samedi 30 juillet 2011

LEGITIME DEFENSE


de Pierre Lacan. 2010. France. 1h25. Avec Jean-Paul Rouve, Claude Brasseur, Olivier Gourmet, Marie Kremer, Gilles Cohen, Michel Ardouin, Franck Tiozzo

Sortie en salle le 16 Mars 2011.

FIMOGRAPHIE: Pierre Lacan est un acteur, scénariste et réalisateur français
1999: Combien tu m'aimes (court)
2000: Sommeil Profond (court)
2002: Les Corsps solitaires (court)
2004: Frédérique amoureuse (court)
2011: Légitime Défense

                        

Hommage subjectif d'un puriste amateur de polar.
Pour son premier long-métrage, tiré du roman Terminus Plage de Alain WagneurPierre Lacan renoue avec le polar des années 80 avec un ton réaliste sans esbroufe, dans le sillage du cinéma de Alain Corneau, Pierre Granier-Deferre ou encore Maurice Pialat. Il ose confier à son interprète principal, Jean Paul Rouve, un rôle dramatique à contre-emploi d'une surprenante sobriété naturelle.  

Un père de famille inhibé va se retrouver embarqué dans une intrigue criminelle depuis que son paternel, ancien détective privé, a mystérieusement disparu. Recherché par une bande de malfrats véreux, il va devoir faire face à de lourdes responsabilités et découvrir le passé d'un père corrompu.

                           

Baignant dans une atmosphère réaliste et blafarde, Légitime Défense est un louable polar qui tente de renouer avec les ambiances naturalistes d'antan dans une mise en scène froide, sans fioriture, d'une violence tranchante, rehaussant ainsi son caractère austère et abrupt.
L'histoire morose de ce novice père de famille qui va au fil de son cheminement découvrir le sombre passé de son géniteur putassier ose ancrer un récit tortueux, laissant large part au profil de personnages indociles anti conventionnels. Des protagonistes en apparence aimables et dociles mais bonimenteurs, sans scrupule, baignant dans l'illégalité au profit de l'orgueil et la cupidité. Le trio de mafieux incarné par des acteurs au charisme prégnant exacerbe aussi la tension entretenue durant la conduite narrative avant leurs accès de violence incontrôlée d'une brutalité laconique (la cause animale est aussi largement réprimandée !).
Le scénario à l'intérêt constant est suffisamment ordonné pour surprendre en intermittence dans les rebondissements assénés alors que le personnage principal va lentement s'octroyer d'un certain aplomb au fil des déconvenues endurées pour se transformer contre son gré en héros vaillant impromptu. Ce qui permet de culminer vers un point d'orgue haletant, couillu (la scène du nouveau-né en offusquera plus d'un !) particulièrement éprouvant dans les exactions tolérées d'un mafieux cynique prêt à tout pour s'approvisionner d'un butin fructueux.

                         

Il y avait de quoi être dubitatif face au choix fortuit d'un acteur de la trempe de Jean-Paul Rouve, habitué aux rôles de comique saugrenu dans des comédies légères bon enfant. Il trouve ici une composition naturelle surprenant de tempérance dans son esprit flegmatique et semble même rappeler dans sa physionomie candide un monstre du cinéma, Patrick Dewaere. Peu affirmé, discret et effacé face à un monde d'adultes mécréants, il endosse au fil de son initiation une personnalité davantage valeureuse face aux révélations dramatiques qui empiètent sans outrance l'intrigue. On retrouve avec plaisir l'ancien briscard Claude Brasseur endossant le personnage solitaire d'un retraité alcoolique entouré d'animaux de compagnie dans une maison précaire. Bouffi, buriné et lassé d'une vie monotone, son aide fraternelle (implicitement suicidaire) parmi notre héros perplexe amplifie l'ambiance nonchalante, grisonnante qui émane de son identité meurtrie. Enfin, Olivier Gourmet est absolument remarquable dans celui du leader crapuleux sans aucune éthique pour parvenir à ses fins dans la quête frauduleuse d'une valise contenant un budget de 900 000 euros. Impassible, narquois et insidieux, il impressionne avec véracité innée un personnage ordurier avec une foi inébranlable.

                           

Correctement réalisé malgré une inexpérience dans l'action spectaculaire (la course poursuite automobile horriblement mal filmée est dévalorisée par un montage hasardeux), caractérisé par de formidables acteurs à la trogne inflexible, Légitime Défense séduit et surprend dans son caractère rugueux, éludé d'ornement. Le genre de petit polar passé inaperçu qui mérite pourtant que l'on s'y attarde tant il renoue avec respect et sincérité à une époque révolue de film noir ancré dans l'authenticité austère et la verdeur succincte. Et on peut dire que Jean Paul Rouve détonne admirablement dans un rôle en demi-teinte de père discrédité renouant favorablement avec dignité avec l'amour parental.  

30.07.11
Bruno Matéï.

jeudi 28 juillet 2011

Les Nuits rouges du bourreau de Jade / Le Notti Rosse Del Boia Di Jade


de Julien Carbon et Laurent Courtiaud. 2009. France/Hong-Kong. 1h41. Avec Carole Brana, Carrie Ng Ka-Lai, Frédérique Bel, Jack Kao Kuo-Hsin, Kotone Amamiya, Maria Chan Chai-ïng, Stephen Huynh, Tony Ho Wah-Chiu.
 
Sortie en salles en France le 27 Avril 2011.

FILMOGRAPHIE: Julien Carbon et Laurent Courtiaud sont deux réalisateurs et scénaristes français, travaillant en duo à Hong-Kong. 2011: Les nuits rouges du bourreau de Jade.

                                    

Julien Carbon et Laurent Courtiaud sont deux français passionnés de cinéma de genre ayant fondé avec leur leader Christophe Gans une revue de cinéma asiatique, parue en France: HK Orient Extrême. Ils se sont ensuite exilés à Hong-Kong afin d'occuper le poste de scénariste pour le compte de la société de Tsui Hark, Film Workshop. Ils peaufinent donc communément l'écriture de films comme Running out of the Time, Black Door, Black Mask 2 ou encore le Talisman
En 2007, ils se mettent à leur compte pour ériger une maison de production, Red East Pictures, en collaboration avec la réalisatrice Kit Wong afin de pouvoir réaliser leurs propres longs.

