mardi 30 juin 2015

Les Proies / The Beguiled

                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site northwestchicagofilmsociety.org

de Don Siegel. 1971. U.S.A. 1h44. Avec Clint Eastwood, Geraldine Page, Elizabeth Hartman, Jo Ann Harris, Darleen Carr, Mae Mercer.

Sortie salles France: 18 Août 1971. U.S: 31 Mars 1971

FILMOGRAPHIE: Don Siegel (Donald Siegel) est un réalisateur et producteur américain, né le 26 Octobre 1912 à Chicago en Illinois, décédé le 20 Avril 1991 à Nipoma, en Californie.
1956: l'Invasion des Profanateurs de Sépultures. 1962: l'Enfer est pour les Héros. 1964: A bout portant. 1968: Police sur la ville. 1968: Un Shérif à New-York. 1970: Sierra Torride. 1971: Les Proies. 1971: l'Inspecteur Harry. 1973: Tuez Charley Varrick ! 1974: Contre une poignée de diamants. 1976: Le Dernier des Géants. 1977: Un Espion de trop. 1979: l'Evadé d'Alcatraz. 1980: Le Lion sort ses griffes. 1982: Jinxed.

  
"Clint Eastwood dans la toile : quand la luxure mène au supplice".
Sorti la même année que L'Inspecteur Harry, fer de lance du film d'auto-défense, Les Proies emprunte un chemin plus intimiste : celui du drame psychologique teinté d’un suspense vénéneux, explorant les rapports de force entre une ligue féminine recluse et un soldat nordiste. Grièvement blessé, le caporal McBurney est recueilli au sein d’un pensionnat sudiste que la rigide Martha Farnsworth dirige d’une main ferme, malgré les tensions de la guerre. Pour survivre — et espérer fuir — le blessé s’adonne à la séduction, jouant de ses charmes auprès de plusieurs pensionnaires durant la convalescence de sa jambe estropiée. Mais la jalousie latente de la directrice et de deux internes attise bientôt des passions meurtrières au sein d’une rivalité sexuelle et viciée.

En dépit de ses affiches — française comme américaine — qui promettent un western classique, Les Proies détourne les conventions du genre pour glisser vers un huis clos trouble, où le malaise suinte à chaque regard. Isolé au cœur de cette sororité confinée, McBurney devient lentement l’objet d’un piège dont la tension monte en spirale. Guerre des sexes inégale (l’élément perturbateur est ici seul contre toutes), le film dévoile, à travers le regard féminin, la montée d’une défiance sourde, puis d’une trahison foudroyante. Don Siegel y explore avec une finesse venimeuse les thèmes du désir et de l’éveil sexuel, de la jalousie et de la possession, de l’infidélité et de la manipulation — autant de passions fondées sur l’illusion, et condamnées à dégénérer. La descente aux enfers de McBurney devient alors la juste conséquence d’une stratégie de survie fondée sur la flatterie, la luxure, l’avidité sensuelle.


Dans ce jeu de séduction et de duperie, où les jeunes pensionnaires, victimes et prédatrices, libèrent leurs pulsions avant de s’effondrer sous le poids de la rancune, Siegel insuffle un malaise persistant. Tous ici sont marqués par une chute morale : le passé incestueux de Martha avec son frère, la tentative de séduction d’une fillette de 12 ans par McBurney (qu’il embrasse sur la bouche !), l’esclavage et le viol tapis dans le passé de la domestique… Autant de failles qui nourrissent une vendetta sanglante, irrespirable, où l’amour trahi devient poison, et la tendresse, arme blanche.

"Le soldat et la meute : chronique d’un massacre sensuel".
 Porté par un Clint Eastwood imprévu dans ce rôle de charmeur piégé par son propre venin, Les Proies transcende le simple drame psychologique pour flirter avec l’horreur psychique. Don Siegel laisse remonter à la surface les instincts les plus sombres d’un groupe féminin en ébullition, habité par la vengeance, la jalousie et le désir de justice sauvage. Un film incandescent, asphyxiant, qui gratte la plaie jusqu’à l’os.

Bruno
4èx

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