mercredi 30 août 2023

Le Dernier voyage du Demeter / The Last Voyage of the Demeter

                                            
                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com
 
de André Øvredal. 2023. U.S.A. 1h58. Avec Corey Hawkins Aisling Franciosi Liam Cunningham, David Dastmalchian, Javier Botet, Woody Norman, Jon Jon Briones. 

Sortie salles France: 23 Août 2023

FILMOGRAPHIE: André Øvredal est un scénariste, producteur et réalisateur norvégien né en 1973. 2000: Future Murder. 2004: Bushmann. 2010: The Troll Hunter. 2016 : The Jane Doe Identity (The Autopsy of Jane Doe). 2019 : Scary Stories (Scary Stories to Tell in the Dark). 2020 : Mortal (Torden). 2023 : The Last Voyage of the Demeter. 

En dépit d'une mise en place laborieuse durant 30 bonnes minutes conventionnelles par son vain suspense, Le Dernier voyage du Demeter est un excellent exercice de style tirant parti de sa fascination morbide en la présence d'une des plus belles créatures du cinéma selon mon jugement de valeur. Carrément oui j'ose le dire. Si bien qu'ici on songe clairement à Max Schreck immortalisé dans Nosferatu de Murnau tant le réalisateur s'en inspire clairement pour sa morphologie à la fois décharnée, pernicieuse, fétide, cadavérique, avec en prime une vélocité carnassière sans égale. La plupart des séquences horrifiques demeurant aussi impressionnantes que magnifiques afin de nous marteler les mirettes. Tant auprès de sa cruauté requise (n'importe qui sans exception peut trépasser à tous moments) que du savoir-faire technique des effets numériques auquel on se laisse facilement berner notamment grâce à sa réalisation scrupuleuse puisque fignolant au possible, qui plus est auprès d'éclairages souvent nocturnes, les attaques agressives redoutablement cinglantes. 

 
 
Pour autant, le Dernier voyage de Demeter est hélas loin de rivaliser avec les chefs-d'oeuvre du genre de par son intensité pas si épeurante que cela par moments tout comme la frayeur escomptée assez timorée selon ma propre sensibilité. Or, formellement splendide et fascinant de nous projeter en pleine mer sur un bateau agité par la tempête, la pluie diluvienne et les mises à mort, plusieurs séquences d'une poésie épurée nous laisse pantois d'admiration tant le cinéaste semble amoureux de sa scénographie maritime parmi la présence d'une créature sournoise constamment tapie dans l'ombre mais prête à tous moments à passer à l'exaction pour se nourrir de sang humain comme le veut la tradition vampirique. Une excellente série B donc, sans doute perfectible, et auquel il manque un jeu ne sais quoi pour nous combler, notamment faute d'une narration éculée pour autant assez efficace afin que l'ennui ne pointe le bout de son nez. A découvrir surtout pour le charisme de sa créature démoniale supra convaincante et la facture assez atmosphérique de son huis-clos maritime qui plus est transfiguré d'une photo bleutée envoûtante. Quant aux acteurs communément sentencieux et contrariés, ils parviennent sobrement à exprimer leur appréhension du trépas avec assez de charisme pour s'inquiéter de leur sort inévitablement précaire. Et puis d'offrir le rôle du héros à un noir me semble à propos en dépit des réfractaires vociférant à tout va au wokisme standard.

*Bruno

mardi 29 août 2023

Indiana Jones et le Cadran de la Destinée / Indiana Jones and the Dial of Destiny

                                               
                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com
 
de James Mangold. 2023. U.S.A. 2h34. Avec Harrison Ford, Phoebe Waller-Bridge, Mads Mikkelsen, John Rhys-Davies, Thomas Kretschmann, Boyd Holbrook, Shaunette Renée Wilson, Toby Jones, Antonio Banderas

Sortie salles France: 28 Juin 2023. U.S: 30 Juin 2023

FILMOGRAPHIE: James Mangold est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain né le 16 décembre 1963 à New York, dans l'État de New York, aux États-Unis. 1995 : Heavy. 1997 : Copland. 1999 : Une vie volée. 2001 : Kate et Léopold. 2003 : Identity. 2005 : Walk the Line. 2007 : 3 h 10 pour Yuma. 2010 : Night and Day. 2013 : Wolverine : Le Combat de l'immortel. 2017 : Logan. 2019 : Le Mans 66. 2023: Indiana Jones et le Cadran de la Destinée. 