Synopsis: Dans le Hong-Kong contemporain, Carrie est à la recherche d'un fameux élixir au poison létal que le Bourreau de Jade détenait à l'époque du 1er empereur de Chine. Il torturait ainsi ses victimes paralysées à l'aide de griffes fourchues en guise de douleurs incommensurables. Catherine, une jeune française recherchée par la police possède ce venin également convoité par un groupe mafieux régit par Mr Ko. Avec la complicité de Sandrine, la fugitive tentera de rencontrer la prêtresse de la douleur sensitive pour y conclure un juteux marché.

                                     

Ca démarre fort avec une séance érotico morbide d'une sensualité formelle. Une jeune asiatique d'une beauté gracile est volontairement soumise pour subir les caprices masochistes de Carrie, femme fascinée par les exactions meurtrières du bourreau de jade. Derrière ce mythe d'une époque ancestrale, cet homme puissant pratiquait sur ses victimes des tortures insensées après les avoir paralysé à l'aide d'un puissant poison inhalé, décuplant ainsi la souffrance offerte aux victimes. Après une mise en scène emphatique savamment concoctée pour séduire les sens corporels d'une jeune désireuse, celle-ci est finalement recouverte sur toute la partie du corps d'un film de latex couleur corbeau. Après avoir enveloppé la témoin de cette combinaison caoutchouteuse, Carrie passe au stade supérieur en obstruant la respiration de la victime et ensuite l'éventrer à l'aide de griffes aussi aiguisées que des lames de rasoir. Le sang velouté s'échappant ainsi douceureusement du corps opaque de la victime transie, livrée à sa guise ! C'est ensuite qu'apparaît Catherine, blonde pulpeuse suspicieuse depuis qu'elle est recherchée pour meurtre par la police hongkongaise. Après avoir dérobé un mystérieux objet dans une antiquité, celle-ci ne soupçonne à aucun moment que le produit en question se révèle être la potion tant fantasmée par la pêcheresse éhontée et certains individus véreux. Dans une ville nocturne fantasmagorique, les deux femmes opiniâtres vont se croiser, se heurter,s'affronter pour une quête suprême et lucrative. 

                                        

Ainsi donc, aans une structure narrative quelque peu désordonnée, Les Nuits Rouges du Bourreau de Jade est avant tout un spectacle esthétique d'une beauté atypique. Somptueux décors baroques et variante de couleurs criardes réunies au sein d'un même décor renvoient bien évidemment au cinéma d'Argento et Bava alors que les protagonistes semblent hérités d'un film d'Alfred Hitchock ou encore de Jean Pierre Melville. Blonde fatale, tueuse sadienne à la perversité sans limite et mafieux sans pitié vont donc s'affronter à travers un jeu de cache-cache nocturne à travers une ville tentaculaire pour le plaisir masochiste du meurtre stylisé. On peut aussi songer dans les péripéties accordées aux serials d'antan, à Fu-Manchu et aux polars hongkongais majestueusement chorégraphiés (tel ce final aléatoire où les ripostes de gunfight sont vigoureusement échevelées). On est aussi admiratif devant la poésie morbide qui émane de certaines scènes gores d'une nuance érotique sous-jacente. Où les corps dénudés, frêles et dociles sont offerts à la guise d'une mégère délétère au sadisme épuré. La réalisation virtuose est consciencieuse, immaculée dans l'art pictural d'y filmer des séances masochistes inscrites sur une facture baroque flamboyante.

Niveau cast, on peut saluer la prestance caustique de Carrie Ng Ka-Lai (The Lovers, City on Fire) car elle envoûte l'écran à chacune de ses exactions perpétrées pour la quête du plaisir à la fois pervers et sadique. Ou lorsque l'acte meurtrier se révèle par son esprit incongru et son charme vénéneux comme un art suprême à part entière. En blonde pulpeuse tout droit sortie d'un suspense Hitchcockien, la ravissante Frédérique Bel possède un charme et une présence charismatique assez particulière dans sa posture altière. La manière dont elle gesticule ses tirades verbales nuit un peu de son honorable prestance parfois même décriée à sa sortie.

                                         

Esthétiquement sublime et enivrant, Les Nuits rouges du Bourreau de Jade est un exercice de style bourré de bonnes intentions à travers son hommage giallesque à tout un pan du cinéma transalpin expatrié ici dans une culture asiatique. Sa narration aurait peut-être dû être un peu plus dense et  ambitieuse mais la puissance érotico-sensuelle de certaines scènes clefs et l'imagerie gore raffinée qui y émanent renvoient aux plus belles heures de gloire d'illustres maîtres comme Dario Argento. Alors que son inopiné final immoral pourra en rebuter plus d'un.

*Bruno
 28.07.11

mercredi 27 juillet 2011

Wolfen. Prix Spécial du Jury à Avoriaz 1982.


de Michael Wadleigh. 1981. U.S.A. 1h54. Avec Albert Finney, Diane Venora, Edward James Olmos, Gregory Hines, Tom Noonan, Dick O'Neill.

Sortie en salles U.S: 24 Juillet 1981. France: 3 Mars 1982

FILMOGRAPHIE: Michael Wadleigh est un directeur de la photographie et réalisateur américain né le 24 septembre 1939. 1970: Woodstock. 1981: Wolfen. 1990: Woodstock: the Lost Performances (vidéo). 1999: Jimi Hendrix: live at Woodtock.

                                       

"Dans son arrogance, l'homme ne sait rien de ce qui, sur terre, défie l'imagination. Une vie aussi certaine que notre mort. Une vie qui se nourrit de nous, comme nous nous nourrissons de cette terre".

