mercredi 14 novembre 2012

Outland

                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site alapoursuitedu7emeart.over-blog.net

de Peter Hyams. 1981. U.S.A. 1h49. Avec Sean Connery, Peter Boyle, Frances Sternhagen, James Sikking, Kika Markham, Clarke Peters, Steven Berkoff.

Sortie salles France: 2 Septembre 1981. U.S: 22 Mai 1981

FILMOGRAPHIE: Peter Hyams est un réalisateur et scénariste américain, né le 26 Juillet 1943 à New-York (Etats-Unis). 1974: Les Casseurs de Gang. 1974: Our Time. 1976: Peeper. 1978: Capricorn One. 1979: Guerre et Passion. 1981: Outland. 1983: La Nuit des Juges. 1985: 2010. 1986: Deux Flics à Chicago. 1988: Presidio. 1990: Le Seul Témoin. 1992: Stay Tuned. 1994: Timecop. 1995: Mort Subite. 1997: Relic. 1999: La Fin des Temps. 2001: D'Artagnan. 2005: A Sound of Thunder. 2009: Présumé Coupable. 2013: Enemies Closer. 


"Sur la planète Jupiter, des hommes travaillent. La mort aussi..."
Inspiré du Train sifflera trois fois, Outland est un western futuriste dont l'action est délocalisée sur une station minière de Jupiter. Le pitch: Sur place, un nouveau shérif fédéral est recruté pour le maintien de l'ordre pendant que les ouvriers exécutent leur tâche de chantier. Mais une série d'incidents meurtriers vont l'interpeller pour l'orienter vers un démantèlement de trafic de drogue. Le régisseur de ce réseau de métamphétamine décide alors d'envoyer des tueurs pour le supprimer. A travers ce scénario simpliste, Peter Hyams exploite parfaitement l'originalité de ces décors industriels érigés sous une colonie minière en confrontant son héros flegmatique vers un survival intense auprès de son sens du suspense en ascension. Outland, c'est d'abord une immersion totale sur une planète hostile dont le climat étouffant et opaque s'apprivoise naturellement dans l'esprit du spectateur. C'est ensuite une course contre la montre magistralement dirigée et dominée par la prestance du monstre sacré, Sean connery à la sobriété infaillible. Seul contre tous (même si assisté d'une médecin légiste caractérielle), l'homme indéfectible dans ses valeurs devra user de subterfuge et vaillance afin de contrecarrer ses adversaires. 


La densité du récit est notamment impartie à la dimension psychologique de ce personnage intègre, délibéré à retrousser ses manches depuis que ses alliés ont démissionné par preuve de lâcheté. Démuni et dubitatif (sans parler d'une contrariété conjugale aussi poignante qu'attachante !) mais pourvu d'un héroïsme digne pour honorer sa déontologie, Outland transcende le portrait d'un shérif partagé entre sa crainte d'échouer et sa hargne de vaincre. En pourfendeur, Peter Hyams préfigure également l'avènement de la drogue infiltrée au sein de l'entreprise pour mettre en exergue l'exploitation des prolétaires par ces entrepreneurs sans scrupule où le souci de rentabilité prime. Là où des mains d'oeuvre éreintées par un labeur de longue haleine s'approvisionnent en substance illicite afin de pouvoir tenir le coup et ainsi décupler le chiffre d'affaires. La dernière demi-heure particulièrement fertile en péripéties spectaculaires utilise judicieusement le décompte d'un compte à rebours présageant les duels à venir. Tandis que les décors grandioses confinés vers les remparts externes de la station impressionnent par leur réalisme à la fois dantesque et géométrique. L'action impartie aux altercations ne faisant jamais preuve d'outrance en incitant au vertige lorsque notre héros, affublé d'une combinaison, doit s'agripper sur un chantier électrifiée pour tenter de déjouer les assassins confinés en interne de la station.


Dominé par la présence virile d'un Sean Connery pugnace mais humainement indécis à travers son choix cornélien, Outland est un solide western galactique à l'esthétisme hermétique et à l'efficacité narrative redoutable. En outre, il transcende sans esbroufe le portrait d'un héros inscrit dans la probité mais seul contre tous pour attester de la lâcheté de l'homme jamais avare de corruption, même dans l'espace. Un classique toujours aussi magnétique captivant.

