jeudi 25 août 2022

Inexorable

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Fabrice Du Welz. 2021. France/Belgique. 1h38. Avec Benoît Poelvoorde, Mélanie Doutey, Alba Gaïa Bellugi, Janaïna Halloy Fokan, Anaël Snoek, Jackie Berroyer, Sam Louwyck. 

Sortie salles France: 6 Avril 2022

FILMOGRAPHIE: Fabrice Du Welz est un réalisateur et scénariste belge, né le 21 Octobre 1972. 2004: Calvaire. 2008: Vinyan. 2014: Colt 45. 2014: Alleluia. 2017 : Message from the King. 2018 : Des cowboys et des indiens : Le Cinéma de Patar et Aubier (documentaire télévisuel). 2019 : Adoration. 2022 : Inexorable. En préparation : Maldoror. 

Un choc thermique d'une intensité davantage éprouvante. Un traumatisme dont il est impossible de sortir indemne sitôt le générique clôt. Voilà ce que nous illustre sans ambages Fabrice Du Welz, réalisateur franc-tireur réfractaire au cinéma polissé et riche d'une passionnante filmo aux influences des Seventies (notamment auprès de son parti-pris de tourner - fréquemment - en 16 mm). Tant et si bien qu'Inexorable est une claque furibonde comme on en subi que trop peu dans le paysage du thriller horrifique de par son brio géométrique à instiller un climat d'inquiétude allant crescendo au point de saisir la gorge du spectateur (littéralement asphyxié) jusqu'au climax à la limite du soutenable. Et si la 1ère demi-heure nous caractérisant dans l'insouciance ses personnages accords d'une cellule familiale potentiellement unie, qui plus est accueillant à bras ouvert une jeune étrangère surgie de nulle part, Inexorable dévoile peu à peu son potentiel (psychologiquement) terrifiant en dévoilant les fêlures morales de ses protagonistes gagnés par une appréhension aliénante. Et ce en abordant les sombres thématiques de la culpabilité, de la frustration sexuelle (2 séquences torrides, contradictoires dans les ruptures de ton, demeurent particulièrement crues au point d'y provoquer la gêne), du mensonge, du faux-semblant, de la quête identitaire et du non-dit auprès de personnages tous à la fois équivoques, interlopes, dépressifs. De toute évidence, à travers son pitch que l'on voit venir à 100 kms, l'impression de déjà vu se fait rapidement ressentir alors que l'habileté de Du Welz est de nous faire progressivement omettre cette gênante impression standard en faisant perdre nos repères et la raison au gré d'une intensité anxiogène franchement malaisante, pour ne pas dire fétide, malsaine, putride qui ne nous lâchera plus d'une semelle.  


Le thriller tendu se permutant peu à peu en dérive horrifique (en éludant le plus possible la complaisance gore) même si la saturation d'éclairages oniriques nous eut déjà averti de son climat baroque adepte des ambiances cauchemardesques insidieuses (on pense même parfois à Argento et Suspiria alors que son ultime plan quelque peu onirique est un clin d'oeil patent à Possession de Zulawski). Comme quoi, auprès d'une trajectoire narrative connue, on peut encore surprendre le spectateur grâce au brio d'une mise en scène intègre au service de son atmosphère hostile et de ses personnages torturés emportés dans une spirale infernale. Le réalisateur exploitant notamment à merveille la nature si respirable et le cadre beaucoup trop vaste pour ses occupants d'une immense demeure bucolique auquel un illustre écrivain, son épouse et sa fille cohabitent dans la quiétude. La photo particulière car granuleuse étant par ailleurs fastueuse auprès de ses couleurs subtilement disparates. Et ce jusqu'à l'adoption d'un chien et de leur hospitalité pour une jeune introvertie que Du Welz a le don de nous ausculter auprès de ses expressions timorées implicitement délétères. Tous les acteurs demeurant parfaits de naturel rigoureux alors que Benoît Poelvoorde habité par ses démons inconcevables, la gueule tuméfiée, striée, fatiguée, nous réserve le rôle de sa vie (peut-être avec C'est arrivé près de chez vous si j'ose dire). Outres les prestances aussi fermes, péremptoires et véridiques de Mélanie Doutey et d'Alba Gaïa Bellugin  progressivement en opposition morale dans leur règlement de compte domestique, on reste notamment stupéfiait du jeu criant de vérité de la petite Janaïna Halloy Fokan suscitant sans fard des moments de joie expansives avant l'emprise des crises de larmes et de rébellion (sa danse improvisée sur du metal demeure anthologique !) face à une injustice que le spectateur conçoit avec plus de clarté que les personnages compromis par leur désarroi, leur doute, leur incompréhension puis leur colère haineuse (surtout le duo Marcel/Gloria). 


Possession
Grand moment de péloche marginale résolument malaisante (au point même d'influer sur notre organisme corporel pour les + sensibles dont je fais parti) par son climat dépressif de plus en plus inquiétant et terrifiant, Inexorable parvient véritablement à faire PEUR de la façon la plus absolue et insidieuse en misant principalement sur le développement cérébral des personnages torturés compromis par un horrible secret (bicéphale !). Probablement l'oeuvre la plus brutale, flippante (oubliez tous les films d'horreur innocents de cette année) et maîtrisée de ce véritable auteur que symbolise Fabrice Du Welz depuis la bombe (néophyte) Calvaire. Je précise enfin qu'afin de préserver tout effet de surprise j'ai sciemment omis quelques thèmes majeurs du script trop préjudiciables pour l'identité obscure des personnages (même si après le générique nous restons toutefois dans l'interrogation à travers ses divers niveaux de lecture). 

P.S: En dépit de son interdiction aux - de 12 ans (?!), le film est clairement destiné à un public averti. 

*Bruno

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