mardi 9 mai 2017

GET OUT

                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Jordan Peele. 2017. U.S.A. 1h44. Avec Daniel Kaluuya, Zailand Adams, Allison Williams, Catherine Keener, Erika Alexander, Bradley Whitford, Caleb Landry Jones.

Sortie salles France: 3 Mai 2017. U.S: 24 Février 2017

FILMOGRAPHIEJordan Haworth Peele, né le 21 février 1979 à New York, est un acteur, humoriste, réalisateur, scénariste et producteur américain. 2017: Get Out.


Précédé d'une bande-annonce aussi alléchante que prometteuse et d'une réputation élogieuse dès sa sortie salles (suffit de jeter un rapide coup d'oeil sur la notation de Rotten Tomatoes), Get Out est le nouveau phénomème horrifique outre-atlantique que le réalisateur novice Jordan Peele est parvenu à transfigurer avec un brio avisé. Tant et si bien qu'il s'agit de son premier essai derrière la caméra après avoir exercé les métiers d'acteur et d'humoriste. Sans déflorer le moindre indice du scénario aussi roublard et original que génialement machiavélique (même si l'influence des Femmes de Stepford est infaillible !), Get Out débute comme une agréable romance autour d'un couple interracial que forment Rose, jeune fille issue d'une classe bourgeoise, et Chris, un afro-américain équilibré et prévenant. Délibérée à le présenter à ses parents le temps d'un week-end, Chris accepte gentiment la proposition. Alors que les parents et le frère de Rose font preuve d'ironie impudente auprès de lui, l'ambiance néanmoins chaleureuse et bon enfant va rapidement bifurquer à la paranoïa, notamment parmi la posture inquiétante des deux domestiques afros-américains trop affables pour être honnêtes. Bijou de suspense horrifique entièrement dédié à la caractérisation interlope de seconds-rôles hyper convaincants, de par leur charisme saillant et leurs expressions neutres, Get out parvient à diluer un délicieux parfum de mystère, d'angoisse et de tension latente autour d'un Chris contemplatif, car témoin malgré lui d'évènements aussi troubles que nonsensiques.


Ce vénéneux climat d'étrangeté que parviennent à extérioriser l'assemblée bourgeoise (notamment leur réunion amicale instaurée dans le jardin) ainsi que les deux domestiques (à la fois évasifs, taiseux et faussement rassurants !) nous immerge subtilement dans un cauchemar anxiogène toujours plus palpable quant au cheminement investigateur de Chris en remise en question raciale. Emaillé de séquences dérangeantes d'une intensité psychologique, l'intrigue alterne quelques situations affolantes de comportements erratiques du point de vue secondaire des noirs faisant office de majordome ou attentionné auprès d'une gente sclérosée. Observant avec une habile attention la montée en puissance de la paranoïa de Chris (notamment lorsqu'il s'efforce d'alerter timidement sa petite amie en évitant de surdramatiser ses potentielles divagations !), Jordan Peele brosse son portrait à la fois fébrile et vulnérable sous l'impulsion spontanée de l'acteur Daniel Kaluuya crevant l'écran parmi ses expressions de crainte et de doute, de constance et de vaillance. Et ce avant que l'horrible piège ne se referme sur ses frêles épaules avec un sentiment d'impuissance viscérale que le spectateur témoigne avec autant d'appréhension, quand bien mêmes les soudains éclairs de violence nous mettront à rude épreuve morale. Au-delà de son réalisme cauchemardesque lestement diffus et du climat malsain du contexte aussi singulier, Jordan Peele se permet en prime de désamorcer par intermittence l'angoisse des situations par des saillies d'ironie génialement cocasses (l'improbable déposition de l'ami de Chris face au trio de flics noirs retenant difficilement leur sérieux !).


Satire caustique sur le racisme (en ces temps sinistrosés de haine et d'intolérance) par le biais d'un esclavage moderne, Get Out transcende l'outil horrifique avec autant de maîtrise technique (on peut parler de modèle de mise en scène, voir de coup de maître) que d'intelligence retorse si bien que l'angoisse des situations émane toujours de la caractérisation comportementale des personnages sournois (l'ombre de Rosemary's Baby planant aussi bien sur leurs épaules !). Et à ce titre, il faut autant prôner le jeu incroyablement percutant des comédiens se délectant à se fondre dans la peau de leur personnage avec une intensité faciale redoutablement perfide. Quant au scénario aussi bien glaçant de cynisme que génialement débridé, il s'agit là d'un des plus originaux que l'on ait vu depuis longtemps. A l'instar de cette anthologique séance d'hypnose ou encore de l'impuissance de la domestique à tenter d'extérioriser subitement un appel à l'aide !

Bruno Dussart

La critique de Gilles Roland: http://www.onrembobine.fr/critiques/critique-get-out/


de Bryan Forbes. 1974. U.S.A. 1h50. Avec Katharine Ross , Paula Prentiss, Peter Masterson, Nanette Newman, Tina Louise, Carol Eve Rossen, William Prince, Carole Mallory, Toni Reid, Judith Baldwin.

Date de sortie: 12 février 1975 (USA)

FILMOGRAPHIE: Bryan Forbes est un réalisateur de cinéma britannique, également acteur, producteur et scénariste, né John Theobald Clark à Londres le 22 juillet 1926.
1961 : Whistle Down the Wind , 1962 : La Chambre indiscrète,1964 : Le Rideau de brume,1964 : L'Ange pervers,1965 : Un caïd, 1966 : Un mort en pleine forme,1967 : Les Chuchoteurs,1968 : Le chat croque les diamants, 1969 : La Folle de Chaillot, 1971 : The Raging Moon, 1975 : Les Femmes de Stepford, 1976 : The Slipper and the Rose, 1978 : Sarah,1980 : Les Séducteurs   1982 : Ménage à trois, 1984 : The Naked Face, 1990 : The Endless Game (tv)


Desperate Housewives
Adapté d'une oeuvre originale de Ira Levin (Rosemary's Baby), Les Femmes de Stepford demeure une satire caustique sur le sexisme, un tableau saugrenu sur la phallocratie évoquée au travers d'un récit d'anticipation horrifique. D'ailleurs, le sujet singulier si fascinant engendra une pléthore de séquelles parmi lesquelles The Revenge of the Stepford Wives (téléfilm de 1980), The Stepford ChildrenThe Stepford Husbands ou encore le remake aseptique de Frank Oz réalisé en 2004. Un couple vient s'installer dans la bourgade verdoyante de Stepford, petit village situé dans le Connecticut où il fait bon vivre calme et sérénité. Joanna se lie d'amitié avec les voisines du quartier, particulièrement Bobby, une jeune femme extravertie et affranchie n'hésitant pas à critiquer l'attitude atone de certaines de ses collègues. Au fil des semaines, notre duo ne va pas tarder à s'inquiéter du comportement non-sensique de ces dernières.  


Précurseur de l'illustre série TV Desperate Housewives si j'ose dire, Bryan Forbes surprend autant qu'il déconcerte à travers cette version vitriolée de la guerre des sexes. Passée sa première partie ne laissant rien supposer de la montée en puissance du cauchemar domestique, Les Femmes de Stepford amorce doucement une ambiance trouble progressivement diffuse. Ces différents portraits caustiques impartis à la "famille modèle" empruntant le cheminement de l'irrationnel pour mieux duper et déranger le spectateur. Un parti-pris couillu afin de dénoncer avec incongruité la place de la femme soumise au sein du foyer conjugal lors d'une époque en mutation sociale. La charge est féroce, jusqu'au boutiste, à l'instar de sa conclusion aigre (quand bien même le scénario originel envisagé par William Goldman était encore plus horrifiant !). L'intrigue héritée d'un épisode de la Quatrième dimension insufflant une intensité dramatique autour d'une caractérisation corrosive de discordes conjugales en proie au non-sens. Cette tension insolite ira d'ailleurs en crescendo pour converger vers un dernier acte proprement opaque. D'un charisme saillant, mature et sensuel, notamment parmi l'intensité de son regard noir gagné de contrariété, Katharine Ross incarne avec force de caractère le rôle d'une ambitieuse photographe sensiblement attirée par l'angoisse d'une improbable découverte au point d'en bouleverser sa propre destinée ! 


