Photo empruntée sur Google, appartenant au site gallerytheimage.com
de Jack Clayton. 1967. Grande Bretagne. 1h47. Avec Dirk Bogarde, Margaret Brooks, Pamela Franklin, Mark Lester, John Gugolka, Sheldon Williams, Sarah Nicholls, Gustav Henry, Parnum Wallace.
Sortie salles France: 6 Septembre 1973
FILMOGRAPHIE: Jack Clayton est un réalisateur, producteur et scénariste anglais, né le 1er mars 1921 à Brighton, décédé le 26 Février 1995 à Slough (Royaume-Uni). 1959: Les Chemins de la haute ville. 1961: Les Innocents. 1964: Le Mangeur de Citrouilles. 1967: Chaque soir à 9 heures. 1974: Gatsby le magnifique. 1983: La Foire des Ténèbres. 1987: The Lonely passion of Judith Hearne. 1992: Memento Mori (télé-film).
Six ans après son chef-d'œuvre Les Innocents, Jack Clayton renoue avec le thème de l’enfance meurtrie, adaptant un roman de Julian Gloag. Honteusement méconnu pour une raison qui m’échappe encore, Chaque soir à 9 heures est sans doute l’un des plus beaux films jamais consacrés à l’innocence infantile. Une épreuve de force morale, souvent éprouvante, où des enfants d’une même fratrie se retrouvent livrés à eux-mêmes depuis la disparition de leur mère. Le prologue, à cet égard, est d’une douleur inouïe : l’une des aînées assiste à la mort de sa mère, avant que les autres ne la rejoignent en silence pour se recueillir à ses côtés. La mélodie fragile de Georges Delerue, pudique, souligne cette émotion candide qui transparaît sur chacun de leurs visages — vision cruelle de la mort, lorsque l’innocence en est le témoin direct.
Nourris d’un catholicisme profondément ancré, les enfants se réfugient chaque soir à 21 heures dans le jardin, sanctuaire devenu rituel, pour communiquer avec leur mère à travers l’aînée, Diana. Enterrée là, en secret, les soupçons ne tardent pas à naître — d’abord dans l’esprit de la maîtresse de maison, puis chez l’institutrice. Par un étrange hasard, leur père, absent depuis des années, réapparaît et dissipe provisoirement les doutes. D’abord perçu comme bienveillant, il gagne leur confiance — sauf celle d’Elsa, la plus lucide, qui devine rapidement la supercherie : cet homme n’est qu’un imposteur sans vergogne, indifférent à leur sort.
Dans le décor d’une demeure gothique rongée par le silence (reflet du rigorisme moral de la mère), la première partie nous familiarise avec cette petite communauté d’enfants sous l’autorité vacillante de Diana. Fragile, endeuillée, obsédée par l’idée d’un au-delà, elle parvient à se persuader — et à convaincre les autres — qu’elle peut dialoguer avec l’absente. Une illusion pieuse, transformée en code moral, censée maintenir un semblant d’ordre. Mais son fanatisme névrosé empoisonne lentement la dynamique du groupe, jusqu’à produire une scène d’humiliation insoutenable infligée à la petite Gerty.
La seconde moitié laisse place à l’irruption du père dans toute son hypocrisie — un loser imbibé, plus irresponsable encore que les enfants qu’il prétend guider. Loin du stéréotype anecdotique, Clayton choisit de se concentrer sur le combat intérieur d’Elsa, qui tente par tous les moyens de faire entendre la vérité à ses frères et sœurs. Ses affrontements avec Diana, volcanique et tyrannique, deviennent le cœur battant du récit : un duel où se croisent immaturité, pouvoir et désespoir.
À travers les thèmes de la démission parentale, du fanatisme religieux, de l’apprentissage et de la perte, Clayton signe un drame familial d’une intensité bouleversante, inscrit dans la chair même de l’enfance. Le jeu cru et viscéral des enfants, la tension constante de leurs échanges, nous installent dans un inconfort croissant, jusqu’à ce qu’un terrible secret familial vienne déchirer le voile de leur foi.
Une initiation à la maturité, aussi fragile que brutale, dont nul ne sort indemne.
Dérangeant, malsain, mais d’une sensibilité bouleversante, Chaque soir à 9 heures porte en lui la marque des plus grands : par sa mise en scène précise, son intensité dramatique, et le jeu d’une justesse foudroyante, Clayton nous plonge dans un drame familial aussi obscur qu’inoubliable. Ces enfants abandonnés, si profondément attachants, nous laissent hébétés, le souffle court, face à une conclusion sans retour — sans illusion sur leur avenir.
Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemiscreant.blogspot.com
de Nick Nostro. 1966. Italie/Espagne. 1h28. Avec Giovanni Cianfriglia, Gérard Tichy, Monika Randall, Loredana Nusciak, Jose Castillo Escalona.
FILMOGRAPHIE: Nick Nostro est un réalisateur et scénariste Italien, né le 21 Avril 1931, décédé le 15 Juin 2014.
1962: Il sangue e la sfida. 1962: Blood and Defiance. 1962: 2 Samurai per 100 geishe. 1963: Grazie Zio, c. 1963: Revenge of the Black Knight. 1964: Spartacus and the ten gladiators. 1964: 1964: Il trionfo dei dieci gladiatori. 1965: Operation Counterspy. 1966: Un dólar de fuego. 1966: Tre notti violente. 1966: Superargo contro Diabolikus. 1968: Uno dopo l'altro. 1971: i provo anch'io. 1971: La cieca di Sorrento. 1971: Grazie zio, ci provo anch'io.
Clairement inspiré par la série d'espionnage des James Bond et les bandes-dessinées du Fumeti, Superargo contro Diabolikusest une production transalpine exploitant le mythe du super-héros avec des moyens dérisoires. Autant dire que nous avons affaire ici à une authentique série Z fleurant bon le charme vintage comme seuls les italiens ont le secret. Après avoir accidentellement tué son adversaire lors d'un match, et afin de se racheter, le catcheur Superargo accepte une mission périlleuse de la part du colonel Kinski. Celle de retrouver la trace de Diabolikus, un trafiquant d'uranium exilé sur une base secrète des mers des caraïbes parmi ses hommes de main. Avec sa tenue de catcheur au masque noir et collant rouge, l'apparence moulante de Superargo fait indubitablement parti des supers-héros les plus craignos de l'histoire du cinéma ! Pourvu d'une résistance surhumaine à l'eau (il a une capacité thoracique de 11 litres en plongée, peut descendre jusqu'à une centaine de mètres de profondeur et peut rester sans respirer 5 à 7 mns sans avoir à reprendre son souffle !), à la chaleur du feu, au froid (endurance au vent glacial de 13 noeuds à l'heure !) et à l'électricité, Superargo est également prémuni contre l'épreuve des balles grâce à sa nouvelle combinaison.