Enorme surprise que ce 5è opus des aventures d'Indy ayant marqué de son empreinte la génération 80 si bien qu'Indiana Jones et le Cadran de la Destinée est un miracle inespéré alors que je redoutais que le ridicule aurait pointé le bout de son nez en la présence sclérosée d'Harrison Ford du haut de ses 81 printemps. Que nenni, et même si bien évidemment il ne possède plus le même panache de ses glorieux exploits juvéniles (loin de là !), Harrison Ford parvient à rendre toujours aussi attachant, attractif, charismatique son héros notoire avec une ferme persuasion tant l'acteur s'investit corps et âme une ultime fois dans la peau de notre archéologue bondissant. Mais outre sa présence physique étonnamment solide pour un âge aussi handicapant, on est également surpris de la qualité des FX numériques lorsque le prologue nous le présente sous un âge contrairement fringant. Et même si on peut regretter quelques plans imberbes où l'on discerne la supercherie artificielle (lorsque par exemple il court sur le toit du train ou lorsqu'il chevauche à cheval lors des moments les plus couillus), on fonce tête baissée dans l'aventure sous l'impulsion d'un récit redoutablement efficace. Un schéma évidemment connu puisque reprenant les ingrédients de la trilogie initiale que les fans ne manqueront pas non plus de se remémorer à travers de nombreux clins d'oeil JAMAIS grossiers. Ainsi, profondément respectueux du matériau d'origine, pour ne pas dire amoureux de la franchise de Spielberg, James Mangold parvient à mon sens à réconcilier ancienne et nouvelle génération auprès de son rythme infernal auquel l'action résolument homérique nous coiffe au poteau avec un art consommé d'une maestria chorégraphiée.

Et ce sans JAMAIS verser dans une quelconque gratuité outrancière tant et si bien que l'action dégénérée reste au service du récit que nos personnages fringants et bondissants maintiennent avec une vélocité somme toute naturelle. On peut d'ailleurs oh combien saluer la présence sobrement affirmée de Phoebe Waller-Bridge, LA révélation du film tant l'actrice gentiment arrogante, cupide, dégage une force d'expression magnétique auprès de son oncle Indy participant communément à l'aventure avec une soif de conquête au trésor. Ce qui nous entrainera vers une conclusion hallucinée (pour ne pas trop spoiler) avec le sourire de gosse qui va avec, des étoiles pleins les mirettes. Quant à la dernière séquence toute en intimité j'ai personnellement fondu aux larmes par la brutalité de son effet de surprise que personne n'aura pu anticiper. Une séquence que je considère personnellement anthologique tant je n'ai pu maitriser mes sentiments fougueux face à pareille ................ Enfin, le jeune acteur Ethann Isidore n'est pas en reste pour se prêter au jeu du faire-valoir en ado fripon et débrouillard jamais chieur ou irritable puisque suscitant bien au contraire une présence plutôt posée en aventurier en herbe aussi investi que les adultes dans cette quette au trésor dépaysante nous menant aux 4 coins du monde. Seul petit reproche niveau acting, Mads Mikkelsen a perdu de sa force expressive en méchant nazi étonnamment discret à croire par moment qu'il ne se sent pas très à l'aise dans sa fonction sciemment caricaturale. Quand bien même Antonio Banderas passe en un coup de vent lors d'un périple en batelier de vieille connaissance.

Vous l'aurez compris, le VRAI retour d'Indy est cette fois-ci bien ancré dans notre réalité de cinéphile aguerri grâce aux talents mutuels de toute l'équipe (acteurs/technichiens/réal) d'une sincérité irréprochable à tenter de renouer avec l'aventure des premiers émois. Et cela fait un bien fou de se retrouver face à un spectacle à l'ancienne n'omettant jamais d'y affilier "à juste dose" humour, tendresse, action, émotions avec un souffle épique et romanesque parfois même bouleversant. Et pour clôturer ma dithyrambe, Indiana Jones et le cadran de la destinée est selon mon jugement de valeur du niveau de la trilogie de Spielberg. Et s'il ne l'atteint peut-être pas (diront les plus exigeants) il l'effleure à de nombreux égards. Et puis rien que pour l'émotion à la fois tendre et nostalgique ressentie pour l'acteur Harrison Ford, nullement ridicule ici, le spectacle à couper le souffle nous restera gravé comme un désarmant cadeau d'adieu.

P.S: n'ayez crainte de sa durée excessive, le temps n'existe plus.

*Bruno

lundi 28 août 2023

Le Sang du Châtiment / Rampage. Montage de 1992.

                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site  Imdb.com
 
de William Friedkin. 1987. U.S.A. 1h31 (montage de 92). Avec Michael Biehn, Alex McArthur, Nicholas Campbell, Deborah Van Valkenburg, John Harkins, Art LaFleur, Billy Green Bush.