Soit belle et tais-toi. 
Nonobstant une mise en place quelque peu poussive des personnages et la langueur (volontaire) du 1er acte, Les Femmes de Stepford constitue une bobine d'étrangeté singulière culminant vers l'effroi d'un dénouement inattendu si bien que le spectateur se partage entre malaise et empathie pour la condition de ces "femmes objets". La solidité de sa distribution aussi bien photogénique (la trop rare et méconnue Katharine Ross en tête !), l'aura insolite émanant de l'intrigue à rebondissements ainsi que son point d'orgue horrifique anti happy-end laissent en mémoire un pastiche corrosif sur l'émancipation féminine durant la révolution des Seventies. A redécouvrir avec vif intérêt, les Femmes de Stepford étant l'une des oeuvres les plus débridées de son époque frappée d'un réalisme audacieux et d'idées à revendre ! 

Eric Binford
11.01.11. 2èx

lundi 8 mai 2017

BRIGADE DES MOEURS

                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site ebay.fr

de Max Pecas. 1985. France. 1h39. Avec Thierry de Carbonnières, Gabrielle Forest, Christian Barbier, Jean-Marc Maurel, Phify, Olivia Dutron, Brigitte Lahaie, Ticky Holgado, Jean-Pierre Bernard.

Sortie salles France: 9 Janvier 1985

FILMOGRAPHIE: Max Pécas est un réalisateur, scénariste et producteur de cinéma français né le 25 avril 1925 à Lyon et mort le 10 février 2003 à Paris. 1960 : Le Cercle vicieux. 1961 : De quoi tu te mêles, Daniela ! 1962 : Douce Violence. 1962 : Une femme aux abois. 1963 : Cinq filles en furie. 1964 : La Baie du désir. 1965 : Espions à l'affût. 1966 : La Peur et l'Amour. 1968 : La Violence et l'amour. 1968 : La Nuit la plus chaude. 1970 : La Main noire. 1970 : Claude et Greta. 1971 : Je suis une nymphomane. 1973 : Je suis frigide... pourquoi ? 1974 : Club privé pour couples avertis. 1974 : Sexuellement vôtre. 1975 : Rêves pornos. 1975 : Les Mille et une perversions de Felicia. 1976 : Luxure. 1977 : Marche pas sur mes lacets. 1978 : Embraye bidasse, ça fume. 1979 : On est venu là pour s'éclater. 1980 : Mieux vaut être riche et bien portant que fauché et mal foutu. 1981 : Belles, blondes et bronzées. 1982 : On n'est pas sorti de l'auberge. 1983 : Les Branchés à Saint-Tropez. 1985: Brigade des mœurs. 1986 : Deux enfoirés à Saint-Tropez. 1987 : On se calme et on boit frais à Saint-Tropez.


Echec public en salles, Brigade des Moeurs est un polar d'exploitation que Max Pecas, spécialiste de comédies polissonnes, emballe avec un certain savoir-faire technique durant sa carrière déclinante. Dépourvu d'un pitch standard dénué d'intensité, de suspense et de rigueur dramatique, le réalisateur pallie sa vacuité narrative par un florilège de séquences ultra violentes et un soupçon de gore et d'érotisme qu'un flic justicier et la pègre sèment durant leurs règlements de compte. Dénué d'épaisseur psychologique, il est difficile de s'impliquer dans la vengeance expéditive de ce dernier plutôt inexpressif (sorte de sosie renfrogné de Francis Perrin) si bien que l'on éprouve peu d'empathie à son héroïsme réactionnaire et à son altruisme auprès de la gente féminine. Pour compenser l'ennui de son intrigue routinière alternant attaques et contre-attaques jusqu'au générique de fin, on peut s'amuser de retrouver quelques têtes familières imparties aux seconds-rôles (Brigitte Lahaie, Ticky Holgado et surtout l'excellent Christian Barbier), se prêtant au jeu du gendarme et du voleur avec une certaine spontanéité. Uniquement bâti sur sa surenchère aussi subversive que grand-guignolesque, Brigade des Moeurs a donc bien du mal à captiver en dépit de sa générosité homérique peu fructueuse.


Un polar franchouillard faussement impressionnant faisant office de pétard mouillé. 

Bruno Matéï

samedi 6 mai 2017

A 16 ANS DANS L'ENFER D'AMSTERDAM

                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"La ragazza del Vondel Park" de Rino Di Silvestro (Axel Berger). 1984. Italie. 1h28. Avec Ann-Gisel Glass, Sebastiano Somma, Tony Serrano, Donatella Damiani

Sortie salles France: 2 Novembre 1984

FILMOGRAPHIE: Rino Di Silvestro est un acteur, scénariste et réalisateur italien né le 30 Janvier 1932, décédé le 3 Octobre 2009. 1985: Les nuits chaudes de Cléopâtre. 1984 À seize ans dans l'enfer d'Amsterdam. 1980 Bello di mamma. 1979 Baby Love. 1976 Les déportées de la section spéciale SS. 1976 La louve sanguinaire. 1974 Prostituzione. 1973 La vie sexuelle dans une prison de femmes


Epigone Z du traumatisant Moi, Christine F... 13 ans, droguée et prostituée, A 16 ans dans l'enfer d'Amsterdam porte la signature de Rino Di Silvestro (aka Axel Berger), spécialiste du cinéma d'exploitation comme le souligne sa filmographie lucrative bien connue des fans bisseux. C'est notamment à lui que l'on doit l'étrange et (gentiment) fascinant La Louve Sanguinaire, aussi superficiel et saugrenu soit-il, si bien qu'il s'agit à mon sens de son meilleur film, du moins le plus atmosphérique, inquiétant et trouble dans son concentré d'érotisme et de lycanthropie gore. Délibéré à surenchérir le modèle d'Uli Edel à renfort de séquences glauques d'une déviance parfois étrangement fascinante (la séance de voyeurisme dans le train effleure la pornographie, son plan X inséré au cours d'une brève séquence pénitentiaire et les moult shoots que les drogués s'injectent de manière parfois si convaincante qu'on y soupçonne l'authenticité de leurs gestes !), A 16 ans dans l'enfer d'Amsterdam sombre dans le nanar à force de maladresses techniques, de cabotinage d'acteurs de seconde zone et d'ultra complaisance en roue libre.


Par le truchement d'une intrigue indigente à peine inspirée d'un épisode des Feux de l'Amour (une jeune ado, Anna, sombre dans la drogue et la pornographie au moment de tomber amoureuse d'un quidam au grand coeur), Rino Di Silvestro s'efforce de provoquer malaise et dégoût par le biais d'un décorum sordide où industrie pornographique, tapinage et fixettes d'héros sont le lot quotidien de notre héroïne tributaire d'un maquereau aussi paumé qu'elle. Au coeur de leur sempiternelle crise conjugale et des rapports houleux d'Anna avec sa mère, un quidam philanthrope succombe à ses charmes lors d'une séquence expéditive de drague improvisée (comptez 2 minutes chrono pour nous convaincre de leur étreinte). En prime d'un montage elliptique ahurissant de maladresse (à moins qu'il ne s'agisse d'une version Cut !), l'intrigue nous perd d'ailleurs un peu en cours de route en dépit de son extrême simplicité à surligner (et alterner) les déchéances physiques et morales d'Anna rendue toxicomane et les règlements de compte entre divers macros et l'amant au grand coeur. Pour autant, en dépit de tous ces défauts précités érigeant l'entreprise au rang de nanar d'exploitation, A 16 ans dans l'enfer d'Amsterdam distille charme et sympathie à suivre (dans notre instinct voyeuriste gentiment pervers) les errances sordides d'Anna sous l'impulsion d'une narration fertile en péripéties et ce malgré ses redondances. A l'instar de son final musclé involontairement drôle car multipliant les pugilats de comptoir, faute du cabotinage des comédiens surjouant à n'en plus finir dans leurs expressions à la fois colériques, rebelles et démunies.


