lundi 23 juin 2014

THE RAID 2: BERANDAL

                                                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site marvelll.fr

de Gareth Evans. 2014. Indonésie. 2h28. Avec Iko Uwais, Tio Pakusodewo, Julie Estelle, Yayan Ruhian, Arifin Putra.

Sortie salles France: 23 Juillet 2014. Indonésie: 28 Mars 2014

FILMOGRAPHIE: Gareth Evans est un producteur, scénariste et réalisateur américain.
2006: Footsteps. 2009: Merantau. 2011: The Raid. 2013: V/H/S 2 (segment "Safe Haven"). 2014: The Raid 2. 2015: The Raid 3.


Après la révélation The Raid, découverte en 2011, Gareth Evans remet le couvert avec une suite encore plus ambitieuse dans son lot de bastons et cascades ébouriffantes où l'intrigue gagne légèrement en profondeur et où l'esthétisme se fait plus stylisé. Après les évènements du précédent volet, le jeune flic Rama est à nouveau recruté pour une dangereuse mission, celle d'infiltrer un clan mafieux de Jakarta. Pour cela, il doit purger une peine de prison afin d'approcher Uco, le fils d'un leader indonésien. Etalé sur une durée excessive de 2h30, Gareth Evans prend son temps à bâtir une intrigue éculée en mettant en place une galerie d'antagonistes issues de la pègre locale et de la corruption policière. Celle des mafias et des yakuzas érigés sous l'allégeance de magnats du crime organisé.


Pour la conduite du récit, si elle s'avère sans surprise et se focalise sur la lutte de clans mafieux que notre héros tente de piéger, la caractérisation des personnages d'Uco et de son père est le centre d'intérêt dans leur rapport de divergence qui entraînera une déroute. S'il y avait au préalable un code de conduite à respecter au sein de leur tradition criminelle, Uco va oser transgresser cette loi avec une audace inédite dénuée de vergogne. Ce jeune tueur d'apparence distinguée est l'attraction principale du film puisqu'il s'avère inévitablement détestable dans son comportement sournois et mégalo, quand bien même ses exactions criminelles (trancher la gorge à 5 otages en toute décontraction !) nous provoquent dégoût et injustice. Si la direction d'acteur aurait mérité à être perfectible, notamment le héros trop discret dans son attitude mutique, les comédiens endossant les rôles de méchants réussissent néanmoins à imposer une stature fielleuse dans leur costard tacheté de sang ! Si le réalisateur n'improvise pas une grosse tension autour du sort réservé à Rama s'il était amené à se faire épingler par ses alliés, le coup de théâtre improvisé à mi-parcours déploie une vigueur vertigineuse lors d'une réaction en chaîne d'incidents meurtriers. Avec l'efficacité de l'action encourue et l'agilité d'une réalisation aussi virtuose qu'inventive, le réalisateur se déchaîne à étaler quotidiennement des séquences de bastons furieusement dantesques. D'une barbarie inouïe dans son ultra violence générée, les confrontations physiques perpétrées à main nue ou à l'arme blanche nous donnent le vertige par la rapidité des coups assénés, quand bien même l'audace visuelle déploie souvent un gore décomplexé. Toutes ses séquences clefs chorégraphiées avec une fluidité inédite dans des décors parfois restreints (ceux d'une allée de couloir, de l'intérieur d'une voiture, d'un compartiment ou d'une cellule de prison !) n'ont aucune peine à figurer dans les anthologies de bastonnades les plus sauvagement exécutées sur un écran !


En dépit d'une intrigue et d'une psychologie sommaires ainsi qu'une direction d'acteurs amendable, The Raid 2 est suffisamment bien troussé par sa réalisation alerte déployant avec efficacité moult séquences d'action au paroxysme de l'ultra violence. Rien que pour cette démesure d'affrontements sanglants souvent régis en masse, The Raid 2 fait office de spectacle frénétique !

Bruno Matéï


vendredi 20 juin 2014

HAPPY BIRTHDAY (Happy Birthday to me)

                                                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Ecranlarge.com

de Jack Lee Thompson. 1981. Canada. 1h52. Avec Melissa Sue Anderson, Glenn Ford, Lawrence Dane, Sharon Acker, Frances Hyland.

Sortie France: 06 Janvier 1982, sortie U.S: 15 Mai 1981

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: J. Lee Thompson, de son vrai nom John Lee Thompson, est un réalisateur, scénariste et producteur britannique né le 1er août 1914 à Bristol (Royaume-Uni), décédé le 30 août 2002 à Sooke (Canada).
1961 : Les Canons de Navarone, 1962 : Les Nerfs à vif , Tarass Boulba, 1972 : La Conquête de la planète des singes, 1973 : La Bataille de la planète des singes, 1974 : Huckleberry Finn, 1978 :L'Empire du Grec,1979 : Passeur d'hommes,1980 : Caboblanco , 1981 : Happy Birthday to Me, 1983 :Le Justicier de minuit , 1984 : L'Enfer de la violence, 1984 : Chantage en Israël , 1985 : Allan Quatermain et les Mines du roi Salomon, 1986 : La Loi de Murphy ,1986 : Firewalker. 1987 : Le justicier braque les dealers,1988 : Le Messager de la mort , 1989 : Kinjite, sujets tabous.


En plein essor du slasher inauguré par Halloween et Vendredi 13, Happy Birthday exploite le filon avec l'efficacité d'une intrigue un peu plus substantielle que la traditionnelle. Imperméable au genre, on est surpris de retrouver derrière la caméra l'aimable vétéran Jack Lee Thompson, maître d'oeuvre des Canons de Navarone et d'une flopée de films d'auto-défense incarnés par son acteur fétiche, Charles Bronson. Mais ce n'est pas tout, aussi improbable que cela puisse paraître, les comédiens Glenn Ford et Melissa Sue Anderson sont également de la partie pour s'afficher ici dans le genre horrifique avec décontraction. D'ailleurs, le charme suave de l'interprète de la Petite Maison dans la Prairie doit beaucoup au facteur psychologique du film en dépit de clichés et certaines maladresses narratives. Alors qu'un mystérieux tueur frappe un à un les amis de Virginia, celle-ci consulte son médecin du fait de sa fragilité psychologique. En effet, depuis un terrible évènement antérieur, elle souffre d'un traumatisme lui empêchant de retrouver la mémoire. Qui plus est, sujette à des visions et cauchemars morbides, elle finit par se persuader qu'elle pourrait être l'assassin. 


