lundi 23 mars 2015

LE POLICEMAN (Fort Apache, The Bronx)

                                                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site cine-loisirs.fr

de Daniel Petrie. 1981. U.S.A. 2h05. Avec Paul Newman, Edward Asner, Ken Whal, Danny Aiello, Rachel Ticotin, Pam Grier, Kathleen Beller.

Sortie salles U.S: 6 Février 1981

FILMOGRAPHIE: Daniel Petrie est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 26 Novembre 1920 à Glace Bay, Nouvelle-Ecosse, Canada, décédé le 22 Août 2004 à Los Angeles, Californie.
1960: Le Buisson ardent. 1961: Un Raison au soleil. 1962: The Main Attraction. 1963: Les Heures Brèves. 1966: The Idol. 1966: The Spy with a Cold Nose. 1973: Odyssée sous la mer. 1974: Buster and Billie. 1976: Lifeguard. 1978: The Betsy. 1980: Resurrection. 1981: Le Policeman. 1982: Six-Pack. 1984: Un Printemps sous la neige. 1987: Square Dance. 1988: Rocket Gibraltar. 1988: Coccon, le retour. 1997: The Assistant.


Dans la lignée des Flics ne dorment pas la nuit et de Serpico, Le Policeman relate les virées urbaines de deux flics acolytes dans un quartier chaud du Bronx, au moment même où les meurtres gratuits de deux officiers viennent d'être perpétrés. Essayant de découvrir l'identité de l'assassin au fil de leur infructueuse enquête, ils vont se heurter à l'incident aléatoire d'une corruption policière. Polar urbain décrivant l'état des lieux d'un métropole new-yorkaise avilie par la drogue, la prostitution et la criminalité, le Policeman fait référence à la grimpée de la violence, de l'immigration et du racisme au début des années 80. D'ailleurs, lors de sa sortie, le film se heurta à une certaine polémique auprès de certains frondeurs pointant du doigt son contenu xénophobe envers les communautés noires et Porto-ricaines.


Si l'intrigue débute à l'instar d'un sympathique buddy movie dans ces situations pittoresques que se heurtent Murphy et Connaly pour appréhender des dégénérés excentriques, sa scène d'ouverture brutale nous avait ébranlé quand une prostituée flegmatique venait d'abattre lâchement deux policiers en patrouille. Ce qui nous amène à la difficile enquête que doit se confronter le corps policier du poste de "Fort Apache" situé dans un Bronx en ébullition. C'est là que Murphy et Connaly vont tâcher de relever leur mission quand bien même le second arc narratif débouche sur leurs romances entamées avec une infirmière et une jeune étudiante. Ces séquences intimistes au propos léger et détendu préparent le terrain de la dramaturgie en évoquant le problème de la drogue du point de vue de l'auxiliaire médicale d'origine latino. Une manière alarmiste d'insister sur la perversité addictive du produit concernant toutes les couches sociales. C'est ensuite le thème de la corruption policière et la prise de conscience de témoins oculaires qui y sont longuement traités lorsque deux agents racistes se sont débarrassés d'un étudiant d'origine porto-ricaine. Ces évènements inopinés exploitent les ressorts dramatiques du troisième arc narratif, avec toujours en parallèle le caractère inquiétant des exactions meurtrières d'une prostituée dont nous ne connaîtrons jamais le motif de son mobile (même s'il s'agit d'une misandre !). La gravité des conséquences et l'aspect tragique qui s'ensuit entraînera un de nos héros à reconsidérer sa responsabilité morale pour oser dénoncer sa déontologie professionnelle, quand bien même le dénouement de l'enquête criminelle restera irrésolue ! (seul, le spectateur connaît l'identité du véritable assassin !).


Très attachant dans la relation amicale du couple en roue libre, Paul Newman et Ken Whal, et puisant son inspiration dans l'ironie satirique, la violence poisseuse et le réalisme documenté, Le Policeman débouche sur un polar désenchanté lorsque la corruption policière et le fléau de la drogue vont finalement bouleverser l'éthique d'un homme pour braver l'omerta. Un grand polar urbain d'une intensité émotionnelle aussi bouleversante qu'impondérable dans son constat pessimiste agréé à l'inefficacité de l'institution policière. 

