mardi 21 février 2012

Cheval de Guerre / War horse


de Steven Spielberg. 2011. U.S.A. 2h27. Avec Jeremy Irvine, Peter Mullan, Emily Watson, Niels Arestrup, David Thewlis, Tom Hiddleston, Benedict Cumberbatch, Celine Buckens, Toby Kebbell, Patrick Kennedy.

Sortie salles France: 22 Février 2012. U.S: 25 Décembre 2011.

FILMOGRAPHIE: Steven Allan Spielberg, Chevalier de l'Ordre national de la Légion d'honneur est un réalisateur, producteur, scénariste, producteur exécutif, producteur délégué et créateur américain, né le 18 décembre 1946 à Cincinnati (Ohio, États-Unis). 1971: Duel , 1974: Sugarland Express, 1975: Les Dents de la mer, 1977: Rencontres du troisième type, 1979: 1941, 1981: les Aventuriers de l'Arche Perdue, 1982: E.T. l'extra-terrestre , 1983: La Quatrième Dimension (2è épisode),1984: Indiana Jones et le Temple maudit, 1985: La Couleur pourpre, 1987: Empire du soleil, 1989: Indiana Jones et la Dernière Croisade, Always, 1991: Hook, 1993: Jurassic Park, La Liste de Schindler, 1997: Le Monde Perdu, Amistad,1998: Il faut sauver le soldat Ryan Saving Private Ryan, 2001: A.I., 2002: Minority Report, Arrête-moi si tu peux, 2004:Le Terminal , 2005: La Guerre des Mondes, 2006: Munich, 2008: Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal,2011: Les Aventures de Tintin, cheval de guerre. 2012: Lincoln.


En 2011, Steven Spielberg enchaîna coup sur coup deux métrages au budget faramineux, 135 000 000 dollars pour Le secret de la licorne vs 66 000 000 dollars pour Cheval de Guerre. Adapté de la pièce de théâtre War Horse de Michael Morpurgo et basé sur son propre livre publié en 1982 en Grande Bretagne, Steven Spielberg tomba sous le charme de ce conte familial illustrant l'amitié singulière entre un jeune garçon et son cheval. C'est préalablement sa productrice fétiche Kathleen Kennedy, grande fan de la pièce, qui l'aura conseillé de se déplacer pour assister à l'une de ces représentations. Le PitchDurant la première guerre mondiale, un jeune garçon, Albert, se lie d'amitié avec un cheval acheté par son père aux enchères. Contraint de s'en débarrasser pour subvenir à ses besoins financiers, le paternel revend l'animal à un soldat anglais. Albert décide de partir au front dans une mission de secours pour retrouver son cheval exploité par l'armée britannique et allemande. 


Après avoir été conquis par la pièce de théâtre du britannique Michael Morpurgo, Steven Spielberg s'empresse de porter le scénario à l'écran avec un budget à la hauteur des moyens considérables déployant moult figurants. Mis en scène avec lyrisme et souffle épique pour dépeindre avec souci de réalisme d'immenses affrontements belliqueux de la 1ère guerre mondiale, le maître du "blockbuster intelligent" nous illustre une magnifique histoire d'amitié entre un jeune garçon et son cheval.
Parmi des personnages profondément attachants évoluant dans un monde en guerre où les victimes se comptent par millions, Cheval de Guerre nous embarque dans une aventure échevelée auquel deux héros devront se désunir puis tenter de se retrouver plus tard dans le chaos le plus désordonné. Marqués par un destin insensé, Albert et Joey étaient communément destinés à vivre une existence périlleuse émaillée de rencontres et péripéties impondérables. Mais dans ce genre de récit intense et exaltant, il vaut mieux éluder d'y dévoiler son cheminement narratif privilégiant en amont l'humanité meurtrie de ces belligérants combatifs.


Baignant dans une photo flamboyante et rehaussé de décors naturels d'une beauté incandescente (l'épilogue rutilant ornant les silhouettes humaines sous un ciel crépusculaire rappellera aux nostalgiques la flamboyance légendaire d'Autant en Emporte le vent !), le réalisateur renoue avec sa maestria traditionnelle et déploie son sens inné de la fantasmagorie afin de décrire avec émotion un conte marqué par la grâce. Une épopée passionnelle inscrite dans les tourments des héros agissant avec bravoure et honneur pour tenter de survivre dans la barbarie d'une guerre interminable. En l'occurrence, l'armée du pays britannique contrainte de lutter contre l'invasion allemande. Et à ce sujet, Steven Spielberg réalise une fois de plus des prouesses techniques pour mettre en scène (sans rajout d'effet numérique) des instants de bravoure où l'affres de la mort suinte sur les visages blêmes de chaque combattant. Des soldats audacieux parfois envahis par l'emprise d'une peur paranoïde mais néanmoins acculés d'avancer au front pour affronter avec audace suicidaire l'antagoniste reclus dans ses tranchées. Au milieu de ces champs de ruines jalonnés de cadavres d'animaux et de soldats estropiés, un jeune garçon légitime et son cheval intrépide useront de persévérance et d'espoir pour peut-être se retrouver après de longs moments de labeur. En résulte une histoire simple, bouleversante, captivante, traitée avec humilité et refus de mièvrerie (n'en déplaise à ces détracteurs de toujours). Une fresque initiatique traversé de moments homériques (l'échappée nocturne de Joey s'élançant à travers les tranchées sous le fracas des bombes) ou dramatiques (le sacrifice inéquitable des chevaux blessés) d'une force émotionnelle imparable.

.
Superbement interprété (le jeune Jeremy Irvine est parfait de sobriété candide) et soutenu du score majestueux de John Williams, Cheval de Guerre est un magnifique témoignage de fraternité entre l'homme et l'animal alors que huit millions de chevaux furent sacrifiés durant la Première Guerre Mondiale. Sans pathos ni discours grandiloquent, Steven Spielberg rend humble hommage à cette cause animale tout en valorisant les notions de bravoure, d'honneur mais aussi d'espoir pour tous ces hommes qui eurent sacrifiés leur vie afin de glorifier leur patrie. Grandiose et profondément émouvant j'vous dis.

Dédicace à Isabelle Rocton
21.02.12
Bruno Matéï

La critique de Gilles Rollandhttp://www.onrembobine.fr/critiques/critique-cheval-de-guerre


 

lundi 20 février 2012

Strange Days

                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Kathryn Bigelow. 1995. U.S.A. 2h25. Avec Ralph Fiennes, Angela Bassett, Juliette Lewis, Tom Sizemore, Michael Wincott, Vincent d'Onofrio, Glenn Plummer, Brigitte Bako, Richard Edson, William Fichtner.

Sortie salles France: 7 Février 1996 (Int - 16 ans). U.S: 13 Octobre 1995.