Avec son pitch classique utilisant situations éculées et personnages stéréotypés, Happy Birthday n'échappe pas à la redite lors de sa première partie puisque le réalisateur ne cesse de miser sur la suspicion des faux suspects sans aucune notion de suspense. Le spectateur ayant une longueur d'avance pour deviner que le potentiel coupable ne peut pas être l'inévitable auteur des homicides. Néanmoins, sans jamais céder à l'ennui, et grâce à la fragilité névrosée de l'héroïne, on suit l'intrigue avec intérêt pour tenter de comprendre les aboutissants de son ancien traumatisme et les implications éventuelles de ses proches amis. Si la psychologie sommaire des personnages secondaires n'échappe pas à la caricature, ils s'avèrent tout de même sympathiques dans leur naïveté à se chamailler et s'éclater dans la bonne humeur en se jouant communément de farces macabres. Passé les premiers meurtres en série plutôt inventifs (prioritairement le coup des altères sur l'haltérophile et celui, anthologique, de la brochette plantée dans la gorge !), l'action se concentre davantage sur le profil torturé de Virginia avec l'entremise du fidèle médecin. L'empathie qu'on lui éprouve est alors inévitable puisque la jeune fille se retrouve piégée dans la tourmente de sa paranoïa avec toujours plus d'instabilité malgré son soutien médical et paternel. Le film adopte alors un rythme et un suspense plus intenses qui ira crescendo jusqu'à la fameuse révélation de son passé traumatique ainsi que l'identité du vrai coupable. Avec l'ironie macabre d'une fête d'anniversaire, Jack Lee Thompson honore le tableau grand guignolesque d'une réunion mortuaire et parachève son épilogue en usant d'un ultime coup de théâtre. Si cette digression n'avait pas vraiment besoin d'en rajouter dans l'inattendu, elle s'avère tout de même plausible SPOIL !!! si on accepte que la vraie coupable réussissait à duper son entourage à l'aide d'un ingénieux masque de latex. Fin du spoil.


En dépit des clichés traditionnels au genre, d'une première partie sans surprises et d'un twist en demi-teinte, Happy Birthday trouve son rythme et son intérêt dans une bonne intrigue où la fragilité psychologique de l'héroïne prime plus que l'effet choc. Avec une certaine indulgence et un peu de nostalgie, il demeure même l'un des meilleurs représentants du psycho-killer des années 80. 

Dédicace à Gérald Giacomini
Bruno Matéï
4èx

jeudi 19 juin 2014

Phase IV. Prix spécial du jury à Avoriaz, 1974.

                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site the-drone.com

de Saul Bass. 1974. U.S.A. 1h24. Avec Michael Murphy, Nigel Davenport, Lynne Frederick, Alan Gifford, Robert Henderson.

Sortie salles France: 1 Septembre 1975. Box Office France: 745 779 entrées

Récompense: Prix Spécial du Jury au Festival d'Avoriaz, 1974.

FILMOGRAPHIE: Saul Bass est un graphiste et réalisateur américain, né le 8 Mai 1920 à New-York, décédé le 25 Avril 1996 à Los Angeles.
1974: Phase 4.


Grand classique de la science-fiction des années 70, Phase IV reste l'unique réalisation de Saul Bass, graphiste attitré d'Otto Preminger et d'Hitchcock (c'est à lui que l'on doit le générique de Psychose ainsi que la conception de la fameuse séquence de la douche). Dans la mouvance des invasions d'insectes mutants parfois atteints de gigantisme (les Insectes de feu, Ants, The Savages Beesl'Empire des fourmis géantes), Phase IV joue la carte de sobriété à valeur pédagogique avec refus d'esbroufe grand-guignolesque. Car ici prime l'aspect scientifique d'un duo de savants observant à l'aide d'ordinateurs les différentes colonies de fourmis prochainement aptes à envahir notre civilisation. Réfugiés dans leur laboratoire au milieu d'un désert, ils tentent d'entrer en contact avec elles afin d'établir en amont une communication pacifiste. Mais par le biais d'une entité extra-terrestre, les fourmis éprises d'égotisme n'ont comme seul dessein de vouloir nous dominer afin de régir un nouveau monde. C'est donc une lutte sans merci que doivent se livrer l'homme et l'insecte avant que la catastrophe annoncée n'entre en phase IV ! 


Dépourvu du moindre effet-spécial afin de caractériser la morphologie des fourmis (elles se révèlent authentiques dans leur apparence minuscule mais amplifiées par une vision microscopique afin de mieux cerner leur évolution et diverses stratégies), Saul Bass nous décrit avec souci documentaire un scénario catastrophe aussi fascinant qu'inquiétant. Durant 1h20, nous sommes reclus en interne d'un labo scientifique où deux savants paranos ainsi qu'une jeune rescapée vont pratiquer toutes sortes d'expériences afin d'étudier la nouvelle déontologie des fourmis et avant d'essayer de les anéantir. Toujours plus nombreuses, coriaces et combatives, car dirigées par une reine redoutablement perfide, ces insectes n'auront de cesse de surmonter les obstacles et défier la volonté de l'homme grâce à leur redoutable intelligence. Avec peu de moyens mais des idées retorses et formelles ainsi que l'atout de rendre réaliste un scénario catastrophe à la limite du plausible, Phase IV déroute notre inconscient et trouble notre imaginaire à observer cette guerre d'un nouveau genre où l'insecte semble beaucoup plus érudit que l'homme afin de le remplacer. SPOIL!!! Ou tout du moins fonder la nouvelle race d'une symbiose homme/insecte (sans en connaître le véritable but !) comme le laisse sous-entendre son étonnante chute finale ! Fin du SPOIL.


Fascinant et passionnant par son caractère scientifique où l'aspect documentaire prend le pas sur la fiction, baroque et insolite dans ses plages de poésie métaphysique, Phase IV préconise le pouvoir de suggestion avec l'entremise d'un microcosme où l'infiniment petit est apte à nous conquérir. Avec son atmosphère solaire presque surnaturelle d'où plane la sensation d'une fin d'un monde, Saul Bass nous interpelle sur la hiérarchie des fourmis, leur nombre surélevé (il y aurait plus de 12000 espèces dans le monde), leur sens de communication et leur capacité à déchiffrer les énigmes.   

Bruno Matéï
3èx


mercredi 18 juin 2014

JOE. Prix Marcello-Mastroianni pour Tye Sheridan, Mostra de Venise 2013

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de David Gordon Green. 2013. U.S.A. 1h57. Avec Nicolas Cage, Tye Sheridan, Ronnie Gene Blevins, Gary Poulter, Adrienne Mishler, Sue Rock, Heather Kafka.