Onze ans après son documentaire-fleuve sur le festival de Woodstock — ce fameux rassemblement hippie devenu mythe — Michael Wadleigh réalise en 1981 son unique long-métrage de fiction : Wolfen, adapté du roman de Whitley Strieber. Échec public à sa sortie, faute d’avoir été vendu comme un pur produit d’horreur lucrative, le film séduit pourtant le jury d’Avoriaz, qui lui décerne un an plus tard son Prix Spécial.

Le pitch : à New York, après l’inauguration d’un gigantesque projet immobilier, un homme d’affaires, son épouse et leur chauffeur sont retrouvés sauvagement déchiquetés. L’inspecteur Dewey est chargé de l’enquête, épaulé par une jeune psychologue, spécialiste des profils terroristes. Les premiers indices mènent à une découverte troublante : des poils d’animal retrouvés sur les cadavres. Tandis que les soupçons se tournent vers la population amérindienne du Bronx, un spécialiste des loups est appelé en renfort.

                                  

Sorti en pleine frénésie lycanthropique — juste après Hurlements et Le Loup-Garou de LondresWolfen déroute une partie de son public, sans doute en quête de maquillages spectaculaires et de métamorphoses épidermiques. Que nenni : Wadleigh choisit la voie de la suggestion, du silence et de la brume. Loin des éclats de latex, le film privilégie la lente montée du malaise et s’appuie sur un suspense policier doublé d’un sous-texte socio-écologique poignant : celui d’une nature méprisée, ravagée, oubliée par une civilisation moderne obsédée par le béton et la verticalité. Avec pudeur et gravité, Wolfen rappelle la relation sacrée entre les Indiens et les loups, deux espèces traquées, presque éteintes, depuis l’arrivée des Européens.

Le prélude, anxiogène et tranchant, nous entraîne dans une virée nocturne où un notable, sa femme et leur chauffeur sont brutalement fauchés par une présence invisible, tapie dans l’ombre d’un parc désert. Le lendemain, la police dépêche l’inspecteur Dewey, qui s’adjoint une psychologue aussi cérébrale qu’intuitive. Après avoir suspecté la nièce de Van der Veer, une militante radicale, l’enquête bifurque vers le terrain du bestial : un expert animalier identifie les poils retrouvés comme appartenant à un mammifère sauvage. Le doute s’installe, l’étrangeté s’infiltre.
                                    
Avec une économie de moyens et l’intelligence d’un scénario charpenté, Wolfen cherche à éveiller les consciences sur la précarité des communautés amérindiennes, autrefois liées aux loups dans un pacte ancestral de survie et de respect. Ces peuples furent brisés, leurs terres profanées, leurs totems abattus. Mais les loups, demi-dieux aux instincts fuyants, trouvèrent refuge dans les friches, les ruines, les interstices oubliés de la ville. Là, dans les taudis éventrés, ils réaffectent leur territoire, défendent les vestiges d’un monde disparu — jusqu’à sacrifier les corps superflus : les malades, les corrompus, les dominants.

                                         

Pour traduire cette présence diffuse et menaçante, Wadleigh déploie un dispositif visuel novateur : caméra subjective, steadycam, louma... et surtout cette vision thermique qui épouse le regard animal. À travers leurs yeux, les corps humains deviennent des halos de chaleur, des masses colorées en mouvement, des proies palpitantes dans un monde devenu hostile. Chaque bruit, chaque respiration, chaque pas devient perceptible — une sensation d’alerte sensorielle, d’immersion totale.

Au-delà de cette enquête captivante, fertile en détails scientifiques et en détours imprévus, on retient une séquence d’anthologie : une meute encerclant les protagonistes en pleine zone urbaine, point d’orgue tendu, presque métaphysique. La production, malgré son ascétisme, impose ici un effet gore spectaculaire qui accentue la brutalité de l’estocade à venir. Mais c’est ailleurs que Wolfen touche au sublime : dans la manière dont Wadleigh filme les loups, créatures à la beauté sauvage, au regard perçant, quasi surnaturel. Des images somptueuses, éthérées, traversées d’une grâce crépusculaire.

L’intensité émotionnelle du film naît de cette fragilité latente — celle des loups, celle des hommes en marge, celle des cultures effacées — et de leur quête désespérée de reconnaissance. Wolfen, film spectral, oublié à tort, hurle en sourdine la fin d’un monde que nous n’avons pas su entendre.

                                      

"Wolfen ou la mélancolie des prédateurs sacrés".
Superbement réalisé, Wolfen s’élève sous les nappes inquiétantes et sensibles de la musique de James Horner, comme un murmure ancestral porté par le vent des ruines. Dominé par le charisme calme d’Albert Finney, le film incarne avec une élégance grave le Fantastique cérébral — celui qui pense, qui observe, qui se souvient.

Fable moderne et intuitive, Wolfen plaide la cause d’un canidé mystique, sentinelle de la nature trahie, messager d’un équilibre oublié. Son discours écologique, enraciné dans une spiritualité sauvage, rejoint la douleur silencieuse d’un génocide effacé — celui des peuples premiers. Ce double deuil, animal et humain, tisse une œuvre désenchantée, mais salutaire, à la beauté étrange et pénétrante.

À la fois sensible et tragique, Wolfen nous parle d’un monde en perdition avec une poésie sourde, presque chamanique. Chef-d'œuvre oublié, il laisse derrière lui une trace indélébile, empreinte d’une mélancolie écolo-humaniste dont la génération 80 ne s’est, sans doute, jamais tout à fait remise.

*Bruno
31.12.19
27.07.11



lundi 25 juillet 2011

Le Sang des Templiers / Ironclad


de Jonathan English. 2011. Angleterre/U.S.A/Allemagne. 2h01. Avec James Purefoy, Brian Cox, Derek Jacobi, Kate Mara, Paul Giamatti, Charles Dance, Mackenzie Crook…
Sortie en salles France le 20 Juillet 2011. U.S.A le 26 Juillet 2011.