Bruno Matéï
3èx

                                          

vendredi 20 mars 2015

DR JEKYLL ET SISTER HYDE (Dr. Jekyll and Sister Hyde)

                                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site popcornpictures.co.uk

de Roy Ward Barker. 1971. Angleterre. 1h37. Avec Ralph Bates, Martine Beswick, Gerald Sim, Lewis Fiander, Susan Broderick, Dorothy Alison.

Sortie salles Angleterre: 17 Octobre 1971

FILMOGRAPHIE PARTIELLE: Roy Ward Baker est un réalisateur, producteur, scénariste anglais, né le 19 Décembre 1916 à Londres (Royaume-Uni), décédé le 5 Octobre 2010.
1947: L'Homme d'Octobre. 1952: Troublez moi ce soir. 1968: Les Champions. 1969: Mon ami le fantôme. 1970: The Vampire Lovers. 1970: Les Cicatrices de Dracula. 1971: Dr Jekyll et Sr Hyde. 1972: Asylum. 1973: Le Caveau de la Terreur. 1973: And now the Screamin starts. 1974: Les 7 vampires d'or. 1980: Le Club des Monstres. 1984: Les Masques de la mort (télé-film). 


Pour la dernière décennie de la Hammer, Dr Jekyll et Sr Hyde continue de surfer sur l'érotisme et une violence plus outrée afin de redorer un second souffle à la société. Epaulé d'un brillant scénario de Brian Clemens alternant la satire et les clins d'oeil amusés aux classiques de l'horreur (on y croise dans le même film Jack l'éventreur et les déterreurs de cadavres Burke et Hare au coin des rues malfamées de Whitechapel !), cette variation du Dr Jekyll et Mr Hyde redouble d'audaces pour détourner le mythe. En télescopant les exactions sordides de l'éventreur parmi l'ambition scientifique du savant fou et d'y établir ici une métaphore (gay) sur la part de féminité enfouie en chaque homme. 


Si au premier coup d'oeil, le scénario aurait pu facilement sombrer dans la parodie, Roy Ward Barker maîtrise son sujet avec autant de sérieux que d'ironie débridée parmi la présence d'Alan Bates et de la vamp Martin Beswick. Par leur talent obstiné et leur ressemblance binaire, les comédiens font preuve d'un surprenant charisme bicéphale afin de transfigurer deux antagonistes livrés au duel sexiste en interne du corps du savant. Car, par le biais d'une expérience scientifique allouée à l'élixir de jouvence et parmi l'appui de l'hormone femelle, c'est une véritable guerre des sexes que doit déjouer Jekyll lorsque son double, Sister Hyde, souhaite prendre le pouvoir pour asservir l'homme qui est en elle. A la satire féministe s'attribue également une réflexion sur l'homosexualité (Jekyll ne serait-il finalement qu'un gay refoulé ?), la jalousie et le besoin de séduction inhérent à notre instinct sexuel ! Sr Hyde éprouvant un rapide désir pour son voisin de palier tandis que Jekyll s'éprendra d'amour pour la soeur de ce dernier. De cette rivalité toujours plus hostile, la jalousie finira par causer leur perte et donc la désillusion scientifique de Hyde lors d'un mea culpa inévitablement tragique ! Outre le rythme vigoureux de l'intrigue fertile en suspense et homicides sauvages, ainsi que l'étude passionnante allouée au personnage véreux de Hyde, le film cultive un humour réjouissant lorsque par exemple la police distingue difficilement l'identité du meurtrier dissimulé en travesti pour mieux les duper !  


Chef-d'oeuvre de la Hammer en cette décennie des années 70, Dr Jekyll et Sr Hyde cultive un iconoclasme incisif afin de dépoussiérer les mythes de l'horreur séculaire dans un esprit débridé aussi fascinant qu'haletant. Outre l'intelligence de ces thèmes abordés et l'inventivité de sa mise en scène, le film est également transcendé par l'élégance ténébreuse de la troublante Martine Beswick. Et si le docteur Jekyll a essuyé une déroute pour sa quête de l'éternelle jeunesse, Roy Ward Barker a réussi à la matérialiser à travers sa macabre satire féministe ! 
   
Bruno Matéï
3èx


jeudi 19 mars 2015

La Fille de Jack l'Eventreur / Hands of the Ripper

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site avoir-alire.com

de Peter Sasdy. 1971. Angleterre. 1h25. Avec Eric Porter, Angharad Rees, Keith Bell, Jane Merrow, Derek Godfrey, Dora Bryan.