Sortie salles France: 30 Avril 2014. U.S: 11 Avril 2014

Récompenses: Prix Marcello-Mastroianni pour Tye Sheridan lors de la Mostra de Venise, 2013.

FILMOGRAPHIE: David Gordon Green est un réalisateur américain, né le 9 Avril 1975 à Little Rock (Arkansas). 2000: George Washington. 2003: All the real girls. 2004: L'Autre rive. 2007: Snow Angels. 2008: Délire Express. 2009: Kenny Powers. 2011: Votre Majesté. 2011: Black Jack (télé-film). 2012: Baby-sitter malgré lui. 2013: Prince of Texas. 2013: Joe. 2014: Manglehorn.


"Tant que je me maîtrise, je reste en vie...Ca m'empêche de finir en taule."
Après avoir accumulé nombre de nanars impayables depuis une bonne dizaine d'années, Nicolas Cage nous revient enfin en grande forme dans son rôle sur mesure d'ancien taulard en perdition. Film coup de poing habité par la colère et la rage de survivre au sein d'une Amérique profonde peuplée de clodos et de marginaux véreux, Joe rend hommage à la condition ouvrière avant de relater la dérive justicière d'un loup solitaire épris d'amitié pour un ado maltraité. Le pitchAlors que son paternel alcoolo passe son temps à évacuer l'ennui dans la bouteille, le jeune Gary tente de trouver un job d'intérim afin de subvenir aux besoins de sa famille. C'est auprès de Joe Ransom qu'il réussit à se faire embaucher pour abattre les arbres d'une forêt sinistrée. Peu à peu, une solide amitié se noue entre eux quand bien même Gary continue de subir les humiliations quotidiennes de son père


Superbes portraits d'écorchés vifs impartis à un quadra impulsif rongé par l'injustice d'un passé judiciaire, et à celui d'un adolescent en recherche paternelle, Joe juxtapose leurs blessures morales dans une intrigue tortueuse où le danger omniprésent ne cesse de rattraper leur destin. La qualité première de ce drame psychologique particulièrement tendu et pessimiste émane de la sobriété des comédiens incarnant avec naturel des protagonistes marginaux en quête de réinsertion dans une Amérique gangrenée de misère. Celle de la campagne texane où se côtoient prolétaires, crapules à la petite semaine, prostituées de bordel miteux et laissés pour compte. Ainsi, en alternant les séquences intimistes de personnages hantés par l'amertume, le regret et l'échec, David Gordon Green insuffle une poésie lyrique à travers leur démarche hagarde au sein d'un environnement solaire terni par la désillusion sociale. Accentué d'une musique mélancolique et d'effets de ralenti extatiques, le film distille un climat d'envoûtement éthéré avant de nous précipiter dans le gouffre d'une intrigue nébuleuse constamment sur le qui-vive. Et si à mi-chemin, on imagine le drame prévisible qui se dessine après avoir été témoin d'un évènement crapuleux particulièrement innommable, le réalisateur adopte un virage pour repousser l'attente d'un inévitable concours de circonstances où le déchaînement de violence ne laissera aucune place à l'absolution. Autour de ces instants de tension exponentielle où la rage d'un ex taulard commence à prendre du galon pour laisser s'exprimer révolte suicidaire et désir de vengeance, Joe met en exergue l'ultime ambition d'un père épris de sacrifice pour prémunir la vie d'un fils qu'il n'a jamais pu engendrer. Cette histoire d'amitié paternelle entretenue entre lui et Gary laissant exprimer une émotion intense à travers leur rapport de tendresse et de confiance, leur permettant ainsi de converger à une initiation responsable malgré l'improvisation d'une issue tragique. 


Valse du tueur
De par son climat poisseux imbibé de sinistrose et du portrait en décrépitude asséné aux rednecks burinés, Joe ne cesse de confronter déchéance humaine, désillusion et désir de rédemption autour d'un justicier incontrôlable et d'un ado persévérant. Nicolas Cage et le jeune Tye Sheridan formant de manière prude un duo complémentaire dans leur rage de survivre, quitte à s'y brûler les ailes. Grand moment d'émotion, du cinéma viril âpre et hargneux !

Bruno Matéï

mardi 17 juin 2014

Chaque soir à 9 Heures / Our mother's house

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site gallerytheimage.com

de Jack Clayton. 1967. Grande Bretagne. 1h47. Avec Dirk Bogarde, Margaret Brooks, Pamela Franklin, Mark Lester, John Gugolka, Sheldon Williams, Sarah Nicholls, Gustav Henry, Parnum Wallace.

Sortie salles France: 6 Septembre 1973

FILMOGRAPHIE: Jack Clayton est un réalisateur, producteur et scénariste anglais, né le 1er mars 1921 à Brighton, décédé le 26 Février 1995 à Slough (Royaume-Uni). 1959: Les Chemins de la haute ville. 1961: Les Innocents. 1964: Le Mangeur de Citrouilles. 1967: Chaque soir à 9 heures. 1974: Gatsby le magnifique. 1983: La Foire des Ténèbres. 1987: The Lonely passion of Judith Hearne. 1992: Memento Mori (télé-film).


Six ans après son chef-d'oeuvre les Innocents, Jack Clayton renoue avec le thème de l'enfance meurtrie d'après un roman de Julian Gloag. Honteusement méconnu pour une cause m'ayant toujours échappé, Chaque soir à 9 heures est sans doute l'un des plus beaux films que l'on ait entrepris sur la thématique de l'innocence infantile. Une épreuve de force morale parfois éprouvante lorsque des enfants issus de même famille sont livrées à eux mêmes depuis leur disparition maternelle. Le prologue est à cet égard infiniment bouleversant lorsque l'une des filles les plus âgées vient d'assister en direct à la mort de sa mère et lorsque les autres enfants viennent la rejoindre pour se recueillir au chevet quelques instants plus tard. Quand bien même avec pudeur, la mélodie fragile de Georges Delerue souligne cette émotion candide qui transparaît à chacun de leur visage pour nous afficher une image cruelle de la mort lorsque l'innocence en est brusquement témoin. Ainsi, inculqués dans une croyance profondément catholique et voués à poursuivre leur doctrine, les enfants se réfugient chaque soir à 9 heures dans le sanctuaire du jardin afin de communiquer avec leur mère par l'entremise de l'aînée, Diana. Enterrée dans le jardin sans avoir averti quiconque, les soupçons commencent à peser sur eux du point de vue de la maîtresse de maison mais aussi de l'institutrice. Par chance, leur père absenté depuis de longues années revient faire surface et finit par apaiser les doutes. Si de prime abord, il réussit à susciter la sympathie et la confiance auprès des enfants, Elsa, la plus lucide et circonspecte, comprend rapidement qu'il n'est qu'un escroc sans vergogne ne leur accordant aucun crédit. 


