort inéluctable que chacun d'entre nous devra un jour traverser, David reprend contact auprès des siens avec une retenue timorée. Taciturne, placide et d'une patience à toute épreuve, Tim Roth se glisse dans la peau de cet infirmier altruiste avec une dimension humaine souvent poignante si bien que derrière sa carrure virile s'y cache une contrariété sous-jacente. Par le truchement de ce personnage aussi volontaire qu'exemplaire, Chronic rend dignement hommage au métier d'infirmier armé de patience et de rigueur morale à s'occuper et se préoccuper des malades dans l'intimité la plus confidentielle (notamment leurs bains de toilette quotidiens). Quand aux seconds-rôles imputés aux grabataires, ils nous bouleversent de manière viscérale par leurs expressions à la fois hagardes et démunies sans JAMAIS s'appuyer sur une sinistrose racoleuse. Sur ce point, Michel Franco frappe juste et fort dans son parti-pris documenté de privilégier coûte que coûte la pudeur au sein d'une quotidienneté souvent mutique où le non-dit prime.


Un film choc mais pudibond sur la fatalité de la maladie létale.
Poignant et bouleversant, dur et difficile, déprimant et pesant, Chronic ne nous laisse pas indemne pour témoigner de la maladie incurable parmi le témoignage impuissant mais empathique du corps infirmier redoublant de tact et modestie à accompagner le souffrant jusqu'au dernier souffle. On sera d'autant plus frappé d'amertume et de morosité quand à la brutalité impromptue de sa conclusion qui en dit long sur l'improvisation de la mort.  

Dédicace à Pascal Frezzato
Bruno Dussart

mercredi 26 avril 2017

LE BAISER DU DIABLE

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

Una vela para el diablo /A candle for the Devil d'Eugenio Martin. 1973. Espagne. 1h31. Avec Avec Aurora Bautista, Esperanza Roy, Judy Geeson, Vic Winner (Victor Alcazar), Lone Fleming, Blanca Estrada.

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Eugenio Martin est un réalisateur et scénariste espagnol, né en 1925 à Grenade. 1983: Sobrenatural. 1965: L'uomo di Toledo. 1966: Les Tueurs de l'Ouest. 1969: La vida sigue igual. 1971: Les 4 Mercenaires d'El Paso. 1972: Terreur dans le Shangaï express. 1972: Pancho Villa. 1973: La Chica del Molino Rojo. 1973: Una vela para el diablo (as Eugene Martin). 1966: Les Tueurs de l'Ouest. 1964: Mes Aventuriers de la Jungle. 1961: Les Corsaires des Caraïbes.


Célèbre pour avoir réalisé le génialement barré Terreur dans le Shangaï Express, Eugenio Martin est également l'auteur d'une petite curiosité ibérique sortie un an plus tard, "Una vela para el diablo" resté inédite dans nos contrées. Propriétaires d'une pension, deux soeurs catholiques sombrent dans la criminalité à la suite de l'exhibition d'une jeune fille en maillot de bain sur le toit de leur établissement. Inquiète de son absence, la soeur de la victime se rend sur les lieux et s'étonne du rigorisme des mégères rivalisant d'intolérance castratrice. 


Série B horrifique dédiée à son ambiance aussi baroque (certains décors domestiques de la pension) que (tantôt) malsaine, le Baiser du Diable puise son charme dans sa facture visuelle typiquement hispanique, à l'instar du trouble et atmosphérique Cannibal Man, et dans la prestance vénéneuse des deux sexagénaires plutôt insidieuses par leur idéologie réactionnaire. L'une d'elle se réconfortant discrètement dans les bras d'un jeune amant de 20 ans d'écart quand bien même l'autre ose secrètement observer les corps dénudés d'ados batifolants dans une rivière. Cette séquence dérangeante s'avère l'épicentre de déviance morale si bien que durant son départ, cette dernière s'écorchera le corps (et ce de manière masochiste !) au moment de traverser un champs semé de ronces. Même si la caractérisation distincte des deux soeurs aurait gagné à être un peu plus étoffée, Eugenio Martin les dirigent tout de même avec suffisamment d'habileté et d'attention pour mettre en exergue leur déliquescence immorale à s'autoriser le crime en guise d'expiation. Jalonné de quelques meurtres parfois sanglants et assez violents, Le Baiser du Diable se permet aussi d'insuffler en fin de parcours un petit suspense oppressant en la présence perplexe de la soeur de la victime en investigation autonome.


La providence du mal.
Réquisitoire vitriolé contre l'obscurantisme et plaidoyer pour l'émancipation féminine au sein d'une société réactionnaire en mutation, Le Baiser du Diable emprunte le genre horrifique parmi l'exploitation d'un gore (gentiment) crapoteux et d'un érotisme polisson issu du roman photo. Une sympathique curiosité au climat d'étrangeté assez séduisant, à découvrir avec attention.

