mardi 30 juin 2015

LES PROIES

                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site northwestchicagofilmsociety.org

"The Beguiled" de Don Siegel. 1971. U.S.A. 1h44. Avec Clint Eastwood, Geraldine Page, Elizabeth Hartman, Jo Ann Harris, Darleen Carr, Mae Mercer.

Sortie salles France: 18 Août 1971. U.S: 31 Mars 1971

FILMOGRAPHIE: Don Siegel (Donald Siegel) est un réalisateur et producteur américain, né le 26 Octobre 1912 à Chicago en Illinois, décédé le 20 Avril 1991 à Nipoma, en Californie.
1956: l'Invasion des Profanateurs de Sépultures. 1962: l'Enfer est pour les Héros. 1964: A bout portant. 1968: Police sur la ville. 1968: Un Shérif à New-York. 1970: Sierra Torride. 1971: Les Proies. 1971: l'Inspecteur Harry. 1973: Tuez Charley Varrick ! 1974: Contre une poignée de diamants. 1976: Le Dernier des Géants. 1977: Un Espion de trop. 1979: l'Evadé d'Alcatraz. 1980: Le Lion sort ses griffes. 1982: Jinxed.


Sorti la même année que l'Inspecteur Harry, fer de lance du Vigilante Movie, Les Proies emprunte un genre plus intimiste, celui du drame psychologique doublé d'un suspense vénéneux afin de décrire les rapports de force impartis entre une ligue féminine et un soldat nordiste. Grièvement blessé, le caporal nordiste Mc Burney est recueilli au sein d'un pensionnat de jeunes filles sudistes que la directrice Martha Farnsworth dirige avec autorité malgré le climat tendu de la guerre. En guise de survie et pour tenter de s'y échapper, il s'emploie à courtiser plusieurs de ces pensionnaires avant la convalescence de sa jambe estropiée. Mais la jalousie de la directrice et de deux autres internes vont déchaîner les haines et les passions au sein d'une rivalité sexiste.


En dépit de l'aspect fallacieux de son affiche française et américaine laissant sous-entendre un western somme toute classique, Les Proies détourne les conventions du genre pour décrypter un drame psychologique au confins de l'horreur. Confiné dans le cadre restreint d'un huis-clos familial auquel un soldat grièvement blessé est contraint d'y séjourner parmi l'hospitalité rassurante d'une gente féminine, Les Proies cristallise autour de sa victime un piège machiavélique d'une intensité exponentielle. Une guerre des sexes jusqu'au-boutiste mais inégale (l'élément perturbateur s'avérant seul contre tous !) lorsque l'inconfiance puis la trahison vont nous être dévoilés sous le témoignage féminin. Illustrant avec subtilité les thèmes universels du désir amoureux et de l'éveil sexuel, de la jalousie et de la possessivité, de l'infidélité et de la manipulation au sein du couple, l'intrigue y extrait une étude scrupuleuse sur nos pulsions de haine et de rancoeur lorsque la passion eut été préalablement bâtie sur le simulacre. La descente aux enfers qu'endurera Burney n'étant que les conséquences de ses stratégies de séduction conçues pour l'enjeu de sa survie, l'instinct d'aguicheur et le profit de la luxure. Jeu de duperie et de séduction auquel de jeunes internes s'adonnent à leurs pulsions sexuelles avant de se laisser soustraire par la rancune de leur échec, Don Siegel renforce le caractère malsain de cette situation de crise (tous les témoins étant notamment victimes de leur déchéance lubrique !) en effleurant les tabous de l'inceste (l'ancienne relation partagée entre la directrice et son frère), de la pédophilie (McBurney ose séduire une fillette de 12 ans après l'avoir embrassé sur la bouche !) et de l'esclavage (le passé galvaudé de la domestique avant l'acte d'un viol). De ces rapports toujours plus tendus de tromperie et d'exclusivité amoureuse émanent une implacable vendetta au parfum de souffre vertigineux dans la cohésion meurtrière.