Ainsi donc, dans le refuge d'une demeure gothique séculaire (reflet de l'éthique puritaine de la mère), la première partie du film s'accorde à nous familiariser avec l'assemblée des gosses livrés à l'autorité de l'aînée, Diana. Profondément fragile, marquée par le deuil et obsédée à l'idée de croire en la vie après la mort, elle réussit à les convaincre (et à se persuader de son gré) qu'elle puisse entretenir une communication avec sa mère par l'entremise de l'au-delà. Une combine triviale afin de transmettre la bonne conduite à respecter au sein de leur communauté irresponsable. Or, le fanatisme névrosé de Diana n'apporte pas les meilleures solutions pour la sociabilité du groupe et finit même par engendrer un châtiment d'humiliation intolérable (le traitement infligé à l'une des plus jeunes, Gerty). La seconde partie fait place à l'irruption du paternel dans toute son hypocrisie puisque l'individu en question n'est qu'un loser aviné encore plus inconscient car n'attachant aucun intérêt pour sa progéniture. Outre la représentation triviale allouée à ce patriarche, la réalisateur se focalise notamment sur la caractérisation psychologique d'Elsa qui tentera à maintes reprises de convaincre ses frères et soeurs que leur paternel n'est qu'un odieux manipulateur. Ses relation houleuses amorcées avec sa soeur caractérielle, Diana, nous illustrant également avec ambiguïté (du fait de leur immaturité) un affrontement d'opposition conçu sur l'état de contrariété, l'esprit d'influence et d'autorité. Par conséquent, à travers les thèmes de la démission parentale, de l'apprentissage, du fanatisme religieux et de la perte de l'être cher, Jack Clayton consolide une bouleversante affaire familiale inscrite dans la perte de l'innocence et la cruauté de l'injustice. L'intensité humaine du jeu naturel des enfants et le caractère éprouvant des affrontements psychologiques nous plaçant dans une situation malaisante toujours plus ardue, si bien qu'un épouvantable secret de famille viendra nous marteler la conscience et ainsi lever un voile sur leur culture catholique. 


Une initiation à la maturité, aussi dure que fragile, dont personne ne sortira indemne... 
Dérangeant et malsain mais profondément sensible et bouleversant, Chaque soir à 9 heures porte la marque des grands chefs-d'oeuvre tant la mise en scène avisée de Clayton, son intensité scrupuleuse et le jeu authentique des bambins nous immergent de plein fouet dans un obscur drame familial. Le portrait extrêmement attachant imparti à ces laissés-pour-compte nous laissant en état de collapse tant sa conclusion pessimiste ne nous laisse aucune illusion sur leur future destinée. 

*Bruno
2èx

lundi 16 juin 2014

SUPERARGO CONTRE DIABOLIKUS (Superargo, el hombre enmascarado / Supersonic Man)

                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemiscreant.blogspot.com

de Nick Nostro. 1966. Italie/Espagne. 1h28. Avec Giovanni Cianfriglia, Gérard Tichy, Monika Randall, Loredana Nusciak, Jose Castillo Escalona.

FILMOGRAPHIENick Nostro est un réalisateur et scénariste Italien, né le 21 Avril 1931, décédé le 15 Juin 2014.
1962: Il sangue e la sfida. 1962: Blood and Defiance. 1962: 2 Samurai per 100 geishe. 1963: Grazie Zio, c. 1963: Revenge of the Black Knight. 1964: Spartacus and the ten gladiators. 1964: 1964: Il trionfo dei dieci gladiatori. 1965: Operation Counterspy. 1966: Un dólar de fuego. 1966: Tre notti violente. 1966: Superargo contro Diabolikus. 1968: Uno dopo l'altro. 1971: i provo anch'io. 1971: La cieca di Sorrento. 1971: Grazie zio, ci provo anch'io. 


Clairement inspiré par la série d'espionnage des James Bond et les bandes-dessinées du FumetiSuperargo contro Diabolikus est une production transalpine exploitant le mythe du super-héros avec des moyens dérisoires. Autant dire que nous avons affaire ici à une authentique série Z fleurant bon le charme vintage comme seuls les italiens ont le secret. Après avoir accidentellement tué son adversaire lors d'un match, et afin de se racheter, le catcheur Superargo accepte une mission périlleuse de la part du colonel Kinski. Celle de retrouver la trace de Diabolikus, un trafiquant d'uranium exilé sur une base secrète des mers des caraïbes parmi ses hommes de main. Avec sa tenue de catcheur au masque noir et collant rouge, l'apparence moulante de Superargo fait indubitablement parti des supers-héros les plus craignos de l'histoire du cinéma ! Pourvu d'une résistance surhumaine à l'eau (il a une capacité thoracique de 11 litres en plongée, peut descendre jusqu'à une centaine de mètres de profondeur et peut rester sans respirer 5 à 7 mns sans avoir à reprendre son souffle !), à la chaleur du feu, au froid (endurance au vent glacial de 13 noeuds à l'heure !) et à l'électricité, Superargo est également prémuni contre l'épreuve des balles grâce à sa nouvelle combinaison. 


Mais ce n'est pas tout, la matière particulière de son sang l'empêche également de saigner à la moindre blessure puisqu'il coagule à l'air ! Au niveau des gadgets, il est notamment équipé d'une voiture blindée avec installation radio et télévision, détient des pilules de "mort apparente" pour duper l'ennemi, ainsi qu'un bijou faisant office de micro émetteur récepteur de radio et de télévision afin de communiquer avec les services secrets. Au fil de sa dangereuse mission, il va non seulement devoir combattre les sbires armés de Diabolikus SPOIL !!! mais aussi débusquer un traître de son propre camp et enfin tenter de sauver sa dulcinée prise en otage. Fin du Spoil.
Mené avec intégrité dans son sérieux inébranlable, Superargo contre Diabolikus nous invoque un sourire impayable avec son florilège de situations toutes plus grotesques les unes que les autres. Le lot ininterrompu de dialogues impayables et la mine renfrognée des protagonistes laissant transparaître un humour involontaire souvent hilarant. A l'instar de la posture combative de notre super-héros, son attitude inexpressive étant uniquement dominée par un jeu de regard des plus inflexibles ! En ce qui concerne l'action encourue, le minimum syndical nous est adressé avec toutefois quelques séquences nerveuses de gunfights pétaradants (mitraillettes à l'appui) et d'explosion de bâtiments ! Mais outre les expériences de résistance physique et de torture commises sur notre héros, l'attrait le plus enthousiasmant provient surtout de la rivalité du duo Superargo/Diabolikus, car ne cessant de se disputer la victoire de la manière la plus imbue et narquoise ! 