FILMOGRAPHIE: Kathryn Bigelow est une réalisatrice et scénariste américaine, née le 27 Novembre 1951 à San Carlos, Californie (Etats-Unis). 1982: The Loveless (co-réalisé avec Monty Montgomery).  1987: Aux Frontières de l'Aube. 1990: Blue Steel. 1991: Point Break. 1995: Strange Days. 2000: Le Poids de l'eau. 2002: K19. 2009: Démineurs. 2012 : Zero Dark Thirty. 2017 : Detroit. 

.
Après Blue Steel et Point Break, Kathryn Bigelow retourne au cinéma d'action avec Strange Daystechno thriller visionnaire à l'ambiance survoltée à marquer d'une pierre blanche. Une expérience de cinéma sensorielle faisant véritablement office d'oeuvre culte au sens étymologique. Ainsi, malgré son flop en salles et sa durée inhabituelle, ce divertissement flamboyant s'interroge sur les nouvelles addictions de demain via l'entremise d'une nouvelle technologie virtuelle et le pouvoir de l'image qui en émane. Kathryn Bigelow nous illustrant également la vision désenchantée d'une société despotique en déclin auquel les forces de l'ordre profitent de leur autorité pour déprécier une population afro soumise à la haine raciale. Le pitchLe 30 Décembre 1999, à Los Angeles. Lenny Nero est un ancien flic reconverti dans la revente illégale d'un produit technologique révolutionnaire, le SQUID. Avec l'entremise d'un casque posé sur le crane, ce procédé virtuel vendu sous le manteau consiste à faire visionner au client un clip vidéo sensoriel pour lui faire ressentir en temps réel des expériences d'adrénaline. Mais la veille du nouvel an, Lenny découvre à travers une nouvelle disquette le meurtre en direct d'une de ses proches amies. 
.
.
A travers une ambiance crépusculaire en déliquescence, Kathryn Bigelow nous dévoile un Los Angeles d'apocalypse auquel les citoyens sont asservis par un régime totalitaire érigé sous l'administration sécuritaire de la police, mais aussi celle de l'armée déployée en masse dans la métropole. Par l'intermédiaire d'un loser en voie de mutation morale (excellemment campé par Ralph Fiennes), nous subissons un florilège d'expériences virtuelles avec l'intervention d'une technologie futuriste au pouvoir sensoriel transcendant. Ce gadget ludique inévitablement addictif pour sa requête de sensations fortes auprès du sujet transi consistant à lui faire vivre en temps réel, et de manière subjective, une situation sulfureuse lui permettant de se retrouver à la place d'un héros perpétrant une action interdite ou un fantasme lubrique. Renforcé d'une caméra subjective, la réalisatrice nous fait profiter de ces expériences hallucinées où le sujet fébrile est éprouvé par ces émotions aussi cinglantes que diaphanes. Comme par exemple le fait de chuter dans le vide du haut d'un immeuble après avoir échapper aux forces de l'ordre à la suite d'un braquage. Ou celui de faire l'amour avec une partenaire lambda sans avoir à se reprocher une éventuelle culpabilité d'adultère. Ou encore l'idée incongrue pour un quidam masculin de se retrouver dans la peau d'une femme nue se caressant langoureusement sous une douche !
.

Par conséquent, sur fond de BO rock endiablée (dont un tube interprété par Juliette Lewis), Kathryn Bigelow affilie à son concept virtuel une intrigue policière où le suspense est assez bien entretenu (à deux, trois facilités tirées par les cheveux et quelques personnages stéréotypés, tels ses 2 agents de police outrés à travers leur haine meurtrière de dernier ressort). L'épatant Ralph Fiennes endosse de manière fiévreuse un marginal dépité par une société corruptrice en chute libre. En menant son enquête avec une fougue teintée de désespoir, sachant que son ex amie est à deux doigts de trépasser sous l'intimidation d'un tueur odieusement pervers. Angela Basset lui volerait presque la vedette tant elle se révèle rigoureusement intense de dévouement et de pugnacité de par sa posture virile en voie de rébellion. Une combattante aguerrie délibérée à faire éclater au grand jour un complot politique de grande envergure fustigeant la haine raciale. Quand à Juliette Lewis, elle incarne avec un naturel dévergondé le rôle d'une chanteuse paumée, scindée entre l'empathie de son ancien amant et la cupidité de son producteur enjôleur vautré dans son confort et sa mégalomanie.

.
Nanti d'une mise en scène ambitieuse à la hauteur des moyens déployés (l'embrasement final établi sous les feux de projecteurs du centre urbain de Los Angeles auquel une participation exceptionnelle de figurants sont déployés par milliers donne le  vertige !), Strange Days s'édifie en spectacle visionnaire pour l'anarchie d'un avenir pessimiste à deux doigts d'embraser la révolution. Reflet d'une époque en perte de repères auquel le citoyen capricieux semble lassé de ces loisirs et de sa routine existentielle, la réalisatrice y cristallise un procédé virtuel révolutionnaire afin de satisfaire ce public toujours plus avide par la nouveauté d'expériences émotionnelles en guise d'échappatoire. Et de nous mettre en garde sur certaines transactions mercantiles de commerçants sans vergogne commercialisant des vidéos crapuleuses pratiquant le meurtre du direct et le viol misogyne. Au rythme d'une partition rock endiablé, Strange Days dépeint avec force et fracas un réquisitoire alarmiste sur le danger des technologies futuristes et sur notre rapport intime, viscéral au pouvoir de l'image. Pour parachever, et en faisant référence au passage à tabac de l'afro américain Rodney King par des agents de police et des émeutes qui s'ensuivirent après le procès, la réalisatrice dénonce dans une mise en scène virtuose les débordements racistes d'une police expéditive davantage compromise par un état totalitaire. Flamboyant, frénétique, électrisant, vertigineux, beau, poignant et surtout visuellement ensorcelant à travers sa scénographie nocturne illuminée de néons, fumigènes et paillettes, Strange Days est une étourdissante expérience émotionnelle où nos sens manipulés semblent en ébullition. En somme, gros moment de cinéma autour de ces morceaux de bravoure à la fois déchainés et décomplexés. 

*Bruno Matéï
27.05.22
20.02.12


vendredi 17 février 2012

Le Gladiateur du Futur / Endgame - Bronx lotta finale


de Joe D'Amato (Steven Benson). 1983. Italie. 1h36. Avec Al Cliver, Laura Gemser, George Eastman, Jack Davis, Al Yamanouchi, Edmund Purdom, Bobby Rhodes.