Pur produit d'exploitation estampillé Z, A 16 ans dans l'enfer d'Amsterdam mérite le détour par son charme bisseux typiquement latin (comme le souligne d'ailleurs sa mélancolique partition musicale) au gré de situations scabreuses ostentatoires que Rino Di Silvestro prend plaisir à filmer sans aucun complexe (tel ce plan X aussi inopiné qu'il provoque soupçon de cocasserie !) et avec le désir de choquer le spectateur parmi des codes narratifs inévitablement ludiques. 

P.S: A noter que le montage est signataire du cinéaste Bruno Mattei ! Ceci explique cela !

Eric Binford

                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com

"Christiane F. - Wir Kinder vom Bahnhof Zoo" (Nous, les enfants de la gare du Zoo) de Uli Edel. 1981. Allemagne. 2h09. Avec Natja Brunckhorst, Thomas Haustein, Jens Kuphal, Rainer Woelk, Jan Georg Effler, Christiane Reichelt, Daniela Jaeger.

Sortie salles France: 24 Juillet 1981 (Interdit aux - de 13 ans). Allemagne: 2 Avril 1981.

FILMOGRAPHIEUli Edel est un réalisateur, producteur et monteur allemand, né le 11 Avril 1947 à Neuenburg am Rhein (Allemagne).
1971: Der Kleine Soldat. 1976: Die Erzählungen Bjelkins (télé-film). 1977: Der Harte Handel (télé-film). 1978: Das Ding: (série TV). 1981: Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée. 1984: Eine Art von Zorn (télé-film). 1987: Waldhaus (série TV). 1989: Dernière sortie pour Brooklyn. 1993: Body. 1994: Confessions d'une rebelle (télé-film). 1995: Mike Tyson, l'histoire de sa vie (télé-film). 1996: Raspoutine (télé-film). 1999: La Ville des Légendes de l'Ouest (télé-film). 2000: Le Petit Vampire. 2001: Les Brumes d'Avalon (télé-film). 2002: King of Texas (télé-film). 2002: Jules César (télé-film). 2003: Evil Never Dies (télé-film). 2004: L'Anneau Sacré (télé-film). 2008: La Bande à Baader. 2010: Zeiten Andern Dich.


"D'la pisse et d'la merde, partout ! Y'a qu'à r'garder ! Qu'est ce que ça peut faire que d'loin tout est l'air neuf et de grand standing, avec des blouses vertes, des supermarchés ! Ce qui pue l'plus à l'intérieur, c'est les cages d'escalier. Les enfants, qu'est ce qu'ils peuvent faire quand ils jouent dehors et qu'ils ont envie d'pisser ! Le temps qu'l'ascenseur arrive au 11è ou au 12è, ils ont fait dans leur culotte et ils reçoivent une raclée. Autant l'faire dans la cage d'escalier. Et j'habite là depuis qu'j'ai 6 ans, avec ma mère, ma soeur et mes chats. Et j'en ai ras l'bol ! En ville, il y a des affiches partout. Le Sound, la discothèque la plus moderne d'Europe. C'est là qu'je veux aller..." 

Expérience jusqu'au-boutiste à l'intensité dramatique impitoyablement éprouvante, Moi, Christiane F. est un uppercut émotionnel difficilement soutenable lorsque l'on témoigne impuissant de la descente aux enfers d'une junkie dans le Berlin des années 70. L'épreuve de force intarissable d'une adolescente de 13 ans prise au piège de son addiction à l'héroïne, est donc contrainte de se prostituer afin de subvenir à ses besoins depuis le divorce parental. Cette déchéance humaine en déclin, ce désespoir sans échappatoire, le spectateur la contemple avec un malaise viscéral et sensitif proche de la nausée. De par son ambiance lourde, oppressante, glauque (score lancinant hypnotique à l'appui !) régie autour d'une gare berlinoise fréquentée par de jeunes SDF, et son réalisme documenté extrêmement dérangeant qu'une caméra voyeuriste ausculte sans tabou (les seringues pénétrant dans les veines avant une giclée de sang, les crises de manque et les crampes où sueur et vomi s'entremêlent pour y arroser les draps et tapisser les murs, les rapports sexuels forcés avec une clientèle dépravée !).


Uli Edel ne recule donc devant rien pour relater sans concession le quotidien miséreux de Christiane et ses comparses déambulant, tels des zombies nécrosés, dans un quartier malfamé pour y tapiner afin de se procurer leur offrande. L'ultra réalisme alloué à leur cheminement urbain s'avère si tangible qu'on jurerait qu'acteurs méconnus et figurants marginaux se soient prêtés au jeu de la défonce pour se shooter volontairement face caméra ! Devant l'acuité d'une fascination aussi malsaine, aucun long-métrage n'était parvenu à un tel degré d'authenticité, à l'instar de la déliquescence physique des comédiens retranscrite en temps réel ! Si le jeu assez amateur des seconds-rôles juvéniles et les dialogues triviaux font preuve de facilité, le sentiment d'improvisation éprouvé se prête plutôt bien au climat de sinistrose auquel ils appartiennent, quand bien même une photo blafarde nous martèle l'esprit par sa facture opaque. Le cinéaste s'attardant perpétuellement à mettre en exergue leur contrariété psychique liée à l'accoutumance incontrôlée du produit (d'où ce parti-pris du montage elliptique !). Si Moi Christiane F. s'avère si implacablement immersif et criant de vérité dans la déchéance morale des toxicos, il le doit beaucoup au talent épidermique de Natja Brunckhorst. L'actrice se fondant dans la peau d'une infortunée avec un sentiment de désespoir collapsé et parmi l'apitoiement du regard affligé d'impuissance et de solitude !


Cri d'alarme contre une jeunesse déboussolée avide d'expérience nouvelle, épreuve de survie impartie à l'emprise de la came, Moi Christiane F... remémore dans une ambiance funéraire suffocante le témoignage le plus glauque, le plus sordide et éprouvant jamais traité sur le fléau. Outre son portrait vérité imparti à son héroïne mondialement célébrée par le best-seller des journalistes Kai Hermann et Horst Rieck, Moi, Christiane F... laisse le spectateur dans un état de choc mutique sitôt le générique écoulé. Pour publics avertis mais à prescrire dans tous les collèges, lycées et universités ! 

A mon frère de coeur Pascal, décédé en Décembre 93, et à tous ceux qui n'ont eu la chance de s'en sortir...

Bruno Dussart

vendredi 5 mai 2017

Le Crocodile de la Mort / Eaten Alive. Licorne d'Or, Rex de Paris, 1978.


"Death Trap / Eaten Alive" de Tobe Hooper. 1977. U.S.A. 1h31.Avec Neville Brand, Mel Ferrer, Carolyn Jones, Marilyn Burns, William Finley, Stuart Whitman, Robert Englund, Janus Blythe.

Sortie en salles en France le 24 Mai 1978. U.S.A: Mai 1977.