*Eric Binford
16.08.21. 5èx
14.11.12.                     

mardi 13 novembre 2012

INSIDE (La Cara Oculta)

Photo empruntée sur Google, appartenant au site tumblr.com

d'Andrés Baiz. 2011. Espagne/Colombie. 1h37. Avec Martina Garcia, Quim Gutiérrez, Clara Lago

Sortie salles France: 4 Juillet 2012

FILMOGRAPHIE: Andrés Baiz est un réalisateur, monteur, scénariste et producteur espagnol, né le
2000: Payaso Hijueputa. 2006: Penumbra. 2007: Satanas. 2007: Hoguera. 2008: Passing By. 2009: Love Film Festival. 2011: Inside.


«Ne détruisez pas l’intérêt que pourraient prendre vos amis à ce film. Ne leur racontez pas ce que vous avez vu. Merci pour eux.» Henri Georges Clouzot.

Passé inaperçu lors de sa discrète sortie dans l'hexagone, Inside est un thriller hitchcockien particulièrement machiavélique et bien ficelé. A travers la relation amoureuse d'un potentiel coureur de jupon suspecté par la police d'être l'auteur de la disparition de sa petite amie, Andrés Baiz débute sa conspiration de manière orthodoxe. L'amant en question est un séduisant chef d'orchestre délibéré à bâcler furtivement son deuil sentimental dans les bras d'une autre conquête féminine, Fabiana. Installée dans sa demeure bourgeoise, la jeune fille ne va pas tarder à être témoin d'étranges phénomènes en interne de la salle de bain. Un bourdonnement se fait écho dans la bouche du lavabo, une eau limpide laisse un sillage au contact inexplicable d'une vibration, alors que le jet de la douche s'élève subitement à une température ardente ! S'agit-il d'une apparition surnaturelle ? Adrian est-il le responsable de ces étranges anomalies et surtout a t'il assassiné son ancienne petite amie ? Bien qu'une enquête sous-jacente suit son court par deux inspecteurs de routine, un astucieux flash-back inopiné nous est divulgué pour mieux comprendre la relation conjugale qu'Andrian entretenait avec son idylle antécédente. Cette réminiscence est illustrée du point de vue d'un seul personnage pour nous dévoiler un rebondissement incongru vis à vis d'une configuration d'un lieu de la demeure (clef à l'appui !).


En jouant de prime abord sur le folklore surnaturel de la hantise, Andrés Baiz renchérit son intrigue indocile au bénéfice d'une soudaine preuve en privilégiant un suspense en crescendo dans la claustration d'un huis-clos bicéphale. ATTENTION SPOILER !!! Sur les thèmes de la jalousie, la suspicion, la rancune et la vengeance, le réalisateur confronte ses personnages féminins à leurs instincts égoïstes les plus pervers pour tenter de s'approprier un amant potentiellement infidèle.
A sa première demi-heure conventionnelle, Inside se révèle ensuite sous un aspect plus détonant dans sa confection d'une machine à suspense implacable. Cette rivalité insidieuse entre deux femmes pugnaces nous illustre avec masochisme un diabolique jeu de miroir au cours duquel leur égotisme intrinsèque va sérieusement compromettre leur autonomie. L'épilogue d'une cruelle ironie dans l'inversion des rôles impartis redouble de perversité sournoise pour extérioriser une rancoeur vindicative. Une manière pernicieuse d'autant plus furibonde que l'amant infidèle sera confronté à une riposte fortuite et devra tenter de découvrir l'utilité d'une clef énigmatique. FIN DU SPOILER


Les Diaboliques 
Dominé par la sobriété des comédiens juvéniles, jouissif en diable dans cette rivalité à double tranchant et davantage tendu par sa claustration imposée, Inside est un excellent thriller utilisant à bon escient le vase clos d'une demeure hantée par le spectre nazi.

P.S: Evitez à tous prix la bande annonce explicite dénuée de scrupule !