Sortie salles Angleterre: 17 Octobre 1971

FILMOGRAPHIE: Peter Sasdy est un réalisateur anglais, né le 27 Mai 1935 à Budapest. 1970: Une Messe pour Dracula. 1971: La Fille de Jack l'Eventreur. 1971: Comtesse Dracula. 1972: Doomwatch. 1972: The Stone Tape (télé-film). 1973: Nothing but the Night. 1975: Evil Baby. 1975: King Arthur, the young Warlord. 1977: Welcome to blood City. 1983: The Lonely Lady. 1989: Ending up (télé-film). 1991: Sherlock Holmes and the leading lady (télé-film).


Fidèle artisan de la Hammer Film, puisque déjà responsable d'Une Messe pour Dracula puis un peu plus tard de Comtesse Dracula, Peter Sasdy entreprend avec La fille de Jack l'éventreur de revisiter notre criminel notoire de manière plutôt originale si bien que la psychanalyse et le surnaturel se télescopent durant tout le cheminement narratif. Le PitchTraumatisée par la mort de sa mère assassinée sous ses yeux par son père Jack l'Eventreur, Anna est recueillie par une médium pour être exploitée à la prostitution. Mais à la suite d'un élément déclencheur ravivant son souvenir morbide, Anna l'assassine froidement. Témoin de la scène, le médecin John Prichard décide de la prendre sous son aile afin d'étudier sa pathologie schizophrène. Cette intrigue astucieuse opposant également la foi spirituelle et l'athéisme cultive une progression du suspense parmi la relation épineuse d'une meurtrière accompagnée de son théoricien. Dépeinte comme une véritable victime, faute de son témoignage de l'assassinat de sa mère par son propre père et de ces tourments invoqués par l'esprit diabolique de ce dernier, Anna nous suscite l'empathie dans sa fragilité et son émoi ingérable. 


Au fil de ses exactions meurtrières aussi imprévisibles que sauvages (gore graphique à l'appui !), l'intensité dramatique de ces estocades émane également de l'attitude complice du médecin féru de compassion pour elle tout en l'exploitant à des fins scientifiques. Celle d'y démystifier la nature criminelle d'un assassin puis tenter de le guérir de ses pulsions psychotiques. Bravant l'interdit parmi l'appui d'un membre du parlement plutôt sournois, John Prichard s'adonne donc à l'illégalité afin de protéger sa patiente et apporter son concours au progrès de la psychothérapie. Ces rapports troubles entamés entre ces deux personnages font tout le sel de l'intrigue fertile en meurtres cinglants en accordant une belle attention à leur étude de caractères ternies par le désespoir et l'angoisse. Outre l'interprétation pleine d'aplomb du vétéran Eric Porter, La Fille de Jack l'Eventreur est sublimé de la prestance angélique de Angharad Rees. Une jeune actrice affublée d'un teint de porcelaine mais dont la préoccupation du regard en atténue sa fraîcheur pour nous laisser transparaître la confusion. L'intensité de son jeu névrosé doit donc beaucoup au caractère crédible de son cheminement psychotique jusqu'à ce que la dernière partie vienne nous ébranler de plein fouet par son émotion tragique. Un final majestueux d'une beauté morbide singulière, notamment par son ampleur grandiloquente édifiée dans une galerie des échos.


Réalisé durant la dernière décennie de la Hammer Film, La Fille de Jack l'Eventreur fait preuve d'une belle audace dans la violence sanguine de ces actes meurtriers et dans l'originalité de son script détournant intelligemment l'archétype du célèbre éventreur. Un fleuron du psycho-killer surnaturel dont la dimension dramatique des deux complices culmine vers un splendide point d'orgue taillé dans le lyrisme mélancolique. 

*Bruno 
12.12.22. 
3èx. VF

3

mercredi 18 mars 2015

LES MAITRESSES DE DRACULA (The Brides of Dracula)

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site galleryhip.com

de Terence Fisher. 1960. Angleterre. 1h25. Avec Peter Cushing, Yvonne Monlaur, David Peel, Martita Hunt, Freda Jackson, Fred Johnson.