Sous l'impulsion de séductrices habitées par la fougue amoureuse et la revanche véreuse au mépris d'un Clint Eastwood inopinément perfide, Les Proies transcende le drame psychologique avec une intensité horrifique aussi éprouvante que malsaine. Don Siegel laissant extraire les bas instincts de cette confrérie féminine influencée par une dynamique de groupe contestataire. 

Bruno Matéï
4èx

lundi 29 juin 2015

MESSIAH OF EVIL (le messie du mal)

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site rarehorror.com 

de Willard Huyck et Gloria Katz. 1971. U.S.A. 1h30. Avec Marianna Hill, Michael Greer, Anitra Ford, Joy Bang, Elisha Cook Jr, Royal Dano.

FILMOGRAPHIE: Willard Huyck est un réalisateur, scénariste producteur et acteur américain, né le 8 Septembre 1945 à Los Angeles, Californie, U.S.A. 1971: Messiah of Evil. 1979: French Postcards. 1984: Une Défense Canon. 1986: Howard le canard. Gloria Katz est une réalisatrice, productrice et actrice américaine, née le 25 Octobre 1942 à Los Angeles, Californie, U.S.A. 1971: Messiah of Evil.


Inédit en salles en France, Messiah of Evil est enfin exhumé de l'oubli grâce à l'étendard Artus Films ayant eu l'aubaine de l'éditer en Dvd en 2010. Film culte au sens étymologique du terme alors qu'il s'agit à la base d'une oeuvre de commande, cette série B au budget dérisoire tire parti de son pouvoir de fascination grâce à son ambiance crépusculaire particulièrement éthérée et grâce à la posture mutique d'antagonistes cannibales. Après avoir été alerté par une lettre, Arletty part rejoindre son père, artiste peintre, au sein du village de Point Dune. Sur place, elle constate chez lui son absence mais se retrouve rapidement interloquée par l'intrusion d'un trio d'individus aux motivations suspicieuses. Dans la ville, les évènements inquiétants se déchaînent au rythme d'exactions cannibales de citadins contaminés par un étrange mal. Ovni indépendant alliant le cinéma d'auteur et le film d'exploitation, Messahiah of Evil frappe d'emblée le spectateur de par son esthétisme baroque, les teintes dominantes de rouge et de bleu nous rappelant les fulgurances stylisées d'un certain Mario Bava.


Tourné en Techniscope (le parent pauvre du cinémascope nous évoquera Alain Petit dans le bonus Dvd d'Artus !) avec des comédiens pour la plupart méconnus (si on excepte l'héroïne et deux illustres apparitions secondaires); Messiah of Evil aborde une intrigue insolite assez déroutante auprès de l'errance nocturne de protagonistes en phase de questionnements. Celle de retrouver la trace d'un artiste peintre impliqué dans un fléau de grande ampleur et celle de saisir les aboutissants d'une communauté occulte de partisans se regroupant autour d'une plage pour escompter la venue d'un oracle un soir de lune rouge. Tout le film se focalisant sur les va-et-vient récurrents d'Arletty et de ses compagnons égarés dans une bourgade fantôme, quand bien même les rares habitants qui y résident sont atteints d'une étrange contamination depuis la prophétie d'un pasteur s'étant juré de revenir imposer sa malédiction tous les 100 ans. Avec une volonté d'égarer le spectateur à l'instar du fantasme irrationnel, Willard Huyck et Gloria Katz multiplie les séquences insolites par l'entremise d'un parti-pris pictural, poétique et atmosphérique. De par les décors baroques d'un design d'ameublement où des personnages politiques sont peints sur les murs, et l'atmosphère anxiogène irriguant les pores d'une plage ou du centre urbain. En prime, son rythme languissant et le comportement volontairement incohérent des personnages renforcent le propos du réalisateur délibéré à expérimenter une ambiance hermétique derrière l'ombre planante de Carnival of Souls !


Soutenu d'une envoûtante partition électro rappelant l'acoustique d'un Carpenter, Messiah of Evil se décline en plongée fantasmagorique de par le parcours indécis que l'héroïne arpente sous l'autorité indolente de fantômes inscrits dans l'aigreur (ils versent des larmes de sang à travers leur condition contagieuse). Rehaussé de la présence magnétique de la troublante Marianna Hill (l'Homme des hautes plaines, Le Parrain 2), cette expérience avec l'étrange puise sa densité et son impact émotionnel dans sa création formelle d'un univers cauchemardesque résolument tangible. 