Sortie salles France: 9 mai 1984. Italie: 5 Novembre 1983

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Joe d'Amato (né Aristide Massaccesi le 15 décembre 1936 à Rome, mort le 23 janvier 1999) est un réalisateur et scénariste italien. 1977 : Emanuelle in America, 1977 : Viol sous les tropiques, 1979: Buio Omega (Blue Holocaust), 1980:Anthropophagous, La Nuit Erotique des morts-vivants, Porno Holocaust, 1981: Horrible, 1982: 2020, Texas Gladiator, Caligula, la véritable histoire, Ator l'invincible, 1983: Le Gladiateur du futur, 1991: Frankenstein 2000


En 1981 sort sur nos écrans deux oeuvres charnières de la science-fiction post-apo, Mad-Mad 2 / New-York 1997. Une véritable mode est alors lancée pour le genre ludique de la série B d'action futuriste plus communément appelé "post-nuke". C'est surtout nos voisins transalpins qui s'empresseront d'exploiter le filon pour mettre en amont nombre de péripéties frénétiques inspirées de la bande dessinée et du western spaghetti. Ainsi donc, la même année que le fleuron Z du genre 2019 après la chute de New-York, Joe d'Amato nous livre sa version avec le Gladiateur du futur. Un délire tout aussi improbable et crétin mais suffisamment drôle, charmant, attachant, dépaysant, fertile en action pour passer un moment (souvent) hilarant entre amis du samedi soir. Que le jeu de la mort commence ! Le pitchEn 2029, après une guerre nucléaire, le monde est devenu une terre polluée par la radioactivité alors que des mutants tentent d'y survivre sous la dictature fasciste d'un gouvernement corrompu. Participant une fois de plus à un célèbre jeu télévisé où chaque participant risque la mort au prix d'un gain faramineux, Shanon est un guerrier solitaire usant de bravoure pour combattre ces nouveaux gladiateurs du futur. En l'occurrence, le "jeu de la mort" se révèle truqué et Lilith, une mutante de classe B, va épauler Shanon pour lui éviter de tomber dans un traquenard. En échange, la jeune femme lui propose un marché pour l'aider à fuir la ville contaminée et s'expatrier dans une contrée paisible en compagnie de ses acolytes. Shanon accepte la transaction et commence à recruter une équipe de baroudeurs intrépides afin de mieux repousser l'antagoniste.   
.
.
Avec l'entrée en matière d'un préambule aussi farfelu qu'inutile mais tout à fait ludique (la retransmission en direct live du fameux jeu de la mort auquel nos participants armés s'affrontent impitoyablement dans des sous-sols décrépits), Joe d'Amato et son collaborateur Georges Eastman (acteur mais aussi scénariste) nous érigent une énième bisserie Z à la hauteur des moyens précaires. Il faut d'abord souligner le plaisir immodéré de voir réunir à l'écran une galerie de trognes de seconde zone bien connues des amateurs. Participent donc à l'aventure pour notre plus plaisir coupable, Al Cliver (l'Enfer des Zombies, le Chat Noir, l'Au-dela), Al Yamanouchi (2019, après la chute de New-York... 2020, Texas Gladiateur), Edmund Purdom (l'Avion de l'apocalypse, Emilie, l'enfant des Ténèbres, 2019...), Bobby Rhodes (Démons 1 et 2, Héros d'Apocalypse), Georges Eastman (Horrible, Anthropophagous) et enfin notre vénus des îles, Laura gemser (la série des Black Emanuelle). Ainsi, avec ces comédiens aussi aimables et inexpressifs de par leur jeu cabotin fort en diable, difficile de ne pas éprouver une sympathie attendrie face à leurs élucubrations verbales et péripéties échevelées qu'on ne se lasse jamais de contempler, tel un bambin ébaubi.


Avec une trame aussi puérile (notre valeureux Shanon doit sauvegarder une bande de mutants pour les évacuer du centre-ville irradié au prix de moults risques), nous allons donc suivre leurs vicissitudes auquel nombres d'antagonistes vont tenter de leur barrer chemin. Et pour épicer l'intrigue, un officier fasciste et son armée de nazis feront aussi partie de l'aventure pour tenter de retrouver et ravir un garçonnet doué de pouvoirs surnaturels ! Ainsi, durant ces tribulations futuriste post mad-max, vous ferez la connaissance de notre héros pugnace à la barbe impassible, d'un chinois taciturne sans pitié, d'un chef de gang grassouillet fort en gueule, d'un neurologue pacifiste bienveillant, d'un bad-guy obtus et increvable ou encore d'un colonel fasciste à la mine renfrognée. Mais vous partagerez également l'aventure avec des mutants de Classe B (des contaminés à la physionomie vertueuse) et des mutants régressifs (des affreux jojos à la morphologie néandertalienne), une communauté d'aveugles clairvoyants (toujours plus nombreux quand leur confrère trépasse sous les balles de l'adversaire), une télépathe méditerranéenne et enfin un enfant prodige doué de télékinésie (il soulève des pierres et un véhicule militaire par la simple force de sa pensée !). Autant vous dire qu'aussi vide qu'une coquille d'oeuf soit la narration, le rythme vigoureux des scènes d'action, la verve des dialogues hilarants, la ringardise des mines désaffectées et sous-sols industriels et le faciès de nos protagonistes ahuris compensent allègrement la médiocrité de l'entreprise semblable à une attraction de cirque. Surtout lorsque tout ce beau monde se prend au sérieux avec une sobriété génialement maladroite. 


De la part d'un habile faiseur de Z (et du porno rentable), notre regretté Joe d'Amato nous a une fois de plus conçu un divertissement constamment plaisant parce que façonné avec une foi inébranlable en dépit des moyens miséreux alloués. A peu de choses près du niveau du fleuron du genre initié par Sergio Martino (2019, Après la chute de New-York), le Gladiateur du Futur peut se targuer d'être l'une des réussites du genre post-nuke au même titre que le diptyque Les Guerriers du BronxDifficile donc de faire la fine bouche devant tant de fantaisie risible quand on est inconditionnel de bisserie transalpine à la patine spécialement eightie. A revoir d'urgence. 

*Bruno 
08.05.23. 
17.02.12


mercredi 15 février 2012

La Nuit des Morts-Vivants / Night of the Living Dead


de Georges A. Romero. 1968. 1h36. Avec Duane Jones, Judith O'Dea, Karl Hardman, Marilyn Eastman, Keith Wayne, Judith Ridley, Kyra Schon, Charles Craig, S. William Hinzman, George Kosana, Frank Doak.

Sortie salles France: 21 Janvier 1970. U.S: 1 Octobre 1968

FILMOGRAPHIE: Georges Andrew Romero est un réalisateur, scénariste, acteur, auteur américain, né le 4 Février 1940 à New-York. 1968: La Nuit des Morts-vivants. 1971: There's Always Vanilla. 1972: Season of the Witch. 1973: The Crazies. 1977: Martin. 1978: Zombie. 1981: Knightriders. 1982: Creepshow. 1985: Le Jour des Morts-vivants. 1988: Incidents de parcours. 1990: Deux Yeux Maléfiques. 1992: La Part des Ténèbres. 2000: Bruiser. 2005: Land of the Dead. 2008: Diary of the Dead. 2009: Survival of the Dead. 2011: Deep Red.