Sortie salles France: 21 Décembre 1960. U.S: 5 Septembre 1960. Angleterre: 7 Juillet 1960

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Terence Fisher est un réalisateur britannique né le 23 février 1904 à Londres (Maida Vale), et décédé le 18 juin 1980 dans la même ville.
1957 : Frankenstein s'est échappé, 1958 : Le Cauchemar de Dracula , 1958 : La Revanche de Frankenstein , 1959 : Le Chien des Baskerville , 1959 : L'Homme qui trompait la mort , 1959 : La Malédiction des pharaons, 1960 : Le Serment de Robin des Bois , 1960 : Les Étrangleurs de Bombay, 1960 : Les Maîtresses de Dracula, 1960 : Les Deux Visages de Docteur Jekyll , 1961 : La Nuit du loup-garou, 1962 : Le Fantôme de l'Opéra , 1962 : Sherlock Holmes et le collier de la mort, 1963 : The Horror of It All, 1964 : La Gorgone , 1965 : The Earth Dies Screaming, 1966 : L'Île de la terreur , 1966 : Dracula, prince des ténèbres , 1967 : La Nuit de la grande chaleur , 1967 : Frankenstein créa la femme, 1968 : Les Vierges de Satan, 1969: Le Retour de Frankenstein, 1974 : Frankenstein et le monstre de l'enfer.


Tourné entre le Cauchemar de Dracula et Dracula, Prince des ténèbres au sein de la carrière de l'éminent Terence Fisher, Les Maîtresses de Dracula s'alloue d'un cachet particulier en l'absence du gentleman de l'horreur, Christopher Lee. Un parti-pris volontaire de la part de son auteur privilégiant ici la stature plus rassurante d'un acteur aussi bellâtre qu'efféminé afin de redorer le blason du vampire archaïque. A ce titre, le préambule envoûtant de manque pas de distiller une atmosphère de mystère latent lorsqu'une jeune institutrice accueillie au château de la baronne Meinster découvre la condition d'esclave du fils de cette dernière. Eprise de compassion pour son sort et sa beauté innocente, elle décidera de lui porter secours pour lui ôter sa chaîne sans mesurer la gravité de son acte de délivrance. Le baron Meinster symbolisant bien entendu la menace du vampire aristocrate particulièrement fourbe dans son art de séduire cette candide proie trop influençable. Emprisonné dès son plus jeune age au sous-sol du château par sa mère et sa gouvernante, celui-ci peut enfin profiter de sa liberté pour aller répandre le mal dans un village déjà contrarié par les superstitions. Pour sa conquête du Mal et du pouvoir, quoi de plus manipulable que de séduire de naïves étudiantes après Spoiler ! s'être débarrassé de sa génitrice ! Fin du Spoiler


A partir de cette intrigue simpliste réunissant la plupart des clichés du genre, Terence Fisher en tire un modèle d'efficacité dans la dextérité de sa structure narrative alternant l'investigation circonspecte et la traque du Dr Val Helsing (que Peter Cushing endosse avec traditionnel aplomb !) avec la relation naissante de Marianne, femme-objet éprise d'amour pour le Baron. A cet égard, ce dernier semble d'ailleurs plus obnubilé à l'idée d'infecter sa victime pour procréer le Mal plutôt que de choisir sa muse en guise d'amour éternel. Comme de coutume chez les studios Hammer, on retrouve le soin formel imparti aux décors gothiques du château et d'un moulin à vent (dont un final fulgurant par son atmosphère crépusculaire de pleine lune bientôt ravivée par la lumière d'un incendie !), épaulé d'une photographie suave tirant sur le mauve. Sans compter le charisme indétrônable de tous les comédiens (la française Yvonne Monlaur s'avérant par ailleurs délicieuse de volupté charnelle !) et la maîtrise d'une mise en scène épurée transcendant par exemple les apparitions spectrales des maîtresses du Mal, fantômes nocturnes affublés de nuisettes de soie blanche !


Sans révolutionner le genre, Terence Fisher accomplit toutefois un nouveau tour de force dans l'efficience de sa construction narrative remarquablement contée et parfois traversé d'épisodes démoniaques, à l'image de l'exhumation d'une vampire incantée par une gouvernante désaxée. Qui plus est, parmi certaines trouvailles audacieuses (le traitement infligé à Van Helsing, la relation ambiguë du Baron avec sa famille puis celle de la gente féminine) et l'iconisation de ce vampire dandy, Les Maîtresses de Dracula s'alloue d'un traitement vénéneux dans la caractérisation sournoise d'un vampire uniquement motivé par le pouvoir et l'émancipation par sa condition souveraine.   