13.11.12
Bruno Matéï

lundi 12 novembre 2012

LOOPER

                                     Photo empruntée sur google, appartenant au site cinemateaser.com

de Rian Johnson. 2012. U.S.A. 1h58. Avec Joseph Gordon-Levitt, Emily Blunt, Bruce Willis, Paul Dano, Pierce Gagnon, Piper Perabo, Noah Segan, Jeff Daniels.

Sortie salles France: 31 Octobre 2012.  U.S: 28 Septembre 2012

FILMOGRAPHIE: Rian Johnson est un réalisateur et scénariste américain, né le 17 Décembre 1973 dans le Maryland (Etats-Unis).
2005: Brick
2008: Une Arnaque presque parfaite
2012: Looper


Succès surprise de cette fin d'année, le troisième long-métrage de Rian Johnson est un récit d'anticipation érigé sur une boucle spatio-temporelle. En 2044, le looper, un tueur à gages, est chargé d'assassiner des quidams envoyés du futur par une organisation secrète. Un jour, il retombe sur son double, plus âgé de 30 ans, qui réussit à lui échapper. Joe va tout tenter pour le retrouver au péril de sa vie. Récit de science-fiction dialectique illustrant avec modestie un monde futuriste aléatoire (comme le soulignait par exemple Bienvenu à Gattaca)Looper doit son mérite à la structure narrative d'un scénario aussi finaud et original que confus et passionnant. Sans daigner dévoiler les multiplies rebondissements qui jalonnent l'intrigue, cette série B lestement pensée possède l'atout majeur de nous surprendre au fil de son cheminement sinueux. Parmi l'ambiance en demi-teinte d'une société futuriste totalitaire, un tueur à gages doit combattre son double pour sauver sa propre vie. A contrario, cette réplique plus âgée de 30 ans va tout envisager pour convaincre le looper que sa future destinée amoureuse est mortellement compromise par son supérieur doués de pouvoirs télékinésiques.


Le but de leur mission est donc de retrouver dans l'heure actuelle l'enfant prodige prochainement proclamé le Rainmaker. Ce fameux leader recrutant des loopers du passé pour supprimer les témoins gênants du futur envoyés dans une machine spatio temporelle. On n'en dira pas plus pour l'intrigue savamment charpentée afin d'en préserver toute sa richesse, mais sachez que Looper ne cesse de surprendre dans son contexte temporel, notamment grâce aux attitudes équivoques de nos protagonistes. Cette complexité humaine chargée de doutes et de craintes, impartie à la moralité juvénile de Joe, renforçant l'aspect dramatique du sujet. Cette densité d'un enjeu alarmiste liée à la postérité d'un enfant est décuplée vers son point d'orgue fortuit, engendrant par la même occasion une belle allégorie sur l'éducation parentale Spoiler !!! ainsi qu'une leçon de dignité sur le sens du sacrifice. Fin du Spoiler. Non exempt de cocasserie subtile et de clins d'oeil allusifs à la saga Terminator, Looper fourmille de péripéties haletantes sans toutefois charger la donne dans l'esbroufe explosive. Sur ce dernier point, nombre de spectateurs qui s'attendaient au blockbuster estampillé "Bruce Willis" pourraient être déçus par son aspect dépouillé. Privilégiant plutôt le suspense lattent ainsi qu'une caractérisation de personnages interlopes impliqués dans une traque rivale, Rian Johnson traite de l'enjeu l'humain face à sa filiation lorsqu'une personne est délibéré à prémunir ce qu'il a de plus cher au monde.


Dans une réalisation inventive d'une grande sobriété (les gunfights spectaculaires sont parfois audacieusement édulcorés par la technique du hors-champ !), Looper est une ellipse vertigineuse
culminant vers un final clairvoyant. Emaillé de plages de poésie surnaturelle (les expériences fulminantes de l'enfant chorégraphiées en slow motion) et désincarné d'un environnement aseptisé, Looper transcende (sans fioriture) la prise de conscience d'un orphelin épris d'altruisme dans son cheminement rédempteur.  