Remerciement particulier à Video Party Massacre

Eric Binford.

mardi 25 avril 2017

MES VIES DE CHIEN

                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site solarmovie.net

"A Dog's Purpose" de Lasse Hallström. 2017. U.S.A. 1h40. Avec K.J. Apa, Britt Robertson, Josh Gad, Dennis Quaid, Peggy Lipton, Juliet Rylance, John Ortiz

Sortie salles France: 19 Avril 2017. U.S: 27 Janvier 2017

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Lasse Haekstrom est un réalisateur et scénariste suédois, né le 2 Juin 1946 à Stockholm (Suède). 1975: A Guy and A gal. 1985: Ma vie de chien. 1991: Ce cher Intrus. 1993: Gilbert Grape. 1995: Amours et mensonges. 1996: Lumièe et compagnie. 1999: l'Oeuvre de Dieu, la part du Diable. 2000: Le Chocolat. 2001: Terre Neuve. 2005: Une vie inachevée. 2005: Casanova. 2006: Faussaire. 2009: Hatchi. 2010: Dear John. 2012: Des saumons dans le désert. 2012 : L'Hypnotiseur. 2013 : Un havre de paix. 2014 : Les Recettes du bonheur. 2017: Mes vies de chien. 2018: The Nutcracker and the Four Realms.


Par le réalisateur de Hatchi, le plus traumatisant des films canins, Mes vies de chien reprend le thème de l'éternelle amitié qui unit un chien et son maître sous le pilier mystique de la réincarnation. Agé de 8 ans, Ethan parvient à convaincre ses parents d'adopter un chien abandonné qu'il prénomme Bailey. Rapidement, un lien amical se tisse entre les 2 compagnons qui mènent une existence paisible, et ce en dépit de l'alcoolisme du père d'Ethan. Contraint de se séparer de son chien durant quelques temps, Ethan est un beau jour alerté par ses grands-parents que Bailey est sur le point de mourir, faute de son âge avancé. Passés les adieux, Bailey se réincarne sous une autre apparence canine afin de vivre une nouvelle existence en compagnie d'un policier et avant de découvrir au fil d'autres réincarnations l'instinct filial d'une retrouvaille amicale indéfectible. Comédie familiale pétrie de bons sentiments, d'émotions et de tendresse, Mes Vies de chien constitue une leçon de vie derrière l'apparence candide d'un chien loyal conscient de l'importance du temps présent et de son entourage familial à travers ses multiples vies.


En dépit de cette incohérence existentielle (il s'avère à mon sens impossible de se remémorer avec autant de précisions nos passés antécédents si on est partisan de la métempsychose, et ce même si parfois l'impression de déjà-vu pourrait nous aiguiller sur cette croyance spirituelle) et de certaines facilités assez conventionnelles (le sketch centré autour de la romance du jeune couple afro-américain), mes Vies de chien joue la carte du divertissement amiteux avec assez d'efficacité pour témoigner de la fidélité légendaire qui unit le chien et l'homme. Outre cette intense amitié que se partagent de prime abord Ethan et Bailey, l'action se renouvelle ensuite assez efficacement par le principe des réincarnations successives que Bailey rencontre lors de conditions de vie hétéroclites. Au passage, le réalisateur en profite pour dénoncer brièvement (et sans complaisance) la maltraitance animale par le biais d'un jeune couple marginal, quand bien même les chiens de sauvetage sont également mis en exergue pour leur rendre dignement hommage (sans toutefois m'étaler sur la polémique d'une condition de tournage). Enfin, l'intrigue culmine ensuite vers une dernière partie résolument émouvante à travers les thèmes de la désillusion et de la rédemption amoureuses. Le temps qui passe inexorablement, le regret de n'avoir pu saisir sa chance au moment propice, l'amertume de la solitude et de la vieillesse, Lasse Haekstrom les abordent avec une prude émotion sous le témoignage amical de Bailey délibéré à combler son maître. Car conscient du poids de la solitude de celui-ci, il se résout à exaucer un voeux inavouable de sa part et lui rappeler le sens de l'existence (concilier l'amour et le partager à son entourage durant nos vies indéfinies) grâce à son exceptionnelle mémoire.


Si tout le périple initiatique de Bailey s'avère gentiment naïf, un brin puéril (renforcé de la voix-off du chien nous exprimant ouvertement ses pensées intimes de manière un peu trop infantile) et que nous sommes à 100 lieux de la puissance dramatique de l'éprouvant Hatchi, Mes Vies de chien insuffle toute de même une tendre émotion autour de l'éternelle fidélité du chien et de son maître. A travers ses retrouvailles à la fois inespérées et bouleversantes, Lasse Haekstrom amorce une poignante émotion en la présence inopinée de Dennis Quaid, presque méconnaissable en sexagénaire esseulé (il n'est âgé que de 63 ans durant le tournage !) car physiquement marqué par les épreuves du temps de son propre vécu. 

Bruno Matéï

lundi 24 avril 2017

SUBWAY. César du Meilleur Acteur: Christophe Lambert

                                                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site alamy.com

de Luc Besson. 1985. France. 1h38. Avec Isabelle Adjani, Christophe Lambert, Richard Bohringer, Michel Galabru, Jean-Hugues Anglade, Jean-Pierre Bacri, Jean Bouise, Jean Reno.

Sortie salles France: 10 Avril 1985

FILMOGRAPHIE: Luc Besson est un réalisateur, producteur, et scénariste français né le 18 mars 1959 à Paris. 1983: Le Dernier combat, 1985: Subway, 1988: Le Grand Bleu, 1990: Nikita, 1991: Atlantis, 1994: Léon, 1997: Le 5è élément, 1999: Jeanne d'Arc, 2005: Angel-A, 2006: Arthur et les Minimoys, 2009: Arthur et la vengeance de Maltazard, 2010: les Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, Arthur 3, la guerre des 2 mondes, 2011: The Lady. 2013 : Malavita. 2014 : Lucy. 2017 : Valérian et la Cité des mille planètes.