Inédit en dvd mais enfin exhumé de l'oubli grâce à Artus FilmsSuperargo contre Diabolikus est une pépite Z aussi hilarante que puérile dans son lot de péripéties lourdingues et de personnages mécontents. Une sympathique curiosité au look rétro qu'auraient tort de se priver les amateurs indéfectibles de nanars !

A la mémoire de Nick Nostro Merci à Artus Films !
Bruno Matéï

vendredi 13 juin 2014

UNE JOURNEE BIEN REMPLIE

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Cinemapassion.com

de Jean Louis Trintignant. 1973. France. 1h30. Avec Jacques Dufilho, Luce Marquand, Franco Pesce, Albin Guichard, Andrée Bernard, Louis Malignon, T. Requenae, Jacques Doniol-Valcr.

Sortie salles France: 8 Mars 1973

FILMOGRAPHIEJean Louis Trintignant est un acteur et réalisateur français, né le 11 Décembre 1930 à Piolenc. 1972: Une Journée bien remplie. 1978: Le Maître-nageur.


Acteur de théâtre et de cinéma renommé, héritier d'une filmographie importante, Jean Louis Trintignant s'était notamment attelé à la réalisation à deux uniques reprises, quand bien même sa première oeuvre fit office de coup de maître. Estampillé film-culte et ovni surréaliste au sein de notre patrimoine français, Une Journée bien remplie relate la virée meurtrière d'un père de famille accompagné de sa mère, communément installés dans un side-car afin de venger la mort de son fils. Durant leur itinéraire, ils sillonnent les contrées provinciales pour exterminer un à un le membres des jurés qui avaient fait condamner un jeune matelot de 22 ans.


Satire du dysfonctionnement judiciaire, farce macabre exploitant la loi du talion avec une dérision irrésistible, Une Journée bien remplie peut servir de modèle dans les écoles de ciné pour son sens alloué à l'efficacité optimale. Sur une intrigue éculée où deux complices perpétuent le rituel meurtrier d'une implacable vengeance, comment ne pas lasser son public à force de répéter sans modération les traditionnelles exactions criminelles ! En jouant sur l'effet du subterfuge (suggérer la présence du criminel alors qu'il s'agit d'un modeste quidam !) et sur la duperie du coupable mis en cause, en misant sur la cocasserie des situations d'anxiété et l'inventivité du crime qui s'ensuit, quand bien même la posture studieuse du vengeur ironique symbolise l'ange de la mort ! Mais ce n'est pas tout, car tout aussi inspiré et imaginatif qu'il soit, Jean Louis Trintignant peaufine sa réalisation en maîtrisant le montage (utilisation habile du fondu enchaîné pour amener la séquence suivante !), en expérimentant des procédés visuels dissemblables (pause sur image afin d'alerter l'expression du danger, fouiner la cavité buccale d'une gorge asphyxiée, ou chorégraphier une harmonie musicale avant-coureuse du clip !) et en versant dans l'hommage théâtral (la représentation de Macbeth) et burlesque (les influences de Chaplin et Tati sont de la partie !). Qui plus est, avec sa musique pittoresque variant parfois le ton d'une symphonie orchestrale, le film renforce son côté décalé pour adopter une allure de conte désincarné baignant dans l'extravagance !


Un hymne à l'imaginaire, une fête de cinéma de tous les instants
Avec ses courses-poursuites rocambolesques (en voiture et à vélo !), ses situations de danger incessantes et ses revirements aléatoires (après s'être trompés de victime et accomplis leurs méfaits à visage découvert, Jean Rousseau et sa mère doivent également affronter les forces de l'ordre déployées en masse !), Une Journée bien remplie impose le rythme alerte d'une réalisation prodigieuse. Enfin, les présences iconiques de Jacques Duffilo et Luce Marquand laissent en mémoire un duo de meurtriers désopilants dans leur posture flegmatique. 
Attention, chef-d'oeuvre d'humour noir incomparable dans le paysage français !


Bruno Matéï
2èx

jeudi 12 juin 2014

LA PLANETE DES VAMPIRES (Terrore nello spazio)

                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site thebloodypitofhorror.blogspot.com

de Mario Bava. 1965. Italie/Espagne. 1h28. Avec Barry Sullivan, Norma Bengell, Angel Aranda, Evi Marandi, Franco Andrei, Federico Boido.

Inédit en salles en France !

FILMOGRAPHIE:  Mario Bava est un réalisateur, directeur de la photographie et scénariste italien, né le 31 juillet 1914 à Sanremo, et décédé d'un infarctus du myocarde le 27 avril 1980 à Rome (Italie). Il est considéré comme le maître du cinéma fantastique italien et le créateur du genre dit giallo. 1946 : L'orecchio, 1947 : Santa notte1947 : Legenda sinfonica1947 : Anfiteatro Flavio1949 : Variazioni sinfoniche1954 : Ulysse (non crédité),1956 : Les Vampires (non crédité),1959 : Caltiki, le monstre immortel (non crédité),1959 : La Bataille de Marathon (non crédité),1960 : Le Masque du démon,1961 : Le Dernier des Vikings (non crédité),1961 : Les Mille et Une Nuits,1961 : Hercule contre les vampires,1961 : La Ruée des Vikings, 1963 : La Fille qui en savait trop,1963 : Les Trois Visages de la peur, 1963 : Le Corps et le Fouet, 1964 : Six femmes pour l'assassin, 1964 : La strada per Fort Alamo, 1965 : La Planète des vampires, 1966 : Les Dollars du Nebraska (non cédité), 1966 : Duel au couteau,1966 : Opération peur 1966 : L'Espion qui venait du surgelé, 1968 : Danger : Diabolik ! , 1970 : L'Île de l'épouvante ,1970 : Une hache pour la lune de miel ,1970 : Roy Colt e Winchester Jack1971 : La Baie sanglante, 1972 : Baron vampire  , 1972 : Quante volte... quella notte1973 : La Maison de l'exorcisme, 1974 : Les Chiens enragés,1977 : Les Démons de la nuit (Schock),1979 : La Venere di Ille (TV).


Invisible en salles chez nous mais exploité en Vhs, Dvd puis sur chaines câblées quelques décennies plus tard, la Planète des Vampires a tout du film culte tourné avec des bouts de ficelles mais avec une inventivité prolifique. Echoués sur une étrange planète, un équipage doit se mesurer à d'étranges incidents meurtriers perpétrés par une menace invisible. Avec cette intrigue linéaire et son budget Z, Mario Bava tire parti de ses insuffisances avec l'ambition formelle de créer un univers atypique. Quoi de plus original donc que d'exploiter à nouveau son arsenal gothique pour le délocaliser au fin fond d'une galaxie !