12.11.12
Bruno Matéï

vendredi 9 novembre 2012

TRANSAMERICA EXPRESS (Silver Streak)

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Arthur Hiller. 1976. U.S.A. 1h54. Avec Gene Wilder, Richard Pryor, Patrick McGoohan, Ned Beatty, Clifton James, Fred Willard, Len Birman.

Sortie salles France: 24 Août 1977 (1ère diffusion TV TF1: 15 Novembre 1981)

FILMOGRAPHIE: Arthur Hiller est un réalisateur et acteur canadien, né le 22 Novembre 1923 à Edmonton, Alberta (Canada). 
1955: Police des plaines. 1964: Les Jeux de l'amour et de la guerre. 1965: Promise her Anything. 1966: Tobrouk, commando pour l'enfer. 1966: Les Plaisirs de Pénélope. 1967: The Tiger Makes out. 1970: Escapade à New-York. 1970: Love Story. 1971: Plaza suite. 1971: L'Hôpital. 1972: l'Homme de la manche. 1975: The Man in the Glass Booth. 1976: Transamerica Express. 1979: Ne tirez pas sur le dentiste. 1979: Morsures. 1981: Making Love. 1982: Avec les compliments de l'auteur. 1987: Une Chance pas croyable. 1989: Pas nous, pas nous. 1990: Filofax. 1992: The Babe. 1997: An Alan Smithee Film.


Réalisateur éclectique qui aura touché à tous les genres mais aussi apporté sa contribution à diverses séries TV (la Famille Adams, Perry Mason, Alfred Hitchcock présente), Arthur Hiller nous livre en 1976 l'un de ses meilleurs films avec Transamerica Express. Condensé d'action et de suspense, de romance et de comédie mais aussi de catastrophe vers son point d'orgue alerte, cet hommage facétieux aux intrigues hitchcockiennes constitue un divertissement de choix mené sur un rythme effréné ! Avec l'abattage de deux acteurs impayables à la complicité commune (Gene Wilder en gaffeur valeureux et Richard Pryor en cleptomane au grand coeur !), Transamerica Express nous entraîne dans une improbable course poursuite en interne ferroviaire et à proximité de contrées rurales. A bord du Transamerica, George Caldwell, pélerin sans histoire, tombe subitement amoureux d'une jeune secrétaire avant d'être le témoin aléatoire d'un meurtre. Rapidement, les dangereux criminels décident de l'évincer du train afin qu'il ne découvre leur subterfuge à subtiliser un professeur d'art par leur sosie. Pugnace à contrecarrer la manigance des malfaiteurs, George va tenter par tous les moyens d'avertir la police avant de se retrouver suspecté.


Avec l'élaboration d'un scénario solide ne cessant de rebondir parmi une série d'incidents fortuits, cette fantaisie endiablée multiplie les péripéties avec une dextérité peu commune. Avant tout érigé sous la légèreté de la comédie hilarante, le réalisateur ponctue son cheminement narratif de gags irrésistibles (George se maquillant le visage de cirage noir pour éviter que la police ne le reconnaisse, le flic amateur de séries TV incapable de comprendre qui est l'auteur des meurtres, George éjecté du train à trois reprises mais pourvu d'aubaine insensée pour pouvoir remonter à bord !). Mais Arthur Hiller nous conçoit notamment un récit policier ordonné alternant rixes explosives dans ses échanges de tirs entre gangsters et flics et exactions meurtrières pour les individus encombrants. Avec une vigueur et une bonne humeur fringante, Transamerica Express trouve le juste équilibre à affilier ses genres disparates. En prime, la romance allouée entre nos deux amants et son suspense progressiste culminant un dernier enjeu alarmiste vers le principe catastrophiste comblent le spectateur sans jamais faire preuve d'esbroufe inutile. L'intrigue savamment charpentée éludant la moindre digression pour, à contrario, crédibiliser au possible les vicissitudes de nos protagonistes inlassablement pourchassés.