Mais ce n'est pas tout, la matière particulière de son sang l'empêche également de saigner à la moindre blessure puisqu'il coagule à l'air ! Au niveau des gadgets, il est notamment équipé d'une voiture blindée avec installation radio et télévision, détient des pilules de "mort apparente" pour duper l'ennemi, ainsi qu'un bijou faisant office de micro émetteur récepteur de radio et de télévision afin de communiquer avec les services secrets. Au fil de sa dangereuse mission, il va non seulement devoir combattre les sbires armés de Diabolikus SPOIL !!! mais aussi débusquer un traître de son propre camp et enfin tenter de sauver sa dulcinée prise en otage. Fin du Spoil.
Mené avec intégrité dans son sérieux inébranlable,Superargo contre Diabolikus nousinvoque un sourire impayable avec son florilège de situations toutes plus grotesques les unes que les autres. Le lot ininterrompu de dialogues impayables et la mine renfrognée des protagonistes laissant transparaître un humour involontaire souvent hilarant. A l'instar de la posture combative de notre super-héros, son attitude inexpressive étant uniquement dominée par un jeu de regard des plus inflexibles ! En ce qui concerne l'action encourue, le minimum syndical nous est adressé avec toutefois quelques séquences nerveuses de gunfights pétaradants (mitraillettes à l'appui) et d'explosion de bâtiments ! Mais outre les expériences de résistance physique et de torture commises sur notre héros, l'attrait le plus enthousiasmant provient surtout de la rivalité du duo Superargo/Diabolikus, car ne cessant de se disputer la victoire de la manière la plus imbue et narquoise !
Inédit en dvd mais enfin exhumé de l'oubli grâce à Artus Films, Superargo contre Diabolikusest une pépite Z aussi hilarante que puérile dans son lot de péripéties lourdingues et de personnages mécontents. Une sympathique curiosité au look rétro qu'auraient tort de se priver les amateurs indéfectibles de nanars !
Photo empruntée sur Google, appartenant au site Cinemapassion.com
de Jean Louis Trintignant. 1973. France. 1h30. Avec Jacques Dufilho, Luce Marquand, Franco Pesce, Albin Guichard, Andrée Bernard, Louis Malignon, T. Requenae, Jacques Doniol-Valcr.
Sortie salles France: 8 Mars 1973
FILMOGRAPHIE: Jean Louis Trintignant est un acteur et réalisateur français, né le 11 Décembre 1930 à Piolenc. 1972: Une Journée bien remplie. 1978: Le Maître-nageur.
Illustre acteur de théâtre et de cinéma, héritier d'une filmo proéminente, Jean Louis Trintignant s'était notamment attelé à la réalisation à deux uniques reprises, quand bien même sa première oeuvre fit office de véritable coup de maître. Estampillé film-culte et ovni surréaliste au sein de notre patrimoine français, Une Journée bien remplie relate la virée meurtrière d'un père de famille accompagné de sa mère, communément installés dans un side-car afin de venger la mort de son fils. Durant leur itinéraire, ils sillonnent les contrées provinciales pour exterminer un à un le membres des jurés qui firent condamner un jeune matelot de 22 ans. Satire du dysfonctionnement judiciaire, farce macabre exploitant la loi du talion avec une dérision proprement irrésistible, Une Journée bien rempliepeut servir de modèle dans les écoles de ciné pour son sens alloué à l'efficacité optimale. Or, sur une intrigue éculée où deux complices perpétuent le rituel meurtrier d'une implacable vengeance, comment ne pas lasser son public à force de répéter sans modération les traditionnelles exactions criminelles ?!
En tablant sur l'effet du subterfuge (suggérer la présence du criminel alors qu'il s'agit d'un modeste quidam), sur la duperie du coupable mis en cause, sur la cocasserie des situations d'anxiété et sur l'inventivité du crime qui s'ensuit, quand bien même la posture studieuse du vengeur ironique s'y symbolise ange de la mort ! Mais ce n'est pas tout, car tout aussi inspiré et imaginatif qu'il soit, Jean Louis Trintignant peaufine sa réalisation en maîtrisant le montage (utilisation habile du fondu enchaîné pour amener la séquence suivante), en expérimentant des procédés visuels dissemblables (pause sur image afin d'alerter l'expression du danger, fouiner la cavité buccale d'une gorge asphyxiée, ou chorégraphier une harmonie musicale avant-coureuse du clip !) et en versant dans l'hommage emphatique (la représentation de Macbeth), burlesque (les influences de Chaplin et Tati sont de la partie !). Qui plus est, avec sa musique pittoresque variant parfois le ton d'une symphonie orchestrale, l'oeuvre marginale renforce son côté décalé pour y adopter une allure de conte désincarné baignant génialement dans l'extravagance.
Hymne à l'imaginaire, une fête de cinéma de chaque instant. Avec ses courses-poursuites rocambolesques (en voiture et à vélo svp), ses situations de danger incessantes et ses revirements aléatoires (après s'être trompés de victime et accomplis leurs méfaits à visage découvert, Jean Rousseau et sa mère doivent également affronter les forces de l'ordre déployées en masse !), Une Journée bien remplie impose le rythme alerte d'une réalisation littéralement prodigieuse. Enfin, les présences iconiques de Jacques Duffilo et Luce Marquand laissent en mémoire un duo de meurtriers désopilants dans leur posture flegmatique, à marque d'une pierre blanche. Tout bien considére, on peut prétendre que nous avons affaire à un chef-d'oeuvre d'humour noir incomparable dans le paysage français.
Photo empruntée sur Google, appartenant au site thebloodypitofhorror.blogspot.com
de Mario Bava. 1965. Italie/Espagne. 1h28. Avec Barry Sullivan, Norma Bengell, Angel Aranda, Evi Marandi, Franco Andrei, Federico Boido.