Bruno Matéï
2èx
29.06.15
21.09.10 (222 vues)

vendredi 26 juin 2015

PENSIONE PAURA

                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au blog l'antredel'horreur

de Francesco Barilli. 1977. Italie/Espagne. 1h32. Avec Luc Merenda, Leonora Fani, Francisco Rabal, Jole Fierro, José Maria Prada, Lidia Biondi, Maximo Valverde, Wolfango Soldati.

FILMOGRAPHIEFrancesco Barilli est un acteur, réalisateur et scénariste italien, né à Parme en 1943 (Italie). Comme réalisateur: 1968 : Nardino sul Po, 1974 : Il Profumo della signora in nero1977 : Pensione paura1987 : Cinecittà 50, 1991 : Le Dimanche de préférence,1997 : Casa Barilli (vidéo),1998 : Erberto Carboni (vidéo),2000 : Giuseppe Verdi (vidéo), 2002 : Giorni da Leone (feuilleton TV), 2005 : Il Palazzo ducale e il Bertoja a Parma (vidéo).
Comme scénariste: 1972 : Qui l'a vue mourir ? (Chi l'ha vista morire?), 1972 : Au pays de l'exorcisme, 1974 : Il Profumo della signora in nero, 1977 : Pensione paura, 2002 : Giorni da Leone (feuilleton TV).

                                         

Drame psychologique à la croisée du giallo et du polar, Pensione Paura s'avère un ovni délicieusement insolite dans la galerie impartie à ces seconds-rôles rustres ne songeant la plupart du temps qu'à forniquer au sein d'un hôtel lugubre, quand bien même un mystérieux tueur rode aux alentours. A la fin de la seconde guerre mondiale, la jeune Rosa attend impatiemment l'arrivée de son père parti au front depuis des années. Gérante d'un hôtel avec l'appui de sa mère, elle est contrainte de tolérer une clientèle peu recommandable dans leur goût pour la luxure et le voyeurisme. Alors que la mère de Rosa planque un amant dans un placard, cette dernière est retrouvée morte en bas de l'escalier, la nuque brisée. Livrée à elle même malgré la bonhomie sournoise du jules, la jeune fille se confronte aux provocations lubriques de sa clientèle. En particulier, un machiste ne cessant de la harceler avant de daigner dérober les diamants de sa vieille maîtresse. 


Trois ans après le Parfum de la dame en noir, superbe introspection psychanalytique d'un trauma infantile, Francesco Barilli renoue avec le même thème dans ce drame schizophrène pour mettre en exergue le portrait fragile d'une adolescente livrée à une inépuisable inquiétude depuis la mort de sa mère et l'absence paternelle. Métaphore sur le fascisme dans le profil alloué à une clientèle vile, collabo et expéditive, poème sur l'incapacité d'assumer le deuil et sur la perte de l'innocence, initiation à la maturité et à l'éveil sexuel, Pensione Paura se pare d'une aura singulière pour traiter ses thèmes sous l'impulsion d'une adolescente prise à parti avec l'arrogance d'une salace clientèle. Principalement un gigolo obsédé sexuel capable d'en déflorer l'innocence, quand bien même deux gangsters viennent s'inviter dans l'établissement dans le but de dérober les diamants d'une rombière parmi sa complicité. Immersif en diable, de par son atmosphère ensorcelante régie au sein d'un hôtel baroque (notamment l'aspect expressionniste des extérieurs rappelant l'architecture picturale de la Maison aux Fenêtres qui rient !), et l'interprétation incandescente de Leonora Fani (l'expression de sa pudeur crève l'écran à chacune de ses apparitions !), l'intrigue hermétique ne cesse de bousculer les habitudes du spectateurs impliqué dans une énigme criminelle assez nébuleuse, à l'instar de la posture extravagante de chacun des protagonistes. Entre film auteurisant et thriller horrifique, Francesco Barilli parvient à consolider ces éléments contradictoires par le biais d'une structure narrative fortuite et d'un lot de rebondissements à la limite du grotesque ! Mais sans toutefois verser dans le ridicule, et grâce à la présence angélique de Leonara Fani, le film ne cesse d'irriguer un pouvoir de fascination dans la déambulation fantasmagorique de l'héroïne sur le fil du rasoir (Alice n'est pas loin !). Le comportement incohérent, déficient ou excentrique des témoins de l'hôtel renforçant l'aspect indicible d'un climat diaphane irrésistiblement magnétique où perversion, débauche et voyeurisme font bon ménage.