FILMOGRAPHIE: Jonathan English est un réalisateur, scénariste et producteur anglais.
2002: Nailing Vienna. 2006: Minotaur. 2011: Le Sang des Templiers

                                         

Basé sur de véritables faits historiques, Jonathan English retrace pour son troisième long-métrage la révolte des barons anglais contre le roi Jean sans Terre, retranchés héroïquement dans son propre château pour repousser des belligérants toujours plus nombreux. 

En 1215, contraint de signer la Magna Carta — charte libertaire arrachée pour le peuple — Jean sans Terre, humilié, ronge son orgueil et prépare sa revanche. Bientôt, flanqué de mercenaires, il marche sur Londres. Mais un obstacle colossal se dresse : son château de Rochester, aux mains du baron Albany et d’une poignée d’insurgés dirigés par un chevalier templier. La bataille sera âpre et sans répit.

                                              

À feu et à sang ! Voilà ce qu’il reste gravé au fer rouge après ce spectacle de série B à la barbarie inouïe. En ressuscitant cet épisode du XIIIᵉ siècle où quelques barons et rebelles tinrent tête à une armée de soudards, Le Sang des Templiers s’impose comme une agréable surprise. Loin de rivaliser avec les monuments du genre — Braveheart, Le Dernier des Mohicans, Rob Roy — et malgré une densité dramatique parfois vacillante dans le jeu des interprètes, Jonathan English recrée un Moyen Âge rugueux avec un soin d’authenticité qui force le respect. Servi par une photo désaturée, les décors naturels et les pierres ancestrales écorchées par la violence respirent la poussière et la sueur. Les uniformes crasseux, les armures poisseuses de sang, l’acier qui mugit dans l’air : tout participe à l’esthétique brute d’un champ de bataille saisi à hauteur d’homme. La force du récit jaillit de l’enjeu vital : tenir le château pour défendre la liberté arrachée à la Magna Carta. Chaque assaut, chaque plaie ouverte, chaque jet de sang sert cette lutte à mort — jamais la surenchère gratuite.

                                            

Et quelle sauvagerie ! Les scènes de siège, nerveuses mais lisibles, déversent une violence féroce, parfois malsaine, rarement égalée dans le genre médiéval. Plaies béantes, membres tranchés, langue arrachée façon La Marque du Diable, décapitations, viscères répandus, et même un corps fendu dans le sens de la longueur — clin d’œil inversé à Amazonia de Deodato ! Rien de racoleur pourtant : la cruauté se déploie avec un réalisme sec, sans que les quelques effets numériques ne trahissent le choc organique. C’est ce cachet brut, ce réalisme tranchant et la vigueur du récit qui donnent à Le Sang des Templiers son souffle héroïque et sa force ludique. Un hommage sans emphase à ces insurgés anglais qui sacrifièrent tout pour contenir le tyran.

                                         

Confectionnée sans prétention, cette série B sanglante comblera l’amateur d’épopée sale et viscérale. Hormis un jeu parfois trop sobre, le film assume son premier degré et exploite ses moyens avec une honnêteté précieuse. Sans atteindre les sommets de la grande fresque, son rythme soutenu et sa brutalité rugueuse suffisent à faire battre le cœur.

25.07.11
Bruno 

samedi 23 juillet 2011

THE WOMAN


de Lucky McKee. 2011. U.S.A. 1h47. Avec Angela Bettis, Pollyanna McIntosh, Sean Bridgers. Sélectionné au Festival de Sundance 2011.

FILMOGRAPHIELucky McKee est un réalisateur, scénariste et acteur américain né le 1er Novembre 1975 à Jenny Lind (Californie). 2002: All Cheerleaders Die (Dtv, co-réalisateur), May. 2006: Master of Horror (1 épisode), The Woods. 2008: Red, Blue Like You. 2011: The Woman

                                      

ATTENTION ! IL EST PREFERABLE D'AVOIR VU LE FILM AVANT DE LIRE CE QUI SA SUIVRE !Après un bouleversant coup de maître sublimant le portrait chétif d'une jeune schizophrène (May) et un conte onirique inspiré par Suspiria mais inachevé de par ces ambitieuses intentions (The Woods),  Lucky McKee nous revient avec un nouveau métrage sulfureux si bien qu'il secoua une partie du public durant sa projection sélectionnée à Sundance. Réputé pour son extrême violence, The Woman est une collaboration avec le romancier Jack Ketchum (The Host) traitant des rapports conjugaux, de la place de la femme au sein de notre société machiste évoluant ici dans un climat tendu hautement malsain. Christopher Cleek est un avocat marié à une épouse modèle et père de trois enfants. Un jour, alors qu'il part à la chasse, il rencontre une femme subsistant à l'état primitif en plein coeur d'une forêt sauvage. Il décide de la kidnapper pour la ramener à la maison et l'éduquer à sa manière.

                                           

Après moults rumeurs sur sa violence réputée extrême et son caractère misogyne décrié par certains,  The Woman aura réussi à provoquer un véritable buzz. Relativisons tout de même auprès de cette violence si diffamée au festival de Sundance car si son réalisme s'avère aussi rigoureux, il est avant tout d'ordre psychologique par le biais des mentalités refoulées. En l'occurrence, nous sommes loin d'être face à un tortur' porn mercantile célébré par Saw et consorts afin de contenter un public d'ados avide de surenchère. Lucky McKee, plus furibard que jamais, souhaitant choquer et provoquer le malaise auprès des portraits fébriles de ces personnages en proie à des décisions morales à la fois drastiques, épineuses, équivoques. En prenant comme idée de départ le kidnapping incongru d'une sauvageonne vivant recluse dans une nature sauvage, le réalisateur décrit son ravisseur comme un aimable avocat d'apparence tolérant et respectable en dépit de l'audace insensée de son rapt. Destituée de sa liberté la victime se retrouve vulgairement enchaînée au fond d'une cave, tel un animal de foire que l'avocat va tenter de dompter avec virile autorité. Durant cet endoctrinement à la soumission et à la sagesse, Lucky McKee ausculte de façon aussi bien réaliste que saugrenue le portrait interne d'une cellule familiale orthodoxe. Mais en y regardant de plus près, cette famille modèle si idéalisée à travers leur société puritaine va être en proie à un règlement de compte moral, notamment auprès de leur fille aînée introvertie, du frère interlope (dans son voyeurisme pervers) et de la mère en instance de rébellion.