Dans le "fantastique", jamais le cinéma n'avait été aussi loin... Il ne pourra jamais faire mieux...
Inspiré d’une nouvelle de Richard Matheson (Je suis une Légende), le néophyte George A. Romero réalise, en 1968, un petit métrage tourné en noir et blanc — contrainte d’un budget exsangue — avec en tête d’affiche un acteur noir, fait inédit dans le cinéma américain. À sa sortie, le choc est immédiat. L’horreur, sociale, si réaliste et jusqu’au-boutiste, traumatise des spectateurs peu accoutumés aux scènes-chocs sanglantes et à cette ambiance monocorde, étouffante, d’une anxiété rampante. D’autant que jamais le mythe du zombie n’avait été retranscrit avec autant de vérité brute que sous l’œil froid d’un nouveau pionnier du genre. Propulsée par sa renommée soudaine, La Nuit des Morts-Vivants deviendra l’un des films les plus rentables du cinéma indépendant, et demeure aujourd’hui un chef-d’œuvre subversif, d’un pessimisme alarmant.

Le pitch : dans un cimetière, Johnny et Barbara se recueillent sur la tombe de leur père lorsqu’un homme à la démarche chancelante surgit pour les agresser. Dans la lutte, Johnny meurt, la tête fracassée contre une stèle. Paniquée, Barbara fuit à travers la campagne jusqu’à une ferme abandonnée. Bientôt, un inconnu surgit pour s’y réfugier à son tour, tandis que dehors, des créatures hostiles commencent à encercler les lieux….

Dès les premières minutes, George Romero installe une atmosphère suffocante dont le spectateur, heurté de plein fouet, ne ressortira pas indemne. Des radiations venues d’une météorite auraient réveillé les morts, désormais affamés de chair humaine. Tourné comme un reportage d’urgence, sublimé par un noir et blanc funèbre et les performances sobres mais intenses d’acteurs amateurs, La Nuit des Morts-Vivants devient un modèle d'efficacité. Le huis clos est oppressant : une poignée d’êtres perdus se confronte autant aux monstres qu’à ses propres dissensions. Des personnages rudes, névrosés, nerveux, s’empêtrent dans leur incapacité à s’unir face à l’inimaginable. Le film radiographie avec lucidité nos réflexes xénophobes, notre égo, notre arrogance à imposer nos vues dans l’urgence de la survie.

C’est ce que cristallise la rivalité de deux hommes — l’un noir, l’autre blanc — opposant leur vision de la défense : barricader le rez-de-chaussée, ou se claquemurer dans la cave. Avec sang-froid et initiative, Ben, l’homme noir, tente de convaincre ses compagnons de privilégier l’étage, avec l’appui de Tom. Ce dernier, jusqu’ici soumis à l’autorité du patriarche Harry Cooper, était relégué à la cave avec sa compagne. Mais la peur, la lâcheté et la paranoïa deviennent les catalyseurs de leur défaite. Chacun campant sur ses positions, la cohésion vole en éclats.


Dans ce climat de tension constante, Romero s’attache à renforcer l’effet de réalité : interventions télévisées crédibles, voix-off journalistiques, et un usage du son d’une véracité glaçante. Ses zombies ne sortent pas de contes gothiques : ils puent la terre et les viscères. Et côté transgression, il ose.
Citons cette séquence fétide où, accroupis dans l’herbe, les morts s’arrachent les organes de deux corps calcinés dans une orgie nécrophage.

 
"L’humanité en ruines, le ventre vide des morts".
Terrifiant de réalisme, radical, désespéré jusqu’à la moelle, La Nuit des Morts-Vivants illustre, sans filtre, que l’homme est un loup pour l’homme — qu’il est voué à l’autodestruction, dominé par son orgueil et son illusion de contrôle. Métaphore du conflit vietnamien, réflexion sur la désagrégation de la solidarité, et réquisitoire contre les dangers d’un progrès technologique débridé, Romero signe ici un réquisitoire furieux contre l’inhumanité rampante.

Près de 60 ans après, ce film reste, à mes yeux, le plus réaliste de tous les zombie movies. Le plus cru. Le plus humain. Le plus prophétique.

*Bruno
19.05.24. 5èx. Vostf
16.02.12



mardi 14 février 2012

The Crow

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

d'Alex Proyas. 1994. U.S.A. 1h42. Avec Brandon Lee, Ernie Hudson, Michael Wincott, David Patrick Kelly, Angel David, Rochelle Davis, Bai Ling, Laurence Mason, Michael Massee, Bill Raymond.

Sortie salles France: 3 Août 1994. U.S: 11 Mai 1994

FILMOGRAPHIE: Alex Proyas est un réalisateur, producteur et scénariste australien, né le 23 Septembre 1963 en Egypte. 1994: The Crow. 1998: Dark City. 2002: Garage Days. 2004: I, Robot. 2009: Prédictions. 2012: Paradise Lost.


"Il y a longtemps, les gens croyaient que quand quelqu'un meurt un corbeau emporte son âme jusqu'au pays des morts. Mais il arrive parfois, quand des choses trop horribles se sont passées, que l'âme emporte avec elle une immense tristesse et qu'elle ne puisse pas retrouver le repos. Quelque fois, et seulement quelque fois, le corbeau peut faire revenir cette âme pour que le bien reprenne ses droits sur le mal." 

"The Crow : L’Amour Éternel des Ombres".
Inspiré du comic book de James O’Barr, Alex Proyas transfigure pour son premier essai un conte gothique, vertigineux et flamboyant, où la romance élégiaque s’évade du cadre expressionniste. Habité du magnétisme indicible de Brandon Lee, ce requiem empli de sensibilité se pare d’une résonance tragique lorsque, le 31 mars 1993, l’acteur tire sa révérence, mortellement blessé par balle lors d’une scène. Un accident d’autant plus cruel et imbitable que son père, Bruce Lee, mourut jadis dans des circonstances aussi mystérieuses — conflit avec la mafia chinoise, collusions avec le producteur Raymond Chow, rupture d’anévrisme ?

Le pitch : la veille de leur mariage, la nuit de la Toussaint, le chanteur Eric Draven et sa compagne Shelly sont sauvagement assassinés par une bande de malfrats. Un an plus tard, par l’entremise d’un corbeau, Eric Draven sort de sa tombe pour venger la mort de sa défunte.

Perle maudite, faute d’un deuil inéquitable, The Crow semble possédé par son âme. Un paradoxe qui fait écho à la fiction (involontairement « méta »), où le personnage revenu de l’au-delà réclame justice aux responsables de la mort de sa compagne. À travers une photographie monochrome d’un esthétisme crépusculaire à damner un saint, la quête meurtrière d’Eric Draven — fantôme au visage maculé de blanc, à la manière d’un polichinelle — nous est contée dans un esprit gothique audacieusement destroy. Héritage d’une architecture ancestrale médiévale, modernité d’une musicalité rock enflammée : sous ses allures d’actionner moderne rythmé par les exactions du justicier, Proyas évoque avant tout la sublime romance déchue d’un ange habité par la haine depuis le sacrifice de son couple, incapable de trouver le repos dans l’obscurité de l’au-delà.