Formidablement manoeuvré par un trio de complices extrêmement attachants (Wilder/Pryor/Beatty) et d'une engeance notable (le génialement pisse-froid Patrick McGoohan !), Transamerica Express est un modèle de loufoquerie mâtiné d'haletant suspense ! Et pour conclure de manière pétulante, son point d'orgue irréversible surprend et impressionne avec l'acuité spectaculaire d'un crash ferroviaire. En résulte un divertissement hybride incroyablement fougueux dans les genres lestement codifiés. Une totale réussite !

09.11.12. 4èx
BM


mercredi 7 novembre 2012

DARK CRYSTAL (The Dark Crystal). Grand Prix à Avoriaz, 1983

Photo empruntée sur Google, appartenant au site morbiusunblog.fr

de Jim henson et Frank Oz. 1982. U.S.A. 1h33. Avec Jim Henson, Kathryn Mullen, Frank Oz, Dave Goelz, Louise Gold, Brian Muehl, Hugh Spight, Swee Lim, Tim Rose.

Sortie salles France: 23 Mars 1983. U.S: 17 Décembre 1982

FILMOGRAPHIE: James Maury "Jim" Henson est un marionnettiste, réalisateur et producteur américain né le 24 Septembre 1936 à Greenville, décédé le 16 Mai 1990 à New-York. Il est le créateur du Muppet Show, de Monstres et Merveilles et des Fraggle Rock (1983 - 1987).
1982: Dark Crystal. 1986: Labyrinthe. Frank Oz (Richard Frank Oznowicz) est un réalisateur, acteur et marionnettiste américain d'origine britannique, né le 25 Mai 1944 à Hereford. 1982: The Fantastic Mss Piggy Show (tv). 1982: Dark Crystal. 1984: Les Muppets à Manhattan. 1986: La Petite Boutique des Horreurs. 1988: Le plus escroc des Deux. 1991: Quoi de neuf, Bob ?. 1992: Fais comme chez toi. 1995: L'Indien du Placard. 1997: In and Out. 1999: Bowfinger, roi d'Hollywood. 2001: The Score. 2002: The Funkhousers (série TV). 2004: Et l'homme créa la femme. 2007: Joyeuses Funérailles.


Le pitchDans un monde inconnu d'une époque indéterminée, deux clans antinomiques, les Skeksès et les Mystiques, se disputent pour la possession du cristal noir. Sur le point de disparaître pour l'éternité, les mystiques demandent l'aide du dernier survivant Gelfing. Jen, un jeune garçon orphelin, est contraint de retrouver un fragment de cristal pour annihiler la confrérie des Skeksès selon une prophétie. Débute alors pour notre héros une longue odyssée semée d'embûches dont les rencontres avec une autre Gelfing et quelques comparses vont pouvoir l'épauler à combattre le Mal. 

Pièce maîtresse de la Fantasy pour toute une génération de cinéphiles, récompensée à juste titre du Grand Prix à Avoriaz un an après sa sortie lucrative, Dark Crystal est avant tout une prouesse technique révolutionnaire. Car pourvu d'un budget pharaonique pour l'époque afin de synthétiser un univers atypique érigé sous le talisman du cristal noir, ce conte horrifique proprement enchanteur est uniquement incarné par des marionnettes élaborées par son créateur de génie, Jim Henson. D'une splendeur visuelle dépaysante de par ces décors extravagants surgis de nulle part, ces costumes flamboyants et le bestiaire de créatures hybrides jamais vues au préalable, Dark Crystal est un raffinement perpétuel pour les yeux. Perfectionnistes jusqu'au moindre petit détail, Jim Henson et  Frank Oz n'ont rien laissé au hasard pour nous émerveiller à travers leur confection d'un univers d'héroic Fantasy où les notions du Bien et du Mal ont une importance universelle. Forêt enchantée à la végétation florissante et à la faune insolite, palais de cristal empreint d'un gothisme baroque auquel des rapaces à forme humaine souhaitent accéder au pouvoir absolu pour leur quête d'immortalité,  Dark Crystal est le combat de deux clans opposés pour la postérité.