En exploitant la variété de ces décors à grands renforts d'éclairages polychromes et d'architecture baroque, le réalisateur nous invite à une expédition des plus opaques. La manière dont il distille un climat d'inquiétude à travers l'exploration indécise de ces astronautes nous confine dans un cauchemar irréel, sachant que la menace, imperceptible et omniprésente, se joue d'eux avec une insolence implicite. Car ici, au fil de leur investigation scrupuleuse, chaque membre de l'équipage va peu à peu perdre la vie dans de troublantes circonstances. Mais quel est donc cette vibration extra-terrestre et pour quelles raisons s'en prend t'elle à tout l'équipage ? En privilégiant le suspense latent, Mario Bava finira par nous souffler la réponse dans une dernière partie riche en rebondissements, quand bien même l'épilogue nous surprendra de son twist pessimiste ! Avec ces nappes de brouillards diffuses, ses cadavres d'outre-tombe, ses carcasses de squelettes gigantesques et ces engins spatiaux aux formes géométriques, La Planète des Vampires transfigure la scénographie avec stylisme afin de nous plonger dans un environnement insolite. Sans doute influencé par les classiques alarmistes tels que l'Invasion des Profanateurs et avant-coureur de The Thing (protagonistes possédés un à un dans un climat parano) et Alien dont il se veut l'initiateur (le pitch reste similaire !), Mario Bava exploite la thématique de l'extra-terrestre sous sa forme la plus insidieuse. SPOILER !!! Car ici, l'envahisseur est chargé d'infiltrer le corps d'une victime pour pouvoir y survivre et enfin prouver son apparence à l'étranger ! Fin du Spoiler.


La planète des Zombies
En affiliant l'horreur et la science-fiction, Mario Bava renouvelle les genres dans une forme artistique des plus fructueuses puisqu'il réussit à cristalliser un univers futuriste aussi tangible que fascinant. Tour à tour étrange et inquiétant, onirique et baroque, La Planète des Vampires prouve qu'avec un budget dérisoire on est capable de rivaliser d'idées retorses et trouvailles visuelles avec l'astuce d'une trame inspirée. Une pépite Sci-Fi beaucoup trop méconnue qu'il faut impérativement (re)découvrir !

Merci à Artus Films
Bruno Matéï
2èx 

mercredi 11 juin 2014

L'OBSEDE (The Collector)

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site discreetcharmsandobscureobjects.blogspot.co

de William Wyler. 1965. U.S.A/Angleterre. 1h58. Avec Terence Stamp, Samantha Eggar, Mona Washbourne, Maurice Dallimore.

Récompenses: Prix d'Interprétation Masculine pour Terence Stamp au Festival de Cannes
Prix d'interprétation Féminine pour Samantha Eggar au Festival de Cannes
Golden Globe de la Meilleure Actrice pour Samantha Eggar

Sortie salles U.S: 17 Juin 1965

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: William Wyler (Wilhelm Weiller) est un réalisateur et producteur américain d'origine suisse, né le 1er Juillet 1902 à Mulhouse, décédé le 27 Juillet 1981 à Los Angeles (Californie). 1926: Lazy Lightning. 1930: La Tourmente. 1935: La Bonne Fée. 1939: Les Hauts de Hurlevent. 1940: Le Cavalier du Désert. 1941: La Vipère. 1946: Les Plus belles années de notre vie. 1952: Un Amour Désespéré. 1953: Vacances Romaines. 1955: La Maison des Otages. 1956: La Loi du Seigneur. 1958: Les Grands Espaces. 1959: Ben Hur. 1961: La Rumeur. 1965: L'Obsédé. 1966: Comment voler un million de dollars. 1968: Funny Girl. 1970: On n'achète pas le silence.


Grand classique méconnu enfin disponible en Dvd sous la bannière de Wild Side Video, l'Obsédé relate de manière originale les rapports conflictuels entre un kidnappeur et sa victime. Magnifiquement incarnés à l'écran par Terence Stamp et Samantha Eggar, communément récompensés à Cannes pour leur prestance criante de vérité, le film repose entièrement sur leurs épaules puisque durant près de 2 heures nous partageons leur intimité au sein d'un huis-clos aussi anxiogène que cruel. Après avoir kidnappé une jeune artiste dont il est féru d'amour, Freddie Clegg l'embrigade dans sa cave afin de la convaincre qu'une idylle leur est envisageable. De prime abord effrayée et pleine de craintes pour sa survie, Miranda va apprendre à connaître son ravisseur, solitaire introverti entièrement voué à la sauvegarder malgré ses conditions drastiques.


Dans une mise en scène studieuse à l'esthétisme gothique (photo sépia à l'appui !), drame et suspense s'entrechoquent avec une intensité psychologique toujours plus poignante pour le calvaire d'une étudiante, embrigadée malgré elle au sein d'une bâtisse bucolique. Ou plus précisément confinée à l'intérieur d'une cave peu éclairée mais convenablement aménagé pour l'accueillir. Grâce à la prestance humaine des deux protagonistes, l'Obsédé est un superbe affrontement psychologique que doivent se tolérer un collectionneur et sa proie afin que cette dernière puisse succomber au pouvoir de l'amour. Outre la quête désespérée pour la victime de retrouver sa liberté et celle du ravisseur de consolider l'amour, les enjeux reposent notamment sur leur rapport de domination/soumission, leur différence sociale et leur caractère d'opposition. Alors que Freddie est depuis toujours réfugié dans la solitude de sa demeure pour y étudier la collection de papillons, Miranda observait la vie parmi sa passion de l'art avec une spontanéité coriace. Par divers stratagèmes de séduction et d'amitié, elle va donc tenter d'amadouer son ravisseur pour emporter la mise avant que ce dernier ne se rebelle d'avoir cerné le simulacre. Cette liaison impossible s'avère d'autant plus précaire et terriblement cruelle que l'empathie qu'on leur accorde communément nous implique dans le désarroi de leur défaite. Poignant et bouleversant, car tragique et sans illusion, l'Obsédé finit par nous tirer les larmes pour cette troublante relation partagée entre possessivité, désillusion, désir de manipulation et de sincérité.


Avec l'incroyable alchimie que forment humainement Terence Stamp et Samantha Eggar, l'Obsédé implique le spectateur dans la tension du huis-clos, du fait de leurs rapports intimes compromis à la cause de l'amour. Grâce à cette étude de caractère consciencieusement démêlée, William Wyler nous fait participer à un grand moment de cinéma dont l'intensité psychologique n'a d'égale que le pouvoir de fascination qui en émane ! 