Sortie salles France: 23 Novembre 1988. U.S: 30 Octobre 1992

FILMOGRAPHIE: William Friedkin est un réalisateur, scénariste et producteur de film américain, né le 29 août 1935 à Chicago (Illinois, États-Unis). Il débute sa carrière en 1967 avec une comédie musicale, Good Times. C'est en 1971 et 1973 qu'il connaîtra la consécration du public et de la critique avec French Connection et L'Exorciste, tous deux récompensés à la cérémonie des Oscars d'Hollywood. 1967: Good Times. 1968: l'Anniversaire. 1968: The Night they Raided Minsky's. 1970: Les Garçons de la bande. 1971: French Connection. 1973: l'Exorciste. 1977: Le Convoi de la peur. 1978: Têtes vides cherchent coffres pleins. 1980: The Cruising. 1983: Le Coup du Siècle. 1985: Police Fédérale Los Angeles. 1988: Le Sang du Châtiment. 1990: La Nurse. 1994: Blue Chips. 1995: Jade. 2000: l'Enfer du Devoir. 2003: Traqué. 2006: Bug. 2012: Killer Joe. 2023: The Caine Mutiny Court-Martial.
 

Dressant le glaçant portrait d'un tueur en série (Alex McArthur sidérant de flegme et de force tranquille derrière son sourire désarmant de naturel !) dans une facture documentée criante de vérité, le Sang du Châtiment est une oeuvre à la fois malsaine et malaisante nous questionnant sur la polémique de la peine de mort. Conjuguant suspense à l'ambiance un tantinet horrifique, drame psychologique pour l'attention accordée à la fragilité des victimes survivantes et à la remise en doute du procureur puis film de procès, le Sang du Châtiment demeure suffisamment passionnant, dense, sciemment ambigu à savoir si un tueur sadique est potentiellement fou ou sain d'esprit après avoir commis l'innommable. Sachant que s'il plaide la folie il pourrait un jour retrouver sa liberté après avoir purgé quelques années en centre psychiatrique. Et si le film laisse des traces dans l'encéphale c'est également grâce à son ambiance lourde, oppressante, déstabilisante, comme habitée par le Mal si j'ose dire et irriguant tout le récit parmi l'extrême maîtrise de la réalisation de Friedkin entièrement voué à ses personnages se remettant mutuellement en cause sur les valeurs du Bien et du Mal. Le score quasi dépressif d'Ennio Morricone renforçant ce sentiment insécure que l'on perçoit à travers son aura implicite de désespoir existentiel. Un film choc donc dont on ne sort pas indemne passée son amère conclusion dénuée d'illusion.

Ci-joint ma chronique de 2011
 
Définition: La peine de mort ou peine capitale est une peine prévue par la loi consistant à exécuter une personne ayant été reconnue coupable d'une faute qualifiée de « crime capital ». La sentence est prononcée par l'institution judiciaire à l'issue d'un procès.
La peine de mort aux États-Unis est appliquée au niveau fédéral et dans trente-cinq États fédérés sur cinquante que comptent le pays. Aujourd'hui, les États-Unis font partie du cercle restreint des démocraties libérales qui appliquent la peine de mort.
La peine de mort est diversement considérée selon les époques et les régions géographiques. A l'origine, peine très fortement développée à travers le monde, elle a été déconsidérée à l'époque des Lumières. Fortement en recul dans la deuxième moitié du XXe siècle, elle est actuellement dans une situation incertaine.


Deux ans après Police Fédérale, Los Angeles, polar high-tech transcendant la ville californienne pour jonglant sans cesse autour des valeurs du Mien et du Mal, le pourfendeur William Friedkin lance un nouveau pavé dans la mare avec Le Sang du Châtiment. Un pamphlet à double tranchant sur l'épineux débat de la peine de morte suggéré chez un accusé capable de commettre les plus abominables des crimes au nom de la folie ou de sa raison. Au hasard d'une demeure familiale, un inconnu accoutré de lunette noire et d'une veste rouge sonne à la porte et tire sans sommation sur sa logeuse âgée. A l'intérieur de la maison, il continue son massacre en mutilant les parents de la propriétaire. Un peu plus tard, il continue sa virée meurtrière en assassinant une mère de famille retrouvée découpée en morceau et de son fils mystérieusement disparu. Appréhendé par les forces de l'ordre, le tortionnaire semble totalement dénué d'un quelconque remord et possède même un mobile sur ses exactions sanguinaires.