FILMOGRAPHIE: Tobe Hooper est un réalisateur américain né le 25 Janvier 1943 à Austin (Texas)
1969: Eggshells, 1974: Massacre à la Tronçonneuse, 1977: Le Crocodile de la Mort, 1979: The Dark (non crédité), 1981: Massacre dans le Train Fantome, 1982: Poltergeist, 1985: Lifeforce, 1986: l'Invasion vient de Mars, Massacre à la Tronçonneuse 2, 1990: Spontaneous Combustion, 1993: Night Terrors, 1995: The Manglers, 2000: Crocodile, 2004: Toolbox Murders, 2005: Mortuary, 2011: Roadmaster.

                                     

"J'm'appelle Buck et j'veux baiser !".
Trois ans après l’onde de choc Massacre à la Tronçonneuse, Tobe Hooper renoue avec l’horreur poisseuse pour transcender à nouveau un cauchemar sur pellicule, cette fois installé dans un motel marécageux. Mais à la suite d’un différend avec la production, il quitte le projet en plein tournage, laissant au producteur Mardi Rustam le soin de prendre la relève. Alloué d’un budget plus confortable et entièrement tourné en studio, ce film commandité pour surfer sur le succès de Massacre… et des Dents de la mer s’inspire des exactions d’un véritable tueur en série des années 30 : Joe Ball. Ancien soldat de la Première Guerre mondiale, parfois surnommé “l’homme alligator”, Ball fut propriétaire d’une auberge et d’un étang où il élevait cinq crocodiles. Il les nourrissait de chiens et de cochons vivants… avant d’y sacrifier vingt femmes.

Au-delà de son atmosphère visuelle, flirtant parfois avec le surnaturel (éclairages criards à l’appui), Le Crocodile de la Mort conserve un pouvoir de fascination intact dans son tableau caustique de l’Amérique rurale. Le scénario linéaire (un tenancier et son alligator sèment la mort parmi les touristes égarés) sert de prétexte à une enfilade de meurtres saignants. Hooper y impose de nouveau sa patte : une ambiance putride, moite, étouffante, dans le décor hostile d’un motel de Louisiane. Dès le prologue, une étrangeté plane - les couleurs saturées d’orange et de rouge criard - tandis qu’une jeune catin, hésitante, s’approche d’une auberge semblant surgir d’un conte de fée vitriolé.

Le cadre hospitalier et la menace larvée rappellent Psychose, et Hooper pousse l’hommage jusqu’à évacuer son héroïne dès le premier quart d’heure, alors même que le spectateur commençait à s’attacher à sa fragilité. Prostituée en herbe, rudoyée par un client brutal, elle connaîtra une mort sauvage, poignardée à coups de fourche dans une scène d’une violence viscérale.
 
 
L’arrivée d’un couple névrosé, accompagné d’un chien et d’une fillette, relance la mécanique. Ils feront à leur tour les frais du taulier azimuté et de son crocodile, lors de scènes de panique à l’intensité presque dégénérée. En dépit de l’aspect parfois brinquebalant du croco en carton-pâte, Hooper le rend menaçant, surgissant des eaux blafardes pour dévorer ses proies avec une voracité fétide. Une séquence, notamment, gagne en tension : une fillette, tétanisée, assiste impuissante à l’attaque de son chien tombé dans l’étang.

Plus tard, le père et la sœur de la première victime se rendent à l’auberge pour interroger le propriétaire, intrigués par sa disparition. Au-delà de son atmosphère lourde, quasi irrespirable, le film fascine par sa galerie de personnages déglingués. Une horde de machistes cintrés, dominée par Neville Brand, impérial en taulier ravagé, suintant la démence. Troisième œil vrillé, cheveux hirsutes, regard d’ancien du Vietnam - il incarne à merveille cette figure de patriarche flétri, où la misogynie devient pulsion homicide.

Pour intensifier cette démence poisseuse, Hooper mêle à son image saturée une bande-son dissonante, où se télescopent grésillements de transistor et tubes country désaccordés. Et la dernière demi-heure, furieuse, cauchemardesque, bascule dans une frénésie hystérique, digne de Massacre…, lors de courses-poursuites escarpées à travers bois, chambres et soubassements crasseux du motel.


"La gueule béante de l’Amérique".
Baignant dans une atmosphère mortifère, malsaine, suffocante, où chaque marginal, obsédé ou névrosé incarne un fragment d’Amérique profonde, rustre, égrillarde et paumée, Le Crocodile de la Mort se dresse comme une fable d’horreur furibarde. À mi-chemin entre conte sardonique et métaphore du trauma vietnamien, Hooper érige avec brio, dignité et insolence un second classique de l’horreur sociale, jalonné de séquences choc, propulsées par des hurlements stridents.
Un authentique (second) chef-d’œuvre traumatique. À réhabiliter d’urgence.


A Marilyn Burns, décédée le 5 Août 2014...

*Bruno 
21.03.25. vost
05.05.17
17.08.11 (307)


RécompensesGrand Prix (Licorne d'Or) et Prix d'Interprétation masculine pour Neville Brand au festival du film fantastique du Rex à Paris en 1978.



jeudi 4 mai 2017

Un Ange pour Satan / Un angelo per Satana

                                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site themoviedb.org

de Camillo Mastrocinque. 1966. Italie. 1h32. Avec Barbara Steele, Anthony Steffen, Ursula Davis, Aldo Berti, Maureen Melrose, Vassili Karamesinis.

Sortie salles France: 24 Mai 1967. Italie: 4 Mai 1966

FILMOGRAPHIE: Camillo Mastrocinque est un scénariste et réalisateur italien né à Rome le 11 mai 1901, décédé le 23 avril 1969. 1936 : Regina della Scala (it). 1938 : L'orologio a cucù. 1940 : Don Pasquale. 1940 : La danza dei milioni. 1941 : I mariti. 1942 : Fedora. 1943 : Mariage secret, tourné en Espagne. 1947 : Perdu dans les ténèbres. 1947 : Il segreto di don Giovanni. 1948 : L'Homme aux gants gris. 1948 : Le Choix des anges. 1949 : Duel sans honneur. 1950 : Plus fort que la haine. 1956 : La Banda degli onesti. 1956 : Totò, Peppino e... la malafemmina. 1957 : Dites 33. 1958 : Parisien malgré lui. 1958 : Domenica è sempre domenica. 1958 : La Loi de l'homme. 1959 : La cambiale. 1959 : Brèves amours. 1960 : Noi duri. 1960 : Petites femmes et haute finance. 1960 : Incorrigibles parents. 1961 : Totòtruffa 62. 1962 : Un beau chassis. 1962 : Diciottenni al sole. 1962 : Gli eroi del doppio gioco . 1964 : Un cœur plein et les poches vides. 1964 : La Crypte du vampire. 1966 : Un ange pour Satan. 1968 : Totò Story. 1968 : La più bella coppia del mondo.


"Beauté damnée, regard d’ébène".
Bijou de gothisme transalpin tourné dans un somptueux noir et blanc, Un Ange pour Satan offre à la reine de l’horreur l’occasion de dévoiler sans retenue l’ampleur de son talent, à travers un double rôle lié à la possession démoniaque. Je parle bien entendu de l’icône Barbara Steele, qui transperce ici encore l’écran de son regard d’ébène et de sa sensualité capiteuse, euphémisme. Modeste production longtemps occultée dans sa filmo pourtant foisonnante, Un Ange pour Satan est exhumé de l’oubli en DVD sous l’effigie de Seven 7 puis aujourd'hui en Blu-ray et Dvd chez Artus Films. Une aubaine tant sa rareté en avait fait une chimère. Et les amateurs auraient tort de s’en priver, tant le cinéaste Camillo Mastrocinque impose une rigueur formelle et narrative qui envoûte irrémédiablement, par une approche du gothique typiquement italienne.