Bruno Matéï
3èx

mardi 10 juin 2014

KRIMINAL

Photo empruntée sur Google, appartenant au site thekillerlikescandy.blogspot.com

d'Umberto Lenzi. 1966. 1h35. Italie. Avec Glenn Saxson, Helga Line, Andrea Bosic, Susan Baker, Dante Posani, Ivano Staccioli, Mary Arden, Esmeralda Ruspoli, Umberto raho.

FILMOGRAPHIE: Umberto Lenzi est un réalisateur et scénariste italien, né le 6 Aout 1931 à Massa Marittima, dans la province de Grosseto en Toscane (Italie).
1962: Le Triomphe de Robin des Bois, 1963: Maciste contre Zorro, Sandokan, le Tigre de Bornéo, 1964: Les Pirates de Malaisie, 1966: Kriminal, 1967: Les Chiens Verts du Désert, 1968: Gringo joue et gagne, 1969: La Légion des Damnés, Si douces, si perverses, 1970: Paranoia, 1972: Le Tueur à l'orchidée, 1972: Au pays de l'Exorcisme, 1973: La Guerre des Gangs, 1974: Spasmo, La Rançon de la Peur, 1975: Bracelets de Sang, 1976: Brigade Spéciale, Opération Casseurs, La Mort en Sursis, 1977: Le Cynique, l'infâme et le violent, 1978: Echec au gang, 1980: La Secte des Cannibales, l'Avion de l'Apocalypse, 1981: Cannibal Ferox, 1983: Iron Master, la guerre du fer, 1988: Nightmare Beach, la Maison du Cauchemar, 1991: Démons 3, 1996: Sarayevo inferno di fuoco.


Inspiré de la bande-dessinée italienne éponyme, publiée entre 1964 et 1976, Kriminal débarque pour la première fois en France en Dvd sous l'enseigne d'Artus Films. Dans la lignée de Fantomas, Arsène Lupin, Danger Diabolik et Satanik, cette bisserie transalpine fleure bon l'aventure exaltante sous la houlette d'un drôle anti-héros, un cleptomane en combinaison de squelette n'hésitant pas à commettre le crime pour parvenir à ses fins. Condamné à la pendaison pour ses antécédents méfaits, Kriminal parvient à s'échapper grâce au stratagème imposé par l'inspecteur Milton. Cette évasion volontaire suggérée par ce dernier est donc une supercherie afin de pouvoir mettre la main sur la couronne d'Angleterre. Mais Kriminal est déjà sur un autre coup aussi onéreux, celui de dérober une poignée de diamants.


Découvrir pour la première fois ce joyau kitch typiquement transalpin comble d'autant plus notre curiosité qu'il souligne notre incompréhension face à la rareté du produit au sein de notre pays. Baignant dans une extravagance anticonformiste où les coups les plus perfides sont permis, Kriminal brosse le portrait d'une poignée d'antagonistes communément avides de cupidité et prêts à se trahir pour emporter la mise. Face à eux, le roi de la cambriole va tenter de les entourlouper avec plus de vélocité dans ses combines diaboliques et déguisements d'improvisation. L'aspect irrésistiblement attrayant et jouissif du film émane de son intrigue impeccablement charpentée car bourrée de rebondissements et de subterfuges qu'on voit rarement arriver. Avec la complicité sournoise de mantes religieuses et l'autorité du voleur autonome, Umberto Lenzi désinhibe leur caractérisation dans une posture illégale à braver les lois. Engagés dans une course-poursuite effrénée au pays d'Istanbul pour la quête des diamants, il n'auront de cesse de se négocier une transaction avant d'imposer leur trahison avec l'éventuelle complicité d'autres comparses. Pendant ce temps, l'inspecteur Milton tentera difficilement de faire équipe avec un agent étranger afin de mieux alpaguer notre redoutable criminel. 


Dépaysant (on se déplace de Londres à Rome en passant par Madrid et Istanbul !), pittoresque, parfois macabre (les quelques cadavres qui empiètent le récit) ou spectaculaire (les cascades improvisées sur le toit du train) et baignant dans un esprit "fumetti" particulièrement insolent, Kriminal transpire la bisserie d'aventures policières avec un ton aussi kitch qu'extravagant !

Un grand merci à Artus Films !
Bruno Matéï

lundi 9 juin 2014

THE BLACK PANTHER

                                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site michaelarmstrong.co.uk

de Ian Merrick. 1977. Angleterre. 1h38. Avec Donald Sumpter, Debbie Farrington, Marjorie Yates, Sylvia O'Donnell, Andrew Burt, Alison Key, Ruth Dunning, David Swift...

Sortie salles Royaume-Uni: 26 Décembre 1977

FILMOGRAPHIE: Ian Merrick est un réalisateur, scénariste et producteur anglais.
1977: The Black Panther. 2000: The Sculptress


Premier film de la brève carrière de Ian Merrick, The Black Panther relate l'itinéraire d'un authentique tueur en série et cambrioleur, Donald Neilson, ayant sévi dans la campagne anglaise entre 1967 et 1974. Dans un souci documenté, le réalisateur s'attache donc à nous décrire son parcours meurtrier avec le réalisme du climat austère. De par la caractérisation peu commune du sociopathe renfrogné et par l'aspect clinique d'une photographie particulièrement blafarde. L'intérêt du film réside surtout à mettre en appui le profil psychologique d'un criminel narcissique cumulant les maladresses dans sa dérive délinquante. Peu adroit et véloce, son amateurisme s'avère d'autant plus risible qu'il perdure ses exactions durant quelques années. On se demande alors comment notre pied nickelé (un "Pierre Richard" du crime en somme !) ait pu passer à travers les mailles de la police après avoir planifié autant de risques inconsidérés !


Incarné par Donald Sumpter, l'acteur possède un charisme que l'on oublie pas à travers son regard noir particulièrement impassible car dénué de moindre vergogne. A l'instar du peu de considération qu'il porte envers sa famille (son épouse et sa fille ne cessent d'être verbalement dénigrées pour être réduites à l'esclavage), Donald Neilson crache son venin à la société et l'humanité entière en s'engageant dans une série hasardeuse de cambriolages où sa haine culminera à une violence aveugle. Assoiffé d'orgueil depuis son surnom alloué à la "panthère noire", obnubilé à l'idée de se croire inflexible et infaillible, il élabore même en cachette un journal pour inscrire sur papier ses sinistres exploits. Si la première partie s'attache à nous décrire ses brefs instants de vie familiale et ses vols répétés engendrant de lâches assassinats, la suite se focalise sur le rapt d'une jeune coiffeuse que notre tueur décide de kidnapper afin d'exiger une rançon. Plus intense et captivant, ce nouvel acte joue la carte du suspense quand au sort réservé à la victime séquestrée au fond d'un égout et continue de mettre en exergue les sempiternelles maladresses que le tueur laisse sur son chemin. Jusqu'au jour où un indice éloquent finira par lui porter préjudice et avant qu'il ne commette une tragédie supplémentaire !


