mardi 6 septembre 2011

La Corde Raide / Tightrope


de Richard Tuggle. 1984. U.S.A. 1h54. Avec Clint Eastwood, Geneviève Bujold, Dan Hedaya, Alison Eastwood, Jennifer Beck, Marco St. John, Rebecca Perle, Regina Richardson, Wes Block.

Sortie en salles en France le 16 Janvier 1985. U.S: 17 Octobre 1984

FILMOGRAPHIE: Richard Tuggle est un réalisateur et scénariste américain.
1984: La Corde Raide. 1986: Out of Bounds

 
"Un flic, ses démons, et la morsure de la nuit".
Première réalisation de Richard Tuggle, scénariste de L’Évadé d’Alcatraz (1979), La Corde Raide ose plonger dans la fange des peep-shows et boîtes échangistes de la Nouvelle-Orléans, dans une description glauque et sordide. À sa sortie, une rumeur tenace affirmait que Clint Eastwood en avait supervisé la mise en scène. Pour accentuer la relation paternelle entre Amanda et son père (l’inspecteur Block, incarné par Eastwood), le réalisateur fit appel à la propre fille de l’acteur, Alison Eastwood, renforçant ainsi l’authenticité de ce lien affectif marqué par un divorce. 

Synopsis: Tandis qu’un maniaque sexuel étrangle ses victimes dans les bas-fonds, l’inspecteur Block, encore meurtri par sa séparation, enquête dans le milieu de la prostitution. Mais le tueur, pervers et méthodique, semble vouloir l’incriminer en disséminant les traces de ses ébats avec certaines de ses amantes occasionnelles.


En 1984, le néophyte Tuggle compose un thriller trouble, austère, vénéneux, qui s’aventure dans les dérives SM sans jamais céder à la complaisance putassière. L’ambiance crépusculaire entraîne le spectateur dans une descente aux enfers aussi fascinante que malsaine. Le portrait de Block transgresse les conventions du flic conventionnel : il éprouve ce besoin équivoque de coucher avec ses partenaires d’interrogatoire, prostituées tributaires de leur propre déviance, tandis qu’un ancien policier devenu maniaque sexuel sévit pour assouvir ses pulsions et salir la réputation de l’inspecteur. Éprouvé par son divorce, Block vit seul avec ses deux filles et ses animaux. Sa tendresse envers son aînée donne lieu à des scènes d’une justesse rare, empreintes d’une émouvante sincérité. Mais hanté par son échec sentimental, il redoute de s’abandonner à une nouvelle relation avec une militante féministe. 


Ce scénario, aussi pervers que courageux pour une production hollywoodienne, bouscule en misant sur la suggestion plus que sur l’exhibition. Par instants, on songe à Cruising de Friedkin, voire à Basic Instinct, tant le portrait immoral d’un héros attiré par le Mal s’affirme dans un climat de thriller noir flirtant avec l’horreur crapuleuse (la domestique retrouvée dans la machine à laver, la vulnérabilité de la fille aînée de Block). Le récit culmine dans un final haletant, violent, où l’angoisse quant au sort de la compagne de Block atteint son paroxysme. Eastwood incarne avec une ambiguïté troublante ce flic interlope, miné par ses démons intérieurs et la persuasion vénéneuse d’un tueur résolu à le corrompre. Alison Eastwood, avec naturel, campe une adolescente autonome qui protège sa petite sœur tout en s’accrochant à la tendresse fragile d’un père souvent absent.


Baignant dans une superbe photographie sublimant les nuits moites de la Nouvelle-Orléans, et d’une mise en scène sobre, refusant l’action gratuite, La Corde Raide demeure un voyage urbain au cœur des ténèbres. Un film noir d’une intensité rare, porté par un suspense tranchant et une étude de caractères magistrale, opposant un maniaque implacable à un flic faillible, en guerre avec lui-même. Un des thrillers les plus pervers et audacieux des années 80.

— le cinéphile du cœur noir

06.09.11.    3

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