                                      

Ce tableau à la fois macabre et caustique de ce système dysfonctionnel culmine ensuite vers un déchaînement de violence sanglante à la limite du supportable. Parce que le sentiment haineux de l'injustice trop longtemps intériorisée (la fille, le frère, la mère) va exploser de façon frontale, jusqu'au-boutiste, afin d'extérioriser leur révolte auprès du sur-ego de l'homme tributaire de sa doctrine bien pensante. Niveau casting, on peut saluer la performance de l'impressionnante Pollyanna McIntosh, saisissante d'instinct bestial dans sa posture ombrageuse rehaussée d'une carrure robuste en tant que virago. Son regard sombre et insidieux à la rage contenue par la claustration magnétisant l'esprit du spectateur. Celui-ci déstabilisé s'éprend malgré tout d'empathie à sa fonction soumise puisque réduite à l'état d'esclave pour le compte d'un père de famille misogyne. Sean Bridgers  endosse le patriarche à travers une déliquescence morale dans son mépris pour la gente féminine. Un personnage perfide sidérant d'autorité sadienne auquel son jeune fils influant semble également suivre la même déviance pathologique.

                                         

Portrait craché d'une famille modèle
Dans un climat malsain probant résolument dérangeant, The Woman demeure un éprouvant  pamphlet contre une bourgeoisie patriarcale rattachée aux valeurs conventionnelles de l'Amérique. Satire incisive sur cette société bien pensante nous démontrant ici avec force et réalisme que l'être le plus primitif s'avère finalement plus autonome et intègre que l'homme érudit assoiffé de luxe dans son goût matérialiste. Lucky McKee illustrant également avec sensibilité le malaise filial qui en émane faute de cette démission parentale à l'instinct pervers. Scandé d'une BO rock alternative, The Woman constitue un grand film malade sur l'implosion de cette cellule familiale à travers l'inégalité des sexes et le voyeurisme d'une progéniture livrée à sa fascination pour une violence punitive. 

* Bruno
24.07.11

vendredi 22 juillet 2011

LA CIBLE HURLANTE (Sitting Target)

     

de Douglas Hickox. 1972. U.S.A/Angleterre.1h33. Avec Oliver Reed, Jill St. John, Ian McShane, Edward Woodward, Frank Finlay, Freddie Jones, Jill Townsend, Robert Beatty, Tony Beckley, Mike Pratt, Robert Russell.

Sortie salles U.S.A. le 19 Juin 1972

FILMOGRAPHIE: Douglas Hickox est un réalisateur britannique, né le 10 Janvier 1929 à Londres, décédé le 25 Juillet 1988.
1959: Behemoth the sea Monster (coréalisé avec Eugène Lourié), 1963: It's All Over Town, 1964: Just for you, 1969: Les Bicyclettes de Belsize, 1970: Le Frère, la soeur et l'autre, 1972: La Cible Hurlante, 1973: Théâtre de sang, 1975: Brannigan, 1976: Intervention Delta, 1979: Zulu Dawn, 1983: Le Chien des Baskervilles (télé-film), 1984: The Master of Ballantrae (télé-film), 1985: Blackout.

                        
Hommage subjectif d'un puriste amateur de polar.
Vétéran du cinéma de genre adulé par des fans de tous bords, Douglas Hickox nous aura offert au moins trois réussites distinctes durant sa brève carrière éclectique. Théâtre de Sang, Zulu Dawn et enfin le titre qui nous intéresse ici, La cible Hurlante, dont je vais m'efforcer de rendre hommage avec le plus de respect méritoire. Polar majeur des années 70 honteusement ignoré de nos jours, cette oeuvre fondamentale du genre policier, superbement interprétée et passionnante, baigne continuellement dans un nihilisme prégnant sans aucune échappatoire.

Harry est emprisonné dans une prison anglaise depuis plus de 10 ans. Dans le parloir, durant une discussion avec sa femme, celle-ci lui avoue envisager de le quitter depuis qu'elle est enceinte d'un quidam qu'elle a rencontré durant sa longue absence. Fou de rage, Harry brise la vitre du parloir pour assaillir son épouse et l'étrangler sauvagement. Rapidement maîtrisé par les gardiens, il repart en cellule d'isolement en guise de blâme. Après avoir mûrement réfléchi, aidé de deux comparses, le mari haineux de jalousie est déterminé à s'évader du pénitencier pour jurer d'assassiner sa femme.

                                 

Ca démarre sur les chapeaux de roue avec une violente rixe parmi un couple en implosion au coeur d'un parloir entre détenus pour ensuite suivre l'évasion spectaculaire de trois prisonniers qui auront consciencieusement préparer leur fuite. Un morceau d'intense suspense, réalisé avec précision et minutie alors que quelques incidents aléatoires scrupuleusement plausibles, notamment favorisés par la détermination sans faille des personnages, vont culminer leur objectif dans un point d'orgue vertigineux à couper le souffle !
Après cette évasion réussie, Harry s'investit immédiatement dans sa mission à haut risque d'assassiner sa propre femme devenue infidèle. Avec son complice Birdy, les deux hommes vont être mêlés à un concours de circonstances rarement favorables pour leur quête personnelle et cette folle liberté tant escomptée.