Inédit en salles en France !
FILMOGRAPHIE: Mario Bava est un réalisateur, directeur de la photographie et scénariste italien, né le 31 juillet 1914 à Sanremo, et décédé d'un infarctus du myocarde le 27 avril 1980 à Rome (Italie). Il est considéré comme le maître du cinéma fantastique italien et le créateur du genre dit giallo. 1946 : L'orecchio, 1947 : Santa notte, 1947 : Legenda sinfonica, 1947 : Anfiteatro Flavio, 1949 : Variazioni sinfoniche, 1954 : Ulysse (non crédité),1956 : Les Vampires (non crédité),1959 : Caltiki, le monstre immortel (non crédité),1959 : La Bataille de Marathon (non crédité),1960 : Le Masque du démon,1961 : Le Dernier des Vikings (non crédité),1961 : Les Mille et Une Nuits,1961 : Hercule contre les vampires,1961 : La Ruée des Vikings, 1963 : La Fille qui en savait trop,1963 : Les Trois Visages de la peur, 1963 : Le Corps et le Fouet, 1964 : Six femmes pour l'assassin, 1964 : La strada per Fort Alamo, 1965 : La Planète des vampires, 1966 : Les Dollars du Nebraska (non cédité), 1966 : Duel au couteau,1966 : Opération peur 1966 : L'Espion qui venait du surgelé, 1968 : Danger : Diabolik ! , 1970 : L'Île de l'épouvante,1970 : Une hache pour la lune de miel ,1970 : Roy Colt e Winchester Jack, 1971 : La Baie sanglante, 1972 : Baron vampire , 1972 : Quante volte... quella notte, 1973 : La Maison de l'exorcisme, 1974 : Les Chiens enragés,1977 : Les Démons de la nuit (Schock),1979 : La Venere di Ille (TV).
Invisible en salles chez nous, mais exhumé en VHS, puis en DVD et sur chaînes câblées quelques décennies plus tard, La Planète des Vampires a tout du film culte bricolé avec des bouts de ficelle mais porté par une inventivité prolifique. Échoués sur une planète inconnue, un équipage doit affronter d’étranges incidents meurtriers orchestrés par une menace invisible. Avec cette intrigue ténue et son budget famélique, Mario Bava transcende ses limites par l’ambition formelle de façonner un univers hors norme. Quoi de plus audacieux que de réinventer son arsenal gothique en l’exilant aux confins d’une galaxie !
En modulant la variété de ses décors à coups d’éclairages polychromes et de volutes baroques, Bava nous convie à une expédition opaque et toxique. Sa manière de distiller l’inquiétude à travers l’errance incertaine de ces astronautes nous plonge dans un cauchemar hypnotique, où la menace, impalpable et persistante, se rit d’eux avec une ironie cruelle. Car ici, à mesure que s’égrène l’exploration, chaque membre de l’équipage s’éteint dans d’insondables circonstances. Mais quelle est donc cette vibration extraterrestre, et pourquoi s’acharne-t-elle à les faucher un à un ? Bava nourrit ce suspense feutré avant de souffler la vérité dans une dernière partie foisonnante de rebondissements — jusqu’à un épilogue au twist farouchement pessimiste.
Nappes de brouillard flottant, cadavres d’outre-tombe, carcasses de squelettes cyclopéens et vaisseaux aux géométries angoissantes : La Planète des Vampires réinvente le décor spatial avec un stylisme vénéneux, sculptant un écrin insolite. Héritier des classiques alarmistes (L’Invasion des Profanateurs), précurseur de The Thing (la paranoïa de la possession) et ancêtre revendiqué d’Alien (le canevas est le même !), Bava étreint la thématique extraterrestre sous sa forme la plus pernicieuse.
"Fantômes cosmiques et cauchemars chromatiques".
En mariant l’horreur et la science-fiction, Mario Bava réenchante les genres dans une forme artistique fiévreuse : il cristallise un futurisme tangible et fascinant, tour à tour onirique et suffocant. La Planète des Vampires prouve qu’avec trois fois rien, l’imaginaire peut exploser en visions retorses et trouvailles plastiques. Une pépite SF trop ignorée, à exhumer d’urgence, encore et encore.
Photo empruntée sur Google, appartenant au site discreetcharmsandobscureobjects.blogspot.co
de William Wyler. 1965. U.S.A/Angleterre. 1h58. Avec Terence Stamp, Samantha Eggar, Mona Washbourne, Maurice Dallimore.
Sortie salles U.S: 17 Juin 1965
FILMOGRAPHIE SELECTIVE: William Wyler (Wilhelm Weiller) est un réalisateur et producteur américain d'origine suisse, né le 1er Juillet 1902 à Mulhouse, décédé le 27 Juillet 1981 à Los Angeles (Californie). 1926: Lazy Lightning. 1930: La Tourmente. 1935: La Bonne Fée. 1939: Les Hauts de Hurlevent. 1940: Le Cavalier du Désert. 1941: La Vipère. 1946: Les Plus belles années de notre vie. 1952: Un Amour Désespéré. 1953: Vacances Romaines. 1955: La Maison des Otages. 1956: La Loi du Seigneur. 1958: Les Grands Espaces. 1959: Ben Hur. 1961: La Rumeur. 1965: L'Obsédé. 1966: Comment voler un million de dollars. 1968: Funny Girl. 1970: On n'achète pas le silence.
Grand classique méconnu, enfin disponible en DVD sous la bannière Wild Side Video, L’Obsédé explore de manière originale les rapports conflictuels entre un kidnappeur et sa victime. Magnifiquement incarnés par Terence Stamp et Samantha Eggar — tous deux salués à Cannes pour leur présence saisissante de vérité — le film repose entièrement sur leurs épaules. Pendant près de deux heures, nous partageons leur intimité dans un huis clos aussi anxiogène que cruel. Après avoir enlevé Miranda, une jeune artiste dont il est follement épris, Freddie Clegg l’enferme dans sa cave pour la convaincre qu’une idylle est possible. D’abord effrayée, pleine de craintes pour sa survie, Miranda apprend peu à peu à connaître son ravisseur — solitaire introverti, totalement voué à la protéger, malgré ses consignes drastiques. Dans une mise en scène studieuse à l’esthétisme gothique, sublimée par une photo sépia, drame et suspense s’entrechoquent dans une intensité psychologique poignante, au cœur d’une bâtisse bucolique confinée autour d’une cave peu éclairée, mais aménagée pour l’accueillir.
