lundi 4 février 2019

Venus in furs

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site avoir-alire.com

"Paroxismus" de Jess Franco. 1969. Angleterre/Allemagne/Italie. 1h26. Avec James Darren, Barbara McNair, Maria Rohm, Klaus Kinski,  Dennis Price, Margaret Lee.

Sortie salles Italie: 19 Août 1969. U.S: 9 Septembre 1970

FILMOGRAPHIE: Jess Franco (Jesus Franco Manera) est un réalisateur espagnol, né le 12 Mai 1930 à Madrid, décédé le 2 Avril 2013. 1962: L'Horrible Dr orlof.  1962: Le Sadique Baron Von Klaus. 1964: Les Maîtresses du Dr Jekyll. 1966: Le Diabolique Dr Zimmer. 1969: L'Amour dans les prisons des femmes. 1969: Justine ou les infortunes de la vertu. 1970: Les Nuits de Dracula. 1970: Le Trône de Feu. 1971: Vampyros Lesbos. 1972: Les Expériences Erotiques de Frankenstein. 1972: Dracula prisonnier de Frankenstein. 1972: La Fille de Dracula. 1973: Quartier des Femmes. 1973: Christina chez les Morts-Vivants. 1974: La Comtesse Noire. 1974: Eugénie de Sade. 1976: Jack l'Eventreur. 1980: Terreur Cannibale. 1980: Mondo Cannibale. 1981: Sadomania. 1981: Le Lac des Morts-Vivants (co-réal). 1982: L'Abîme des Morts-Vivants. 1982: La Chute de la maison Usher. 1988: Les Prédateurs de la Nuit. 2002: Killer Barbys.


"Autant la première fois j'étais passé à côté, autant aujourd'hui me suis pris une petite claque (ouatée) grâce à l'intarissable Franco honnêtement ambitieux à traiter le plus sincèrement cette proposition fantasmagorique." 

L'argumentUn musicien trouve par hasard le corps sans vie d’une belle jeune femme sur une plage. Celle-ci a été torturée puis assassinée par un groupe de sadiques... Inexplicablement, la défunte revient à la vie avec comme unique but de se venger de ceux qui l’ont fait périr dans d’atroces souffrances.

Pour faire bref (et laisser ensuite la parole à Virgile Dumez); Venus in Furs est une formidable surprise que l'éditeur Artus Film exhume de l'oubli (même si on peut déplorer une copie Dvd pas fameuse) alors qu'il s'agit selon moi (mais aussi des fans du cinéaste) de l'un des meilleurs films de Jess Franco dont j'ignorai l'existence. Et si le scénario demeure totalement classique et sans surprise, son intérêt découle de sa mise en scène expérimentale infiniment inspirée et soignée, de son parti-pris musical jazzy fréquemment exposé, et du jeu des acteurs communément dépouillés et plutôt bien dirigés par un Franco désireux de nous offrir une proposition fantasmagorique littéralement inusitée. Ainsi, cette étrange impression de rêve éveillé est d'autre part renforcée de ralentis réussis; de filtres verts, jaunes et rouges auprès d'une séquence psychédélique, de son atmosphère feutrée plutôt sensuelle, pour ne pas dire charnelle, et de la posture dubitative du héros qu'endosse James Darren (Au coeur du Temps) plongé dans une aventure romantique dénuée de sens, de repères, de temporalité. On sort donc de la projo à la fois séduit, envoûté, hanté par ce poème musical ne ressemblant à nul autre, tant et si bien que Venus in Furs dégage en prime un charme félin sous l'impulsion de l'ectoplasme Maria Rohm assez magnétique, voluptueuse, mutique pour mettre en exergue la femme dans sa représentation symboliquement charnelle rehaussée ici de mystère indicible pour y flirter avec le Fantastique éthéré. Du cinéma indépendant de premier choix à découvrir au plus vite du fait de son invisibilité. 
 
*Bruno


La critique de Virgile Dumez chroniquée chez le site avoir-alire.com:
Après avoir signé quelques gros succès pour le compte du producteur britannique Harry Alan Towers à la fin des années 60, le réalisateur espagnol Jesus Franco réussit à imposer un projet plus personnel, à savoir un scénario de son cru intitulé Black Angel. Cette histoire de fantôme vengeur trouve son inspiration dans une phrase entendue de la bouche du musicien de jazz Chet Baker qui disait qu’il voyait défiler toute sa vie devant ses yeux lorsqu’il entamait un solo de trompette. Dès lors, Jess Franco a l’idée de construire l’intégralité d’un long-métrage comme un morceau de jazz, telle une fuite en avant vers la fantasmagorie et la mort. Pour constituer la base de son script, il s’inspire à la fois de Boulevard du crépuscule et de Sueurs froides et laisse ensuite divaguer son esprit torturé.


Une fois le tournage achevé, le producteur Harry Alan Towers semble avoir mis son grain de sel dans la version anglaise qui fait aujourd’hui autorité et que nous avons visionné. Ainsi, le titre Venus in Furs est ajouté alors que le film n’a absolument aucun rapport avec l’œuvre de Masoch. Mais surtout, le montage final intègre de nombreuses expérimentations visuelles psychédéliques qui n’étaient apparemment pas incluses dans la version initiale du cinéaste. Ainsi, les ralentis, accélérations, déformations optiques et autres filtres de couleurs semblent avoir été intégrés par le producteur histoire de rendre le métrage plus proche d’une esthétique alors à la mode. Mais pour une fois, cela n’entre aucunement en contradiction avec l’œuvre elle-même et, bien au contraire, cela renforce l’aspect expérimental d’un film entièrement construit au montage.


Cette reconstruction a posteriori explique sans aucun doute les incongruités géographiques où les paysages brésiliens succèdent aux plans tournés en Turquie sans que l’on ait l’impression de changer de continent. En réalité, les passages sur le carnaval de Rio ne sont ni plus ni moins que des stock-shots qui n’apportent pas grand chose à l’affaire si ce n’est une couleur exotique. Pourtant, ce qui serait un défaut rédhibitoire dans un autre film s’avère ici un atout puisque le cinéaste joue sans cesse avec notre perception de la réalité. Brouillant tous les repères géographiques et temporels du spectateur, Jess Franco livre une œuvre hallucinée où le fantasme se mêle sans cesse au réel sans que l’on sache vraiment où l’on se trouve. Cette structure audacieuse – en free jazz en quelque sorte – suppose un abandon total du spectateur au médium cinéma. Porté par des images souvent originales, Venus in furs peut donc être vu comme un film expérimental qui s’approche des recherches formelles d’un Godard, par exemple.


Le métrage ne serait pas aussi réussi sans l’excellente partition de Manfred Mann et Mike Hugg qui alterne les moments jazzy avec des morceaux plus pop psychédélique. Souvent sans dialogue, le film bénéficie également d’une interprétation de bonne qualité. Maria Rohm est belle à se damner en fantôme vengeur, James Darren joue le trouble avec conviction, tandis que Klaus Kinski, même peu présent à l’écran, impose sa stature au moindre regard. Sans doute trop peu commercial, Venus in furs fut un cuisant échec au box-office, à tel point qu’il n’est jamais sorti dans les salles françaises. Une injustice qui commence à être réparée aujourd’hui grâce à l’action d’Alain Petit et de l’éditeur Artus qui tentent d’imposer le métrage comme une œuvre culte. Nous les soutenons largement dans cette entreprise de réhabilitation puisqu’il s’agit sans aucun doute de l’un des meilleurs Jess Franco, avec la version espagnole du Miroir obscène, intitulée Al otro lado del espejo.
Virgile Dumez.

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