vendredi 12 janvier 2018

LA FORME DE L'EAU. Lion d'or, Venise 2017.

                                                                             Photo empruntée sur Google

"The Shape of Water" de Guillermo Del Toro. 2017. U.S.A. 2h03. Avec Sally Hawkins, Michael Shannon, Octavia Spencer, Doug Jones, Michael Stuhlbarg, Lauren Lee Smith.

Sortie salles France: 21 Février 2018. U.S: 8 Décembre 2017 (Int - 17 ans)

FILMOGRAPHIE: Guillermo Del Toro est un réalisateur, scénariste, romancier et producteur américain, né le 9 Octobre 1964 à Guadalajara (Jalisco, Mexique). 1993: Cronos. 1997: Mimic. 2001: l'Echine du Diable. 2002: Blade 2. 2004: Hellboy. 2006: Le Labyrinthe de Pan. 2008: Hellboy 2. 2013: Pacific Rim. 2015: Crimson Peak. 2017: La Forme de l'Eau.


      "Heureux sont les yeux qui n'ont pas besoin d'illusion pour voir que le spectacle est grand !".

Précédé d'une réputation élogieuse (en témoignent ses récompenses énumérées en fin d'article), le film "évènement" de Guillermo Del Toro et une nouvelle invitation au rêve et à la magie du 7è art. Ainsi, localisant l'intrigue durant la guerre froide des années 60, Guillermo del Toro nous déclare sa flamme au cinéma vintage et à ces anciens fauteuils, ossature en bois et assises d'un rouge velours. A l'instar de la Dernière séance qu'Eddie Mitchell et sa serveuse réanimèrent durant les années 80 à travers notre lucarne parentale. Mais derrière cette franche tendresse pour le cinéma de papa, Del Toro empreinte la mise en abyme pour mieux télescoper son conte de fée si bien que les héros eux-mêmes se fascinent pour l'écran géant avec ce même regard infantile (à ce titre leur retrouvaille dans la salle de cinéma distille une émotion improvisée exaltante, aussi brève soit-elle). Hymne à l'amour des monstres et à l'ardeur des sentiments par le biais du droit à la différence, La Forme de l'Eau est touché par la grâce du réalisateur (à nouveau) au firmament de son génie créatif si bien que son récit, pour autant d'une grande simplicité, nous frappe droit au coeur par sa vibrante sincérité. Un peu à la manière linéaire de Spielberg lors du phénomène E.T. avec ce même don narratif et ce parti-pris pour l'émotion virginale. Variation personnelle de l'Etrange créature du lac noir d'un point de vue résolument romantique, fou et épuré, la Forme de l'eau nous fait partager durant plus de 2h l'amour incongru entre une domestique muette, Elisa, (elle exerce le ménage chez une entreprise scientifique tenue secrète) et un amphibien récemment découvert par ses supérieurs.


Sur le point d'être disséqué au prix de leur recherche scientifique au moment même ou des agents russes tentent de s'en emparer (de manière autrement sournoise), Elisa va tenter de lui sauver la vie en le ramenant chez elle parmi les complicités de son voisin de palier, d'un scientifique et d'une autre concierge. Si le cheminement de l'intrigue déjà conté au préalable n'apporte pas vraiment de surprises quant au dénouement escompté, la forme de l'Eau parvient haut la main à nous émerveiller grâce à la faculté du réalisateur de nous faire croire à l'improbable via l'outil de sa caméra. Qui plus est, il s'agit ici de nous retracer de manière couillue et jusqu'au-boutiste un conte de fée jamais décrit au préalable (on y traite tout de même de zoophilie sans aucune trivialité et encore moins de mauvais goût puisque c'est tout l'inverse qui se produit !). Del Toro, totalement impliqué à donner chair à sa sublime créature plus vraie que nature, possédant le même brio que Spielberg à nous narrer avec passion circonspecte une romance d'un genre prude mais si singulier. Autant dire que l'émotion candide, d'une sensibilité éminemment douce et fragile, nous donne souvent le vertige à témoigner d'une complicité amoureuse entre deux coeurs que rien ne présageait. Si la charnalité de quelques étreintes avait de quoi effleurer le mauvais goût, voir sombrer dans le ridicule, Del Toro s'extirpe des conventions et de la complaisance en nous sublimant un jeu sensuel de la gestuelle et des regards touchés par l'alchimie de la tendresse. Le moment fantasmatique de la valse tournée en noir et blanc (clin d'oeil évident au genre musical de la belle époque) et à laquelle l'héroïne retrouve subitement la voix, nous inscrivant une chorégraphie enchanteresse d'un onirisme bouleversant (j'en ai versé les larmes de bonheur en omettant le caractère si illusoire de la fiction).


Spectacle envoûtant de féerie romantique comme vous n'en n'avez jamais contemplé sur la toile, la Forme de l'Eau renoue avec le fantastique le plus "authentique" (la créature expressive est un nouvel emblème du bestiaire imaginaire) grâce à l'immense sincérité de son auteur à inscrire sur pellicule une romance audacieuse en militant autant pour la tolérance (on y traite notamment de racisme à travers la communauté noire et d'homophobie discréditée par les ricains) qu'au droit à la différence. Il en émane une oeuvre sensible, gracile et épurée ponctuée de moments d'intimité à l'émotion jamais programmée, et qui derrière un manifeste pour la cause animale (la maltraitance et la vivisection y sont brièvement dénoncées), ne cesse de proclamer la donation de l'amour avec une liberté d'esprit bouleversante. Et pour parachever de manière un peu plus personnelle, je déclare ma flamme à l'actrice Sally Hawkins littéralement incandescente de tendresse et bouleversante de bienveillance de par l'art du non-dit (le mimétisme) à travers son corps filiforme et ses petits yeux scintillants ! 

* Bruno

Récompenses: Mostra de Venise 2017 : Lion d'or
African-American Film Critics Association Awards 2017 : 7e du Top 10 annuel
Festival du film de Hollywood 2017 : meilleur montage pour Sidney Wolinsky
American Film Institute Awards 2018 : film de l'année
Golden Globes 2018 :
Meilleur réalisateur pour Guillermo del Toro
Meilleure musique pour Alexandre Desplat

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