Aujourd’hui ressuscité par le pouvoir occulte d’une corneille, il s’engage à anéantir le Mal infiltré dans une cité livrée au chaos. Lamenté par son deuil, hanté de souvenirs tantôt morbides, tantôt édéniques, Eric Draven trouve refuge auprès d’une ado esseulée à qui il tendra la main. Entre son assistance et celle d’un flic pondéré, il perpétuera sa vengeance tout en inculquant à ceux qu’il chérit ses valeurs spirituelles de tendresse et d’amour. 


Dans un rôle iconique de mort-vivant frondeur et invincible, Brandon Lee incarne sa part d’éternité avec une prestance surnaturelle, diaphane. L’idée dérangeante de sa mort accidentelle sur le tournage exacerbe cette aura mystique qui imprègne la pellicule (j’insiste). Son interprétation viscérale renforce la fragilité d’un personnage meurtri, investi autant dans sa traque impitoyable que dévoué à enseigner l’amour à ses proches. Aux côtés de Rochelle Davis, qui incarne avec pudeur une adolescente candide éprise de tendresse pour ces amants maudits, la fragile émotivité s’exprime dans une situation sans repère — sa mère toxicomane étant incapable d’assumer son rôle parental, qu’Eric n’hésitera pas à lui rappeler.


"Si les êtres que nous aimons nous sont arrachés, pour qu'ils vivent longtemps, il ne faut jamais cesser de les aimer. Les immeubles brûlent, les gens meurent, mais l'amour véritable est éternel..."
Soutenu par la frénésie d’une BO rock endiablée, transcendé par un esthétisme macabro-gothique à couper le souffle, The Crow s’érige en requiem fébrile pour romantiques déchus, avant d’introniser l’acuité de l’amour. Chef-d’œuvre flamboyant, gracieux et mélancolique, sublimé par l’icône de son acteur damné. Conte torturé, écorché vif, débordant de virginité et de tendresse, où l’alchimie émotive dépasse la raison. Probablement l’un des poèmes crépusculaires les plus romantiques et obsédants jamais transfigurés sur pellicule. Plongés dans l’univers opaque et sensible de The Crow, nous sommes confrontés à une élégie désolée — la séquence finale, au chevet du tombeau, intime et bouleversante, déchire nos larmes de délivrance devant le visage replié d’Eric Draven, un visage que rien ne peut remplacer. À moins qu’une dernière main secourable ne s’abatte — quand l’amour n’a jamais été abandonné…

*Bruno
14.02.12
11.05.24. 4èx. 4K Vost


                                       


vendredi 10 février 2012

Blade Runner. (the Final Cut)


de Ridley Scott. 1982. U.S.A. 1h57. Avec Harrison Ford, Rutger Hauer, Sean Young, Edward James Olmos, M. Emmet Walsh, Daryl Hannah, William Sanderson, Brion James, Joe Turkel, Joanna Cassidy.

Sortie Salles France: 15 Septembre 1982. U.S: 25 Juin 1982

FILMOGRAPHIE: Ridley Scott est un réalisateur et producteur britannique né le 30 Novembre 1937 à South Shields. 1977: Duellistes. 1979: Alien. 1982: Blade Runner. 1985: Legend. 1987: Traquée. 1989: Black Rain. 1991: Thelma et Louise. 1992: 1492: Christophe Colomb. 1995: Lame de fond. 1997: A Armes Egales. 2000: Gladiator. 2001: Hannibal. 2002: La Chute du faucon noir. 2003: Les Associés. 2005: Kingdom of heaven. 2006: Une Grande Année. 2007: American Gangster. 2008: Mensonges d'Etat. 2010: Robin des Bois. 2012: Prometheus.

 
"Blade Runner : l’Œil incandescent d’un futur déchu".
D’après le célèbre roman de Philip K. Dick, Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? (1966), Ridley Scott s’attèle en 1982 à retranscrire cet univers singulier au cœur d’un Los Angeles dystopique. Quatre ans après son chef-d'œuvre Alien, il transfigure à nouveau une clef de voûte de la SF cyberpunk, conjuguée au film noir, pour imposer Blade Runner comme l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma. Et ce, en dépit d’un échec commercial et critique sévère — œuvre avant-gardiste, au rythme languissant, à l’ambiance ténébreuse et plombante — et malgré une multitude de versions remaniées.

Le pitch : novembre 2019, Los Angeles. Quatre réplicants, androïdes conçus pour être esclaves ouvriers, s’échappent de leur colonie spatiale et reviennent sur Terre pour retrouver leur créateur. Rick Deckard, blade runner renommé, est enrôlé pour les traquer et les "retirer".

Dès les premières images, flamboyantes et crépusculaires, le dépaysement est total. Un univers futuriste expressif s’illustre avec une esthétique d’un réalisme ténébreux fulgurant. À travers la plénitude incandescente d’une cité high-tech, Blade Runner s’ouvre à nous tel l’orifice d’un œil azur transpercé d’un brasier industriel. Ce macrocosme démesuré, aussi opaque que polychrome, saturé de néons et d’affiches publicitaires, hypnotise d’autant plus qu’il s’affilie à l’univers vétuste du polar noir des années 50..

Par son architecture gothique, son design technologique, le style rétro des vêtements fagotés par les flics, Ridley Scott mêle la modernité futuriste d’un monde en marasme à la mélancolie d’une époque révolue. Le design, en demi-teinte, oscille entre les jeux de lumière high-tech et l’obscurité tamisée des foyers, instaurant une ambiance à la fois cafardeuse et sépulcrale. À l’extérieur, sous une pluie battante ou dans la tiédeur d’une nuit infinie, chaque citadin déambule tel un automate impassible. L’incroyable richesse de ces décors fantasmatiques, fignolant chaque détail architectural, nous plonge dans un univers oppressant jusqu’au vertige : une œuvre hybride d’une beauté plastique hallucinée.

Dans cette société aphone, en surpopulation, où l’on incite les humains à l’exil interplanétaire, un flic indécis traque quatre réplicants toujours plus conscients de leur condition soumise et de leur trépas imminent. Même dans les résidences feutrées, certains s’affublent de robots domestiques pour compenser l’ennui d’une existence vidée d’émotions. Camouflés dans la foule, les réplicants — androïdes plus vrais que nature — sont condamnés à vivre un court laps de temps, esclaves d’un monde totalitaire en perte de repères. Soudainement épris de désespoir face à leur précarité, les quatre fugitifs se rebellent pour retrouver leur créateur, espérant prolonger leur vie.