                                  

Dans une photographie blafarde au coeur de l'urbanisation d'une cité industrielle en décrépitude, Douglas Hickox nous entraîne dans un polar brutal implacable. Une traque saugrenue entrepris par notre anti-héros rongé par la trahison conjugale dont le scénario à peine probable dans les exactions encourues relèvent facilement du suicide implicite.
Dominé par l'orageuse prestance de Oliver Reed en taulard fou amoureux mais empli de haine et de violence contre sa dulcinée, son cheminement funèbre va malencontreusement laissé derrière sa carrure robuste quelques cadavres sans qu'un quelconque état d'âme ne vienne le rappeler à la raison. Inflexible, austère et dénué d'une quelconque absolution, l'acteur inné pour ce rôle irascible hypnotise l'écran de sa posture râblée. Alors qu'il laisse finalement transparaître au moment opportun une certaine lamentation, une amertume désespérée face à l'échec de son idylle mécréante.
Avec l'assistance de son acolyte Birdy Williams, formidablement interprété par le charismatique Ian McShane, nos deux malfrats chevronnés n'ont donc aucune éthique ni repentance pour commettre leur méfaits meurtriers auquel quelques innocentes victimes feront les frais de leur acerbe motivation.
Marginaux véreux, gardiens corrompus, putes effrontées et mesquines, gangsters égotistes s'agencent et se fondent dans un récit âpre et violent, haletant et impondérable, d'où pointe de façon sous-jacente le désespoir d'un amour insoluble et déchu.
On sera tout aussi estomaqué de suivre son point d'orgue jusqu'au-boutiste avec un coup de théâtre perfide que personne n'aura vu venir. Tandis que l'épilogue cruellement cathartique va enfoncer un peu plus le clou et achever cette love story galvaudée dans une mélancolie condamnée.

                                   

Superbement maîtrisé dans une réalisation rigoureuse et dominé par des interprètes notables aux gueules burinées criant de charisme viril, La Cible Hurlante est un modèle du polar brut ne relâchant jamais d'une seconde sa tension latente. Remarquablement construit dans sa narration indocile, rythmé de trépidantes scènes d'actions acérées et bénéficiant d'un score jazzy aux accents transalpins de Stanley Myers, cette oeuvre opaque nous plaque au fauteuil avec une audacieuse subversion.

22.07.11
Bruno Matéï.




jeudi 21 juillet 2011

Red Hill


de Patrick Hughes. 2010. Australie. 1h33. Avec Ryan Kwanten, Tommy Lewis, Claire Van Der Boom, Kevin Harrington, Steve Bisley.

FILMOGRAPHIE: Patrick Hughes est un réalisateur australien. 2000: The Director (court-métrage). 2001: The Lighter (court-métrage). 2008: Signs (court-métrage). 2010: Red Hill.

                               

Produit par le réalisateur de Wolf Creek et Solitaire (Greg McLean), ce premier long-métrage de Patrick Hughes tente d'affilier le western ancré dans notre époque contemporaine avec le thriller tendance horrifique parmi la présence d'un tueur méthodique et spectral.

Synopsis: Shane Cooper est un jeune flic débarqué dans une petite contrée de l'Australie, Red Hill, parmi la compagnie de sa femme enceinte. Après avoir rencontré le shérif local, quinquagénaire robuste en lisse électorale, Shane apprend par un adjoint la fuite d'un dangereux détenu, Jimmy Conway, coupable de l'assassinat de sa femme. Une traque sauvage est alors engagée par les forces de l'ordre épaulées de quelques citadins justiciers.

                               

Tourné en à peine un mois de manière indépendante, Red Hill est une série B peu ordinaire dans son alliage des genres western + thriller. Car en dépit d'un scénario classiquement structuré et facilement prévisible, cette histoire de vengeance réussit malgré tout à surprendre dans sa manière d'y façonner son récit pour rendre hommage au western classique situé dans notre époque contemporaine. Avec en prime cette ambition insolite d'y inclure un personnage iconique interlope, véritable exterminateur inflexible. D'ailleurs, sa première apparition à l'écran se révèle l'une des scènes les plus impressionnantes du film tant sa posture buriné d'aborigène patibulaire au visage à demi brûlé renvoie à l'icône horrifique tout droit sorti d'un slasher autoritaire ! De prime abord, ce tueur glacial semble s'être échappé uniquement pour décimer tous les flics de la région si bien qu'il laissera la vie sauve à un couple de retraité en préambule de ces actes criminels. Shane, jeune flic novice, courageux et déterminé, est sur le point de l'appréhender mais son rival impassible réussit à l'intimider d'un simple regard létal.

                               

Le scénario convenu est donc loin d'être le pari gagnant d'une histoire éculée traitée à foison dans les classiques du genre. Mais pour une première réalisation, Patrick Hughes réussit honorablement à apporter suffisamment de densité pour le profil de notre preux héros tributaire de ces supérieurs véreux en y calibrant adroitement des scènes d'action violentes et spectaculaires. Quand bien même l'esthétisme crépusculaire des images poétiques d'une beauté opaque sensuelle participe beaucoup au climat insolite, clairsemé qui en découle. De surcroît, la photographie désaturée  amplifie ce sentiment fantasmagorique auquel même à deux reprises une panthère noire s'aventurera auprès de nos antagonistes. Comme si ce félin hostile eut prophétisé la revanche d'un fantôme meurtri par la haine de la violence et de la xénophobie.

                              

Nanti d'une mise en scène plutôt soignée (même si perfectible) et de dialogues assez balisés, Red Hill est une étonnante découverte parvenant dans sa forme à offrir un western classique dans un moule inhabituel de mystère sous-jacent et d'insolite palpable. La prestance frugale d'honnêtes comédiens et surtout la caractérisation funèbre du personnage patibulaire féru de vengeance privilégient une dimension horrifique prégnante au sein de ce western moderne à la personnalité propre. En prime, son final révélateur, escompté mais cependant audacieux, se révèle intense et poignant en réussissant à provoquer une émotion empathique sans l'ombre du pathos. Un ultime acte décisif mis en suspension avant que la véritable victime est à deux doigts de plonger dans les ténèbres. 

*Bruno
21.07.11

mercredi 13 juillet 2011

De sang froid (The Boys Next Door)

                                          

de Peneloppe Spheeris. 1984. U.S.A. 1h30. Avec Maxwell Caulfield, Charlie Sheen, Patti d'Arbanville, Hank Garrett, C Dancer Paul, Richard Pachorek, Lesa Lee, Kenneth Cortland.

Sortie en France le 27 Mai 1987 avec mention: Interdit au moins de 18 ans.