Par la puissance humaine des deux protagonistes, L’Obsédé devient un superbe affrontement psychologique, où un collectionneur et sa proie doivent coexister, dans l’espoir que cette dernière succombe au pouvoir de l’amour. Au-delà de la quête désespérée de liberté pour Miranda, et celle d’amour pour Freddie, le film explore un jeu cruel de domination et de soumission, de différences sociales et culturelles, et d’opposition des caractères. Tandis que Freddie s’est réfugié depuis toujours dans la solitude de sa maison, absorbé par sa collection de papillons, Miranda goûtait la vie avec la fougue d’une artiste passionnée. Par des stratagèmes mêlant séduction et amitié, elle tente d’amadouer son ravisseur pour s’en sortir avant que son simulacre ne se brise. Cette liaison impossible, précaire et cruelle, s’impose avec une empathie qui nous entraîne dans le désarroi de leur déroute. Poignant, bouleversant, tragique et sans illusions, L’Obsédé finit par nous tirer les larmes, dans ce lien troublant tissé de possessivité, de désillusion, de désir de manipulation, et d’une sincérité fragile.
Grâce à l’alchimie incroyable entre Terence Stamp et Samantha Eggar, L’Obsédé nous plonge dans la tension oppressante du huis clos, où les rapports intimes se consument au nom d’un amour impossible. Par cette étude minutieuse des caractères, William Wyler nous convie à un grand moment de cinéma, où l’intensité psychologique rivalise avec le pouvoir fascinant qui s’en dégage. *Bruno 24.07.24. 4èx. Vostfr
Photo empruntée sur Google, appartenant au site thekillerlikescandy.blogspot.com
d'Umberto Lenzi. 1966. 1h35. Italie. Avec Glenn Saxson, Helga Line, Andrea Bosic, Susan Baker, Dante Posani, Ivano Staccioli, Mary Arden, Esmeralda Ruspoli, Umberto raho.
FILMOGRAPHIE: Umberto Lenzi est un réalisateur et scénariste italien, né le 6 Aout 1931 à Massa Marittima, dans la province de Grosseto en Toscane (Italie).
1962: Le Triomphe de Robin des Bois, 1963: Maciste contre Zorro, Sandokan, le Tigre de Bornéo, 1964: Les Pirates de Malaisie, 1966: Kriminal, 1967: Les Chiens Verts du Désert, 1968: Gringo joue et gagne, 1969: La Légion des Damnés, Si douces, si perverses, 1970: Paranoia, 1972: Le Tueur à l'orchidée, 1972: Au pays de l'Exorcisme, 1973: La Guerre des Gangs, 1974: Spasmo, La Rançon de la Peur, 1975: Bracelets de Sang, 1976: Brigade Spéciale, Opération Casseurs, La Mort en Sursis, 1977: Le Cynique, l'infâme et le violent, 1978: Echec au gang, 1980: La Secte des Cannibales, l'Avion de l'Apocalypse, 1981: Cannibal Ferox, 1983: Iron Master, la guerre du fer, 1988: Nightmare Beach, la Maison du Cauchemar, 1991: Démons 3, 1996: Sarayevo inferno di fuoco.
Inspiré de la bande-dessinée italienne éponyme, publiée entre 1964 et 1976, Kriminal débarque pour la première fois en France en Dvd sous l'enseigne d'Artus Films. Dans la lignée de Fantomas, Arsène Lupin, Danger Diabolik et Satanik, cette bisserie transalpine fleure bon l'aventure exaltante sous la houlette d'un drôle anti-héros, un cleptomane en combinaison de squelette n'hésitant pas à commettre le crime pour parvenir à ses fins. Condamné à la pendaison pour ses antécédents méfaits, Kriminal parvient à s'échapper grâce au stratagème imposé par l'inspecteur Milton. Cette évasion volontaire suggérée par ce dernier est donc une supercherie afin de pouvoir mettre la main sur la couronne d'Angleterre. Mais Kriminal est déjà sur un autre coup aussi onéreux, celui de dérober une poignée de diamants.
Découvrir pour la première fois ce joyau kitch typiquement transalpin comble d'autant plus notre curiosité qu'il souligne notre incompréhension face à la rareté du produit au sein de notre pays. Baignant dans une extravagance anticonformiste où les coups les plus perfides sont permis, Kriminal brosse le portrait d'une poignée d'antagonistes communément avides de cupidité et prêts à se trahir pour emporter la mise. Face à eux, le roi de la cambriole va tenter de les entourlouper avec plus de vélocité dans ses combines diaboliques et déguisements d'improvisation. L'aspect irrésistiblement attrayant et jouissif du film émane de son intrigue impeccablement charpentée car bourrée de rebondissements et de subterfuges qu'on voit rarement arriver. Avec la complicité sournoise de mantes religieuses et l'autorité du voleur autonome, Umberto Lenzi désinhibe leur caractérisation dans une posture illégale à braver les lois. Engagés dans une course-poursuite effrénée au pays d'Istanbul pour la quête des diamants, il n'auront de cesse de se négocier une transaction avant d'imposer leur trahison avec l'éventuelle complicité d'autres comparses. Pendant ce temps, l'inspecteur Milton tentera difficilement de faire équipe avec un agent étranger afin de mieux alpaguer notre redoutable criminel.
Dépaysant (on se déplace de Londres à Rome en passant par Madrid et Istanbul !), pittoresque, parfois macabre (les quelques cadavres qui empiètent le récit) ou spectaculaire (les cascades improvisées sur le toit du train) et baignant dans un esprit "fumetti" particulièrement insolent, Kriminal transpire la bisserie d'aventures policières avec un ton aussi kitch qu'extravagant !
Photo empruntée sur Google, appartenant au site michaelarmstrong.co.uk
de Ian Merrick. 1977. Angleterre. 1h38. Avec Donald Sumpter, Debbie Farrington, Marjorie Yates, Sylvia O'Donnell, Andrew Burt, Alison Key, Ruth Dunning, David Swift...
Sortie salles Royaume-Uni: 26 Décembre 1977
FILMOGRAPHIE: Ian Merrick est un réalisateur, scénariste et producteur anglais.