Dans ce climat désenchanté et suffocant, scandé par le score élégiaque de Vangelis, Ridley Scott peint un futur hermétique où le sentiment prégnant de solitude suinte des regards atones d’une populace déshumanisée. À travers le regard d’un flic équivoque, prêt à neutraliser ces êtres nantis d’émotions, son cheminement le conduit peu à peu à l’empathie — d’abord pour une droïde vertueuse, puis pour un réplicant anarchiste.

Cette traque meurtrière, jalonnée de plages de lyrisme funeste — la mort illégitime de Zhora, incarnée par l’éminente Joanna Cassidy dans une posture insidieuse, ou celle, symbolique, de Roy, campé par un Rutger Hauer magnétique en ange déchu — interroge la dichotomie du Bien et du Mal, et notre nostalgie existentielle, à faible lueur d’espoir. Elle exhume notre amertume face à l’atavisme de la mort et la paranoïa de l’Autre, qui nous pousse à ériger des murs contre une hostilité fantasmée.

Œuvre visionnaire en quête de rédemption, Blade Runner illustre — sans ostentation — un monde moribond où chaque être se déshumanise dans la routine, au profit d’une société robotisée. Et pourtant, ces androïdes avides de dignité finissent par nous refléter : capables d’émotions, d’attachements, de révolte. Ridley Scott interroge alors, de manière métaphorique, le sens de l’existence et notre condition humaine — si fébrile, si dépressive — à l’ombre d’un créateur alchimiste ou divin, lui-même faillible.

"L’agonie électrique : voyage dans l’âme fracturée de Blade Runner".
Autour de la présence iconique d’Harrison Ford, à la fois pugnace et réflexif, et de l’élégance chétive de Sean Young, transie de mélancolie existentielle, Blade Runner s’impose comme une expérience de cinéma sensitif, pictural, profondément auteurisante. À travers la scénographie d’une métropole dystopique étrangement fantasmagorique, le film explore la foi en un dieu apatride et la déliquescence morale de l’homme, sous l’emprise d’un système technologique, opposant fulgurance d’espoir et vertige du néant.

Un chef-d’œuvre visionnaire d’une grande fragilité humaine.
Une œuvre picturale, d’une fulgurance détaillée.
Un panthéon de la SF métaphysique, d’une inépuisable fascination opaque.

*Bruno
24.06.22. 5èx
10.02.12



jeudi 9 février 2012

SA MAJESTE DES MOUCHES (Lord of the Flies)


de Peter Brook. 1963. Angleterre. 1h32. Avec James Aubrey, Tom Chapin, Hugh Edwards, Roger Elwin, Tom Gaman, Roger Allan, David Brunjes, Peter Davy.

Sortie salles U.S: 13 Aout 1963
.
FILMOGRAPHIE: Peter Brook est un réalisateur, acteur et scénariste britannique, né le 21 mars 1925 à Londres.
1944: Une journée sentimentale. 1953: L'Opéra des Gueux. 1959: Moderato cantabile. 1963: Sa Majesté des Mouches. 1967: Marat-Sade. Tell me Lies. 1969: Le Roi Lear. 1976: Rencontres avec des hommes remarquables. 1983: La Tragédie de Carmen. 1989: The Mahabharata. 1996: Times Files. 2003: La Tragédie d'Hamlet.

Va falloir attendre une petite année pour le revoir et faire une critique humble, je n'étais pas en bonne condition ce soir...







 roman de l'auteur anglais William Golding écrit en 1954
: A la suite d'un accident d'avion, des enfants se retrouvent sur une île déserte. Après avoir épuisé tous les jeux que leur confère une totale liberté ils créent une ébauche d'organisation à la fois pour survivre et pour éloigner la peur de l'inconnu qui les hante.

lundi 6 février 2012

DOMINO


de Tony Scott. 2005. U.S.A. 2h07. Avec Keira Knightley, Mickey Rourke, Edgar Ramirez, Riz Abbasi, Delroy Lindo, Mo'Nique, Ian Ziering, Brian Austin Green, Joe Nunez, Macy Gray, Dabney Coleman.

Sortie en salles en France le 23 Novembre 2005. U.S: 14 Octobre 2005
.
FILMOGRAPHIE: Tony Scott (né le 21 juillet 1944 à Stockton-on-Tees, Royaume-Uni - ) est un réalisateur, producteur, producteur délégué, directeur de la photographie, monteur et acteur britannique. 1983 : Les Prédateurs, 1986 : Top Gun, 1987 : Le Flic de Beverly Hills 2, 1990 : Vengeance,1990 : Jours de tonnerre,1991 : Le Dernier Samaritain,1993 : True Romance, 1995 : USS Alabama,1996 : Le Fan,1998 : Ennemi d'État, 2001 : Spy Game, 2004 : Man on Fire, 2005 : Domino, 2006 : Déjà Vu, 2009 : L'Attaque du métro 123, 2010 : Unstoppable..

.
Un an après son méditatif polar "hardboiled", Man On Fire, Tony Scott s'inspire de l'histoire vraie d'une anglaise de renom, Domino Harvey. Cette illustre mannequin de l'agence Ford (info toujours invérifiable !), fille de l'acteur Laurence Harvey, s'était reconvertie au début des années 90 dans l'entreprise des chasseurs de prime à Los Angeles. Son prénom insolite est par ailleurs inspiré par le personnage d'une James Bond Girl illustrée dans le film Opération Tonnerre de Terence Young. Fondé sur sa vie particulièrement débridée, Tony Scott la remanie et édulcore aussi sa triste destinée puisque dans la réalité, Domino Harvey tire sa révérence le 27 Juin 2005, faute d'une overdose de Fentanyl. Avec sa participation au projet cinématographique qui s'étala sur plus de 12 ans, le réalisateur eut la probité de lui rendre hommage en lui dédiant son métrage. Domino est une jeune fille rebelle motivée par une vie échevelée du goût de l'aventure . Issue d'une famille bourgeoise et mannequin réputée, elle décide du jour au lendemain de fuir les paillettes de son univers hautain en postant sa candidature pour devenir chasseur de prime. Formé par Ed Mosbey et Latino Choco, elle devient une farouche rebelle au tempérament viril. Mais leur dernière mission à haut risque risque de changer la donne puisque deux clans rivaux mafieux ainsi que le FBI sont lancés à leur trousse pour une affaire tordue de cambriolage. Sur place, une équipe de reporters TV est dépêchée pour filmer leurs affrontements belliqueux afin de promotionner un show de Real-Tv. 

