de Jennifer Lynch. 2012. U.S.A. 1h34. Avec Vincent D'Onofrio, Eamon Farren, Evan Bird, Julia Ormond, Conor Leslie, Jake Weber, Gina Philips, Daniel Maslany.
Sortie salles France: ?
FILMOGRAPHIE: Jennifer Chambers Lynch est une réalisatrice, scénariste et productrice américaine, née le 7 Avril 1968 à Philadelphia, Pennsylvanie (USA). 1993: Boxing Helena. 2008: Surveillance. 2010: Hisss. 2012: Chained
Après deux premiers métrages aussi incongrus qu'atypiques, Jennifer Lynch nous eut franchement déçu avec son risible Hisss, co-production hindoue pourvue d'effets numériques disgracieux dignes d'un Dtv de De Coteau ou d'Albert Band. A peine deux ans se sont écoulés entre ce naufrage bollywoodien et ce nouveau rejeton brièvement intitulé Chained. L'argument de base conventionnel n'a rien de rassurant:
Un chauffeur de taxi kidnappe une mère de famille et son jeune fils pour les séquestrer dans sa demeure bucolique éloignée de tout voisinage. Après avoir sauvagement assassiné la femme, il décide d'épargner la vie du gamin pour lui tenir compagnie et l'éduquer à sa manière impassible. Voilà pour l'intrigue aussi linéaire que Maniac de Lustig auquel il prête parfois la même ambiance nauséeuse, le côté docu-vérité (la virée nocturne en taxi dans les ruelles malfamées des prostituées) et la facture introspective du quotidien miséreux d'un tueur détaché d'éthique. A situer notamment entre Sonny Boy et Bad Boy-Bubby (pour la relation parentale entre le tueur et l'enfant-esclave vivant reclus tel un pestiféré) mais aussi l'éprouvant Martyrs de Laugier (pour son aspect ignominieux et réaliste de la femme molestée ainsi que l'anti ludisme des scènes chocs dénuées de complaisance). L'intérêt du film résidant dans ses thématiques imparties à l'éducation parentale et à la maltraitance infantile dont l'impact cinglant d'une mise en scène singulière est régie sans fioriture. Car la réalisatrice se réapproprie lestement des poncifs habituels du "ouh fait moi peur" pour les renouveler sans recul, sans esbroufe, sans distanciation ni effet tapageur. Du premier degré d'une froideur monolithique en somme.
En l'occurrence, l'ambiance glauque et malsaine suinte de chaque cloison de l'obscure demeure, dont les pièces putrides sont uniquement éclairée de petites lampes de chevet. Il s'agit donc d'un huis-clos suffocant, une claustration immersive auquel le spectateur participe de manière voyeuriste parmi la quotidienneté dérisoire de deux individus éloignés de toute humanité. Jennifer Lynch nous projetant dans leur univers sépia avec une verdeur asphyxiante afin de décrire les exactions meurtrières d'un leader infortuné. Un criminel bedonnant (Vincent D'Onofrio, très impressionnant à travers sa carrure adipeuse et son austérité inflexible !) préalablement abusé durant son enfance par un père tyrannique mais aussi assujetti à violer sa propre mère. Rapidement, après la succession de meurtres en série proprement misogynes, une étrange relation d'allégeance est entretenue entre le tueur et le jeune Tim. Alors que les années passent, le criminel décide d'éduquer l'adolescent enchaîné pour engendrer un second monstre à son image inflexible. Et si le cheminement narratif dénué de surprises semble à un moment s'étirer un peu trop dans la pédagogie meurtrière (Tim doit choisir une prostituée pour perdre sa virginité et accomplir son 1er meurtre), Chained exacerbe son rythme languissant et ombrageux avec une notion de suspense crucial lors d'une dernière partie vertigineuse. Et ce, juste avant de nous ébranler lors d'un épilogue fortuit à la dramaturgie identitaire poignante ! (bien que discutable quant à la nécessité de ce cliffhanger aussi déconcertant qui n'apporte pas vraiment de l'eau au moulin d'après la psychologie galvaudée des personnages).