1977: The Black Panther. 2000: The Sculptress
Premier film de la brève carrière de Ian Merrick, The Black Panther relate l'itinéraire d'un authentique tueur en série et cambrioleur, Donald Neilson, ayant sévi dans la campagne anglaise entre 1967 et 1974. Dans un souci documenté, le réalisateur s'attache donc à nous décrire son parcours meurtrier avec le réalisme du climat austère. De par la caractérisation peu commune du sociopathe renfrogné et par l'aspect clinique d'une photographie particulièrement blafarde. L'intérêt du film réside surtout à mettre en appui le profil psychologique d'un criminel narcissique cumulant les maladresses dans sa dérive délinquante. Peu adroit et véloce, son amateurisme s'avère d'autant plus risible qu'il perdure ses exactions durant quelques années. On se demande alors comment notre pied nickelé (un "Pierre Richard" du crime en somme !) ait pu passer à travers les mailles de la police après avoir planifié autant de risques inconsidérés !
Incarné par Donald Sumpter, l'acteur possède un charisme que l'on oublie pas à travers son regard noir particulièrement impassible car dénué de moindre vergogne. A l'instar du peu de considération qu'il porte envers sa famille (son épouse et sa fille ne cessent d'être verbalement dénigrées pour être réduites à l'esclavage), Donald Neilson crache son venin à la société et l'humanité entière en s'engageant dans une série hasardeuse de cambriolages où sa haine culminera à une violence aveugle. Assoiffé d'orgueil depuis son surnom alloué à la "panthère noire", obnubilé à l'idée de se croire inflexible et infaillible, il élabore même en cachette un journal pour inscrire sur papier ses sinistres exploits. Si la première partie s'attache à nous décrire ses brefs instants de vie familiale et ses vols répétés engendrant de lâches assassinats, la suite se focalise sur le rapt d'une jeune coiffeuse que notre tueur décide de kidnapper afin d'exiger une rançon. Plus intense et captivant, ce nouvel acte joue la carte du suspense quand au sort réservé à la victime séquestrée au fond d'un égout et continue de mettre en exergue les sempiternelles maladresses que le tueur laisse sur son chemin. Jusqu'au jour où un indice éloquent finira par lui porter préjudice et avant qu'il ne commette une tragédie supplémentaire !
Correctement interprété et réalisé, The Black Panther fait office de curiosité méconnue qu'on aurait tort de se priver tant le film captive à décrire de manière brutale le parcours indécis d'un tueur capricieux dans sa condition d'utopiste empoté.
Un grand merci au Ciné-club de l'Antre Bruno Matéï Bio: Donald Neilson (né Donald Nappey le 1er août 1936 - 18 décembre 2011), connu sous le surnom de panthère noire, est un meurtrier et un voleur à main armée britannique qui a tué quatre personnes dans les années 1970. Il effectua plus de 400 vols entre 1967 et 1974. Après avoir tué trois employés des postes lors de vols à main armée entre 1971 et 1974, il tua une coiffeuse, Lesley Whittle, au début de 1975, ce que les journaux britanniques soulignèrent. Neilson fut arrêté à la fin de 1975 et condamné à la prison à perpétuité en 1976, où il demeura jusqu'à sa mort 35 ans plus tard.
Photo empruntée sur Google, appartenant Dailygrindhouse.com
de Cirio H. Santiago. 1981. U.S.A/Philippines. 1h22. Avec Jillian Kesner, Tony Ferrer, Vic Diaz, Rey Malonzo, Darby Hinton.
Sortie salles: 30 Septembre 1981
FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Cirio H. Santiago est un réalisateur et producteur philippins, né le 18 Janvier 1936 à Manila, Philippines, décédé le 26 Septembre 2008, Makati City, Philippines.
1957: Pusakal. 1958: Water Lily. 1973: Savages ! 1976: Trois panthères au combat. 1978: Vampire Hookers. 1978: Le Samouraï Noir. 1981: Attaque à mains nues. 1983: Stryker. 1983: Caged Fury. 1984: Mission finale. 1985: Les Guerriers du Futur. 1987: Apocalypse Warriors. 1987: Killer Instinct. 1988: The Sisterhood. 1988: The Expendables. 1997: Vulcan. 2003: When Eagles Strike. 2005: Bloofist 2050 (télé-film).
"J'aurais du faire un remake de ce film au lieu de faire KILL BILL". Quentin Tarantino.
Film d'action bisseux, estampillé "nanar" que les vidéophiles des années 80 ont bien connu sous la bannière de Sunset Video, Attaque à mains nues est une production américano-philippine réalisée par un briscard en la matière, Cirio H. Santiago (Stryker, Mission Finale, Caged Fury, les Guerriers du Futur et Killer Insinct, c'était lui !). Le scénario est à lui tout seul une plaisanterie éculée que l'on approuve encore lorsqu'il est réalisé avec autant de maladresses, de faux raccords et de drôlerie involontaire. Tout n'est donc ici prétexte qu'à de furieux règlements de compte entre une guerre de narcotrafiquants face au témoignage d'une experte en karaté particulièrement sexy !
Depuis la disparition de sa soeur partie en reportage, Susan Carter rejoint les Philippines pour tenter de la retrouver. Sur place, son enquête l'oriente auprès du directeur d'un night-club également régisseur de combats clandestins. Monitrice et ceinture noire en karaté, elle décide de participer aux épreuves sans savoir qu'il s'agit d'un réseau mafieux impliqué dans un trafic de drogue. Alors qu'une mystérieuse escorte s'empare de leur marchandise au moment d'une livraison, Susan va devoir user de bravoure pour combattre à mains nues l'ennemi dont le redoutable Chuck Donner !