Gros succès public en France (2 920 588 entrées), qui plus est couronné de 3 prix aux Césars (Meilleur Son, Meilleurs Décors et Meilleur Acteur pour Christophe Lambert), Subway est la seconde réalisation de Luc Besson. Un néophyte prometteur si bien qu'il nous avait déjà épaté avec le Dernier Combat, aventure post-apo intime incroyablement audacieuse par le choix de sa photo monochrome et le mutisme des comédiens privés de dialogues. Prenant ici pour cadre insolite le métro parisien et ses sous-sols secrètement aménagés par d'étranges marginaux (un culturiste, un voleur de sac, un vendeur de fleurs, des musiciens en herbe), Subway tire parti de son irrésistible charme en la présence attachante de ces comédiens s'en donnant à coeur joie dans la ruse et l'extravagance. Jeu du gendarme et du voleur mené avec beaucoup de fantaisie, d'insolence, d'actions et de décontraction, l'intrigue linéaire se focalise sur les tribulations d'un braqueur de coffre-fort (Christophe Lambert, épatant d'aplomb dans sa bonne humeur expansive !) épris d'amour pour sa dernière victime, la jeune bourgeoise Héléna (qu'endosse gracilement Isabelle Adjani).


Durant ses errances dans le métro, il s'aventure dans les sous-sol pour y faire la rencontre de sdf vivants en marge de la ville. Pendant ce temps, la police tente d'appréhender un cleptomane exerçant ses larcins en patin à roulettes, et Fred, pris à parti avec des musiciens en smoking ainsi qu'un sbire de l'époux d'héléna contraint de le supprimer depuis un racket. Il est étonnant de constater qu'à la vue de son script plutôt frivole, Subway dégage néanmoins un charme capiteux, et ce jusqu'au générique de fin que le chanteur Arthur Simms transfigure mélodieusement parmi son tube "It's Only Mystery". Alternant requête romantique auprès du couple contradictoire Lambert/Adjani et péripéties musclées que se disputent la police avec Fred et ses acolytes, Subway détonne agréablement par sa légèreté cocasse que Luc Besson coordonne avec brio perfectible mais scrupuleux (dynamisme du montage "à l'américaine" en sus comme en témoigne sa bondissante séquence d'ouverture). Politiquement incorrect, notamment lorsqu'il se raille de l'attitude hautaine d'une famille de préfets auquel est invitée Héléna, Luc Besson nous attache à une galerie de marginaux peu recommandables mais terriblement attachants dans leur fonction libertaire de survie teintée de fraternité. Sans jamais se prendre au sérieux, ce dernier parvient efficacement à afficher un ton original lors de leurs pérégrinations quand bien même Christophe Lambert et Isabelle Adjana mènent la danse sous l'impulsion d'un groupe rock en ascension musicale.


Comédie d'aventures à la fois décomplexée et excentrique tirant parti de son attraction par sa simplicité et son dépaysement, Subway demeure un ovni délicieusement rétro au sein de l'époque candide des années 80. Car il n'a en l'occurrence rien perdu de sa fougue, de sa douce folie et de son tempérament insolent sous l'impulsion badine de comédiens déployant une verve ironique en "cool attitude". 

Bruno Matéï
3èx

vendredi 21 avril 2017

PERFECT BLUE

                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de Satoshi Kon. 1997. Japon. 1h20. Interdit aux - de 12 ans.

Sortie salles France : 8 septembre 1999. Japon: 28 Février 1998

FILMOGRAPHIE: Satoshi Kon (今 敏, Kon Satoshi?) est un mangaka et réalisateur japonais, né le 12 octobre 1963 à Kushiro, décédé le 24 août 2010. 1997 : Perfect Blue. 2001 : Millennium actress. 2003 : Tokyo Godfathers. 2004 : Paranoia Agent (Série TV, 13 ép). 2006 : Paprika. 2007 : Ani-Kuri 15 - segment Ohayō (court métrage).


Thriller horrifique où plane l'ombre d'Argento par son thème, son audace érotique et ses meurtres gores stylisés, Perfect Blue constitue une fascinante plongée dans la schizophrénie sous l'impulsion de trois personnages respectivement manipulés. L'illustre chanteuse Mima décide de changer de carrière pour s'improviser actrice. Harcelée par un fan depuis ses rôles lubriques et sujette à un dédoublement de personnalité dans sa nouvelle fonction professionnelle, Mima perd peu à peu le contrôle avec sa réalité quand bien même des membres de son entourage sont retrouvés assassinés. 


A partir d'une intrigue complexe volontairement sinueuse quant aux profils équivoques de deux mystérieux fans obsédés par leur idole, Satoshi Kon décuple trouble et malaise auprès de la fragile Mima partagée entre le doute de rater sa nouvelle carrière et sa remise en question identitaire. Quand bien même les rôles audacieux qu'on lui impute face caméra s'avèrent à la fois provocants (la scène du viol et les photos de nu) et horrifiants (son personnage de tueuse en série sujette au dédoublement de personnalité). Jeu pervers de manipulations que Satoshi Kon coordonne parmi l'alternance vertigineuse de la fiction (une mise en abyme) et de la réalité, Perfect Blue sème une lourde paranoïa auprès de ce trio équivoque si bien que le spectateur en perte de repères ne parvient plus, à l'instar de l'héroïne, à démêler le vrai du faux semblant. A la fois étrangement onirique et morbide, violent et oppressant, Perfect Blue sonde les âmes torturées de ces personnages névrosés avec une diabolique habileté et la volonté de nous confinés lentement dans un dédale schizophrène toujours plus ramifié.