Correctement interprété et réalisé, The Black Panther fait office de curiosité méconnue qu'on aurait tort de se priver tant le film captive à décrire de manière brutale le parcours indécis d'un tueur capricieux dans sa condition d'utopiste empoté. 

Un grand merci au Ciné-club de l'Antre
Bruno Matéï

Bio: Donald Neilson (né Donald Nappey le 1er août 1936 - 18 décembre 2011), connu sous le surnom de panthère noire, est un meurtrier et un voleur à main armée britannique qui a tué quatre personnes dans les années 1970. Il effectua plus de 400 vols entre 1967 et 1974. Après avoir tué trois employés des postes lors de vols à main armée entre 1971 et 1974, il tua une coiffeuse, Lesley Whittle, au début de 1975, ce que les journaux britanniques soulignèrent. Neilson fut arrêté à la fin de 1975 et condamné à la prison à perpétuité en 1976, où il demeura jusqu'à sa mort 35 ans plus tard.

vendredi 6 juin 2014

ATTAQUE A MAINS NUES (Firecracker / Naked Fist)

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant Dailygrindhouse.com

de Cirio H. Santiago. 1981. U.S.A/Philippines. 1h22. Avec Jillian Kesner, Tony Ferrer, Vic Diaz, Rey Malonzo, Darby Hinton.

Sortie salles: 30 Septembre 1981

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Cirio H. Santiago est un réalisateur et producteur philippins, né le 18 Janvier 1936 à Manila, Philippines, décédé le 26 Septembre 2008, Makati City, Philippines.
1957: Pusakal. 1958: Water Lily. 1973: Savages ! 1976: Trois panthères au combat. 1978: Vampire Hookers. 1978: Le Samouraï Noir. 1981: Attaque à mains nues. 1983: Stryker. 1983: Caged Fury. 1984: Mission finale. 1985: Les Guerriers du Futur. 1987: Apocalypse Warriors. 1987: Killer Instinct. 1988: The Sisterhood. 1988: The Expendables. 1997: Vulcan. 2003: When Eagles Strike. 2005: Bloofist 2050 (télé-film).


"J'aurais du faire un remake de ce film au lieu de faire KILL BILL". Quentin Tarantino.

Film d'action bisseux, estampillé "nanar" que les vidéophiles des années 80 ont bien connu sous la bannière de Sunset Video, Attaque à mains nues est une production américano-philippine réalisée par un briscard en la matière, Cirio H. Santiago  (Stryker, Mission Finale, Caged Fury, les Guerriers du Futur et Killer Insinct, c'était lui !). Le scénario est à lui tout seul une plaisanterie éculée que l'on approuve encore lorsqu'il est réalisé avec autant de maladresses, de faux raccords et de drôlerie involontaire. Tout n'est donc ici prétexte qu'à de furieux règlements de compte entre une guerre de narcotrafiquants face au témoignage d'une experte en karaté particulièrement sexy !
Depuis la disparition de sa soeur partie en reportage, Susan Carter rejoint les Philippines pour tenter de la retrouver. Sur place, son enquête l'oriente auprès du directeur d'un night-club également régisseur de combats clandestins. Monitrice et ceinture noire en karaté, elle décide de participer aux épreuves sans savoir qu'il s'agit d'un réseau mafieux impliqué dans un trafic de drogue. Alors qu'une mystérieuse escorte s'empare de leur marchandise au moment d'une livraison, Susan va devoir user de bravoure pour combattre à mains nues l'ennemi dont le redoutable Chuck Donner !  


Titre français encore mieux approprié que celui de son modèle (même si la blonde utilise également le bâton pour se faire entendre !), Attaque à mains nues est un énième film de drive-in décomplexé multipliant avec générosité séquences de bastons, poursuites et gunfights. Parfois même émaillé de séquences gores (empalements au sabre, tête tranchée à la circulaire, yeux crevés au bâton) et érotiques (dont une scène intime de coït particulièrement stylisée !), cette série B possède tous les atouts pour ne jamais ennuyer le spectateur, embarqué de bon gré dans une aventure dépaysante ! A titre de bravoure immanquable, imaginez une donzelle charismatique se faire courser par deux bandits dans un hangar qui n'auront de cesse de s'agripper à ses vêtements pour la dévêtir en bout de course ! Ne reste plus alors pour Susan que de les combattre farouchement en petite culotte sans jamais être indisposée de son anatomie ! Des séquences jouissives et improbables de cet acabit, Attaque à mains nues en regorge d'autres et décuple son capital sympathique avec l'entremise amicale de comédiens inexpressifs rivalisant de sérieux et de grimaces pour jouer les durs à cuire ! Afin de renouveler l'intrigue, Cirio H. Santiago n'hésite pas non plus à insérer certains rebondissements, à l'instar de l'infiltration d'une taupe impliquée chez les sbires d'Erik Stone. Toujours plus incohérent (notamment le comportement équivoque de certains protagonistes) dans son cheminement hasardeux de luttes des clans, d'espionnage policier et d'investigation de témoin disparu, le film s'avère néanmoins efficace dans la vigueur de son rythme tirant inévitablement vers la bande dessinée où les arts-martiaux règnent en maître ! Si on est à l'opposé des bastonnades ultra speed d'un The Raid, la chorégraphie des combats s'avère tout de même pro si j'ose dire et on se prend plaisir à suivre la fluidité des coups assénés à l'adversaire sans subir de mal de crâne comme il est de coutume de nos jours !


Vous l'aurez compris, pour tout amateur de nanar jouissif et fun en diable, Attaque à mains nues est un incontournable du genre encore plus savoureux aujourd'hui qu'à sa sortie, du fait du charme suranné qui en émane. Pour parachever, on peut aussi louer le punch de son score au tempo aussi cadencé que répétitif ainsi que la beauté animale qui se détache de Jillian Kesner, une karatéka bondissante aussi inexpressive qu'intègre dans sa fonction de justicière redresseuse de tort !

Un grand merci au Chat qui fume pour cette inestimable pépite ! 
Bruno Matéï