Titre français encore mieux approprié que celui de son modèle (même si la blonde utilise également le bâton pour se faire entendre !), Attaque à mains nues est un énième film de drive-in décomplexé multipliant avec générosité séquences de bastons, poursuites et gunfights. Parfois même émaillé de séquences gores (empalements au sabre, tête tranchée à la circulaire, yeux crevés au bâton) et érotiques (dont une scène intime de coït particulièrement stylisée !), cette série B possède tous les atouts pour ne jamais ennuyer le spectateur, embarqué de bon gré dans une aventure dépaysante ! A titre de bravoure immanquable, imaginez une donzelle charismatique se faire courser par deux bandits dans un hangar qui n'auront de cesse de s'agripper à ses vêtements pour la dévêtir en bout de course ! Ne reste plus alors pour Susan que de les combattre farouchement en petite culotte sans jamais être indisposée de son anatomie ! Des séquences jouissives et improbables de cet acabit, Attaque à mains nues en regorge d'autres et décuple son capital sympathique avec l'entremise amicale de comédiens inexpressifs rivalisant de sérieux et de grimaces pour jouer les durs à cuire ! Afin de renouveler l'intrigue, Cirio H. Santiago n'hésite pas non plus à insérer certains rebondissements, à l'instar de l'infiltration d'une taupe impliquée chez les sbires d'Erik Stone. Toujours plus incohérent (notamment le comportement équivoque de certains protagonistes) dans son cheminement hasardeux de luttes des clans, d'espionnage policier et d'investigation de témoin disparu, le film s'avère néanmoins efficace dans la vigueur de son rythme tirant inévitablement vers la bande dessinée où les arts-martiaux règnent en maître ! Si on est à l'opposé des bastonnades ultra speed d'un The Raid, la chorégraphie des combats s'avère tout de même pro si j'ose dire et on se prend plaisir à suivre la fluidité des coups assénés à l'adversaire sans subir de mal de crâne comme il est de coutume de nos jours !
Vous l'aurez compris, pour tout amateur de nanar jouissif et fun en diable, Attaque à mains nues est un incontournable du genre encore plus savoureux aujourd'hui qu'à sa sortie, du fait du charme suranné qui en émane. Pour parachever, on peut aussi louer le punch de son score au tempo aussi cadencé que répétitif ainsi que la beauté animale qui se détache de Jillian Kesner, unekaratéka bondissante aussi inexpressive qu'intègre dans sa fonction de justicière redresseuse de tort !
Un grand merci au Chat qui fume pour cette inestimable pépite !
Photo empruntée sur Google, appartenant au site aucoeurdelhorreur.com
de E.L. Katz. 2013. U.S.A. 1h25. Avec Pat Healy, Ethan Embry, David Koechner, Sara Paxton, Amanda Fuller, Brighton Sharbino.
Sortie salles U.S: 24 Mars 2014
FILMOGRAPHIE: E.L. Katz est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain, né le 7 Janvier 1981 à New-York.
2013: Cheap Thrills. 2014: ABCs of Death 2.
... c'est incroyable à quel point la cupidité, l'envie, la prétention, la grossièreté, l'avidité et, en général, tout cet ensemble d'attributs qui forment la condition humaine, transparaissent sur un visage, dans une démarche, dans un regard. Ernesto Sabato. Craig et Vince sont deux amis d'enfance ayant de sérieux soucis financiers. Alors qu'un soir ils se retrouvent par hasard dans un bar, ils rencontrent un couple richissime qui leur propose de participer à des paris d'argent. Ce qui commençait comme une distraction bon enfant va rapidement se transformer en jeu de massacre impitoyable.
Comédie au vitriol d'une férocité dérangeante, Cheap Thrills est à deux doigts d'effleurer le registre dramatique tant les situations de défi que se relèvent nos protagonistes ne prêtent vraiment pas à rire. Avec ces personnages antipathiques, tantôt losers, tantôt nantis, E.L. Katz distille un malaise tangible toujours plus inconfortable lorsque deux acolytes sans le sou sont prêts à aller jusqu'au bout de l'interdit pour s'accaparer d'un juteux butin. Pendant cette rivalité, un couple fortuné observe la grossière attraction avec un cynisme presque impassible ! (reflet de leur lassitude à se vautrer depuis longtemps dans leur confort). Satire sociale dénonçant les effets pervers du pouvoir et de l'argent, que ce soit au niveau du nanti (régisseur d'un jeu grotesque pour évacuer son ennui), que du côté des paumés (dindons de la farce confrontés aux gageures toujours plus audacieuses), E.L. Katz n'y va pas avec le dos de la cuillère pour montrer à quel point le citoyen fauché est capable de transcender les barrières de la tolérance. Si certaines situations de défi toujours plus absurdes pourraient paraître un peu fortes de café, nos deux énergumènes usent de courage et se retrouvent impliqués dans une réaction en chaîne toujours plus fructueuse afin de se disputer la mise. L'ambiance malsaine que le couple aisé a insidieusement mis en place en guise d'anniversaire (celui de célébrer sa femme !), l'emprise de drogue et d'alcool qui y coule librement, l'audace risquée des bravades et l'épreuve de force que les participants doivent se mesurer finissent par nous convaincre de leur détermination. Dès lors, l'amitié qu'ils se partageaient depuis leur enfance va se dissoudre et voler en éclat jusqu'au point de non retour. Outre la modestie de sa mise en scène exploitant avec efficacité l'intérieur du huis-clos, on peut mériter la conviction des comédiens communément impliqués dans les sentiments de vice, de provocation et d'individualisme.
Les uns font semblant de se ruiner ; c'est pour émouvoir la compassion des gens simples. Les autres font semblant de s'enrichir ; c'est pour surexciter les instincts d'envie et de cupidité des masses. Farce caustique d'une ironie profondément dérangeante, Cheap Thrills retrace la descente aux enfers de deux comparses perdants peu à peu le contrôle de leurs actes et leur probité afin d'accéder à la prospérité. Il en émane un délire de comptoir rase-bitume d'une effroyable noirceur pour fustiger l'influence de l'argent et son insidieuse corruption.
Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com
de Jason Banker. 2012. U.S.A. 1h16. Avec Sara Anne Jones, James Davidson, Whitleigh Higuera, Jamie Siebold.
Récompenses: Meilleur long métrage, au Festival de Lausanne métro Film and Music, 2012
Prix du meilleur réalisateur et Prix du Meilleur Acteur au Festival Fantasia, 2012
FILMOGRAPHIE: Jason Banker est un réalisateur, producteur et scénariste américain.
2012: My name is Faith (Documentaire). 2012: Toad Road. 2013: Squatter (Documentaire - post-production).