Ainsi, le spectacle épique proposé en l'occurrence véhicule autant une poésie gracile confinée vers la féerie que le baroque cauchemardesque parfois emprunt de cruauté (l'essence vitale soutirée aux esclaves, le sacrifice de certaines personnages). Dans cet alliage des genres en demi-teinte y découle une aventure exaltante inscrite dans la notion de sagesse pour la survie du Bien, alors que nos protagonistes se révèlent des pantins actionnés par des artistes prodiges. Cette sensation d'émerveillement nous est donc décuplée via l'animation plus vraie que nature de marionnettes élaborées avec un soin avisé. Chacun des personnages d'ethnie étrangère se distinguant par une apparence symbolique de par leur personnalité contradictoire. Aussi attachants et empathiques pour la communauté docile des Mystiques et des Gelfings que répugnants et effrayants pour ceux des Skeksès et des Garthims (les scarabées géants), leur ressort psychologique est accentué des enjeux alarmistes d'une prophétie basée sur la lumière de trois soleils. La densité de sa structure narrative fertile en péripéties accordant notamment lors de sa dernière partie un enjeu aussi haletant qu'intense (son point d'orgue escompté est un petit moment d'anthologie dans l'action encourue pour tenter de s'approprier le fragment de cristal). Et ce tout en composant des images saisissantes de poésie spirituelle (cristallisés en dieux, les mystiques et les Skeksès ne font plus qu'un pour léguer leur cristal noir à la sagesse des Gelfings). En résulte donc inévitablement une réflexion sur la dichotomie du Bien et du Mal inhérente en chaque être vivant.


Chef-d'oeuvre du fantastique baroque au pouvoir d'enchantement ensorcelant même si sa cruauté peut parfois rebuter les plus jeunes, Dark Crystal demeure une quintessence picturale transcendant tout ce qui fut conçu préalablement sur grand écran auprès du genre chimérique. Quand à sa suite suggérée en 2009 par la Jim Henson Company et potentiellement réalisée par Genndy Tartakovsky, on est toujours en droit de la fantasmer (sa sortie était prévue pour 2011) autant que de la redouter, tant l'exploit initié par Jim Henson et Frank Oz relève du vrai miracle !

RécompenseGrand Prix à Avoriaz en 1983.
Premier prix au Festival international de cinéma imaginaire et de science-fiction de Madrid en 1983.

Dédicace à Daniel Aprin
07.11.12. 5èx
Bruno Matéï

mardi 6 novembre 2012

SAVAGES

Photo empruntée sur Google, appartenant au site affiches-et-posters.com

d'Oliver Stone. 2012. U.S.A. 2h15. Avec Taylor Kitsch, Aaron Johnson, Blake Lively, John Travolta, Benicio Del Toro, Salma Hayek, Sandra Echeverria, Emile Hirsch, Joel David Moore, Demian Bichir.

Sortie salles France: 26 Septembre 2012. U.S: 6 Juillet 2012

FILMOGRAPHIEOliver Stone (William Oliver Stone) est un réalisateur, scénariste et producteur américain né le 15 septembre 1946 à New-York.
1974: La Reine du Mal, 1981: La Main du Cauchemar, 1986: Salvador, Platoon, 1987: Wall Street, 1988: Talk Radio, 1989: Né un 4 Juillet, 1991: Les Doors, 1991: JFK, 1993: Entre ciel et Terre, 1994: Tueurs Nés, 1995: Nixon, 1997: U-turn, 1999: l'Enfer du Dimanche, 2003: Comandante (Doc), 2003: Persona non grata, 2004: Looking for Fidel (télé-film), 2004: Alexandre, 2006: World Trade Center, 2008: W.: l'Impossible Président, 2009: Soul of the Border, 2010: Wall Street: l'argent ne dort jamais. 2012. Savages.


Ils ont disparu. Tout comme moi. Certains disent qu'on est en Afrique, au Kenya, ou sur une île paradisiaque indonésienne. Mais on parle encore de l'herbe de Ben et Chon. il arrive même quelquefois qu'on en trouve sur le marché. C'est ce qu'on a vécu et on ne pourra jamais revenir en arrière.
Ca m'a pris du temps, mais, je me suis remise à aimer la vie. Je ne suis pas sur que l'amour puisse se partager équitablement à trois. Ce n'est pas comme ça que ça marche. 
J'ai cherché la définition de "sauvage" dans le dictionnaire. Ca veut dire: féroce, cruel. Revenu aux instincts primitifs.
Un jour, peut-être, on reviendra... Mais pour l'instant, nous vivons comme des sauvages... De merveilleux sauvages...