Bruno Matéï
2èx


mardi 17 mars 2015

WHAT WE DO IN THE SHADOWS

                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site bloody-disgusting.com

de Jemaine Clement, Taika Waititi. 2014. Nouvelle-Zélande. 1h25. Avec Jemaine Clement, Taika Waititi, Jonathan Brugh, Cori Gonzales-Macuer, Stuart Rutherford.

Sortie salles France: Prochainement. Sortie salles Nouvelle-Zélande: 19 Juin 2014

FILMOGRAPHIEJemaine Clement est un acteur, musicien, humoriste et réalisateur néo-zélandais, né le 10 Janvier 1974 à Masterton. 2014: What we do in the Shadows.
Taika Waititi est un réalisateur, scénariste, acteur et producteur néo-zélandais, né le 16 Août 1975. 
2002: John and Pogo. 2004: Two Cars, One Night. 2004: Heinous Crime. 2005: Tama Tu. 2007: A chacun sa chacune. 2008: Cinema 16: World Short Films. 2010: Boy. 2014: What we do in the Shadows


Sélectionné à Gérardmer 2015 mais déclaré "hors-compétition", What we do in the shadows est une petite production indépendante venue de la Nouvelle-Zélande, à l'instar du très sympa et bricolé Housebound. Ici, le duo Jemaine Clement / Taika Waititi empreinte la même démarche de la comédie horrifique avec un hommage appuyé pour la parodie vampirique. Afin de tenir lieu d'un documentaire, une équipe de cameramans dont nous ne verrons jamais le visage fait irruption dans la quotidienneté de vampires cohabitant dans leur demeure sclérosée. Mais dans sa nouvelle condition d'immortel, l'arrivée d'un cinquième membre va ébranler leur tranquillité au point de les mettre en danger. Comédie pittoresque surfant sur le principe du Found FootageWhat we do in the Shadows dépeint avec ultra réalisme les vicissitudes de vampires anachroniques s'efforçant de se faire discret au sein de notre société moderne. Incessamment interrogés face caméra et pris en filature chez leurs faits et gestes de virées nocturnes, ces vampires au look aristocrate ont accepté de se prêter au jeu de la vérité pour nous livrer indépendamment leurs confidences, entre liberté épanouie mais aussi mélancolie esseulée (la souffrance récurrente de voir disparaître les êtres chers au fil de leur existence et celle de ne pouvoir croiser l'amour même si l'un d'eux en sortira vainqueur !).


Emaillé de déboires et festivités avec d'improbables rencontres nocturnes (les altercations avec les loups-garous valent leur pesant de cacahuètes !), où gags hilarants et idées retorses fusent tous azimuts (compter en moyenne une trouvaille toutes les 10 secondes !), What we do in the shadows redouble de générosité cocasse. A l'instar de la bonhomie décalée deux nouveaux protagonistes entrant en scène par inadvertance et donc prochainement voués à la métamorphose malgré leur charisme lambda. Si le film fait preuve d'une vigueur rafraîchissante dans le sens des réparties et des rapports parfois houleux compromis entre nos acolytes, il le doit beaucoup à la spontanéité des comédiens se prêtant au jeu avec autant de sobriété que de dérision mordante. L'aisance de cette parodie émanant notamment de leur esprit de cohésion et de leur indulgence à épargner la vie d'un humain trop vertueux pour le vouer au sacrifice. Ce savoureux dosage d'humour noir et de tendresse prouve aussi l'indéniable respect des réalisateurs à se moquer du genre vampirique sans volonté de les vulgariser au ridicule. Et en alternant notamment le clin d'oeil amusé aux classiques d'antan (Nosferatu et le Bal des Vampires en premier lieu !) et aux séries B édulcorées de la nouvelle génération (Twilight et Blade sont gentiment pastichés). En prime, sans se livrer à une démonstration de force opportuniste, les effets-spéciaux numériques qui intègrent discrètement l'intrigue retrouvent le charme et la magie d'antan par leur réalisme cuisant et leurs effets spectaculaires de stupeur inopinée.    