FILMOGRAPHIE: Penelope Spheeris est une réalisatrice, scénariste, actrice, productrice, directrice de la photographie et monteuse américaine née le 2 Décembre 1945 à La Nuovelle-Orléans, Louisiane (U.S.A). Penelope Spheeris est la cousine du réalisateur gréco-français Costa-Gavras. 1968: Uncle Tom's Fairy Tales, 1972: I don't know, 1981: The Decline of western civilization, 1984: Suburbia, 1985: De Sang Froid, 1986: Hollywood Vice Squad, 1987: Dudes, 1988: The Decline of western civilization 2, 1990: Thunder and Mud, 1991: UFO Abductions (TV), Prison Stories: women on the inside (TV), 1992: Wayne's World, 1993: Danger Theatre, 1993: Les Allumés de Beverly Hills, 1994: Les Chenapans, 1996: Black Sheep, 1998: The Decline of western civilization 3, The Thing in Bob's Garage, Applewood 911 (TV), Supersens, 1999: Hollywierd, 2000: Dear Doughboy (TV), 2001: Posers, We Sold our souls for Rock'n roll, 2003: The Crooked E: The Unshredded Truth About Enron (TV), 2005: The Kid and I.

                                      

Réalisatrice prolifique de télé-films bon marché et de comédies bonnard (Wayne's World), Penelope Spherris fut signataire en 84 d'une série B glauque et subversive illustrant le portrait sordide de deux jeunes marginaux en chute libre dans leur cheminement meurtrier dénué de mobile. Le pitchRoy et Bo sont deux jeunes adolescents oisifs et paumés, en quête de liberté et d'évasion. Un jour, ils décident de quitter leur contrée pour passer un week-end à Los Angeles. Sous l'influence de Roy, ils se laissent embarquer dans une série de crimes licencieux.

                                     

Dès le générique liminaire inscrit sur fond noir, des portraits d'archive monochrome se succèdent afin d'authentifier le profil iconique d'illustres serial-killers. Sa bande-son musicale bourdonnante instaurant un sentiment anxiogène face aux crimes énoncés par deux voix-off ombrageuses. L'intrigue se focalise ensuite sur deux jeunes marginaux batifolant à dessiner l'empreinte d'un cadavre sur le sol d'une cour de lycée. Après les cours scolaires routiniers, une soirée festive est organisée par des étudiants quand bien même nos deux acolytes s'ennuient ferme et décident de plier bagage pour Los Angeles afin d'escompter une virée festive. Après une violente rixe avec un pompiste tabassé à mort, l'esprit dérangé de Roy va rapidement s'envenimer dans son désir indocile de passer à l'acte criminel. Tandis que Bo semble éprouver un plaisir surestimé à se croire supérieur devant l'autorité belliqueuse de son camarade. Durant leur séjour nocturne, une nouvelle bagarre impromptue est sur le point d'aboutir dans un bar gay. C'est après cet incident mineur que Roy va enfin pouvoir laisser libre cours à ses pulsions morbides pour envisager d'assassiner un homosexuel qui les aura naïvement entraîné dans son appartement. Du côté des forces de l'ordre, l'enquête policière piétine mais parvient néanmoins à rassembler quelques indices fiables, faute des maladresses laissées sur les lieux du crimes par les adolescents.

                                      

A travers une sombre atmosphère davantage horrifique et oppressante, Peneloppe Spheeris dépeint le portrait pathétique et terrifiant de deux délinquants juvéniles, évoluant dans une cité urbaine où la violence quotidienne demeure monnaie courante. Si la narration efficacement conduite n'évoque aucune surprise (en dehors du final cathartique), la manière crue dont la réalisatrice dépeint les exactions de nos criminels renvoie facilement aux ambiances malsaines et poisseuses des plus grands films notoires traitant du même thème. Les scènes chocs percutantes, particulièrement brutales s'avèrent d'autant plus dérangeantes qu'elles mettent en appui l'état d'esprit décervelé de nos protagonistes fascinés par la violence gratuite. Une manière putassière et immorale d'extérioriser leur haine et leur infériorité intellectuelle. Niveau cast, Maxwell Caulfield se révèle plutôt inquiétant et sournoisement cynique sous l'impulsion d'un regard sadique lattent, puis monolithique lorsqu'il se livre à ses penchants meurtriers d'une violence incontrôlée. En jeune ado inculte et infantile (sa fascination puérile face à la diffusion TV d'un manga animé préfigure l'esprit niais d'un enfant de 5 ans), Charlie Sheen livre une sobre prestance pour caractériser un gamin inconséquent finalement dépassé par les évènements morbides que son camarade perfide influence.

                                          

D'un magnétisme perturbant auprès de son atmosphère délétère dénuée de complexe, De Sang Froid créait malaise et fascination pour ce portrait réaliste d'une jeunesse désoeuvrée, métaphore d'une société urbaine désaxée où homophobie et racisme restent ancrés dans cette génération rebelle. La qualité de l'interprétation, sa violence radicale et la solide conduite du récit nous entraînant (de force) dans une spirale criminelle dénuée de mobile. D'où l'intensité de son malaise davantage prégnant au fil d'un récit immoral dépeint sans complaisance ni effet de manche. 

13.07.11.      3.
* Bruno

mardi 5 juillet 2011

FASTER


de George Tillman Jr. 2010. U.S.A. 1h38. Avec Dwayne Johnson, Billy Bob Thornton, Carla Gugino, Maggie Grace, Moon Bloodgood et Oliver Jackson-Cohen.

Sortie en salles en France le 2 mars 2011.

FILMOGRAPHIEGeorge Tillman est un réalisateur, producteur et scénariste né le 26 Janvier 1969 à Milwaukee, Wisconsin, U.S.A.
1994: Scenes for the soul, 1997: Soul Food, 2000: les Chemins de la dignité, 2009: Notorious B.I.G.