Après une succession d'échecs artistiques peu louables, notre pourfendeur Oliver Stone revient plus motivé que jamais avec Savages, adaptation cinématographique du Best-seller de Don Winslow. Western tex-mex au vitriol arrosé d'ultra-violence au tabasco et d'idylle exotique sur fond de trafic de drogue, Savages nous évoque finalement une "true romance" insoluble. A travers une étreinte en trio auquel une jeune femme partage son coeur avec un ancien belligérant d'Afghanistan et un botanique adepte du bouddhisme, Oliver Stone caractérise ses personnages marginaux comme des trafiquants de drogue réputés notoires dans tout l'état. Quand le cartel mexicain décide de leur proposer une offre alléchante pour une affiliation, les deux acolytes décident simplement de s'y opposer. Intransigeante, la matriarche vénale Elena ordonne à ses hommes de main de kidnapper leur petite amie en guise de chantage. Eperdus d'amour pour leur maîtresse, les deux hommes iront jusqu'au no man's land pour récupérer la captive du désert. A partir de ce canevas simpliste mais palpitant, Oliver Stone en extrait un cocktail acidulé pour scander un polar véreux jalonné d'action cinglante mais entièrement dédié à la personnalité de ces marginaux. Mené sur un rythme alerte avec son lot de rebondissements sarcastiques, Savages se positionne en divertissement adulte par son humour noir sous-jacent et sa violence crue à la limite du supportable. D'ailleurs, sous couvert de farce caustique dénonçant l'industrie florissante de la drogue et la dégénérescence morale des deux dealers, le réalisateur en profite pour nous alarmer sur un fait sordide de société tristement actuel. Il signale avec ironie morbide (les tortionnaires sont affublés d'un masque horrifique) une forme de violence toujours plus incongrue chez la pègre mexicaine quand celle-ci n'hésite pas à employer des moyens barbares pour intimider leurs voisins rivaux. C'est à dire trancher la tête de leurs ennemis à la tronçonneuse ou les fouetter à mort jusqu'à l'immolation rédemptrice ! On sera aussi bougrement surpris par son final à tiroirs pourvu de dérision (faussement) rédemptrice et de tragédie irréversible. En prime, l'épilogue empreint d'exotisme édénique conclu magistralement son éthique sur l'autonomie libérale avant l'aspiration du béguin commun.


Avec sa galerie d'antagonistes impudents et crapuleux, décalés et besogneux, les illustres comédiens qui traversent le récit sont particulièrement à la fête pour livrer de savoureux numéros tendance Tarantinesque. Outre le trio imparti par les attachants Taylor Kitsch (Chon), Aaron Johnson (Ben) en dealers pugnaces et leur ravissante compagne Blake Lively (Ophelia) révélée dans The Town, c'est Salma Hayek qui surprend et détonne dans un rôle à contre-emploi. Celui d'une baronne opiniâtre élevée à la tête d'un immense empire depuis le décès de son défunt. Mais une mère à la maternité déchue car discréditée par sa propre fille rebelle. Quand à John Travolta, il s'alloue d'un rôle d'agent des stups plutôt couard et insidieux face à ces complices hétéroclites. SPOILER !!! Et cela en dépit de nous surprendre de façon roublarde dans un revirement fortuit pour la planification d'un fiasco dérisoire ! FIN DU SPOIL. Enfin, la palme la plus persuasive en terme de salopard ignominieux en revient à Benicio Del Toro dans celui d'un odieux trafiquant mexicain. Tortionnaire, violeur et amant infidèle, l'acteur insuffle sa verdeur meurtrière parmi le regard bestial d'un physique buriné !