.
Tony Scott se réapproprie d'une réalisation épileptique avec ses expérimentations visuelles foisonnantes scandées par une bande son rap vrombissante. Arrêt brutal sur image, slow motion chorégraphié, plans saccadés sur un montage rigoureux au service d'un film d'action déjanté proprement jubilatoire. Un parti-pris esthétique clippesque qui pourrait irriter de prime abord le public lambda mais la précision de la réalisation épouse une réelle fluidité pour agencer ce florilège d'images survoltées (sans ambivalence d'une esbroufe grandiloquente façon Michael Bay !).
Avec une galerie de personnages marginaux forgés dans l'insolence belliqueuse, voir même la mouvance suicidaire (comme cet acolyte afghan perpétuant un ultime baroud d'honneur à la fin de leur mission), cette équipée drastique de mercenaires décrétés par un ancien briscard nous entraîne finalement au beau milieu d'un traquenard érigé sous un cambriolage audacieux. Des prémices de sa jeunesse effrontée à sa dernière mission compromettante, Domino nous fait suivre sa destinée (tendance spirituelle par la pièce de monnaie écumée par Domino dans une église) à travers son fidèle trio engagé dans la bravoure et l'honneur de la justice. Alors qu'un hold-up cynique va impliquer la mafia de bandes rivales mais aussi la complicité du FBI. Mené à un rythme alerte ne cédant aucune place à la morosité, l'actionner contemporain de Scott affole les rétines et excite l'ouïe face à une mise en scène expansive multipliant ses idées à la seconde ! Dans un pur esprit ludique, le réalisateur compense la légèreté de son script par le profil incorrect de personnages indociles ou perfides et d'une bande de marginaux perpétrant des risques insensés pour le compte de notre société. Le tout mis en image avec une efficience imparable afin de rendre leurs mésaventures plus fougueuses, décalées et endiablées.
.
.
Au passage, pour renforcer son côté caustique se vautrant continuellement dans l'exubérance et le délire corrosif, un portrait pittoresque est asséné à deux de nos illustres acteurs de la fameuse série TV, Beverly Hills. J'ai nommé le duo docile, Brian Austin GreenIan Ziering se prenant un plaisir mutuel à parodier leur personnage de lycéens issus de famille nantie, réduits ici à être embrigadés comme otage par notre trio de chasseurs de prime ! Il y a également l'affrontement incisif émis entre deux femmes au tempérament d'acier. Domino face à l'interrogatoire forcée d'une Taryn Miles (Lucy Liu, dans le rôle d'une psychologue exerçant pour le compte du FBI), s'évertuant à connaître le fin mot de l'histoire d'un cambriolage alambiqué. Sexy et destroy en diable, Keira Knightley s'accapare instinctivement d'un rôle opiniâtre pour incarner le profil anti-potiche d'une guerrière des temps modernes, vouée à la pugnacité et au danger du risque. Son interprétation allouée à contre-emploi crève l'écran et doit beaucoup au caractère attractif du projet singulier. Son manager endossé par le robuste Mickey Rourke en leader autoritaire est parfait de charisme par sa physionomie burinée, abîmée par le poids des années de labeur. Edgar Ramirez adopte une présence plus discrète mais se révèle tout aussi louable dans sa prestance taciturne mais hargneuse d'un romeo envieux, secrètement épris d'amour pour Domino.
.
.
Impeccablement mis en scène dans une réalisation criarde multipliant toutes les techniques modernes de l'ère MTV, Domino est un spectacle débridé sans prise de tête, lestement conçu pour nous faire partager un moment décomplexé inscrit dans l'insolence et le délire frénétique. Le brio de nos comédiens entièrement investis dans la peau d'activistes équitables, engagés dans des péripéties saugrenues anti-rébarbatives concourant à nous galvaniser. Une jolie réussite donc de la part d'un réalisateur prolifique préalablement compromis par l'univers sirupeux de Hollywood (Top Gun, Jours de Tonnerre, Le Flic de Beverlly Hills !)
.
Dédicace à Jérome Roulon.
07.02.12
Bruno Matéï
.
http://arkepix.com/kinok/DVD/SCOTT_Tony/dvd_domino.html

vendredi 3 février 2012

WE NEED TO TALK ABOUT KEVIN. Prix du Meilleur film au Festival de Londres.


de Lynne Ramsay. 2011. UK/U.S.A. 1h52. Avec John C. Reilly, Tilda Swinton, Ezra Miller, Siobhan Fallon, Joseph Melendez, Ashley Gerasimovich, Suzette Gunn, Leslie Lyles, Lauren Fox, Ursula Parker.

Sortie Salles France: 28 Septembre 2011. U.S: 2 Décembre 2011
.
FILMOGRAPHIE: Lynne Ramsay est une réalisatrice et scénariste britannique, né le 5 Décembre 1969 à Glasgow (Royaume-Uni). 1999: Ratcatcher. 2002: Morvern Callar. 2011: We need too Talk About Kevin


D'après le roman de Lionel Shriver paru en 2003, la réalisatrice Lynne Ramsay nous illustre ici l'introspection d'une cellule familiale lorsqu'un enfant dénué de moralité est mis au monde au sein d'une éducation orthodoxe. Ce rapport de force équivoque entre un adolescent inflexible et sa mère démunie qui nous ait démontrée ici de manière abrupte sans toutefois stigmatiser la cause parentale. Eva met au monde un jeune garçon qu'elle prénomme Kevin. Dès la naissance, leur rapport conflictuel est à rude épreuve. La mère supportant mal pleurs et hurlements du bambin irascible, leur relation s'achemine dans une impasse. Attentive, déférente et aimante, Eva a beau faire preuve de patience et persévérance, Kevin a délibérément décidé d'accomplir sa future besogne mortuaire. 
.
.
Dans une mise en scène inventive et auteurisante, multipliant les incessants allers-retours entre passé et présent, We need to talk about Kevin provoque d'emblée notre curiosité face à une succession d'évènements insolites imbriqués de façon anarchique. La réalisation très travaillée accumulant les effets de style alambiqués autour d'une partition braque et l'épure une photographie picturale au design géométrique (le foyer domestique sécurisant). Cette oeuvre glaçante et acérée, baignant dans un climat ombrageux sous-jacent réussit facilement à nous pénétrer en interne d'une descente aux enfers décrétée par un ado interlope. De la naissance à sa majorité, nous suivons l'évolution d'un garçon délibéré à haïr sa propre mère pour une raison intrinsèque qui n'appartient qu'à lui. Mère prévenante même si contrariée, voire irritée de prime abord par les caprices du nouveau né, Eva va tout entreprendre pour tenter d'améliorer ses relations rigides avec son bambin versatile. Néanmoins, Kevin accorde une amabilité (sournoise) avec son paternel flegmatique (John C. Reilly, épatant de bonhomie ingénue). Un père passif incapable de déceler les motivations perfides de l'adolescent en phase d'indiscipline, faute de son instinct paternel engagé dans l'amour. C'est à la suite de la naissance de leur deuxième enfant, une petite fille amiteuse et épanouie que Kevin va entreprendre sa croisade funèbre consolidée dans la rancoeur.