Alice et les songes de la perversion 
Soutenu par la partition gracile de Adolfo Waitzman et par l'aplomb d'une galerie de comédiens inscrits dans une dépravation insidieuse, Pensione Paura décuple son pouvoir d'envoûtement sous l'impulsion traumatique d'une adolescente livrée à leur déchéance sexuelle. Il en émane un magnifique drame sur le trouble identitaire où l'ombre du Giallo titille l'intérêt du spectateur parmi l'alchimie ambitieuse d'un auteur féru d'ambiance ésotérique (avec l'appui contraire d'un environnement naturel onirique) et de réalisme cru (la scène de viol et les corps dénudés sont filmés sans tabou et les meurtres transmettent une violence morbide). A découvrir d'urgence du fait de sa rareté car il s'agit d'une relique transalpine peu reconnue !  

Remerciement à la Caverne des Introuvables.

Bruno Matéï
26.06.15
09.05.11 (376 vues)

jeudi 25 juin 2015

Les Jours et les Nuits de China Blue / Crimes of Passion

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

de Ken Russel. 1984. U.S.A. 1h46. Avec Kathleen Turner, Bruce Davison, Gordon Hunt, Dan Gerrity, Anthony Perkins, Terry Hoyos, Annie Potts, John Laughlin, John G. Scanlon, Janice Renney, Stephen Lee...

Sortie salles France: 19 juin 1985. U.S.A: 19 octobre 1984

FILMOGRAPHIE: Ken Russell est un réalisateur, scénariste, acteur, producteur, monteur et directeur de la photographie britannique né le 3 juillet 1927 à Southampton. 1967 : Un cerveau d'un milliard de dollars, 1969 : Love , 1970 : The Music Lovers, 1971 : Les Diables, 1971 : The Boy Friend, 1972 : Savage Messiah essiah, 1974 : Mahler, 1975 : Tommy, 1975 : Lisztomania,
1977 : Valentino, 1980 : Au-delà du réel, 1984: Les Jours et les nuits de China Blue.1986 : Gothic, 1988 : Salome's Last Dance , 1988 : Le Repaire du ver blanc ,1989 : The Rainbow ,1991 : La Putain, 2002 : The Fall of the Louse of Usher, 2006 : Trapped Ashes segment "The Girl with Golden Breasts".


Délire inclassable d'une exubérance psychotique par son érotisme outré, une oeuvre flamboyante sur la passion du désir et la quête éperdue de l'assouvissement sexuel !

Quatre ans après son trip métaphysique Au dela du réel, le sorcier fou Ken Russel continue de surfer sur la provocation avec Les jours et les Nuits de China Blue, drame psychanalytique où l'érotisme torride se mêle à une flamboyance sadomaso. Réunissant à l'écran deux illustres comédiens au parcours distinct (Anthony Perkins et Kathleen Turner s'opposant ici dans une guerres des sexes jusqu'au-boutiste !), le cinéaste aborde les thèmes de l'intégrisme, du refoulement et de la frustration sexuelle pour mettre en exergue les rapports équivoques de personnages en quête de rédemption amoureuse. Le PitchBobby Grady est un détective fuyant sa vie conjugale depuis sa frustration avec son épouse asexuée. C'est dans les bras de China Blue qu'il tente de trouver réconfort, une prostituée comblant sans retenue les fantasmes de sa gente masculine. Or, sous son apparence charnelle et sulfureuse, China Blue occupe le jour un poste de stylisme sous le patronyme de Joanna Crane. Bobby tente en désespoir de cause de la courtiser malgré le harcèlement d'un pasteur désaxé, délibéré à repentir la vie débauchée de China.  Provocateur en diable spécialiste des ambiances baroques et débridées où l'aura malsaine s'y dilue de manière reptilienne (les Diables), Ken Russel cultive ici un goût pour l'ironie dérangeante afin de dépeindre la frustration sexuelle au sein du couple. Particulièrement du point de vue investigateur de Donny Hopper en quête éperdue de désir sexuel depuis que sa femme frigide se noie dans la désillusion. Pour évoquer la déréliction du célibat et la crainte d'aimer et d'être aimé, Ken Russel brosse à travers le personnage ambivalent de China Blue un magnifique portrait de femme contrainte d'endosser la défroque d'une prostituée pour assouvir ses pulsions fantasmatiques, et par la même occasion, se venger du machisme de l'homme lors de séances de sadomasochisme. 