Les enfants martyrs
Poisseux, inconfortable jusqu'au malaise, immersif et viscéral, Chained se révèle à mon sens l'authentique film d'horreur anti ludique par excellence. Une descente aux enfers inéluctable principalement dédiée à la psychologie déclinante de ces protagonistes et d'un climat dérangeant d'une crudité exaspérante. La densité du jeu des interprètes (le famélique Eamon Farren est également surprenant d'ambiguïté torturée) et la mise en scène expérimentale de l'insaisissable Jennifer Lynch rendent les lettres de noblesse au genre si décrié conjugué ici au drame intimiste d'une rigoureuse intensité psychologique.
En l'occurrence, l'ambiance glauque et malsaine suinte de chaque cloison de l'obscure demeure, dont les pièces putrides sont uniquement éclairée de petites lampes de chevet. Il s'agit donc d'un huis-clos suffocant, une claustration immersive auquel le spectateur participe de manière voyeuriste parmi la quotidienneté dérisoire de deux individus éloignés de toute humanité. Jennifer Lynch nous projetant dans leur univers sépia avec une verdeur asphyxiante afin de décrire les exactions meurtrières d'un leader infortuné. Un criminel bedonnant (Vincent D'Onofrio, très impressionnant à travers sa carrure adipeuse et son austérité inflexible !) préalablement abusé durant son enfance par un père tyrannique mais aussi assujetti à violer sa propre mère. Rapidement, après la succession de meurtres en série proprement misogynes, une étrange relation d'allégeance est entretenue entre le tueur et le jeune Tim. Alors que les années passent, le criminel décide d'éduquer l'adolescent enchaîné pour engendrer un second monstre à son image inflexible. Et si le cheminement narratif dénué de surprises semble à un moment s'étirer un peu trop dans la pédagogie meurtrière (Tim doit choisir une prostituée pour perdre sa virginité et accomplir son 1er meurtre), Chained exacerbe son rythme languissant et ombrageux avec une notion de suspense crucial lors d'une dernière partie vertigineuse. Et ce, juste avant de nous ébranler lors d'un épilogue fortuit à la dramaturgie identitaire poignante ! (bien que discutable quant à la nécessité de ce cliffhanger aussi déconcertant qui n'apporte pas vraiment de l'eau au moulin d'après la psychologie galvaudée des personnages).
Les enfants martyrs
Poisseux, inconfortable jusqu'au malaise, immersif et viscéral, Chained se révèle à mon sens l'authentique film d'horreur anti ludique par excellence. Une descente aux enfers inéluctable principalement dédiée à la psychologie déclinante de ces protagonistes et d'un climat dérangeant d'une crudité exaspérante. La densité du jeu des interprètes (le famélique Eamon Farren est également surprenant d'ambiguïté torturée) et la mise en scène expérimentale de l'insaisissable Jennifer Lynch rendent les lettres de noblesse au genre si décrié conjugué ici au drame intimiste d'une rigoureuse intensité psychologique.
Pour public averti.
11.06.22
ATTENTION SPOILER !!! A PROPOS DE L'EPILOGUE EQUIVOQUE DE CHAINED, AU-DELA DU GENERIQUE DE FIN:
Panorama-cinéma : Et pourquoi laissez-vous toujours vos personnages dans la pire des situations? Dans le cas de Chained, qu’est-ce qui peut bien arriver à Rabbit une fois passé le générique?
Jennifer Lynch : En fait, ce qu’on entend pendant le générique, c’est Rabbit qui bouge les meubles dans la maison pendant qu’Angie s’affaire dans une autre pièce. Ce que nous savons, c’est qu’elle est encore avec lui et qu’elle est en bonne santé. J’aimais cette idée de voir le héros retourner dans cette maison, car c’était la seule chose qu’il n’avait jamais connue. Toutes les personnes qui comptaient à ses yeux sont mortes et il ne lui reste plus que cette demeure et cette fille avec qui il a tissé des liens plutôt précaires. Au final, on ne sait pas du tout ce qui lui arrivera et cette fin ouverte me plaît beaucoup. C’est à ce moment qu’on peut se permettre d’avoir un dialogue et de poursuivre l’évolution du personnage selon ce qu’on a retiré du film, selon ce que notre propre morale nous dicte.