                           

Hommage subjectif d'un puriste amateur.
Le réalisateur modeste George Tillman Jr s'engage ici dans la voie du revenge movie pour illustrer une surprenante série B hargneuse à la violence sanguine, beaucoup moins superficielle et négligeable que la plupart des produits formatés pour ados turbulents. Alors que sa thématique sur la vengeance prêche intelligemment pour une repentance christianiste.

Après avoir purgé une peine de 10 ans d'emprisonnement pour une implication dans un braquage à main armé, James Cullen, dit le Driver, est fermement décidé à venger les responsables de la mort de son frère, sauvagement égorgé. Mais un inspecteur de police junkie sur le déclin et un tueur à gage méthodique sont lancés à sa trousse pour tenter de l'endiguer.

                         

A l'instar des films d'action des années 80 filmés sans prétention avec un sens de l'efficacité roublard dédié au spectaculaire pétaradant, Faster fait sacrément plaisir à voir dans le tableau orthodoxe des produits mercantiles. Il réussit sans peine à se démarquer de ses futiles concurrents facilement reconnaissables dans une abrutissante mise en forme arbitraire dénuée de fond.
Et en terme d'efficacité, Faster ne pouvait pas proposer autre chose de plus jouissif et enthousiasmant.
Si le scénario est indubitablement construit sur un canevas archi convenu, sa structure mise en place avec dextérité, l'émotion inopinée qu'il véhicule par le biais de personnages déshumanisés en quête d'exutoire et l'action incessante qui en découle nous permettent de savourer un revenge movie brutal jamais niais ou lénifiant.
Le réalisateur n'épargne toutefois pas quelques tics clippesques et artifices redondants comme certains effets de ralenti trop présents dans son premier acte. Quelques clichés sont également coutumiers au genre prescrit (le préambule dans la prison, la blonde éprise de passion amoureuse pour son tueur bellâtre, obtus d'accomplir un dernier contrat, le flic drogué voulant se racheter une conduite) mais la succession de péripéties habilement emballées réussissent sans difficulté à transcender son caractère au préalable académique.
C'est notamment la densité d'une galerie de personnages rebelles et marginaux évoluant dans une prise de conscience octroyée à la repentance qui séduit le public. Alors que l'antagoniste caractérisé par le tueur à gage arriviste semble être finalement le plus à plaindre dans son état d'esprit véreux par la quête autonome d'une victoire orgueilleuse.
La vengeance sauvage de Driver est implacable, sans concession et refus de compromis. Mais sa besogne d'exterminer implacablement chaque responsable de la mort de son frère va intelligemment le mener vers une voie cathartique par l'entremise d'une éthique religieuse.
On sera d'autant plus surpris par son final totalement impondérable culminant son point d'orgue dans un coup de théâtre délétère que personne n'aura vu arriver !

                         

Habitué aux rôles conventionnels de dur à cuire traditionnellement inexpressif,  Dwayne Johnson (The Rock) réussit enfin à se détacher des conformités pour livrer une poignante composition dans son personnage marginalisé d'anti-héros militant pour la cause de son frère. Inflexible, impassible et austère dans son impressionnante carrure de baroudeur athlétique, il s'impose frugalement à apporter une vraie dimension humaine dans sa quête de vengeance expéditive laissant augurer dans son cheminement sinistré une potentielle rédemption.

Passé inaperçu et peu valorisé par son titre sommaire lors de sa sortie, Faster est une excellente surprise vouée à distraire son spectateur dans une sincérité inespérée, car renvoyant à certains classiques (ou plaisirs coupables) des années 80 bien connus des amateurs virils (cobra, commando, Double Détente, Le Contrat, Tango et Cash, Punisher et même Terminator). Ultra violent, spectaculaire, parfois tendu et rondement mené sur une BO pop-rock endiablée, ce B movie rend honneur au genre bourrin privilégié par la caractérisation de ses personnages d'une certaine épaisseur psychologique. Tandis que sa réflexion sur la revendication vindicative allouée à une morale repentie délivre favorablement un message pacifiste inscrit sur la tolérance.

                         


05.07.11
Bruno Matéï.

dimanche 3 juillet 2011

NEVER LET ME GO

   

de Mark Romanek. 2010. Angleterre/U.S.A. 1h43. Avec Keira Knightley, Carey Mulligan, Andrew Garfield, Charlotte Rampling, Nathalie Richard, Sally Hawkins, Andrea Riseborough, Charlie Rowe, Ella Purnell.

Sortie en salles en France le 2 Mars 2011.

FILMOGRAPHIE: Mark Romanek est un réalisateur américain principalement connu pour ses clips vidéos. Il a travaillé avec : Red Hot Chili Peppers, Nine Inch Nails, Linkin Park, Michael Jackson, Janet Jackson, No Doubt, Beck, Johnny Cash, Jay-Z, Madonna, R.E.M, Lenny Kravitz.  
1985: Static,
2002: Photo Obsession,
2010: Never let me go,
2011: Locke and Key (télé-film).

Après Photo Obsession, un drame psychologique diaphane sur l'indifférence déguisé en thriller angoissant et dominé par la sobre interprétation de Robin Williams, Mark Romanek adapte avec Never let me go un roman de Kazuo Ishiguro, scénarisé par Alex Garland (28 jours plus tard).
Depuis l’enfance, Kathy, Ruth et Tommy sont les pensionnaires d’une école en apparence idyllique, une institution coupée du monde où seuls comptent leur éducation et leur bien-être. Devenus jeunes adultes, leur vie bascule : ils découvrent un inquiétant secret qui va bouleverser jusqu’à leurs amours, leur amitié, leur perception de tout ce qu’ils ont vécu jusqu’à présent.Adapté d'un roman de Kazuo Ishiguro.









Kathy, Tommy et Ruth ont passé leur enfance à Hailsham, une école anglaise idyllique tenue à l'écart du monde. Alors qu'ils découvrent qu'ils ne sont que des clones dont l'unique existence est basée sur le don d'organes, ils vont être confrontés à l'amour, la jalousie et la trahison...




Adapté d'un roman de Kazuo Ishiguro, scénarisé par Alex Garland (28 jours plus tard) et transcendé par la somptueuse photo de Adam Kimmel