lundi 23 juin 2025

Ghost Story de Stephen Weeks. 1974. Angleterre. 1h23.



"Ghost Story : la hantise oubliée".
S’il est un film injustement oublié, méconnu - parfois même méprisé - c’est bien celui-ci. Stephen Weeks, déjà signataire de l’excellente variation de Jekyll et Hyde "Je suis un monstre", nous offre ici un conte gothique délicieusement envoûtant, porté par un esthétisme à la fois solaire et opaque, dont les extérieurs furent d’ailleurs captés en Inde (!). Une photographie admirable, magnifiant ses modestes décors domestiques et naturels avec un soin stylisé qui force le respect. Tout, dans Ghost Story, attire l’œil de l’amateur d’histoires de revenants, étranges et précieusement contées, avec une scrupuleuse attention psychologique.

Cette Ghost Story, toute personnelle, milite pour la suggestion : son art du récit se déploie sans effets sanglants, distillant une étrangeté diffuse qui nimbe chaque plan et esquisse ses personnages - des aristocrates altiers, anciens camarades de lycée réunis dans un manoir reculé pour y perpétrer la chasse.

On est immédiatement captivé par le jeu délicieusement étrange de ce trio maniéré, leurs échanges verbaux d’un autre âge conférant au drame une saveur théâtrale singulière. Deux d’entre eux, incarnés par Murray Melvin et Vivian MacKerrell, se révèlent irrésistiblement irritants, se gaussant de leur camarade Talbot, que l’on plaint aussitôt pour ses hallucinations fantomatiques -annonciatrices du destin funeste de Sophy Kwykwer, injustement internée par son époux. L'acteur Larry Dann, unique personnage empathique, campe ce souffre-douleur timoré, égaré dans l’incompréhension et l’effroi, prisonnier de visions qu’aucune nuit ne saurait apaiser.

Irrésistiblement inquiétant, lugubre, et subtilement insécure sans jamais céder à la surenchère, Ghost Story ressuscite le charme british de ces hantises horrifiques qu’on se murmure au coin du feu. Stephen Weeks y imprime sa signature : un film opaque, insidieusement ensorcelant, hanté d’un score musical dissonant, presque dérangeant lorsque la tension se fait suffocante. Témoin, cette séquence où Talbot est tiré par la main par une poupée soudain animée, fillette victorienne surgie d’un cauchemar. Ou ces scènes malsaines dans l’asile psychiatrique, où les internés se livrent à une folie communautaire.

On se laisse happer, interloqué, jusqu’à ce final, cruel, inattendu - et peut-être même déroutant - qui clôture cette ghost story dans un souffle d’injustice abrupte. Une étreinte nocturne, qu’on n’oublie pas, ad vitam aeternam. 

"Fantômes au manoir : l’élégance du trouble".
Une œuvre maudite, donc, où le trouble règne en maître - aussi puissante et envoûtante que Le Fantôme de Milburn, mais travaillée ici dans une épure baroque et une équivoque délicieusement vénéneuse. Autant par la psychologie interlope de ses protagonistes anachroniques que par ce climat de mystère feutré, unique, qui n’appartient qu’à Stephen Weeks et à sa hantise souveraine.

*Bruno

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