vendredi 23 août 2019

Le Sixième sens. Prix de la Critique, Cognac 87.

                                                                  Photo empruntée sur Google

"Manhunter" de Michael Mann. 1986. U.S.A. 2h00. Avec William L. Petersen, Kim Greist, Joan Allen, Brian Cox, Dennis Farina, Stephen Lang, Tom Noonan, David Seaman, Benjamin Hendrickson, Michael Talbott.

Sortie salles France le 22 Avril 1987. U.S: 22 Août 1986

FILMOGRAPHIE: Michael Kenneth Mann est un réalisateur, scénariste et producteur américain né le 5 Février 1943 à Chicago. 1979: Comme un Homme Libre, 1981: Le Solitaire, 1983: La Forteresse Noire, 1986: Le Sixième Sens, 1989: LA Takedown, 1992: Le Dernier des Mohicans, 1995: Heat, 1999: Révélations, 2001: Ali, 2004: Collatéral, 2006: Miami Vice, 2009: Public Enemies.


Récompensé du Prix de la Critique à Cognac en 1987, le 6è sens est la première adaptation au cinéma du roman Dragon Rouge écrit par Thomas Harris et publié en 1981. D'ailleurs, le même roman sera à nouveau adapté au cinéma en 2002 dans un remake aseptique réalisé par Brett RatnerDragon Rouge (même si la fin eut été remaniée). Echec public à sa sortie, le 6è sens dérouta certainement le spectateur de par l'ambition personnelle de Mann à parfaire un polar à la fois atypique et expérimental. Un agent du FBI reprend du service pour tenter d'appréhender un serial killer surnommé Dragon Rouge. Avec l'aide du psychiatre Hannibal Lecter, psychopathe renommé incarcéré à perpétuité pour homicides crapuleux, William Graham doit faire preuve d'introspection mentale afin de s'infiltrer dans la peau du meurtrier. 
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A partir d'une enquête criminelle établissant un rapport complexe entre 2 serial-killers et un flic obstiné, fragilisé par son antécédente enquête mais délibéré à annihiler le mal, le 6è Sens a de quoi déconcerter le spectateur habitué aux thrillers en bonne et due forme. Si bien que la mise en scène expérimentale de Michael Mann, d'une recherche esthétique flamboyante donne vie à tout ce qui s'immisce dans le champs de l'action. La ville crépusculaire de New-York superbement éclairée, les pavillons résidents à proximité d'un océan sous un climat solaire, le design de l'ameublement et de ses objets domestiques, la nuit stellaire auquel des hommes de droit se fondent dans cette obscurité pour y extraire le Mal... Tous ces composants stylisés, harmonieusement mis en scène, concourent de nous magnétiser les sens de la perception. Quand bien même la partition synthétique de Michel Rubini et les tubes pop rock de David Allen ou The Reds vont largement contribuer à scander ce florilège d'imagerie épurée, de manière à nous envoûter à travers l'odyssée intrinsèque de deux hommes en lutte contre leurs démons. Peu aidé d'une structure narrative parfois complexe, l'enquête menée par un agent fébrile car compromis par l'influence d'un taulard psychopathe aussi roublard que retors nous déploie quelques maigres indices dans un souci documentaire afin de mieux coller à la réalité des faits exposés.


La seconde partie, beaucoup plus planante, romantique et expérimentale à travers la relation naissante entre le tueur épris d'affection pour une jeune aveugle, nous enivre un peu plus pour ce rapport trouble entre cette victime atteinte de cécité et son bourreau autrefois martyrisé, avide de reconnaissance. Tour à tour inquiétant, flegme mais aussi suave, impassible et aliéné, ce tueur singulier nous captive de son désarroi sentimental à contredire ses pulsions malsaines. Il faut dire que la prestance robuste de l'acteur Tom Noonan, au front dégarni et à la taille longiligne, ainsi que l'innocence candide de l'attachante Joan Allen doivent beaucoup au caractère oniriques de certaines étreintes sensorielles (les caresses charnelles de l'aveugle auprès du tigre du laboratoire). Ainsi, à travers ce duo intempestif baignant subitement dans l'insouciance et la plénitude, il y a ce rapport soudainement complémentaire à travers leur handicap commun d'y apprivoiser l'amour. Quant à la présence transie de William L. Petersen s'étant d'ailleurs fait connaître quelques années plus tard avec l'illustre série des Experts sponsorisée par TF1, celui-ci était inné pour incarner le profil assidu (mais oh combien torturé et tourmenté !) d'un inspecteur pugnace flirtant avec l'emprise du Mal. Son caractère opiniâtre extériorisé par son entière contribution à démasquer le tueur séditieux apportant beaucoup d'intensité à ce jeu du chat et de la souris qu'ils se disputent de manière névrotique.


Listen to my heartbeat.
Hypnotique, passionnant et envoûtant, désarçonnant, sibyllin et complexe (principalement auprès de l'investigation de l'agent en proie à ses théories personnelles), le 6è Sens se décline en modèle du thriller crépusculaire. Une forme de trip expérimental (à la limite du surnaturel) établissant un rapport diaphane entre le tueur victimisé d'une enfance galvaudée et un flic teigneux en perdition morale. Enfin, l'intrigue peut également se concevoir comme une réflexion sur l'acceptation de soi à travers la quête de l'épanouissement conjugal (tant auprès des rapports davantage conflictuels du flic et de son épouse que de ceux du tueur et de l'aveugle). Détournant admirablement les conventions du genre au gré d'une virtuosité formelle subjective, ce thriller fantasmagorique scandé d'une bande-son extatique laisse une étrange impression d'avoir vécu un grand moment de cinéma. On peut d'ailleurs le proclamer chef-d'oeuvre atypique grâce au trouble impact de son pouvoir de fascination. 

*Bruno
23.08.19. 4èx
25.01.12

Récompense: Prix de la Critique au festival du film policier de Cognac en 1987.

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