de Stephen Frears. 1996. U.S.A. 1h48. Avec Julia Roberts, John Malkovich, George Cole, Michael Gambon, Kathy Staff, Glenn Close, Michael Sheen
Sortie salles France: 17 Avril 1996. U.S: 23 Février 1996
FILMOGRAPHIE: Stephen Frears, est un réalisateur et producteur britannique, né le 20 juin 1941 à Leicester. 1968 : The Burning. 1971 : Gumshoe. 1979 : Bloody Kids. 1984 : The Hit. 1985 : My Beautiful Laundrette. 1987 : Prick Up Your Ears. 1987 : Sammy et Rosie s'envoient en l'air. 1988 : Les Liaisons dangereuses. 1990 : Les Arnaqueurs. 1992 : Héros malgré lui. 1993 : The Snapper. 1996 : Mary Reilly. 1996 : The Van. 1998 : The Hi-Lo Country. 2000 : High Fidelity. 2000 : Liam. 2002 : Dirty Pretty Things. 2005 : Madame Henderson présente. 2006 : The Queen. 2009 : Chéri. 2010 : Tamara Drewe. 2012 : Lady Vegas : Les Mémoires d'une joueuse. 2014 : Philomena. 2015 : The Program. 2016 : Florence Foster Jenkins.
Honteusement oublié, discrètement reconnu à sa sortie, Mary Reilly aborde le thème éculé de la lutte entre le Bien et le Mal à travers un jeu d’acteurs à son apogée. Loin de simplement remaker les classiques de Fleming ou Mamoulian, Stephen Frears y appose sa signature en instillant une romance équivoque entre Jekyll et sa gouvernante. Traumatisée par les sévices d’un père alcoolique, Mary tente d’oublier son passé en se dévouant à la demeure du Dr Jekyll. Lorsque celui-ci annonce l’arrivée imminente d’un mystérieux locataire nommé Mr Hyde, elle lui confie peu à peu ses blessures secrètes. Une complicité se noue, fragile, avant que l’irruption de Hyde ne bouleverse tout dans un souffle de dépravation.
Baigné dans une lumière blafarde, irrésistiblement envoûtante, Mary Reilly s’ancre dans un Londres du XIXe siècle reconstitué avec un soin presque hanté. La demeure labyrinthique dissimule de sinistres expériences, et la mise en scène s’attarde moins sur les effets que sur les âmes, scrutant les tourments des amants maudits. Stephen Frears sonde les méandres psychologiques de ces deux êtres fracassés, tiraillés entre désir, culpabilité et instinct de perdition.
À travers ce jeu trouble de soumission mêlée de confiance, le cinéaste accorde une attention précieuse aux états d’âme de Mary, fascinée malgré elle par le magnétisme brutal de Hyde. Julia Roberts incarne avec une sobriété poignante cette figure timorée, ambivalente, déchirée entre sa pudeur et un fantasme larvé. Son passé martyr ressurgit à la faveur des provocations de Hyde, et la jeune femme se laisse happer dans un ballet implicite de masochisme. Par son traitement audacieux — notamment dans la chimère érotique du rêve nocturne — Frears réinvente Dr Jekyll and Mr Hyde sous l’impulsion d’un amour tragiquement rédempteur.
Jekyll et Hyde, tous deux compromis par leurs sentiments, s'affrontent dans un duel intérieur où pouvoir et soumission, lumière et ténèbres s’entrelacent. Mis en scène avec élégance, le film distille la suggestion, mais n’évite pas la cruauté graphique : les sévices subis par Mary, la fillette rouée de coups, la mort brutale d’un ami… Ces éclats de violence renforcent une tension diffuse, insidieuse, qui contamine l’espace et les corps.
Outre la fragilité désarmée d’une Julia Roberts sans fard, le film s’abandonne à l’intensité vénéneuse d’un John Malkovich sobrement autoritaire au regard fuyant, hypnotique, insidieux. Il incarne, dans un trouble miroir, la part autodestructrice d’un chercheur condamné à démembrer son propre être pour disséquer les racines du Mal.
Jeu de miroir diaphane pour une romance masochiste en quête de rédemption, Mary Reilly explore avec fièvre les pulsions perverses et la fascination pour le Mal, dans une complicité trouble que Malkovich et Roberts électrisent jusqu’à l’os. Œuvre cérébrale, viscérale, poignante, elle élève le fantastique avec une dignité rare. Une perle vénéneuse à redécouvrir d’urgence.
ça peut être intéressant. Le point de vu est original.
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