Dans le cas de Surveillance, Stephanie a été épargnée parce qu’elle a deviné l’identité des agents avant l’exécution de leur plan. La finale ressemble à celle de Chained en ce sens qu’elle représente aussi ce sombre bouquet de roses passé d’un tueur en série à sa victime la plus innocente. Je crois que Stephanie va survivre à son expérience dans Surveillance et j’aime me poser des questions sur son avenir. Deviendra-t-elle dangereuse? Deviendra-t-elle aide sociale? Comment se déroulent les trois journées suivantes de sa vie? Comment se rend-elle vers la ville la plus près? Autrement dit, vous avez raison quand vous dites que je laisse mes personnages dans une situation pire que celle dans laquelle je les ai trouvés… Mais ils sont en vie et moins mal en point que leurs proches. Dans mes films, l’innocence survit parce que je pense que demeurer honnête avec soi-même et regarder le monde à travers des yeux d’enfant vous sauvera toujours des mauvaises décisions que vous pourriez prendre.
http://www.paperblog.fr/5720144/critique-chained-de-jennifer-lynch/
http://www.filmosphere.com/2012/07/chained-jennifer-lynch-en-colere/
http://www.panorama-cinema.com/V2/article.php?categorie=1&id=247
Dédicace à Isabelle Rocton et Steven LeFrançois
*Bruno Matéï
26.10.12 11.06.22
ATTENTION SPOILER !!! A PROPOS DE L'EPILOGUE EQUIVOQUE DE CHAINED, AU-DELA DU GENERIQUE DE FIN:
Panorama-cinéma : Et pourquoi laissez-vous toujours vos personnages dans la pire des situations? Dans le cas de Chained, qu’est-ce qui peut bien arriver à Rabbit une fois passé le générique?
Jennifer Lynch : En fait, ce qu’on entend pendant le générique, c’est Rabbit qui bouge les meubles dans la maison pendant qu’Angie s’affaire dans une autre pièce. Ce que nous savons, c’est qu’elle est encore avec lui et qu’elle est en bonne santé. J’aimais cette idée de voir le héros retourner dans cette maison, car c’était la seule chose qu’il n’avait jamais connue. Toutes les personnes qui comptaient à ses yeux sont mortes et il ne lui reste plus que cette demeure et cette fille avec qui il a tissé des liens plutôt précaires. Au final, on ne sait pas du tout ce qui lui arrivera et cette fin ouverte me plaît beaucoup. C’est à ce moment qu’on peut se permettre d’avoir un dialogue et de poursuivre l’évolution du personnage selon ce qu’on a retiré du film, selon ce que notre propre morale nous dicte.
Dans le cas de Surveillance, Stephanie a été épargnée parce qu’elle a deviné l’identité des agents avant l’exécution de leur plan. La finale ressemble à celle de Chained en ce sens qu’elle représente aussi ce sombre bouquet de roses passé d’un tueur en série à sa victime la plus innocente. Je crois que Stephanie va survivre à son expérience dans Surveillance et j’aime me poser des questions sur son avenir. Deviendra-t-elle dangereuse? Deviendra-t-elle aide sociale? Comment se déroulent les trois journées suivantes de sa vie? Comment se rend-elle vers la ville la plus près? Autrement dit, vous avez raison quand vous dites que je laisse mes personnages dans une situation pire que celle dans laquelle je les ai trouvés… Mais ils sont en vie et moins mal en point que leurs proches. Dans mes films, l’innocence survit parce que je pense que demeurer honnête avec soi-même et regarder le monde à travers des yeux d’enfant vous sauvera toujours des mauvaises décisions que vous pourriez prendre.
http://www.paperblog.fr/5720144/critique-chained-de-jennifer-lynch/
http://www.filmosphere.com/2012/07/chained-jennifer-lynch-en-colere/
http://www.panorama-cinema.com/V2/article.php?categorie=1&id=247
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