Débordant de bonne humeur et d'enthousiasme sans verser dans l'outrance ou la trivialité, What we do in the shadows symbolise par miracle la difficile recette rire/frisson dans un esprit décomplexé généreusement inventif. Car accordant une grande part d'humanisme à la caractérisation décalée de ces vampires séculaires, le film s'avère délicieusement réaliste au point d'envier leur situation invulnérable. A la manière du Bal des Vampires et de Vampires, vous avez dits VampiresWhat we do in the shadows s'édifie donc en perle rare appelée à devenir culte chez les amateurs de parodie révérencieuse. A mon sens, et sans me laisser gagner par l'euphorie actuelle, il s'agit de la meilleure comédie horrifique vue depuis les deux classiques précités. Et le film de parachever ses nobles intentions sur une leçon de tolérance romantique que n'auraient pas renié Harold et Maude

Bruno Matéï


lundi 16 mars 2015

LA PROCHAINE FOIS JE VISERAI LE COEUR

                                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site estelleelkaim.wordpress.com

de Cédric Anger. 2014. France. 1h51. Avec Guillaume Canet, Ana Girardot, Jean-Yves Bertellot, Patrick Azam, Arnaud Henriet, Douglas Attal, Piérick Tournier.

Sortie salles France: 12 Novembre 2014

FILMOGRAPHIE: Cédric Anger est un réalisateur et scénariste français, né 1975
2011: L'Avocat. 2014: La prochaine fois je viserai le coeur.


Inspiré de l'affaire du "Tueur de l'Oise" au cours duquel les exactions d'Alain Lamare eurent lieu à la fin des années 70, Cédric Anger nous propose avec la Prochaine fois je viserai ton coeur un drame criminel glaçant sous la houlette d'un gendarme perpétrant une vague de meurtres auprès de jeunes étudiantes dans la région de Picardie. Timide et introverti, vivant reclus dans un appartement, la solitude de Franck finit par l'orienter vers une devise criminelle, celle de la folie meurtrière, sachant que lors de son arrestation il fut reconnu irresponsable de ses actes pour être interné en Psychiatrie. Les experts évoqueront d'ailleurs chez lui le syndrome de l'héboïdophrénie, une psychopathologie de l'ordre des schizophrénies.


Outre le climat maussade d'une région bucolique ternie par l'intempérie, ce parti-pris esthétique reflète avec la sinistrose du criminel dans sa conscience aussi torturée qu'impassible. Un misanthrope incapable d'éprouver une quelconque compassion lorsqu'il s'efforce d'entamer une liaison avec une amie puis de fréquenter en parallèle la communauté gay, mais aussi inapte à ressentir un éventuel remord de dernier ressort pour ses actes crapuleux. Et dans un rôle à contre-emploi, Guillaume Canet réussit à faire oublier son illustre stature pour incarner à l'écran ce tueur pisse-froid se raillant du corps policier (il ne cesse de manipuler ses confrères afin de mieux brouiller les pistes) et de sa petite amie car suscitant une véritable aversion pour les rapports de tendresse. Son seul dérivatif afin de se libérer de ses actes criminels et oublier l'indifférence de ses parents, s'expier de ses pêchers par le masochisme en se flagellant le corps ou en se baignant par l'eau glacée ! C'est donc l'introspection d'un serial-killer peu commun que nous illustre Cédric Anger parmi le souci documentaire de ces pérégrinations solitaires et le réalisme sordide de ces assassinat en série. A l'instar du premier homicide perpétré froidement sur une auto-stoppeuse dans le cadre étriqué de son véhicule. Une séquence choc assez pénible par l'estocade improvisée et l'affolement désaxée du meurtrier ! Enfin, la partition musicale cafardeuse accompagne toute l'intrigue à la manière d'une lancinante marche funèbre que le tueur frigide déambule jusqu'au point de chute de son arrestation.


Austère et rigide, de par son atmosphère dépressive imposée et les pulsions névrotiques du sociopathe, La Prochaine fois je viserai le coeur privilégie densité psychologique et intensité des moments crapuleux parmi l'aplomb inflexible de Guillaume Canet

Bruno Matéï


vendredi 13 mars 2015

GODZILLA (Gojira)

                                                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site galleryhip.com

de Hishiro Honda. 1954. Japon. 1h36. Avec Akira Takarada, Momoko Kôchi, Akihiko Hirata, Takashi Shimura, Fuyuki Murakami.