Ecoutez un peu le commencement de son récit : À la suite du retour inattendu de la jeune Harriet, nièce du comte Montebruno, et de la restauration d’une étrange statuette, les villageois redoutent le réveil d’une malédiction bicentenaire menaçant leur quiétude. Très vite, Harriet semble possédée par l’esprit d’une ancêtre noyée dans la jalousie et la rancune, blessée par sa propre beauté.  

Baignant dans une envoûtante atmosphère de mystère, le film se déploie sous l’impulsion viciée d’une Barbara Steele habitée, pulsionnelle, presque spectrale. Un Ange pour Satan orchestre un ballet de manipulations et de perversités, tout entier tissé autour de la fourberie du Mal. Plusieurs villageois, fragiles, s’égarent dans les filets d’une mante religieuse obsédée par l’idée d’être aimée — proies masculines ou féminines, nul n’est à l’abri. La force du récit réside dans ces stratégies perfides, dans cette séduction érotique redoublée qu’Harriet exerce avec une facilité presque surnaturelle, manipulant son entourage en état de vertige face à sa beauté ténébreuse (euphémisme j'vous dit !).

Outre la puissance des enjeux démoniaques liés à ce pouvoir de fascination irrépressible, le film distille lentement mais sûrement une cruauté sourde, une dramaturgie impitoyable où l’innocence finit par payer le prix fort. À l’instar des unions brisées que le village subit en silence, jusqu’au cérémonial funèbre final.


"Un visage, deux âmes : Barbara Steele au seuil du Mal".
D'autant plus renversant lors de son final à rebondissements retors, Un Ange pour Satan demeure un spectacle d’épouvante délicieusement captivant, ancré dans une ambiance gothique monochrome aux charmes troubles. Car plus que tout, c’est le jeu ambivalent de Barbara Steele qui ensorcelle : entre noirceur élégante (bon sang ce regard infernal !), masochisme larvé et sensualité vénéneuse. Un Ange pour Satan est une épure de chaque instant portée par les thématiques rétrogrades du patriarcat, de la jalousie, du refoulement sexuel et de la superstition sous le pivot d'une émancipation féminine osant même se frotter au saphisme. 

Bruno
04.06.25. 3èx 

mercredi 3 mai 2017

POLICE FEDERALE, LOS ANGELES

                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

"To Live and Die in L.A." de William Friedkin. 1985. U.S.A. 1h56. Avec William L. Petersen, Willem Dafoe, John Pankow, Debra Feuer, John Turturro, Darlanne Fluegel, Dean Stockwell, Steve James, Robert Downey Sr.

Sortie salles France: 7  Mai 1986. U.S: 1er Novembre 1985.

FILMOGRAPHIE: William Friedkin est un réalisateur, scénariste et producteur de film américain, né le 29 août 1935 à Chicago (Illinois, États-Unis). Il débute sa carrière en 1967 avec une comédie musicale, Good Times. C'est en 1971 et 1973 qu'il connaîtra la consécration du public et de la critique avec French Connection et L'Exorciste, tous deux récompensés à la cérémonie des Oscars d'Hollywood. 1967: Good Times. 1968: l'Anniversaire. 1968: The Night they Raided Minsky's. 1970: Les Garçons de la bande. 1971: French Connection. 1973: l'Exorciste. 1977: Le Convoi de la peur. 1978: Têtes vides cherchent coffres pleins. 1980: The Cruising. 1983: Le Coup du Siècle. 1985: Police Fédérale Los Angeles. 1988: Le Sang du Châtiment. 1990: La Nurse. 1994: Blue Chips. 1995: Jade. 2000: l'Enfer du Devoir. 2003: Traqué. 2006: Bug. 2012: Killer Joe.


Echec public en France alors qu'aujourd'hui tous les cinéphiles s'accordent à dire qu'il s'agit d'un des plus grands polars des années 80, Police Federale, Los Angeles renouvelle le genre avec un esthétisme stylisé aussi baroque qu'envoûtant. William Fridekin filmant scrupuleusement la capitale de Los Angeles sous une photo crépusculaire aussi hyper réaliste que léchée. Polar à la fois haletant et intense mené par un trio de comédiens furibards dans leur fonction combative, Police Federale... tire-parti de sa grande efficacité grâce à son intrigue anticonformiste bafouant les règles de la bienséance. Chien fou avide de revanche derrière son insigne, Richard Chance tente d'appréhender un dangereux faussaire ayant assassiné au préalable son meilleur ami à deux jours de la retraite. Avec l'aide d'un co-équipier, il décide de braquer illégalement un convoyeur afin de proposer une transaction au contrefacteur en échange de ses billets volés. Mais rien se déroulera comme prévu. 


Autour de scènes d'actions d'une violence âpre et d'une anthologique course-poursuite automobile à la fois inventive, originale et effrénée (sans toutefois égaler celle de French Connection), William Friedkin magnifie les portraits anti-manichéens de flics aussi bien véreux qu'empotés à la poursuite d'un artiste criminel (il peint des tableaux en dehors de ses activités de faussaire) d'une séduction vénéneuse (comme le souligne la fidélité de sa compagne vénale). D'une audace aussi inouïe que déconcertante quant à la tournure des évènements dramatiques, Police Federale... illustre avec une ambition formelle la déliquescence morale de deux flics impliqués dans l'illégalité d'un braquage où les conséquences de leurs actes s'avéreront tragiques. Vengeance sournoise et jeu de manipulation menés sur un rythme trépidant, notamment grâce au brio de sa mise en scène particulièrement innovante si bien que l'on se surprend du caractère baroque de certaines séquences à la limite du surréalisme (le final symbolique imposant un brasier infernal face au témoignage d'un flic en mutation identitaire), Police Federale... insuffle une emprise hypnotique au fil d'une structure narrative dangereusement létale. Les flics sur le qui-vive et les seconds-rôles flirtant avec le Mal de manière parfois équivoque (à l'instar de l'avocat "bicéphale" et de la compagne de Richard Chance en liberté conditionnelle, potentiellement complice de la déroute policière).


Au rythme d'une BO pop / électro typique des années 80, Police Fédérale, Los Angeles affiche une intensité magnétique au cours de son intrigue reptilienne où les figures du Bien et du Mal se jumellent pour un vénéneux enjeu de vengeance. Outre l'implication très spontanée des comédiens habités par une fureur de vaincre, on reste autant frappé par la stylisation d'une urbanisation hyper documentée aux éclairages oniriques. Du grand art (moderne) pour une référence du genre se renouvelant à chaque visionnage si bien que la pellicule de Friedkin semble habitée par une entité rampante.    

Bruno Dussart
3èx

mardi 2 mai 2017

PITCH BLACK

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de David Twohy. 2000. U.S.A. 1h48. Avec Vin Diesel, Radha Mitchell, Cole Hauser, Keith David,
Lewis Fitz-Gerald, Rhiana Griffith.

Sortie salles France: 19 Juillet 2000. U.S: 18 Février 2000

FILMOGRAPHIE: David Twohy est un réalisateur et scénariste américain, né le 18 octobre 1955 à Los Angeles (États-Unis). 1992 : Timescape. 1996 : The Arrival. 2000 : Pitch Black. 2002 : Abîmes.
2004 : Les Chroniques de Riddick. 2009 : Escapade fatale. 2013 : Riddick.