Polar coloré désinhibé par une insolence gouailleuse et ébranlé par une violence intolérable, Savages est un divertissement débridé transcendant finalement un conte désenchanté. Celui d'une romance inéquitable vouée au diptyque de l'amour, à la manière de cette dense amitié commune partagée entre deux marginaux inséparables, quand bien même  SPOILER !!! leurs sentiments seront contraints de s'éloigner, faute des conséquences irréversibles d'une sauvagerie primitive... FIN DU SPOIL.

06.11.12
Bruno Matéï


lundi 5 novembre 2012

UN TUEUR DANS LA VILLE (The Clairvoyant / The Killing Hour)

Photo empruntée sur Google, appartenant au site Intemporel.com

d'Armand Mastroianni. 1982. 1h37. U.S.A. Avec Perry King, Norman Parker, Elizabeth Kemp, Kenneth McMillan, Jon Polito, Joe Morton.

Sortie salles France: 24 Octobre 1982. U.S: 1985 (uniquement en vidéo)

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Amand Mastroianni est un réalisateur et scénariste américain, né le 1er Août 1948 à New-York. A partir de 1989, l'essentiel de sa carrière est érigée sous le label de télé-films et séries TV. 1980: Noces Sanglantes. 1982: Un Tueur dans la Ville. 1985: Tales from the Darkside (série TV). 1986: The Supernaturals. 1987: Distortions (Machinations). 1989: Cameron's Closet.


Le cadavre d'une jeune femme est repêchée par la police dans un canal new-yorkais. Ce crime est le premier d'une longue série dont l'une des particularité émane des menottes infligées sur les poignets des victimes. La police impuissante patauge par manque de mobile et de preuves, jusqu'au jour où une clairvoyante, étudiantes en beaux arts, ne vienne les épauler avec ses dessins prémonitoires. A l'origine conçu par William Friedkin, cette seconde réalisation d'un vétéran de la TV puise son originalité dans son thème de la prescience et du climat trouble d'une série d'homicides particulièrement cruels. Hormis sa facture télévisuelle et sa mise en scène routinière, Un Tueur dans la Ville réussit facilement à nous tenir en haleine parmi l'efficience d'un script intrigant (entre fausses pistes et romance en trio) et la spontanéité attachante des comédiens de seconde zone. D'ailleurs, pour les fans du délirant Class 84 sorti la même année, ils pourront reconnaître Perry King, l'ancien professeur féru d'auto-justice, reconverti ici en journaliste arrogant et arriviste.


Ce qui interpelle lors de cette investigation criminelle matinée de surnaturel, c'est la cruauté des meurtres accomplis sans concession par un meurtrier sans visage. Ils se révèlent d'autant plus inventifs pour les lieux dans lesquels les victimes sont embrigadées (véhicule, piscine, ascenseur) qu'elles n'ont aucune chance de se dépêtrer des menottes attachées à leurs poignets. Cet effet de claustration est particulièrement bien rendu avec une séquence aquatique auquel un individu tente de s'extraire la tête hors de l'eau en essayant par tous les moyens de se libérer des menottes de sa cheville. Le sentiment d'insécurité est notamment exacerbé par l'éclairage de néons orangers d'une piscine couverte subitement obscurcie de pénombre. Enfin, vers la dernière partie, une séquence de viol particulièrement crue et malsaine n'hésite pas à incommoder le spectateur par son réalisme glauque résultant d'exactions masochistes de tortionnaires. Dans la chambre d'un hôtel miteux, ils s'accordent des jeux sexuels avec le consentement d'une femme menottée jusqu'à lui infliger divers sévices corporels, telle cette torture à la cigarette. L'ambiance feutrée émanant du mutisme des assaillants est également appuyée d'une bande-son bourdonnante. Quand à la résolution de l'intrigue, elle se révèle assez étonnante quant à l'identité du meurtrier ainsi que son mobile imputé à une sinistre affaire crapuleuse.


Agréablement troussé et incarné par d'attachants comédiens, Un Tueur dans la Ville est un curieux thriller qui ne manque pas de susciter anxiété et appréhension face à une énigme particulièrement ombrageuse. A découvrir chez les amateurs de thriller marginal si bien que son ambiance glauque ne manque pas d'intensité pour dépeindre l'opacité d'une cité urbaine rongée par le Mal.

05.11.12
Bruno Matéï