Bafouée par des années de déception amoureuse et faute d'un passé incestueux, elle se répugne à amorcer une relation sentimentale durable avec un amant par peur de routine et de tourment. Or, en guise d'expiation métaphorique, un prêtre psychotique s'incruste dans son quotidien salace afin de la repentir et apaiser son propre refoulement à travers son refus d'accomplir ses pulsions sexuelles. Et donc, auprès des thèmes de la perversion, de la débauche et du désir, Ken Russel dresse le constat d'échec d'une détresse humaine s'isolant dans la sexualité de consommation afin d'anesthésier leur frustration. Dans sa fonction schizophrène de prostituée en perdition, Kathleen Turner se porte garante avec une spontanéité impétueuse et un sens de provocation qui laisse pantois ! Lascive, sexy, dominatrice, effrontée car provocatrice en diable, elle magnétise l'écran parmi l'audace de ses loisirs lubriques et avec la complicité masculine d'une clientèle infortunée. En tenue d'Eve et de jarretelles compromise aux excès en tous genres, l'actrice s'avère d'ailleurs vaillante d'avoir accepté un rôle aussi subversif alors qu'elle venait de triompher sur les écrans dans l'aventure familiale A la poursuite du diamant vert. Dans son dernier grand rôle, Anthony Perkins  lui partage la vedette dans une posture extravagante de pasteur intégriste obsédé par le pêché de la luxure ! Il faut le voir accourir avec son godemiché afin de tourmenter China Blue et lui énoncer d'innombrables versets religieux à l'idéologie prohibitive. D'autre part, durant son parcours psychotique en chute libre on peut également évoquer l'ironie sardonique de son final oppressant pour le rapport du double entretenu avec China Blue alors que Ken Russel se permet d'offrir un clin d'oeil au célèbre  Psychose dans la composante du travestissement.


Soutenu d'une partition dissonante électrisante, Les Jours et les nuits de China Blue invoque le délire visuel baroque autant qu'une tendresse affligée pour cette satire féministe impartie à la sexualité névrosée et à l'assouvissement du couple. Par le biais de ses personnages frustrés, refoulés, schizos et psychotiques, le réalisateur transcende un poème sulfureux sur la passion du désir, l'acceptation de l'échec et la rédemption amoureuse (vecteurs indissociables pour l'harmonie conjugale) quand bien même Kathleen Turner et Anthony Perkins se disputent l'autorité dans un anthologique rapport destructeur de discorde misogyne. 

*Bruno
19.01.23. 5èx
25.06.15. 4èx
18.02.11 (594 vues)

Note: LAFCA Award de la meilleure actrice pour Kathleen Turner au Los Angeles Film Critics Association Awards.
  

mardi 23 juin 2015

LE LOUP-GAROU DE LONDRES. Oscar des Meilleurs Maquillages, 1982.

                                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site joblo.com

"An American werewolf in London" de John Landis. 1981. U.S.A. 1h37. Avec David Naughton, Jenny Agutter, Griffin Dunne, John Woodvine, Don McKillop, Paul Kember.