Série B moulée à l'ancienne si j'ose dire, de par l'amour et l'intégrité du réalisateur à honorer le genre autour de l'efficacité de scènes d'actions percutantes et le souci formel d'une scénographie dépaysante, Pitch Black assure le spectacle, aussi modeste soit-il. A partir d'un schéma narratif orthodoxe inspiré de la saga Alien, David Twohy en extirpe un haletant survival mené sur le rythme soutenu d'une action jamais gratuite ou racoleuse. Confinés sur une planète solaire à la suite de leur crash, une poignée de survivants doit se confronter à l'agressivité de créatures vampires n'attaquant qu'au crépuscule. Hors, une éclipse est sur le point d'apparaître au moment même où nos héros tentent d'accéder au vaisseau d'une base scientifique afin de fuir. Exploitant à merveille le cadre insolite d'une planète incandescente si bien que la nuit ne peut voir le jour (à une seule exception !), David Twohy oscille les teintes colorées avec l'appui d'une photo désaturée, surexposée puis progressivement fluctuante quant à la dernière partie naturellement crépusculaire. Egaré au sein de ce no man's land spatial, le spectateur observe les récurrents déplacements de nos protagonistes avec une fascination mêlée d'appréhension depuis que des créatures extra-terrestres tapies dans les grottes se préparent à l'affront.


Ces dernières numérisées s'avérant assez photogéniques et singulières pour provoquer l'effet escompté (à 2/3 plans en CGI ratés près !) lors d'attaques aériennes aussi furtives que cinglantes. Outre l'intensité des agressions homériques que nos survivants affrontent vaillamment durant une course contre la montre (celle de survivre le temps d'une nuit interminable !), Pitch Black est notamment valorisé par le refus de concession du sort de ces derniers. Opposant les confrontations obtuses entre un chasseur de primes et un évadé de prison prénommé Riddick (que Vin Diesel cabotine avec une virilité égocentrique en mastard intraitable !), l'intrigue joue sur leurs conflits d'autorité avec une certaine ambiguïté. Dans le sens où Riddick, anti-héros par excellence que n'aurait pas renié Plissken, s'avère assez énigmatique dans ses intentions rebelles à privilégier la loi du plus fort et du plus rusé. Au coeur de leur dissension morale, une jeune héroïne préalablement compromise par ses sentiments contradictoires d'égoïsme et d'indulgence (le prologue met clairement en lumière son désir de préserver sa peau au péril de ses pairs) va tenter de se racheter et d'apporter un regain d'humanisme et de fraternité quant à l'austérité de Derrick en instance (d'éventuelle) clémence.


Affichant une fulgurance formelle atmosphérique au sein d'un paysage post-apo horrifique, Pitch Black fait presque office de modèle d'efficacité dans son lot de scènes d'actions parfois impitoyables si bien que n'importe quel survivant peut trépasser d'une séquence à l'autre (le dénouement en étonnera d'ailleurs plus d'un !). Constamment inventif lorsqu'il s'agit de mettre en lumière sa scénographie nocturne parmi l'appui d'un anti-héros nyctalope et parmi l'attirail de gadgets fluos que nos survivants improvisent en guise de survie, l'action ne cesse de rebondir sous leurs impulsions pugnaces tantôt sournoises. 

Eric Binford
3èx

Définition de Nyctalope: faculté de voir la nuit

lundi 1 mai 2017

LA REVANCHE DES MORTES-VIVANTES

                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site uniqueman.over-blog.org

de Pierre B. Reinhard. 1987. France. 1h16. Avec Véronique Catanzaro, Kathryn Charly, Sylvie Novak, Anthea Wyler, Laurence Mercier, Patrick Guillemin.

Sortie salles France: 16 Septembre 1987.

FILMOGRAPHIE: Pierre B. Reinhard est un réalisateur français né en 1951. 2003: France nymphos (TV Movie). 1998 French Lolita.  1994 Baise à Budapest (Video). 1993 Le grand guignol. 1989 Initiation d'une jeune marquise. 1988 Le diable rose.  1987 La revanche des mortes vivantes. 1987 Le nain assoiffé de perversité. 1986 L'été les petites culottes s'envolent. 1986 Dressage. 1986 Adolescentes pour satyres. 1985 Outrages transsexuels des petites filles violées et sodomisées. 1985 La perverse châtelaine dans l'écurie du sexe. 1984 De la pénétration par tous les trous. 1984 Extases anales. 1984 Bien au fond du petit trou. 1984 Les besoins de la chair. 1983 La voisine est à dépuceler. 1983 La grande giclée. 1983 Le bal du viol. 1983 Laisse tomber ta culotte. 1983 Femmes par derrière. 1982 Le pensionnat des petites salopes. 1982 Caresseuses expertes. 1982 Délices d'un sexe chaud et profond. 1982 Les caprices d'une souris. 1981 Tracking. 1981 Baisez les otages. 1981 Trois Bavaroises à Paris. 1980 Maison de plaisir. 1980 Paradise. 1979 Refais-le moi encore. 1979: Orgasmes.  1978 Pénétrations multiples. 1978 Baisez-moi. 1977 Entrecuisses.


Série Z franchouillarde réalisée par un habitué de films pornographiques, La Revanche des mortes-vivantes est une aberration filmique à faire passer le Lac des Morts-vivants pour un chef-d'oeuvre. A partir d'une intrigue aussi ridicule qu'incohérente (après leur décès, 3 mortes-vivantes se vengent des responsables industriels de leur mort), Pierre B. Reinhard pastiche (involontairement) le genre avec une maladresse digne d'une production X. Tant pour l'amateurisme des comédiens aussi inexpressifs que patauds, pour son montage à la fois elliptique et foutraque, pour son leitmotiv musical rébarbatif que pour son ambiance horrifique proprement grotesque dans ses vaines tentatives de provoquer l'appréhension.


A l'instar des déambulations tantôt apathiques, tantôt furtives de nos trois mortes-vivants grimées d'un masque mortifère alors que leur simple appareil ne nous signale aucune trace de putréfaction ! On peut d'ailleurs prétendre par tant d'incohérences, de bêtises et de non-sens que le réalisateur serait éventuellement réfractaire au genre horrifique pour s'en railler de manière tacite. Pur produit des années 80 surfant sur la mode des films gores générés par nos voisins transalpins, Pierre Reinhard se contente donc de filmer cette plate vengeance d'outre-tombe parmi l'exploitation d'un érotisme trivial (filmé à l'instar d'une production X) et d'un gore malsain typiquement latin. Sur ce dernier point, on peut tout de même s'amuser de l'aspect répulsif de trois séquences sanglantes assez viscérales que Benoit Lestang a su assez adroitement façonner. Au détour de cette imagerie complaisante émerge d'ailleurs un moment zinzin d'une originalité incongrue, à savoir le viol collectif d'une jeune secrétaire que nos 3 zombies dévergondées perpétuent sans gêne. Une séquence nécrophile aussi ridicule que génialement débridée culminant avec une exaction sexuelle audacieusement crapuleuse ! Sans nul doute la meilleure séquence du film par son effet de surprise effronté !


D'une nullité affligeante difficilement surpassable (même si "la révélation" incluse dans les Bonus du Dvd Neo fait preuve d'un peu plus de cohérence quant à la défroque grotesque des mortes-vivantes !), la Revanche des Mortes-vivantes provoque tout de même en intermittence l'amusement par son amateurisme ringard digne d'une production Magma (l'écurie du X spécialisée dans les films amateurs durant les années 90 qu'un comédien s'amuse à citer à travers une réplique) et par sa dérision que le réalisateur sous-entend par tant de "je m'enfoutisme". 

Bruno Matéï
3èx

vendredi 28 avril 2017

Zardoz

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site cartelesmix.com

de John Boorman. 1974. Angleterre. 1h46. Avec Sean Connery, Charlotte Rampling, Sara Kestelman, Niall Buggy, John Alderton.