Une expérience schizophrène gigogne. 
Par son impressionnante facture cinégénique de manga et de thriller horrifique intensément troubles, Satoshi Kon cultive un climat anxiogène en roue libre sous l'impulsion de personnages en névrose identitaire avides d'amour et de reconnaissance. A travers leur pathologie bicéphale ou l'obsession, la jalousie et la possessivité se disputent la mise, il en extrait une réflexion sur le fanatisme de la célébrité et la schizophrénie dont certains souffriraient en secret dans leur combat contre leurs démons internes (la peur de l'échec, le manque d'aplomb et de confiance s'opposant au désir d'affirmation et de réussite). Une intense expérience émotionnelle à revoir fissa pour en saisir toute son essence cérébrale et mieux démêler les ressorts psychologiques de chaque victime ballottée entre la folie et la duperie.  

Eric Binford/Bruno Dussart
2èx

jeudi 20 avril 2017

SCUM

                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site dvdclassik.com

d'Alan Clarke. 1979. Angleterre. 1h37. Avec Ray Winstone, Mick Ford, Julian Firth, John Blundell, Phil Daniels, John Fowler.

Sortie salles France: 19 Mars 1980. Angleterre: 28 Septembre 1979

FILMOGRAPHIE: Alan Clarke est un réalisateur et scénariste britannique né le 28 octobre 1935 à Liverpool (Angleterre), décédé d'un cancer le 24 juillet 1990. 1967-1968 : Half Hour History (TV). 1969 : The Gold Robbers (TV). 1969-1970 : The Wednesday Play (TV). 1970 : I Can't See My Little Willie (TV). 1972 : The Edwardians (TV). 1972 : Thirty Minute Theatre (TV). 1972 : To Encourage the Others (TV). 1975 : BBC2 Playhouse (TV). 1977 : Scum (TV). 1978 : Play of the Month (TV). 1979 : Scum. 1970-1981 : Play for Today (TV). 1982 : Baal (TV). 1982 : Made in Britain (TV). 1985 : Billy the Kid and the Green Baize Vampire (TV). 1985 : Contact (TV). 1986 : Rita, Sue and Bob Too. 1987 : Road. 1987 : Christine. 1988 : The Firm. 1989 : Elephant.


Effroyable descente aux enfers au sein d'un centre de redressement anglais, Scum est un uppercut émotionnel comme on en voit peu dans le paysage carcéral. Réalisé sans fioriture dans un style documentaire, interprété par de jeunes débutants plus vrais que nature et évacué de score musical, ce film choc d'une violence parfois insupportable ne nous laisse pas indemne sitôt le couperet de sa conclusion à la fois radicale et profondément pessimiste. Dénonçant les méthodes inhumaines et la corruption de (certains) surveillants castrateurs, Scum constitue un réquisitoire contre le conservatisme et la répression lorsque de jeunes délinquants sont soumis à une hiérarchie aux relents de nazisme. Ces derniers destitués de leur patronyme étant définis par 4 chiffres afin de discréditer leur véritable identité. Tant et si bien que les plus fragiles d'entre eux, tiraillés entre l'épuisement ou la révolte, car humiliés, violés ou violentés, cèdent au suicide en guise de délivrance. Quand bien même les plus pugnaces tentent d'imposer leur autorité afin d'asseoir leur suprématie.


D'une grande intensité dramatique, Scum ne lésine pas sur les affrontements barbares et les sévices sexuels pour mieux dénoncer la déliquescence morale de ces jeunes détenus livrés à la solitude, à l'isolement et à l'embrigadement (celle des cachots en guise de châtiment), et ce sans une once d'empathie de la part des dirigeants convaincus de leur doctrine draconienne. Toujours plus tendu au fil d'un cheminement cauchemardesque en perdition et oppressant par son climat austère irrespirable qu'une photo limpide contraste cliniquement, Scum tire-parti de son efficacité grâce à l'intelligence de sa mise en scène détournant les conventions au sein d'une narration aléatoire. Et ce en dépit des traditionnels confrontations entre têtes de turc qu'Alan Clarke contourne sans esbroufe si bien qu'il préconise l'immersion morale de ces détenus confrontés à l'animosité, à la démence ou à la dépression. Plaidoyer pour la liberté d'expression, Scum interpelle et ébranle face à la situation chaotique de ces mineurs hurlant en silence leur désir de dignité auprès d'un gouverneur impassible.


Impitoyable et sans concession, Scum fustige avec une vérité glaçante l'inefficacité du système carcéral subordonnée à une idéologie aussi rétrograde que tyrannique. Déprimant et nihiliste pour les conséquences criminogènes que cet enseignement dictatorial finit par engendrer (notamment celle de provoquer le suicide), il laisse en état d'aigreur par son irrévocable constat d'échec. 
Pour Public averti


La séquence la + marquante: le suicide insoutenable d'un des jeunes détenus suppliant vainement de l'extérieur de sa cellule un secours de dernier ressort.

Bruno Matéï
2èx
                                                 Ci-dessous, l'affiche française de l'époque.