Sortie salles France: 4 Novembre 1981. U.S: 21 Août 1981

FILMOGRAPHIE: John Landis est un réalisateur, acteur, scénariste et producteur américain, né le 3 Août 1950 à Chicago (Illinois, Etats-Unis).
1973: Schlock. 1977: Hamburger Film Sandwich. 1978: American College. 1980: The Blues Brothers. 1981: Le Loup-garou de Londres. 1983: Un Fauteuil pour deux. 1983: La Quatrième Dimension. 1985: Série noire pour une nuit blanche. 1985: Drôles d'espions. 1986: Trois amigos ! 1986: Cheeseburger film sandwich. 1988: Un Prince à New-York. 1991: l'Embrouille est dans le sac. 1992:Innocent Blood. 1994: Le Flic de Beverly Hills 3. 1996: Les Stupides. 1998: Blues Brothers 2000. 1998: Susan a un plan. 2010: Cadavres à la pelle.


Sorti aux Etats-Unis quatre mois après la sortie du tout aussi novateur Hurlements, Le Loup-Garou de Londres révolutionna le genre horrifique grâce en priorité à une séquence de transformation restée inégalée depuis le talent perfectionniste de Rick Barker. Couronné d'un Oscar pour la rigueur de ses effets-spéciaux, ce moment d'anthologie au réalisme saisissant s'avère d'une intensité émotionnelle proprement hypnotique. John Landis filmant au plus près des parties corporelles cette dégénérescence monstrueuse en insistant notamment sur l'impuissance de la victime hurlant sa détresse de ne pouvoir résister à la mutation ! Et à ce niveau, on peut autant saluer le jeu viscéral de David Naughton affligé par la sueur et les larmes pour contempler avec stupeur horrifiée sa déchéance animale ! En parvenant à agencer la comédie et l'horreur, John Landis accomplit le tour de force d'amuser (les facéties espiègles du héros retrouvé nu dans un quartier zoologique de Londres) et de nous terrifier (l'incroyable balade nocturne que nos deux touristes arpentent prudemment dans la campagne brumeuse des Landes) malgré le classicisme de son intrigue centrée sur une malédiction lycanthropique. 


Avec une efficacité imparable dans sa charpente narrative et une maîtrise assidue en terme de réalisation, John Landis réexploite le mythe du loup-garou dans le contexte contemporain d'un Londres hanté par les anciennes traditions. Reprenant les clichés usuels au genre, il parvient donc à renouveler le thème grâce au judicieux dosage réalisme horrifique (meurtres particulièrement sauvages) et fantaisie extravagante (sens burlesque du gag inventif), à point tel que rarement un film dit d'horreur n'aura su aussi bien combiner le brassage des genres. Qui plus est, outre la fonction en roue libre des seconds-rôles pleins de charisme dans leur témoignage ubuesque (le couple d'enquêteurs en perpétuelle discorde), apeuré (toute la clientèle de l'auberge) ou au contraire prévenant (Griffin Dunne endossant la posture putrescente du zombie altruiste, John Woodvine campant avec autorité un patricien loyal) le Loup-garou de Londres n'oublie pas de provoquer l'empathie parmi le couple David Naughton (féru de ferveur spontanée !), Jenny Agutter (succulente de sensualité timorée !). Notamment la condition torturée impartie à David puisque harcelé par son acolyte d'outre-tombe de devoir se plier au suicide salvateur au moment même où il s'éprend d'une jeune infirmière. Enfin, par l'entremise iconique du zombie tourné ici en mode parodique, John Landis parvient encore à détourner le concept canonique du loup-garou avec inventivité (les morts reviennent à la vie tant que la malédiction n'est pas levée !) et sens burlesque payant, quand bien même son point d'orgue catastrophique nous laisse les mains moites par son intensité cuisante !


Multipliant avec générosité les séquences d'anthologie au rythme d'une BO tantôt entraînante, tantôt envoûtante,(les rêves cauchemardesques de David prenant pas sur la réalité de son quotidien, l'exhibition au parc zoologique, la poursuite dans les sous-sols du métro, la panique urbaine empruntée au mode catastrophe et la fameuse transformation animale) Le Loup-Garou de Londres a réussi à renouveler le genre pour s'imposer comme la quintessence moderne du film de loup-garou que seul son homologue Hurlements est parvenu à émuler. 