Sortie salles France: 13 Mars 1974. U.S: 6 Février 1974

FILMOGRAPHIE: John Boorman est un réalisateur, producteur, scénariste et acteur américain, né le 18 Janvier 1933 à Shepperton (Royaume-Uni). 1965: Sauve qui peut. 1967: Le Point de non-retour. 1968: Duel dans le pacifique. 1970: Leo the last. 1972: Délivrance. 1974: Zardoz. 1977: L'Exorciste 2. 1981: Excalibur. 1985: La Forêt d'Emeraude. 1987: Hope and Glory. 1990: Tout pour réussir. 1995: Rangoon. 1998: Le Général. 2001: Le Tailleur de Panama. 2003: In my Country. 2006: The Tiger's Tail. 2014 : Queen and Country.


En 2293, des survivants de l'apocalypse, les brutes et les éternels, se disputent le pouvoir depuis l'intrusion de l'exterminateur Zed dans le vortex de ces derniers. Semant la zizanie autour d'eux, Zed va tenter de bouleverser les règles de leur hiérarchie en essayant notamment de découvrir qui tire les ficelles derrière le tavernacle. Un cristal démiurge potentiellement créé par des savants fous afin de permettre l'immortalité chez une poignée de survivants rupins. Quand bien même, à l'extérieur du vortex, les brutes perdurent leur génocide auprès des laissés pour compte selon la vocation du dieu Zardoz.  


Trip hallucinogène au sein d'un paysage dystopique surgi de nulle part (ah ce masque de pierre se déplaçant dans les airs, tel un dirigeable, afin de procréer la guerre !), expérience métaphysique sur notre questionnement spirituel et le sens de notre mortalité, Zardoz arbore les thèmes de l'immortalité et de la création divine avec une folie furieuse sans égale. En grossissant le trait de la dérision, le film serait presque un jumelage entre Les Diables de Ken Russel et La Montagne sacrée de Jodorowski ! De par son audace formelle à la fois inépuisable et électrisante, l'excentricité des personnages aux cimes d'une folie collective et par ses thèmes mystiques invoquant un Dieu manipulateur. Boudé par le public et assassiné par la critique depuis sa sortie, alors que son succès en Vhs lui permis d'accéder au rang de film culte (dans le sens étymologique), Zardoz ne peut laisser indifférent par sa vigueur visuelle "schizophrène" que John Boorman coordonne avec une ambition délurée. Si l'intrigue hermétique se perd en cours de route (la dernière demi-heure part en vrille de manière aussi chaotique qu'effarouchée !) et que son cheminement narratif parfois/souvent elliptique nous donne le vertige par le biais d'indices nébuleux, le spectacle furieusement grisant nous hypnotise les sens jusqu'au semblant de vertige. Certains spectateurs toujours aussi impassibles au programme expérimental ont beau continuer de railler l'accoutrement sexy de Sean Connery en brute virile plantureuse et de conspuer ses figurants bigarrés tout droits sorti d'un "âge de cristal", Zardoz fascine incessamment par sa facture psychédélique éminemment ensorcelante. Quand bien même son thème existentiel opposant la mortalité à l'immortalité sous-entend que l'éternité serait synonyme d'ennui par son absence d'enjeu et d'activités si bien que notre unique destin serait de procréer la vie sur Terre par l'entremise d'une cohésion familiale. La vie sur terre ayant plus de valeur lorsque nous ignorons le temps qu'il nous reste.


Le Magicien d'Oz
Atypique, débridé, sibyllin, désincarné, déconcertant, fascinant, hypnotique, Zardoz demeure un ovni d'anticipation passionnant par sa satire philosophique où la religion et le fanatisme sont ici floués par un maître chanteur (Oz !). L'un des spectacles les plus hallucinants jamais inscrits sur pellicule, un "mad movie" à découvrir de préférence à jeun au risque de flirter avec une douce démence ou une incompréhension la plus totale. Il faut le voir pour le croire .

*Bruno 
4èx. 07.05.24. Vostfr

jeudi 27 avril 2017

CHRONIC. Prix du Scénario, Cannes 2015

                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allociné.fr

de Michel Franco. 2015. Mexique. 1h34. Avec Tim Roth, Tate Ellington, Bitsie Tulloch, Maribeth Monroe et Cleo Monroe, Claire van der Boom

Sortie salles France: 21 octobre 2015

FILMOGRAPHIE: Michel Franco est un réalisateur et scénariste né en 1979 à Mexico. 2009 : Daniel y Ana. 2012 : Después de Lucía. 2013 : A los ojos. 2015 : Chronic. 2017 : Las hijas de Abril


Relatant avec une rare pudeur la réalité quotidienne de David, un infirmier auprès du chevet de ces malades en phase terminale, Chronic insuffle un climat déprimant relativement lourd et sans échappatoire. Abordant les thèmes de la maladie, de la solitude et de la mort avec un réalisme quasi documentaire, Michel Franco opte pour une mise en scène clinique afin de plonger le spectateur dans la réalité morose de ces patients extrêmement fragiles quant à leur situation de survie. Parfois éprouvant et blafard par le biais de séquences intimistes d'une intensité dramatique inopinée (leurs crises d'angoisse et leurs symptômes pathologiques que David s'efforce d'assister sans répit), Chronic ausculte leurs derniers instants sous l'assistance de cet infirmier prévenant. Et ce en dépit de l'égoïsme de certains d'entre eux (notamment l'entourage familial) n'hésitant pas à le discréditer pour des motifs personnels d'euthanasie, de déni ou d'insolence colérique.


Au-delà des rapports sensiblement amicaux que se partagent ces malades avec leur aide-soignant, l'intrigue met en parallèle la remise en question de David à reprendre contact avec sa famille qu'il n'a pas revu depuis des années, et ce depuis l'injustice de la mort. Davantage conscient de la fragilité de la vie et de la mort inéluctable que chacun d'entre nous devra un jour traverser, David reprend contact auprès des siens avec une retenue timorée. Taciturne, placide et d'une patience à toute épreuve, Tim Roth se glisse dans la peau de cet infirmier altruiste avec une dimension humaine souvent poignante si bien que derrière sa carrure virile s'y cache une contrariété sous-jacente. Par le truchement de ce personnage aussi volontaire qu'exemplaire, Chronic rend dignement hommage au métier d'infirmier armé de patience et de rigueur morale à s'occuper et se préoccuper des malades dans l'intimité la plus confidentielle (notamment leurs bains de toilette quotidiens). Quand aux seconds-rôles imputés aux grabataires, ils nous bouleversent de manière viscérale par leurs expressions à la fois hagardes et démunies sans JAMAIS s'appuyer sur une sinistrose racoleuse. Sur ce point, Michel Franco frappe juste et fort dans son parti-pris documenté de privilégier coûte que coûte la pudeur au sein d'une quotidienneté souvent mutique où le non-dit prime.


Un film choc mais pudibond sur la fatalité de la maladie létale.
Poignant et bouleversant, dur et difficile, déprimant et pesant, Chronic ne nous laisse pas indemne pour témoigner de la maladie incurable parmi le témoignage impuissant mais empathique du corps infirmier redoublant de tact et modestie à accompagner le souffrant jusqu'au dernier souffle. On sera d'autant plus frappé d'amertume et de morosité quand à la brutalité impromptue de sa conclusion qui en dit long sur l'improvisation de la mort.  

Dédicace à Pascal Frezzato
Bruno Dussart

mercredi 26 avril 2017

LE BAISER DU DIABLE

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

Una vela para el diablo /A candle for the Devil d'Eugenio Martin. 1973. Espagne. 1h31. Avec Avec Aurora Bautista, Esperanza Roy, Judy Geeson, Vic Winner (Victor Alcazar), Lone Fleming, Blanca Estrada.