Objet expérimental et métaphysique, Toad Road nous décrit sous une forme documentée la quotidienneté de jeunes adolescents livrés à leur défonce d'alcool et de drogues hallucinogènes telles que acides et LSD. Si je me réfère à la véritable définition de "Found Footage" (littéralement "enregistrement trouvé"), terme désignant la récupération de pellicules impressionnées dans le but d'enregistrer un autre film, Toad Road se rapproche plus du docu-fiction (le réalisateur avait déjà tâté du documentaire !), sachant qu'en prime, aucun acteur ne porte traditionnellement la caméra à l'épaule pour témoigner en direct des vicissitudes de ses compagnons. Incarné avec conviction par des comédiens non professionnels, la mise en scène studieuse de Jason Banker recherche à tous pris le réalisme du direct lorsque les protagonistes semblent véritablement épris d'ivresse ou d'étourdissement lors des prises d'alcool et de drogue. Sans parler des exhibitions explicites ou de l'épreuve des coups de poing que Slacker acceptera en guise d'expiation !
Cette dynamique de groupe sujette aux expériences les plus extatiques s'avère d'autant plus crédible dans leur état second et complicité de camaraderie qu'ils finissent pas nous immerger dans leur intimité de débauche. La première partie nous illustre donc leur virée dans les bois ou leur isolement au domicile afin de consommer régulièrement nombre de drogues synthétiques. Parmi eux, la nouvelle du groupe, Sara, se rapproche du leader, Slacker, et finit par entamer une liaison futilement amoureuse. Désireuse de goûter elle aussi au plaisir des drogues, elle finit par s'en accoutumer puis propose à son compagnon de franchir les portes de l'enfer. Cette épreuve est en faite inspirée d'une légende urbaine désignant le passage de 7 portails dans la contrée forestière de Toad avant de culminer en enfer. C'est à ce moment qu'intervient la seconde partie du récit focalisée sur l'escapade du couple parti en forêt pour consommer des acides, quand bien même Sara tentera d'influencer vainement son compagnon à expérimenter les 7 portails. C'est la qu'un drame inexpliqué va sévèrement fustiger l'inconscience de Slacker !
Ovni aussi réaliste que désincarné, Toad Road tente de plonger le spectateur dans une expérience psychédélique particulièrement diaphane, celle de confronter l'existence au repos de l'enfer. Hymne à la mort ou au repos éternel si j'ose dire, selon l'interprétation personnelle du spectateur, Toad Road s'avère d'autant plus obscur et hermétique qu'il bénéficie d'une aura toute particulière, sachant que l'héroïne principale est décédée dans les mêmes circonstances que ce que l'oeuvre laisse sous-entendre. Connaissant de prime abord son triste sort, on découvre alors le film sous un aspect spirituel d'autant plus immersif que le fantôme de Sara semble inscrire la pellicule. Ce sentiment de solitude et de néant que l'héroïne nous déclare en voix-off s'avère d'autant plus dérangeant qu'elle semble véritablement éprise d'une attirance et d'un apaisement pour l'absence de l'existence !
Avec son score envoûté et sa photo naturaliste chargée de couleurs vives pour sensibiliser l'écologie, Toad Road attise la nonchalance, provoque la perplexité face au mystère irrésolu et nous interpelle sur l'intérêt de notre existence sans repère. Austère, fragile et inquiétant, ce bad-trip porte finalement en témoignage le deuil précipité d'une jeune fille de 24 ans, Sara Anne Jones, disparue le 4 Septembre 2012. Un drame survenu quelques semaines à peine avant la première du film...
A Sara...
Bruno Matéï
Sara Anne Jones est née en Février 1988 à Baltimore, Maryland, États-Unis. Elle était une actrice connue pour son rôle dans Toad Road. Elle est décédée le 4 Septembre 2012 à New York, USA.
Photo empruntée sur Google, appartenant au site esbilla.wordpress.com
de Mario Caiano. 1965. Italie. 1h44. Avec Barbara Steele, Paul Muller, Helga Line, Laurence Clift, John Mc Douglas, Rik Battaglia,
FILMOGRAPHIE: Mario Caiano est un réalisateur, scénariste, producteur, acteur italien, né le 13 Février 1933 à Rome.
1962: Ulysse contre Hercule. 1963: Le Signe de Zorro. 1963: La Griffe du Coyote. 1963: Goliath et l'Hercule noir. 1964: Maciste, gladiateur de Sparte. 1964: La Fureur des Gladiateurs. 1964: Mon colt fait la loi. 1965: Les Amants d'Outre-Tombe. 1965: Erik le Viking. 1965: Un Cercueil pour le Shérif. 1966: Ombre pour le Liban. 1967: La Vengeance de Ringo. 1967: Adios Hombre. 1967: L'assalto al centro nucleare. 1968: Un Train pour Durango. 1968: Son nom crie vengeance. 1969: Komm, suber Tod. 1970: Ombre roventi. 1972: L'Occhio nel labirinto. 1973: Les Contes de Viterbury. 1973: Shangaï Joe. 1975: A tutte le auto della polizia. 1976: Terror Commando. 1977: Fraulein SS. 1977: La Malavita attacca. La Polizia risponde. 1977: Assaut sur la ville. 1980: Ombre. 1988: Nosferatu à Venise. 1999: Tre addii (télé-film). 1999: Mai con i quadri (télé-film). 1999: La vita in briciole. 1999: L'amore oltre la vita (télé-film). 2001: Per amore per vendetta. 2002: Io ti salvero.
Perle méconnue et introuvable que l'éditeur Artus Film a enfin exhumé de sa torpeur, Les Amants d'Outre-tombe est un poème gothico-funèbre dont les italiens ont le secret. Interdit au moins de 18 ans lors de sa sortie, on est surpris durant son prélude de retrouver une violence sadique plutôt osée pour l'époque et auquel Lucio Fulci aurait pu emprunter cette influence pour l'Au-dela ! Je songe aux diverses tortures qui étaient invoquées sur le peintre Schweick par des villageois assoiffés de vengeance et de bestialité ! Chez le cinéaste Mario Caiano, un médecin pratiquant d'étranges expériences décide de se venger de l'infidélité de sa femme en torturant au fer rouge et à l'acide les amants enchaînés ! Dépité d'avoir été trahi pour sa succession d'héritage, il décide de contacter l'unique bénéficiaire, la soeur de la défunte, Jenny. Avec l'aide de sa servante, il complote une machination afin de pouvoir s'emparer du patrimoine.