Sortie salles Japon: 3 Novembre 1954. Sortie Française: 1957

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Hishiro Honda est un réalisateur japonais né le 7 Mai 1911, décédé le 28 Février 1993 à Tokyo.
1954: Godzilla. 1955: L'Abominable homme des neiges. 1956: Godzilla, king of the monsters ! 1956: Rodan. 1957: Prisonnière des martiens. 1961: Mothra. 1962: King Kong contre Godzilla. 1963 : Matango. 1963: Atragon. 1964: Mothra contre Godzilla. 1964: Dogora, the Space Monster. 1964: Ghidrah, le monstre à trois têtes. 1965: Frankenstein vs. Baragon. 1965: Invasion Planète X. 1966: Come Marry Me. 1966: La Guerre des monstres. 1967: La Revanche de King Kong. 1968: Les envahisseurs attaquent. 1969: Latitude Zero. 1969: Godzilla's Revenge. 1970: Les Envahisseurs de l'espace. 1975: Mechagodzilla contre-atttaque. 1980: Kagemusha, l'ombre du guerrier. 1990: Rêves (Yume) (coréalisé avec Akira Kurosawa). 1993: Madadayo.


Métaphore sur le péril atomique et les conséquences psychologiques de la guerre après les bombardements, Godzilla est ce que l'on peut nommer un film hybride. Dans le sens où Hishiro Honda alterne le caractère spectaculaire de destructions massives et de foule en panique avec l'aspect docu-drama du génocide de la guerre lorsqu'un monstre préhistorique vient d'anéantir toute une ville. Célébré ensuite comme une icone populaire auprès des jeunes spectateurs par le biais d'une série de divertissements dévoilant notre monstre d'écaille sous un aspect autrement héroïque, Godzilla version 54 n'emprunte pas le ton de la légèreté, en dépit de ses redondances à mettre en exergue l'appétit destructeur de ce dernier saccageant moult infrastructures urbaines. On est d'ailleurs frappé par l'ambiance crépusculaire qui émane de ses apparitions dantesques lorsqu'une ville incendiée est bientôt réduite en décharnement ! La texture monochrome de sa photographie amplifiant l'aspect sinistre de ces visions d'apocalypse ternies par la nuit ! Quant à la démarche nonchalante de Godzilla filmée au ralenti, sa lourde présence, son rugissement strident, son souffle atomique et son regard spectral nous évoque l'aliénation d'un animal déchu par les rayonnements chimiques ! On est aussi frappé par le réalisme de sa morphologie d'écaille alors que derrière le masque s'y cache un cascadeur en combinaison !


Si la première heure adopte une démarche laborieuse par son rythme poussif à insister sur l'inquiétude et l'affolement de la population japonaise prise à partie avec les récurrentes provocations du monstre, les 35 dernières minutes affichent une intensité dramatique franchement évocatrice quant au contexte chaotique d'une population en berne. Témoignage aussi puissant que bouleversant faisant écho aux traumatismes d'Hiroshima et de Nagasaki, le film insuffle dès lors une affliction mélancolique (score élégiaque à l'appui !) lorsque Hishiro Honda s'attarde à décrire l'apitoiement des femmes et des enfants démunis après le désastre causé par l'animal. Fruit des conséquences de la radioactivité provoquée par les essais nucléaires de l'homme, ce dernier n'est donc qu'une victime mutante rendue erratique par notre faute. Le scientifique étant capable de transfigurer de nouvelles armes nucléaires pour mieux intimider son rival et anticiper la guerre. On est aussi ébranlé par l'empathie que l'on s'accorde finalement pour Godzilla lorsque celui-ci se retrouve exploité au fond de la mer par la cause de "l'oxygen destroyer". L'invention novatrice d'un chimiste chargé de remords mais prêt à se sacrifier pour pardonner la folie de ses expérimentations !


Chant d'amour désespéré pour la paix, cri d'alarme contre les essais nucléaires, témoignage bouleversant sur le génocide des guerres et la condition des enfants martyrs, Godzilla fait preuve d'une rigueur dramatique inattendue lors de sa bouleversante dernière partie. On pardonne alors l'aspect cheap des FX en carton-pâte et la lenteur de son rythme abusant de redondances dans son premier acte pour garder en mémoire un douloureux réquisitoire contre le péril atomique. 

Bruno Matéï
3èx