                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinema.jeuxactu.com

mercredi 19 avril 2017

La Chose / The Deadly Spawn

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Return of the Aliens: The Deadly Spawn" de Douglas McKeown. 1983. U.S.A. 1h21. Avec Charles George Hildebrandt, Tom DeFranco, Richard Lee Porter, Jean Tafler, Karen Tighe, James Brewster, Elissa Neil.

Sortie salles U.S: 22 Avril 1983

FILMOGRAPHIE: Douglas McKeown est un réalisateur et scénariste américain, ne lé 14 Janvier 1947 à New York City, 1983: La Chose.


Hommage aux films de monstres des années 50 à la sauce Tomato Ketchup, La Chose demeure un miracle de série Z que les vidéophiles ont gardé en mémoire avec un souvenir ému. Unique réalisation de Douglas McKeown, La Chose tire-parti de son charme par le côté candide d'une réalisation approximative palliant ses carences techniques et narratives et un jeu d'acteurs amateuristes par le biais d'effusions sanglantes irrésistiblement complaisantes. Le réalisateur ne lésinant pas sur les zooms des chairs entaillées ou corps démembrées afin de provoquer le choc esthétique, à l'instar de nos artisans italiens exploitant en cette époque décadente leurs films de zombies à renfort de gore putassier. En prime, grâce au charisme dismorphique du monstre extra-terrestre nanti de trois têtes et d'une dentition proéminente à plusieurs étages, celui-ci insuffle un pouvoir de fascination prégnant auprès de son apparence hybride. 


Ses nombreuses attaques sanglantes imputées aux occupants d'une demeure familiale s'avérant assez jouissives, notamment lorsque ces derniers tentent maladroitement de lui échapper parmi des instants de panique tantôt hilarantes. On ne manquera pas non plus d'évoquer la fameuse pause déjeuner que des mamies organisent autour d'une réunion amicale quand bien même des petites créatures semblables à des anguilles au dents acérées vont infester la salle à manger pour leur dévorer les jambes et le visage ! Or, au sein de ce chambardement horrifique assez cartoonesque, un ado féru de cinéma d'horreur, membre de la famille assiégée, tentera de détruire le monstre après avoir assisté à ses exubérances sanglantes dans la cave. Etrangement inquiétant et laconique, ce personnage juvénile fascine le spectateur par son instinct voyeuriste à témoigner des exactions de la créature sans cligner de l'oeil (ou alors si peu à une exception près). A la fois observateur ambigu (il semble éprouver une fascination morbide pour les cadavres déchiquetés) et héros vaillant (il canalise sa peur lors de ses confrontations épiques avec le monstre), ce dernier parvient à donner chair à son personnage avec une trouble identité.


En dépit de faibles longueurs facilement pardonnables, de bavardages stériles et d'un montage hasardeux, La Chose s'extirpe miraculeusement de la nullité grâce à l'implication intègre du réalisateur en herbe vouant un amour pour les monstres articulés ici réalisés avec assez de soin pour prétendre à sa voracité. Aujourd'hui encore, et avec un délicieux parfum de nostalgie (comme en témoigne son score monocorde efficacement envoûtant), il n'a rien perdu de son intensité attractive à travers son esprit sardonique aussi généreux que décomplexé. Le terme culte est d'ailleurs approprié afin de mieux définir cette perle gore typiquement bisseuse ! 

La séquence la + marquante: le dîner sanglant chez les mamies

Eric Binford
5èx. 13.02.23. vf

mardi 18 avril 2017

L'ETE MEURTRIER. César de la Meilleure Actrice: Isabelle Adjani.

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Jean Becker. 1983. France. 2h11. Avec Isabelle Adjani, Alain Souchon, Suzanne Flon, Jenny Clève, Maria Machado, Évelyne Didi, Jean Gaven, François Cluzet, Manuel Gélin, Roger Carel, Michel Galabru, Marie-Pierre Casey, Cécile Vassort, Édith Scob, Martin Lamotte.

Sortie salles France: 11 Mai 1983.

FILMOGRAPHIE: Jean Becker est un réalisateur et scénariste français, né le 10 mai 1933 à Paris.
1961 : Un nommé La Rocca. 1964 : Échappement libre. 1965 : Pas de caviar pour tante Olga. 1966 : Tendre Voyou. 1983 : L'Été meurtrier. 1995 : Élisa. 1999 : Les Enfants du marais. 2001 : Un crime au Paradis. 2003 : Effroyables Jardins. 2007 : Dialogue avec mon jardinier. 2008 : Deux jours à tuer. 2010 : La Tête en friche. 2012 : Bienvenue parmi nous. 2014 : Bon Rétablissement ! 2018 : Le Collier rouge.


Gros succès commercial et critique transcendé par la performance viscérale d'Isabelle Adjani si bien qu'elle remporta un an plus tard le césar de la Meilleure Actrice, L'Eté Meurtrier constitue un grand moment de cinéma au sein du paysage français des années 80. D'après le roman éponyme de Sébastien Japrisot, l'intrigue, sombre et désenchantée, est entièrement bâtie sur le profil névrosé d'Eliane, délibérée à accomplir sa vengeance depuis que sa mère lui donna naissance à la suite d'un viol en réunion. Aujourd'hui âgée de 20 ans et à la recherche des trois coupables, elle s'empresse de de prime abord de draguer le jeune "pin-pon" depuis que le père de ce dernier ferait parti des présumés agresseurs. Si l'Eté Meurtrier sous-entend en 1er acte une comédie romantique légère et cocasse flirtant avec la nostalgie des années 70 au sein d'un village provincial ensoleillé, le profil scrupuleux imparti à l'héroïne adopte un revirement autrement obscur et intriguant quant à ses motivations intrinsèques. Par le biais de l'introspection morale d'Eliane en quête d'une impossible rédemption, Jean Becker, très inspiré et avisé, nous brosse un magnifique portrait de femme fragile tributaire d'un passé galvaudé.


