jeudi 17 juillet 2014

Dark Waters

                                                                 Photo appartenant à Bruno Matéï

de Mariano Baino. 1993. 1h32. Russie / Italie / Angleterre. Avec Valeri Bassel, Mariya Kapnist, Louise Salter, Venera Simmons, Pavel Sokolov.

Sortie salles: 16 Avril 1997

Récompenses: Prix du Public à Montréal, 1997. Vincent Price Award à Rome, 1994.

FILMOGRAPHIE: Mariano Baino est un réalisateur, scénariste et producteur italien, né le 17 Mars 1967 à Naples, Italie.
1991: Caruncula (court métrage). 1993: Dark Waters. 2004: Never Ever After (court-métrage). 2010: Based on a true life (court-métrage).

 
"Les Chants Funèbres de l’Onde Noire".
Inédit en salles en France et longtemps cantonné à une édition DVD somme toute banale, Dark Waters fait partie de ces films indépendants que l’ignorance relègue à l’ombre — jusqu’à ce que le bouche-à-oreille l’élève au rang de perle rare. Aujourd’hui, le label Ecstasy of Films lui offre une résurrection digne, dans une copie resplendissante rendant justice au soin formel de son auteur. Mieux encore : nous le découvrons dans une version Director’s Cut inédite en France, enrichie de précieux bonus. À ce titre, je vous recommande vivement le documentaire Deep into Dark Waters, qui revient sur les conditions de tournage au sein de l’équipe technique.

Après la mort de son père, Elisabeth se rend sur une île isolée pour en apprendre davantage sur le couvent qu’il finançait depuis son enfance. Là-bas, elle découvre une communauté de nonnes au comportement impénétrable, comme si un souffle ancien y soufflait encore, fait de silence et de présages.

Pour son unique et fulgurant essai, l’Italien Mariano Baino nous plonge dans un cauchemar éveillé, un poème sensoriel, une fantasmagorie morbide où Alice au pays des merveilles s’égare dans les ténèbres des chants funèbres — entre les pleurs étouffés d’enfants et le braillement d’une créature lovecraftienne, écho venu du fond des catacombes. Dark Waters, envoûtant et déroutant de bout en bout, est une épreuve fantasmatique, hantée par une aura funeste où chaque vision onirique cherche à infiltrer notre âme pour mieux nous séduire.

Dans la lignée du cinéma d’Argento, pour la stylisation picturale au service d’un onirisme ésotérique, ou de Jodorowsky, pour sa mystique provocante et dérangeante, le film déroule une succession d’apparitions diaphanes, au rythme d’un cheminement indécis. Hantée depuis l’enfance par de mystérieux rêves, Elisabeth poursuit l’origine floue de son passé, et c’est un secret de famille qu’elle finira par exhumer, à travers l’intercession des ténèbres.

Ce huis clos occulte, gouverné par une assemblée presque exclusivement féminine, renvoie aussi au souffle lyrique de Suspiria, notamment dans la fragilité de son héroïne et la progression initiatique de son enquête — quête d’un mystère enfoui au sein d’un couvent dont les murs murmurent. Comme Suzy, Elisabeth arrive un soir de pluie dans cet endroit à la fois repoussant et envoûtant ; et c’est épaulée par une camarade qu’elle tentera de démêler les fils d’un destin tissé dans l’ombre. Sensoriel, insolite, baroque et expérimental, Dark Waters privilégie, lui aussi, l’extravagance d’une bande-son dissonante, le vertige visuel et les figures interlopes — plutôt que la futilité d’une intrigue dont l’issue, en fin de compte, importe peu.

 
"Élisabeth aux Portes du Néant".
Créateur d’images oniriques et morbides, Mariano Baino a sculpté avec Dark Waters un chef-d’œuvre pictural, fusion d’art gothique et d’expressionnisme, poème incandescent nourri de ténèbres. À l’image des bougies qui veillent dans chaque catacombe, Dark Waters est une invitation au voyage — une odyssée naturaliste dans les abîmes, une quête initiatique d’une fille confrontée à sa propre morale. Celle d’un combat spirituel où le bien et le mal ne sont plus que des reflets dans une eau trouble.
 
Merci à Ecstasy of Films et à Mariano Baino
*Bruno

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