La Chronique de Hurlements: http://brunomatei.blogspot.fr/2012/…/hurlements-howling.html

Bruno Matéï
6èx

lundi 22 juin 2015

FRISSONS D'HORREUR

                                                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com

"Macchie Solari/Autopsy" de Armando Crispino. 1975. Italie. 1h40. Avec Mimsy Farmer, Barry Primus, Ray Lovelock, Carlo Cattaneo, Angela Goodwin, Gaby Wagner, Massimo Serato, Ernesto Colli.

Sortie salles France: 3 Octobre 1979

FILMOGRAPHIEArmando Crispino est un réalisateur et scénariste italien, né le 18 Octobre 1924 à Biella, Italie, décédé le 6 Octobre 2003 à Rome.
1966: Le Piacevoli notti. 1967: Johnny le bâtard. 1968: Commandos. 1970: Faccia da Schiaffi. 1972: L'Etrusco uccide ancora. 1974: La Badessa di Castro. 1975: Frissons d'Horreur. 1975: Plus moche que Frankenstein tu meurs.


Thriller un peu trop méconnu à mon sens malgré une certaine renommée auprès des cinéphiles, Frissons d'Horreur s'engage dans la voie du thriller (je préfère éluder le terme Giallo tant l'ensemble s'avère hétérodoxe !) avec assez d'efficacité et de subversion pour retenir en haleine le spectateur jusqu'à la révélation du coupable. Depuis une vague de suicides perpétrés sous un climat solaire irrespirable, une doctoresse est hantée par d'horribles hallucinations ! Les cadavres fraîchement débarqués de sa morgue revenant à la vie pour la lutiner ! Au même moment, des proches de son entourage disparaissent mystérieusement pour laisser sous-entendre le sacrifice du suicide. Avec l'aide d'un curé, Simona tente maladroitement de démystifier cette affaire morbide ! 


Découvert par les amateurs en location Vhs au prémices des années 80, Frissons d'Horreur engendre une aura particulière au sein du thriller transalpin, de par son goût pour les visions morbides de cadavres nus gouailleurs et de sinistres mannequins exposés dans un musée des horreurs. Ajoutez à cela une connotation sexuelle prégnante dans le désarroi psychologique d'une héroïne en perte de sens lubrique et vous obtenez une sorte d'ovni au vitriol où plane un soupçon de nécrophilie. En alliant les meurtres en série d'un mystérieux assassin avec les suicides de quidams en détresse influencés par un climat tropical, Armando Crispino façonne une ambiance d'étrangeté magnétique que la posture équivoque de chacun des personnages va accentuer dans leur névrose interne. A l'instar de ce curé irascible à peine remis de sa convalescence psychiatrique et de Simona, femme médecin plongée dans la déficience mentale depuis la disparition inexpliquée de ses proches et depuis une volonté de lui nuire par la déraison. Par l'entremise d'une sombre conjuration où suspects et faux coupables font bon ménage, le cinéaste réussit à implanter un suspense graduel en dépit d'une intrigue indécise. Notamment dans la déstructuration du scénario et du montage elliptique et dans l'incohérence de certains protagonistes (volontairement outranciers ou au contraire mutiques). On ne manquera pas d'ailleurs de souligner également le caractère inopinément psychotique de certaines confrontations musclées (Simona s'en prenant brutalement à l'un de ses adjoints après une tentative de viol, le curé s'égosillant avec les poings à résonner un voisin de palier !) ajoutant à l'ensemble une atmosphère paranoïaque. Outre la présence charnelle et dénudée d'une Mimsy Farmer pleine d'intensité érotique et le charisme inquiétant des seconds-rôles masculins, le film se permet en outre de s'épauler d'une partition musicale mélancolique composée par l'illustre Ennio Morricone.


Tour à tour glauque et étrange, déroutant et décousu, Frissons d'Horreur pâti d'un manque de maîtrise dans l'ossature du scénario sporadique mais déborde d'audace à distiller un climat interlope où se mêlent sans complexe sexualité et déviances macabres. Une curiosité détonante donc rehaussée d'un suspense fructueux quant à l'identité du véritable assassin, quand bien même ses défauts précités ajoutent finalement un charme vénéneux au thriller transalpin ! 