Démoralisée par le poids de l'interrogation et d'une certaine culpabilité (celle d'avoir été malgré elle la progéniture d'un père dont elle ignore la véritable identité) et profondément marquée par ses rapports équivoques avec un paternel adoptif plutôt attentionné, Eliane est d'autant plus hantée par la lâcheté de ses parents confinés dans le mutisme et l'inavouable secret. Dans son rôle d'allumeuse à la fois minaude et désinvolte, Isabelle Adjani crève l'écran de la première à la dernière seconde par sa beauté lascive à courtiser la gente masculine avec une effronterie outrancière. Mais derrière l'apparence provocante de son plus simple appareil et son égoïsme se cache l'extrême fragilité d'une écorchée vive incapable d'assumer le deuil d'un viol maternel. Lui partageant inopinément la vedette avec une surprenante spontanéité, le chanteur Alain Souchon insuffle une densité autrement psychologique dans sa fonction d'amant naïf pris au piège d'une effroyable machination et qui, par l'enchaînement des circonstances dramatiques va peu à peu muter pour adopter un comportement irascible inquiétant en larbin délaissé. Captivant et toujours plus intense, le récit charpenté s'avère beaucoup plus leste et surprenant qu'il n'y parait, tant et si bien que les divers rebondissements qui empiètent l'investigation d'Eliane vont décupler l'intensité dramatique d'un effroyable dénouement où les rôles (victime/bourreau) vont subitement permuter.


Une vraie déclaration d'amour à Isabelle Adjani
Au rythme d'une sombre partition de Georges Delerue et de la mélodie attendrissante chantonnée par Yves Montand, l'Eté meurtrier emprunte brillamment le schéma du "rape and revenge" provincial sous l'autorité d'Isabelle Adjani illuminant l'écran avec une sensibilité davantage névralgique. Rien que par sa présence démiurge littéralement ensorcelante, l'Eté Meurtrier extériorise une charge érotique aussi tendre et gracile que diaphane et vénéneuse. Une expérience émotionnelle aiguë, un mélodrame inoubliable d'autant plus sans échappatoire dans sa dramaturgie en chute libre.

Les scènes les + marquantes: Le viol en réunion imposant une violence crue, le banquet des noces teinté de lyrisme et Spoiler !!! la situation schizophrène d'Eliane en institut psychiatrique. Fin du Spoil.

Bruno Dussart
3èx

Récompenses:
César de la meilleure actrice : Isabelle Adjani
César du meilleur montage : Jacques Witta
César de la meilleure actrice dans un second rôle : Suzanne Flon
César du meilleur scénario d'adaptation : Sébastien Japrisot

lundi 17 avril 2017

THE DEVIL'S CANDY. Prix du Public, Gérardmer 2017.

                                                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Sean Byrne. 2015. U.S.A. 1h19. Avec Ethan Embry, Shiri Appleby, Kiara Glasco, Pruitt Taylor Vince, Craig Nigh

Sortie salles U.S: 17 Mars 2017

FILMOGRAPHIE: Sean Byrne est un réalisateur et scénariste australien. Après avoir entamé en 2006 quelques courts-métrages remarqués et un documentaire (The Secret), il dirige sa première réalisation trois ans plus tard avec The Loved Ones. 2015: The Devil's Candy.


Révélé par l'excellente surprise australienne The Loved Ones, Sean Byrne persévère dans le registre horrifique avec le très sympa The Devil's Candy. Une histoire satanique sur fond de musique métal qu'un père et sa fille se partagent passionnément. Un couple et leur fille emménagent dans une vaste demeure où s'est récemment produit un double meurtre. Fan de métal et peintre, Jessie Hellman entame une fresque baroque au moment même d'entendre d'étranges chuchotements. Un soir, le fils de la famille défunte frappe à leur porte pour une raison nébuleuse. Peu à peu, d'étranges évènements vont ébranler leur tranquillité. Série B horrifique d'une durée concise d'1h15 si on fait fi du générique final, The Devils' Candy n'a pas pour ambition de révolutionner le genre mais plutôt de nous offrir un savoureux suspense horrifique sous le pilier d'un schéma narratif particulièrement bien construit.