Si le film se révèle si captivant et machiavélique, c'est en priorité grâce à la ferme ténacité du personnage de la mère, entièrement dévouée à daigner combler son fils grâce à son inlassable indulgence. Un ado exécrable incapable de lui éprouver la moindre empathie, multipliant provocations et rancunes tenaces dans l'unique but de l'asservir. Avec subtilité et sans aucune outrance, la narration pernicieuse nous dirige lentement vers un point d'orgue que l'on présage fatalement tragique puisque son préambule nous avait préalablement évoqué un semblant de fait divers sordide. Avec son physique exsangue et famélique, Tilda Swinton magnétise son rôle de mère dépréciée, constamment fustigée par un fils aussi vil qu'arrogant. Avec une aversion en crescendo, nous ne sommes pas prêt d'oublier l'interprétation monolithique du jeune Ezra Miller (comédien novice mais aussi chanteur et batteur du groupe Sons of an Illustrious Father), terrifiant d'austérité dans son regard stérile et d'une froideur implacable par son caractère insidieux. Spoiler !!! Sa lente dérive vindicative dans la folie meurtrière nous saisissant d'effroi quand à la révélation de ses véritables exactions. Fin du SpoilCe rapport trouble mère/fils donne donc lieu à un affrontement psychologique d'une acuité subtilement oppressante confinant au malaise latent.


L'Enfant du diable
Mis en scène sans fioriture et baignant dans un climat baroque davantage étouffant, We need to talk about Kevin est un thriller psychologique transcendé par les dissensions sinueuses entre une mère et son fils. Le réalisateur prenant soin d'illustrer le saisissant portrait d'un sociopathe juvénile dénué de mobile alors que sa génitrice meurtrie, conspuée par une population réactionnaire, aura toujours la patience de l'amour maternel pour tenter de comprendre les tenants fielleux du fils infortuné. En ce sens, sommes nous responsables de la déchéance morale d'un enfant lorsqu'il semble inné à nuire à autrui ? 

03.02.12
Bruno Matéï

Récompenses: Prix du Meilleur film au festival du film de Londres en 2011.
Prix de la Meilleure Actrice Européenne pour Tilda Swinton


jeudi 2 février 2012

THE WHISTLEBLOWER (seule contre tous)


de Larysa Kondracki. 2010. 1h52. U.S.A. Avec Rachel Weisz, Vanessa Redgrave, Monica Bellucci, David Strathairn, Nikolaj Lie Kaas, Roxana Condurache, Paula Schramm, Alexandru Potocean, William Hope.

Sortie Salles U.S: 5 Août 2011.

Récompense: Meilleure réalisation Golden Space Needle Award au Festival International du film de Seattle.

FILMOGRAPHIE: Larysa Kondracki est une réalisatrice, productrice et scénariste canadienne née à Toronto.
2010: The Whistleblower


Basé sur une histoire vraie, le 1er film de Larysa Kondracki souhaite dénoncer la traite sexuelle à travers le monde dont le chiffre s'estimerait à 2,5 millions de personnes forcées à l'esclavage, au prix de la torture et parfois même la mort. En l'occurrence, cette histoire s'est déroulée en 1999, dans une Bosnie d'après guerre alors qu'une femme flic va devoir user de bravoure au péril de sa vie pour démanteler un important réseau sexuel impliquant des hauts dirigeants.

Kathryn Bolkovac vient de divorcer et accepte un emploi juteux en Bosnie en tant qu'observatrice du maintien de la paix pour le compte des nations unies. Sur place, à Budapest, elle découvre un marché sexuel auquel de jeunes filles sont violées et torturées par des clients policiers protégés par les nations unies et certains dirigeants internationaux. Elle décide de tout mettre en oeuvre pour faire éclater cette sordide affaire devant les médias. 
.
.
Dans la lignée des pamphlets politiques virulents auquel une personne de probité se retourne contre les autorités policières et/ou pouvoirs politiques (Serpico, Erin Brokovitch, Normae Rae, l'Affaire Josey Aimes), The Whistleblower est une oeuvre choc au sujet d'actualité alarmant. A travers le parcours d'une femme flic, seule contre tous, délibérée à poursuivre en justice les responsables d'un odieux trafic d'humains, Larysa Kondracki nous illustre son parcours du combattant sans complaisance ni voyeurisme tapageur. Néanmoins, son climat sordide résultant d'un scandale authentifié en 1999 s'octroie des séquences difficiles (bien que parfois suggérées) quand de jeunes filles bosniaques sont destinées à être utilisées et vendues comme simple instrument sexuel ou de torture. Parfois même, pour éviter que l'une d'entre elle n'envisage de s'échapper ou dénoncer son tortionnaire, une quidam innocente est simplement exécutée de sang froid pour servir d'exemple à ces comparses à toute tentative d'évasion ou de dénonciation.
Ce fait divers crapuleux ne peut laisser indifférent face à cette industrie véreuse dont la police locale (mais aussi étrangère) ainsi que de hauts dirigeants politiques sont impliquées en toute impunité. L'affrontement à haut risque dont témoigne cette policière solitaire pour tenter d'envoyer en prison ces tortionnaires sadiques dénués de moralité nous achemine dans une descente aux enfers âpre et tendue. Où l'émotion gagne en acuité au fil de son cheminement impitoyablement rigoureux.


Vaillante et pugnace, la prestance de Rachel Weisz au teint naturel sobre s'alloue d'une épaisseur psychologique dans sa requête indéterminée d'extirper de l'enfer une poignée de prostituées terrifiées à l'idée de comparaître en justice pour fustiger leurs oppresseurs. Sa détermination inflexible de se résoudre à renverser certaines hiérarchies immunitaires exacerbe un peu plus ses confrontations déloyales tandis qu'un point d'orgue révélateur nous sera établi de façon inopiné. Féministe engagée dans la dignité humaine, elle affiche également ses craintes indécises de ne pouvoir convaincre certaines filles de s'affranchir à l'asservissement. Ce qui donne lieu à quelques moments poignants comme cette jeune bosniaque réfutant l'assistance de Kathryn, par peur de représailles qui lui pourraient être fatales.


Incarné par des valeurs sûres du cinéma traditionnel (Vanessa Redgrave, Monica Bellucci,William Hope) et dominé par une Rachel Weisz étonnante de frugalité naturelle, The Whistleblower est un réquisitoire éloquent contre l'autorité gouvernementale corrompue à divers échelons. Son sujet sordide traité avec une poignante dimension humaine et mis en scène avec efficience provoque souvent l'indignation face à la réalité des faits constatés dans des exactions immorales. En frondeuse engagée (depuis la sortie du film, le dossier est remis au goût du jour avec sa participation), Larysa Kondracki semble nous avertir que certains de nos membres politiques plus ou moins impliqués à divers réseaux se refusent à dévoiler ouvertement toute forme de tyrannie. Un témoignage édifiant et intolérable qui en dit long sur l'hypocrisie et la bassesse humaine.
.
02.02.12.
Bruno Matéï