Bruno Matéï
3èx

vendredi 19 juin 2015

FRERE DE SANG

                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site discreetcharmsandobscureobjects.blogspot.co

"Basket Case" de Frank Henenlotter. 1982. U.S.A. 1h35. Avec Kevin Van Hentenryck, Terri Susan Smith, Beverly Bonner, Robert Vogel, Diana Browne, Lloyd Pace.

Sortie salles U.S: Avril 1982

FILMOGRAPHIE: Frank Henenlotter est un réalisateur américain de films d'horreur né le 29 août 1950 à New-York. 1982: Frères de sang. 1988: Elmer, le remue-méninges. 1990: Frères de sang 2. 1990: Frankenhooker. 1992: Frères de Sang 3. 2008: Sex Addict.


Ovni culte des années 80 célébré dans les vidéos-clubs en vogue, Frère de Sang fut également la révélation du cinéaste underground Frank Henenlotter, petit maître de la provocation et du mauvais goût dans sa conception d'une improbable amitié morbide entre deux frères siamois. A la croisée d'Elephant Man pour sa plaidoirie sur le droit à la différence et des films gores d'Herschell Gordon Lewis pour son outrance démesurée, Frère de Sang réussit l'exploit de communier drôlerie, horreur et dramaturgie par le biais d'exactions vindicatives de Duane et Belial . Après avoir été séparés par des chirurgiens sans scrupule sous l'allégeance d'un père réfutant la monstruosité d'une progéniture siamoise, Duane réussit in extremis à sauver de la mort son frère difforme. L'ayant recueilli dans une poubelle après l'opération, Duane part se réfugier chez sa tante afin de le protéger des badauds et assassins. Quelques années plus tard, les deux frères décident d'accomplir une vengeance méthodique pour châtier les responsables de leur séparation. 


Tourné avec les moyens du bord dans les bas-fonds sinistrés de New-york et en toute illégalité, incarnée par des comédiens amateurs surjouant sans complexe leur prestance extravagante, Frère de sang transpire la série B bisseuse, notamment par le biais d'une photo aussi blafarde que granuleuse. Récit horrifique principalement dédié au gore révulsif et à l'humour sardonique, Frères de sang se complaît à émailler l'intrigue de séquences-chocs redoutablement percutantes (bande-son stridente à l'appui !), tout en parodiant en toile de fond la posture dégénérée d'une foule de marginaux reclus dans un hôtel sordide. Cadre d'aménagement précaire auquel Duane et Belial s'y sont réfugiés le temps de parfaire leur besogne punitive. De par son réalisme crapuleux où les gerbes de sang sont auscultées en gros plan et l'intensité des exactions cruelles d'une créature s'égosillant à tout va sa cruelle condition, Frères de Sang oppose horreur et émotion avec une surprenante empathie. A l'instar de ce flash-back remémorant la tragédie familiale des frères siamois et leur infaillible tendresse impartie l'un pour l'autre. Dans le reflet de sa haine meurtrière et par la détresse de son regard habité par la rancoeur de l'injustice, Belial s'avère le véritable pilier émotif, quand bien même la modestie adroite des effets spéciaux parviennent à le crédibiliser dans sa mobilité étriquée et dégingandée. Outre l'aspect spectaculaire des séquences chocs souvent impressionnantes, les ressorts dramatiques impartis à la jalousie possessive de Belial n'hésitent pas à verser dans la cruauté pour les rapports de divergence (et télépathiques !) entrepris avec son frère depuis une liaison amoureuse entamée avec une réceptionniste.


Ultra gore, glauque et malsain, drôle, tendre et émouvant, Frères de Sang idéalise l'objet culte de déviance pour l'effronterie du scénario débridé alliant éclairs de violence et bouffées de tendresse parmi l'amour impossible de deux frères infortunés. Du gore underground aussi trash qu'incroyablement dégénéré ! 

Bruno Matéï
6èx