Empruntant le thème de la possession démoniaque sous l'impulsion agressive de la musique "Metal", The Devil's Candy prête un instant une allusion à Shining pour la caractérisation équivoque du père de famille obsédé à l'idée d'achever une peinture prémonitoire au mépris de l'amour filial. La grande force du film résidant justement dans la caractérisation de cette famille (dysfonctionnelle) de prime abord équilibrée et soudée que les comédiens endossent avec une spontanéité humaine. Bougrement attachants, on suit leur trajectoire indécise avec une angoisse savamment entretenue, et ce jusqu'au point d'orgue littéralement démoniaque. Outre la présence docile d'une épouse autrement prévenante, on apprécie surtout les rapports amicaux toujours plus fragiles que se disputent le père et sa fille depuis que ce dernier souffre d'obsession artistique. Si Sean Byrne ne renouvelle pas le genre en exploitant une intrigue somme toute simpliste, il s'avère suffisamment adroit, inspiré, parfois inventif et surtout intègre pour nous façonner un huis-clos horrifique assez stylisé (photo saturée à l'appui). L'intrusion obscure d'un personnage adipeux des plus dérangeants renforçant notamment le caractère inquiétant d'une stratégie meurtrière où l'innocence sacrifiée prédomine. Réaliste et parfois violent, le film adopte une tournure cauchemardesque de plus en plus oppressante si bien que sa dernière partie épique et flamboyante (saisissantes images de brasier infernale !) insuffle des moments de terreur très impressionnants.


Si The Devil's Candy n'a pas une aussi imposante stature que The Loved Ones, son réalisateur parvient tout de même à en extraire une excellente série B, de par son autorité et son savoir-faire à exploiter dans une facture moderne le combat éternel du Bien contre l'influence de Satan. 

La séquence la + marquante: l'affrontement final dans la maison entre les occupants. Sauvage, intense, réaliste, sans concession et visuellement fulgurant.

Bruno Dussart.

Récompense: Prix du Public, Gérardmer 2017.

samedi 15 avril 2017

KNOCK KNOCK

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

d'Eli Roth. 2014. U.S.A. 1h38. Avec Keanu Reeves, Lorenza Izzo, Ana de Armas, Ignacia Allamand

Sortie salles France: 23 Septembre 2015. U.S: 23 Janvier 2015

FILMOGRAPHIE: Eli Roth est un réalisateur américain, né le 18 Avril 1972 à Boston.
2002: Cabin Fever. 2006: Hostel. 2007: Thanksgiving (faux trailer). 2007: Hostel 2. 2009: Nation's Pride - Stolz der Nation (trailer). 2013: The Green Inferno. 2015: Knock Knock.


                                                                 Chronique express

Une satire sur l'infidélité et le féminisme

Remake du méconnu Ca peut vous arriver demain sorti chez VIP en Vhs à l'orée des années 80, Knock Knock est un thriller à suspense rondement mené sous couvert d'une mise en garde du racket en ligne ! Un jeu sournois de manipulation et de soumission érotiques qu'Eli Roth coordonne efficacement autour d'un huis-clos anxiogène. De par la multitude de brimades et épreuves de survie souvent cruelles qu'endure la victime et le jeu toujours plus psychotique du duo de misandres s'en donnant à coeur joie dans les effronteries sardoniques. En dépit de 1 ou 2 moments à la limite du grotesque (l'intervention du confrère de la victime frôle la cocasserie involontaire dans son affolement outré), du jeu parfois perfectible de Keanu Reeves un peu trop austère dans ses expressions démunies et d'un épilogue un peu décevant nous laissant sur notre faim (même s'il est audacieux de s'écarter du traditionnel happy-end), Knock Knock joue avec nos nerfs avec une perversité en roue libre.

Bruno Matéï

vendredi 14 avril 2017

EDMOND

                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site blog.dnevnik.hr

de Stuart Gordon. 2005. US.A. 1h22. Avec William H. Macy, Frances Bay, Rebecca Pidgeon, Joe Mantegna, Denise Richards, Bai Ling.

Sortie salles U.S: 14 Juillet 2006. France, uniquement en Vod: 1er Juin 2006

FILMOGRAPHIE: Stuart Gordon est un acteur, producteur, réalisateur et scénariste américain, né le 11 Août 1947 à Chicago, dans l'Illinois.
1979: Bleacher Bums (Téléfilm), 1985: Ré-animator, 1986: From Beyond, 1987: Dolls, 1988: Kid Safe: the vidéo, 1990: Le Puits et le pendule, La Fille des Ténèbres (téléfilm), Robot Jox, 1993: Fortress, 1995: Castle Freak, 1996: Space Truckers, 1998: The Wonderful Ice Cream Suit, 2001: Dagon, 2003: King of the Ants, 2005: Edmond, Master of Horrors (2 épisodes), 2007: Stuck, 2008: Fear Itself (1 épisode)


Le pitch:
Lassé de son existence bourgeoise sans histoire, Edmond plaque subitement sa femme pour s'aventurer dans les bas quartiers à la recherche d'une aventure lubrique. Constamment raillé et méprisé par une gente féminine cupide, il finit d'autant mieux par extérioriser sa colère après avoir été agressé par un macro. Gagné par sa bravoure de lui avoir tenu tête, il continue d'arpenter les rues en ayant cette fois-ci la conviction d'être un citoyen en nouvelle révélation identitaire. Seulement, ce dernier, égoïste, raciste, homophobe, pingre et un poil misogyne finit par céder à une folie meurtrière ! 