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Eugenio Martin est un réalisateur et scénariste espagnol, né en 1925 à Grenade. 1983: Sobrenatural. 1965: L'uomo di Toledo. 1966: Les Tueurs de l'Ouest. 1969: La vida sigue igual. 1971: Les 4 Mercenaires d'El Paso. 1972: Terreur dans le Shangaï express. 1972: Pancho Villa. 1973: La Chica del Molino Rojo. 1973: Una vela para el diablo (as Eugene Martin). 1966: Les Tueurs de l'Ouest. 1964: Mes Aventuriers de la Jungle. 1961: Les Corsaires des Caraïbes.


Célèbre pour avoir réalisé le génialement barré Terreur dans le Shangaï Express, Eugenio Martin est également l'auteur d'une petite curiosité ibérique sortie un an plus tard, "Una vela para el diablo" resté inédite dans nos contrées. Propriétaires d'une pension, deux soeurs catholiques sombrent dans la criminalité à la suite de l'exhibition d'une jeune fille en maillot de bain sur le toit de leur établissement. Inquiète de son absence, la soeur de la victime se rend sur les lieux et s'étonne du rigorisme des mégères rivalisant d'intolérance castratrice. 


Série B horrifique dédiée à son ambiance aussi baroque (certains décors domestiques de la pension) que (tantôt) malsaine, le Baiser du Diable puise son charme dans sa facture visuelle typiquement hispanique, à l'instar du trouble et atmosphérique Cannibal Man, et dans la prestance vénéneuse des deux sexagénaires plutôt insidieuses par leur idéologie réactionnaire. L'une d'elle se réconfortant discrètement dans les bras d'un jeune amant de 20 ans d'écart quand bien même l'autre ose secrètement observer les corps dénudés d'ados batifolants dans une rivière. Cette séquence dérangeante s'avère l'épicentre de déviance morale si bien que durant son départ, cette dernière s'écorchera le corps (et ce de manière masochiste !) au moment de traverser un champs semé de ronces. Même si la caractérisation distincte des deux soeurs aurait gagné à être un peu plus étoffée, Eugenio Martin les dirigent tout de même avec suffisamment d'habileté et d'attention pour mettre en exergue leur déliquescence immorale à s'autoriser le crime en guise d'expiation. Jalonné de quelques meurtres parfois sanglants et assez violents, Le Baiser du Diable se permet aussi d'insuffler en fin de parcours un petit suspense oppressant en la présence perplexe de la soeur de la victime en investigation autonome.


La providence du mal.
Réquisitoire vitriolé contre l'obscurantisme et plaidoyer pour l'émancipation féminine au sein d'une société réactionnaire en mutation, Le Baiser du Diable emprunte le genre horrifique parmi l'exploitation d'un gore (gentiment) crapoteux et d'un érotisme polisson issu du roman photo. Une sympathique curiosité au climat d'étrangeté assez séduisant, à découvrir avec attention.

Remerciement particulier à Video Party Massacre

Eric Binford.

mardi 25 avril 2017

MES VIES DE CHIEN

                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site solarmovie.net

"A Dog's Purpose" de Lasse Hallström. 2017. U.S.A. 1h40. Avec K.J. Apa, Britt Robertson, Josh Gad, Dennis Quaid, Peggy Lipton, Juliet Rylance, John Ortiz

Sortie salles France: 19 Avril 2017. U.S: 27 Janvier 2017

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Lasse Haekstrom est un réalisateur et scénariste suédois, né le 2 Juin 1946 à Stockholm (Suède). 1975: A Guy and A gal. 1985: Ma vie de chien. 1991: Ce cher Intrus. 1993: Gilbert Grape. 1995: Amours et mensonges. 1996: Lumièe et compagnie. 1999: l'Oeuvre de Dieu, la part du Diable. 2000: Le Chocolat. 2001: Terre Neuve. 2005: Une vie inachevée. 2005: Casanova. 2006: Faussaire. 2009: Hatchi. 2010: Dear John. 2012: Des saumons dans le désert. 2012 : L'Hypnotiseur. 2013 : Un havre de paix. 2014 : Les Recettes du bonheur. 2017: Mes vies de chien. 2018: The Nutcracker and the Four Realms.


Par le réalisateur de Hatchi, le plus traumatisant des films canins, Mes vies de chien reprend le thème de l'éternelle amitié qui unit un chien et son maître sous le pilier mystique de la réincarnation. Agé de 8 ans, Ethan parvient à convaincre ses parents d'adopter un chien abandonné qu'il prénomme Bailey. Rapidement, un lien amical se tisse entre les 2 compagnons qui mènent une existence paisible, et ce en dépit de l'alcoolisme du père d'Ethan. Contraint de se séparer de son chien durant quelques temps, Ethan est un beau jour alerté par ses grands-parents que Bailey est sur le point de mourir, faute de son âge avancé. Passés les adieux, Bailey se réincarne sous une autre apparence canine afin de vivre une nouvelle existence en compagnie d'un policier et avant de découvrir au fil d'autres réincarnations l'instinct filial d'une retrouvaille amicale indéfectible. Comédie familiale pétrie de bons sentiments, d'émotions et de tendresse, Mes Vies de chien constitue une leçon de vie derrière l'apparence candide d'un chien loyal conscient de l'importance du temps présent et de son entourage familial à travers ses multiples vies.


En dépit de cette incohérence existentielle (il s'avère à mon sens impossible de se remémorer avec autant de précisions nos passés antécédents si on est partisan de la métempsychose, et ce même si parfois l'impression de déjà-vu pourrait nous aiguiller sur cette croyance spirituelle) et de certaines facilités assez conventionnelles (le sketch centré autour de la romance du jeune couple afro-américain), mes Vies de chien joue la carte du divertissement amiteux avec assez d'efficacité pour témoigner de la fidélité légendaire qui unit le chien et l'homme. Outre cette intense amitié que se partagent de prime abord Ethan et Bailey, l'action se renouvelle ensuite assez efficacement par le principe des réincarnations successives que Bailey rencontre lors de conditions de vie hétéroclites. Au passage, le réalisateur en profite pour dénoncer brièvement (et sans complaisance) la maltraitance animale par le biais d'un jeune couple marginal, quand bien même les chiens de sauvetage sont également mis en exergue pour leur rendre dignement hommage (sans toutefois m'étaler sur la polémique d'une condition de tournage). Enfin, l'intrigue culmine ensuite vers une dernière partie résolument émouvante à travers les thèmes de la désillusion et de la rédemption amoureuses. Le temps qui passe inexorablement, le regret de n'avoir pu saisir sa chance au moment propice, l'amertume de la solitude et de la vieillesse, Lasse Haekstrom les abordent avec une prude émotion sous le témoignage amical de Bailey délibéré à combler son maître. Car conscient du poids de la solitude de celui-ci, il se résout à exaucer un voeux inavouable de sa part et lui rappeler le sens de l'existence (concilier l'amour et le partager à son entourage durant nos vies indéfinies) grâce à son exceptionnelle mémoire.


Si tout le périple initiatique de Bailey s'avère gentiment naïf, un brin puéril (renforcé de la voix-off du chien nous exprimant ouvertement ses pensées intimes de manière un peu trop infantile) et que nous sommes à 100 lieux de la puissance dramatique de l'éprouvant Hatchi, Mes Vies de chien insuffle toute de même une tendre émotion autour de l'éternelle fidélité du chien et de son maître. A travers ses retrouvailles à la fois inespérées et bouleversantes, Lasse Haekstrom amorce une poignante émotion en la présence inopinée de Dennis Quaid, presque méconnaissable en sexagénaire esseulé (il n'est âgé que de 63 ans durant le tournage !) car physiquement marqué par les épreuves du temps de son propre vécu. 

Bruno Matéï