Baignant dans un noir et blanc aussi ténébreux que raffiné, à l'instar de la présence iconique de Barbara Steele dans un rôle binaire, Les Amants d'Outre-tombe est une machine à suspense dans laquelle une poignée d'antagonistes vont devoir s'opposer pour l'appât d'un gain et la quête de vérité. En jouant sur l'aspect perfide d'un duo d'amants sans vergogne (la liaison extra-conjugale du docteur Arrowsmith avec sa majordome), Mario Caiano compte sur leurs diverses stratégies afin de distiller une tension sur le sort de la pauvre Jenny. Délibérés à la rendre folle à l'aide d'une drogue hallucinogène, cette dernière réussit néanmoins à entrer en contact avec l'au-delà par l'entremise des amants autrefois sacrifiés ! Epaulée d'un médecin intègre toujours plus méfiant envers les mesquineries d'Arrowsmith, Jenny pourra notamment compter sur son soutien afin de ne pas sombrer dans la folie. En empruntant les thèmes du vampirisme, du savant fou et des spectres vengeurs réduits à l'état de cadavres putrescents, Mario Caiano les synthétisent avec une vraie efficacité pour enrichir une intrigue captivante non exempte de rebondissements, et cela juste avant l'irruption des forces de l'au-delà ! L'empathie que l'on éprouve pour l'affable médecin et Jenny (Barbara Steele véhicule des tourments instables dans sa fonction de victime droguée !) s'opposent à l'aversion que l'on ressent pour le docteur Arrowsmith (Paul Muller se surpasse à imposer une attitude étriquée dans son caractère égotiste) et son insidieuse gouvernante (Helga Line séduit par sa sombre beauté mais nous trahi de sa cupidité et sa soif d'éternelle jeunesse !).
Les amants diaboliques vs les amants d'outre-tombe
Avec son climat gothique irrésistiblement oppressant et l'influence vénale d'antagonistes capricieux, Les Amants d'Outre-Tombe allie une horreur audacieuse pour sa cruauté sanglante et un suspense des plus haletants pour le sort réservé à une Barbara Steele fébrile.
Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com
de Tom Six. 2011. U.S.A. 1h31. Avec Laurence R. Harvey, Ashlynn Yennie, Maddi black, Dominic Borrelli, Dan Burman, Kandace Caine, Daniel Jude Gennis, Georgia Goodrick, Lucas Hansen, Bill Hutchens.
Sortie U.S: 22 Septembre 2011. Pays Bas: 20 Juin 2012
FILMOGRAPHIE: Tom Six est un réalisateur néerlandais, né le 29 Juin 1973 à Alkmaar.
2004: Gay. 2007: Honeyz. 2008: I Love Dries. 2009: The Human Centipede (First Sequence). 2011: The Human Centipede 2 (Full Sequence). 2014: The Human Centipede 3 (Final Sequence). 2014: The Onania Club.
Deux ans après l'inattendu succès de The Human Centipede, film-culte adoubé par son pitch aussi couillu que vrillé, Tom Six utilise cette fois-ci le contre-pied de son modèle afin de rivaliser de surenchère dans le mauvais goût et le gore vomitif. Le pitch: Surveillant de parking, Martin évacue l'ennui en matant son film fétiche: The Human Centipede. Epris d'obsession pour la pratique morbide de former un mille-pattes avec des humains soudés de la bouche à l'anus les uns aux autres, il décide de défier les travaux du Dr Heitzer en reproduisant l'expérience avec 12 personnes ! Après l'effet de surprise invoqué par son 1er volet, Tom Six continue d'exploiter son concept avec un goût prononcé pour le gore, là où son modèle privilégiait la suggestion et la force de caractère du personnage principal. Tourné en noir et blanc afin de renforcer son atmosphère malsaine et poisseuse (bien qu'aujourd'hui il existe une version colorisée), mais aussi pour contourner dame censure, The Human Centipede 2 est une fois de plus servi par la prestance d'une "gueule" aussi charismatique, Laurence R. Harvey ! Incarnant un personnage mutique à déficience mentale, cet acteur en herbe compte sur l'apparence de son physique particulier afin de véhiculer une hostilité sournoise. Dans la mesure où malgré son regard globuleux plein de vice, l'acteur laisse également transparaître une timidité de par sa personnalité refoulée et sa petite taille rondouillarde. Accoutré d'un slip trop large et d'une blouse blanche, il perpétue ses méfaits meurtriers avec autant de jubilation que d'angoisse contrariée pour la réalisation de son chef-d'oeuvre ! C'est à dire concevoir le plus grand appareil digestif au monde ! (ah ah !).
L'ambiance glauque et irrespirable est également habilement entretenue pour faire naître l'anxiété. Tant auprès du domicile de Martin co-existant en compagnie d'une mère castratrice, où du hangar rubigineux, refuge de ses innommables expériences. Qui plus est, Tom Six y accentue une ambiance d'autant plus insolite parmi l'intervention de personnages sans vergogne (la mère suicidaire de Martin, le médecin barbu aux penchants pervers, le voisin tatoué adepte de musique hardcore). Mais le clou du malaise est indéniablement causé par les exactions de Martin afin de parfaire son mille-pattes humain ! Et comme le tueur n'est pas un éminent chirurgien, il s'y emploi à l'arrache et sans anesthésie (les bouches des victimes étant simplement agrafées et non cousues sur le postérieur du voisin !). Sans doute pour combler l'attente des fans de gore qui eurent été déçus par le premier volet, Tom Six rivalise donc de trash et de mauvais goût pour illustrer un florilège de séquences chocs plutôt émétiques ! A l'instar de ce cassage de dents perpétré au marteau ou des tranchages de tête commis au couteau ! Bien que parfois insoutenable et franchement écoeurant (l'orgie de déjection fécale !), le réalisateur réussit à faire passer la pilule de l'innommable (le bébé écrasé sous la pédale d'accélérateur par une mère en panique !) à grand renforts de dérision macabre (rictus nerveux et gémissements de joie du tueur à l'appui !).
Une farce vitriolée au goût de vomi et d'excréments Volontairement outrancier jusqu'à overdose, The Human Centipede 2 exploite son filon avec la facilité de l'effet-choc. Indéniablement moins percutant et surprenant que son modèle, il n'en demeure pas moins atmosphérique, expérimental, fun, déglingué et délirant à travers sa déviance morbide, quand bien même Laurence Harvey marque de sa petite empreinte une posture génialement gouailleuse !