Film choc d'une extrême violence autant physique que psychologique (d'où son interdiction aux - de 16 ans au travers de deux séquences éprouvantes), Edmond dépeint avec lucidité et vérité humaine le portrait d'un sociopathe en perdition morale. Si Stuart Gordon a délaissé le genre horrifique depuis Dagon, il n'a absolument rien perdu de son brio pour façonner en l'occurrence un film noir des plus dérangeants tant et si bien que son constat sociétale nourrit une réflexion existentielle sur notre propre réussite ou défaite à s'être inséré dans notre société où prime l'élitisme. Descente aux enfers introspective au sein du psyché névrosé d'un cadre supérieur blasé par sa société de consommation et l'esprit d'individualité, Edmond demeure un croisement vitriolé entre Chute Libre, Taxi DriverAfter Hours et à moindre échelle Henry, portrait d'un serial-killer. Stuart Gordon filmant ses errances nocturnes, sa déchéance criminelle et son embrigadement avec un réalisme ardu saupoudré de dérision caustique. Notamment cette dernière partie instaurée derrières les barreaux d'une cellule où Edmond doit peu à peu s'adapter à sa nouvelle existence avec l'appui d'un détenu gay afro-américain. Fort de la prestance névralgique de William H. Macy absolument terrifiant car habité par sa frustration sexuelle et ses pulsions fielleuses, ce dernier nous livre un très impressionnant jeu d'acteur avec une intensité dramatique où perce le désespoir existentiel. A l'instar de sa conclusion métaphysique auquel sa nouvelle remise en question spirituelle nous laisse dans l'interrogation religieuse et un sentiment d'amertume pour sa nouvelle condition introvertie.


"Toute société a les crimes qu'elle mérite". 

D'une noirceur absolue et d'un réalisme glaçant quant au scrupuleux portrait imputé à un sociopathe paumé, Edmond tend à nous interroger sur la responsabilité morale de nos sociétés matérialistes déshumanisant les consommateurs au mépris des plus fragiles risquant parfois de céder à une révolte psychotique. Dès lors, difficile de sortir indemne de ce terrible constat d'échec identitaire. 

Focus sur la séquence la + marquante: les rapports de force psychologiques ULTRA STRESSANTS entre Edmond et la serveuse au sein d'une chambre d'hôtel !

Bruno Matéï
2èx

jeudi 13 avril 2017

LE GRAND INQUISITEUR

                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site orologi.forumfree.it

"Witchfinder General" de Michael Reeves. 1968. Angleterre. 1h26. Avec Vincent Price, Ian Ogilvy, Hilary Dwyer, Rupert Davies, Robert Russell.

Sortie salles France: 10 Septembre 1969. U.S: 14 Août 1968

FILMOGRAPHIE: Michael Reeves est un réalisateur, producteur et scénariste anglais né le 17 Octobre à Sutton, Surrey, décédé le 11 février 1969 à Londres. 1968: Le grand inquisiteur. 1967: La créature invisible. 1966: The She Beast. 1964: Le château des morts vivants (non crédité).


Grand classique de l'horreur britannique confectionné en 1968, Le Grand Inquisiteur fait preuve d'une grande violence pour dénoncer les méthodes sadiennes de chasseurs de sorcières délibérés à débusquer le mal chez d'innocentes victimes dévotes. En 1665, l'inquisiteur Matthew Robbins et son adjoint sillonnent les campagnes anglaises durant la guerre civile. Profitants de ce désordre politique, ils s'en prennent aujourd'hui à un prêtre et à sa nièce depuis que ces derniers ont été suspectés de pactiser avec le diable par la population locale. De son côté, alors qu'il est prochainement chargé de renverser le roi, Richard Marshall apprend que sa fiancée (la nièce du prêtre) est entre les mains du grand inquisiteur. Il part à sa recherche et découvre avec effroi la résultante des châtiments religieux.  


Oeuvre coup de poing si j'ose dire car d'une cruauté inouïe quant à sa représentation graphique d'une violence parfois insupportable, Le Grand Inquisiteur puise son intensité dans son réalisme cru et son refus de concession à mettre en exergue les exactions crapuleuses d'inquisiteurs assouvissant leur perversité au nom de Dieu. Abordant les thèmes de la superstition, du fanatisme religieux et de l'abus de pouvoir sous l'autorité véreuse d'un notable ecclésiastique que Vincent Price endosse avec un cynisme délétère, Michael Reeves souhaite provoquer le malaise pour mieux dénoncer la barbarie de l'inquisition aussi insidieuse que bonimenteuse. A travers une histoire de vengeance tour à tour haletante et vigoureuse, il en profite au passage de brosser le portrait autrement corrompu d'un soldat anglais plongé dans une auto-justice criminelle, à l'instar des bourreaux qu'il traque sans relâche au point d'y perdre son âme lorsqu'il cède à ses pulsions animales. Préfigurant notamment Massacre à la Tronçonneuse avec 6 ans d'avance si je me réfère au zoom final appliqué sur l'expression faciale de la survivante en crise démentielle, faute d'un carnage perpétré sous ses yeux (un massacre à la hache éludé du hors-champs !), Le Grand Inquisiteur nous laisse KO par son constat tragique d'une horreur sociale où personne n'en sortira indemne.


Nanti d'un magnifique score mélancolique composée par Paul Ferris et d'une distribution infaillible menée par l'autoritaire Vincent Price dans une posture aussi impassible que vicié, Le Grand Inquisiteur tire-parti de son intensité dramatique par son réalisme crapuleux étonnamment couillu (le film datant de 1968 !) sous couvert d'un thème religieux où les tortures perpétrées sur l'innocence étaient monnaie courante. A redécouvrir d'urgence si bien qu'à mon sens ce chef-d'oeuvre malsain reste toujours inégalé dans sa scrupuleuse reconstitution. 

Eric Binford.3èx