vendredi 22 mars 2019

Opération Peur

                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site scoreexperience.blogspot.com

"Operazione paura / Kill Baby Kill" de Mario Bava. 1966. Italie. 1h23. Avec Giacomo Rossi-Stuart, Erika Blanc, Fabienne Dali, Piero Lulli, Luciano Catenacci.

Inédit en salles en France. U.S: 8 Octobre 1968

FILMOGRAPHIE:  Mario Bava est un réalisateur, directeur de la photographie et scénariste italien, né le 31 juillet 1914 à Sanremo, et décédé d'un infarctus du myocarde le 27 avril 1980 à Rome (Italie). Il est considéré comme le maître du cinéma fantastique italien et le créateur du genre dit giallo. 1946 : L'orecchio, 1947 : Santa notte1947 : Legenda sinfonica1947 : Anfiteatro Flavio1949 : Variazioni sinfoniche1954 : Ulysse (non crédité),1956 : Les Vampires (non crédité),1959 : Caltiki, le monstre immortel (non crédité),1959 : La Bataille de Marathon (non crédité),1960 : Le Masque du démon,1961 : Le Dernier des Vikings (non crédité),1961 : Les Mille et Une Nuits,1961 : Hercule contre les vampires,1961 : La Ruée des Vikings, 1963 : La Fille qui en savait trop,1963 : Les Trois Visages de la peur, 1963 : Le Corps et le Fouet, 1964 : Six femmes pour l'assassin, 1964 : La strada per Fort Alamo, 1965 : La Planète des vampires, 1966 : Les Dollars du Nebraska (non cédité), 1966 : Duel au couteau,1966 : Opération peur 1966 : L'Espion qui venait du surgelé, 1968 : Danger : Diabolik ! , 1970 : L'Île de l'épouvante ,1970 : Une hache pour la lune de miel ,1970 : Roy Colt e Winchester Jack1971 : La Baie sanglante, 1972 : Baron vampire  , 1972 : Quante volte... quella notte1972: Lisa et le Diable, 1973 : La Maison de l'exorcisme, 1974 : Les Chiens enragés,1977 : Les Démons de la nuit (Schock),1979 : La Venere di Ille (TV).


Inédit en salles chez nous mais exhumé de l'oubli quelques décennies plus tard grâce à une émission TV sollicitée par Jean Pierre Dionnet (Quartier Interdit), Operation Peur demeure une clef de voûte singulière du gothisme transalpin. Car sous prétexte d'une histoire de fantôme infantile terrorisant les villageois d'un quartier maudit, Mario Bava se voue corps et âme en artiste prodige afin de façonner un florilège d'images picturales tout droits sorties d'un cauchemar éveillé. Le cheminement narratif adoptant une tournure d'avantage surréaliste de par la perte des répères des protagonistes ne sachant plus distinguer l'illusion de la réalité. Le pitch: Dans un village reculé du Nord de l'Italie, le médecin Eswai est recruté par l'inspecteur Kruger afin de tenter d'éclaircir une succession de morts inexpliquées. Effrayés par l'apparence spectrale d'une fillette, les villageois semblent à la merci de son emprise diabolique. Dénué de croyance spirituelle, Eswai va tenter de découvrir l'horrible vérité. A partir d'un synopsis conventionnel bâti sur les thèmes de la sorcellerie et de la hantise spectrale, notre éminent réalisateur nous livre à nouveau une oeuvre d'une fulgurance macabre littéralement capiteuse. Véritable déclaration d'amour au gothisme baroque au sein d'une époque séculaire aux croyances superstitieuses, Mario Bava envoûte subtilement les sens du spectateur, délicieusement embarqué dans un chassé croisé incessant avec la mort. Ou plus précisément avec le revenant d'une fillette exsangue délibérée à soutirer la vie des paysans superstitieux par le truchement de l'hypnose et des forces occultes. D'une étonnante efficacité, notamment à travers la maîtrise de la caméra expérimentale, les vicissitudes allouées à chacun des protagonistes se décline en partie de cache-cache parmi la présence inquiétante de cette gamine revancharde.


Ainsi donc, à l'aide d'une photo sépia aux éclairages ciselés (les tâches orangers, le jaune, le vert, le bleu et le rouge s'harmonisent parfois au sein du même cadre !), le réalisateur transcende ces décors gothiques (cimetière et forêt nappés de brume, chapelle, ossuaire et demeures mutiques) par le biais d'une architecture picturale (les sculptures d'enfants longeant le jardin). Alors qu'au sein d'une chambre d'enfant poussiéreuse, d'étranges poupées de porcelaines, de vieux cadres de défunts, des candélabres emmêlés de toiles d'araignées et des rideaux usés par la froideur du vent y sont exposés dans une lumière nocturne ensorcelante ! Sans pour autant provoquer une terreur implacable, Mario Bava priorise un climat anxiogène sous-jacent au travers de son énigme suspicieuse plutôt bien construite et semée de rebondissements. L'ambiance feutrée émanant du village clairsemé plongeant le spectateur dans une sorte de cauchemar ésotérique où la temporalité s'avère altérée d'une emprise démoniale (tant auprès d'une sorcière suspicieuse, d'une étrange veuve au passé torturé que du fantôme de Melissa). A la manière irréelle de cette hallucinante séquence déroutante illustrant le parcours récursif du médecin coursant Monica disparue derrière la porte d'une chambre. Ainsi, ouvrant la porte pour pouvoir y pénétrer, il tente à chaque reprise de l'appréhender en vain. Et donc, à chaque fois qu'il quitte la salle, le médecin perdure sa course effrénée auprès des cris de Monica pour se retrouver au même point de départ, c'est à dire au même point de départ de la porte d'entrée ! Il continuera sa poursuite à perdre haleine au point d'y croiser son propre double qu'il finira par agripper par l'épaule ! Une autre séquence intemporelle illustre également Monica dévalant un escalier en colimaçon sans jamais pouvoir parvenir à atteindre l'ultime marche ! Et si le scénario adopte un schéma classique autour de l'archétype du fantôme persécuteur, Mario Bava est suffisamment habile, inventif, inspiré, transi de persuasion pour nous broder une perfide histoire de vengeance spectrale usant à merveille du dédale d'une villa tentaculaire (on peut d'ailleurs parler de rôle à part entière !).


Superstitions
De par sa poésie sépulcrale prédominante où le spectateur s'avère aussi désorienté que les protagonistes épeurés, Mario Bava y transfigure une mécanique d'angoisse diffuse traversée de visions d'effroi à travers la posture impassible d'une fillette mesquine. Exacerbé d'une bande son dissonante émaillé de râles d'outre-tombe et de gloussements railleurs, Opération Peur se décline en chef-d'oeuvre expérimental de par la vigueur de sa persuasion à matérialiser un univers parallèle dénué de raison. D'une série B d'apparence triviale, le maître du gothique en cristallise donc une authentique oeuvre d'art infiniment diaphane et ensorcelante sous l'impulsion d'un casting contracté transi d'émoi.  

*Bruno
22.03.19. 4èx
08.01.13. (78 v)

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