Oeuvre maudite sujette à dérangeante controverse et devenue depuis introuvable en support numérique, Le Sang des Châtiments est le genre de métrage antipathique que l'on n'ose à peine aborder, faute de son sujet scabreux beaucoup trop complexe et abstrait mais si essentiel et capital. D'après le roman "Rampage" de William P. Wood, (ancien avocat de la défense et co-scénariste du film), le Sang du châtiment s'inspire en partie d'un fait divers réel vis à vis du "Vampire de Sacramento". Un tueur en série américain, de son vrai nom, Richard Case, ayant sévit durant les années 70 pour se repaître du sang de ses victimes. Dans un climat glaçant et malsain renforcé d'une photographie blafarde et d'un score musical aigri, le prologue de cette éprouvante descente aux enfers tétanise d'effroi le spectateur avec l'estocade d'un inconnu agressant de manière aléatoire d'innocentes victimes confortablement installées dans leur cocon familial. Sans jamais verser dans une quelconque débauche outrancière, le caractère ultra réaliste des meurtres abjectes mis en exergue dans une âpre verdeur nous terrifie. Car elle touche de plein fouet l'image chétive du citoyen lambda paisiblement réuni dans sa demeure alors qu'un étranger d'apparence docile décide de faire brutalement irruption pour faire voler en éclat leur existence épanouie. Après un second massacre perpétré auprès d'une famille sans histoires, la narration entre de plein gré dans le vif du sujet en appréhendant furtivement le tueur qui n'oppose aucune résistance face aux forces de l'ordre. S'ensuit une expertise médicale et psychiatrique avant que l'accusé ne se retrouve assigné derrière les barreaux devant un tribunal mené par un procureur pro-peine de mort. En effet, il faut rappeler que ce jeune avocat est douloureusement affecté par la perte chère de sa fille décédée 6 mois auparavant d'une brutale pneumonie. Ce lourd sentiment intrinsèque d'injustice va inévitablement l'influencer à condamner sévèrement son accusé en prouvant qu'il était sain d'esprit au moment de ces exactions. Mais le tueur prénommé Charlie Reece aura su démontrer aux experts en psychiatrie que ses ambitions meurtrières étaient pleinement justifiées par son besoin vital de se repaître du sang de ses victimes afin de purifier son enveloppe corporelle avilie. Paradoxalement, la rupture conjugale inopinée de l'épouse de l'avocat va le remettre finalement en question, à savoir s'il faut véritablement envoyer l'accusé à la chambre à gaz. Mais un revirement fortuit va empêcher la décision capitale à trancher si oui on non, ce tueur atypique méritait la peine de mort.


Mis en scène de manière brute et traversé par la hantise d'images cauchemardesques titillant l'esprit du spectateur, Le Sang du châtiment est un terrifiant constat sur le délicat parti-pris d'envoyer ou réfuter au bûcher un tortionnaire responsable d'ignobles crimes perpétrés envers des quidams. Si le film dérange aussi viscéralement, nous place dans un sentiment déstabilisant d'inconfort et ne nous laisse pas indemne à la fin de la projo, c'est dans notre éthique déterminante à approuver ou non la peine de mort chez le prévenu condamné. Si cet homme considéré comme dérangé mental par nos psychiatres notoires est apte à être soigné dans un institut spécialisé durant un laps de temps indéterminé pour peut-être un jour prochain retrouver sa liberté alors que ses victimes immolées auront péri dans d'abominables souffrances. Se pose évidemment la question toute aussi rigoureuse de la récidive si ce tueur lavé de ses pêchers décide en dernier recours à renouer avec l'homicide. Dans le rôle impassible implicitement cynique du tueur au visage angélique, Alex McArthur est proprement sidérant de froideur, d'ambiguïté et de flegme monolithique. Il peut même concourir aux portraits des plus terrifiants serial-killers au cinéma.


Imprégné d'une ambiance malsaine infectant la pellicule de Friedkin dans son portrait établi envers un tueur en série équivoque glaçant de naturel, Le Sang du Châtiment est une oeuvre choc dont il est difficile d'en sortir indemne. La force de son brûlot pro-peine de mort (pour finalement se reconvertir en désespoir de cause) n'apportant aucune solution rédemptrice afin de laisser au spectateur sa théorie en suspens. En résulte un psycho drame d'une horreur moite et sufficante dans sa quête de nous interroger sur l'enjeu humain d'un abominable meurtrier victime de son existence anonyme.

 
*Bruno
3èx 
 


 

jeudi 24 août 2023

Blade

                                      
                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com
 
de Stephen Norrington. 1998. U.S.A. 2h00. Avec Wesley Snipes, Stephen Dorff, Kris Kristofferson, N'Bushe Wright, Donal Logue, Udo Kier, Traci Lords, Sanaa Lathan, Arly Jover, Matt Schulze.

Sortie salles France: 18 novembre 1998 (int - 12 ans). U.S: 21 Août 1998

FILMOGRAPHIE: Stephen Norrington, né en 1964 à Londres, est un acteur, scénariste, réalisateur et spécialiste des effets spéciaux. 1994 : Death Machine. 1998 : Blade. 2001 : The Last Minute. 2003 : La Ligue des gentlemen extraordinaires. 

Considéré aujourd'hui comme culte, Blade n'a pas volé sa réputation d'actionner horrifique optimal tant Stephen Norrington s'efforce de soigner sa série B fastueuse sous le pilier de Wesley Snipes habité par son personnage infortuné. Tant et si bien qu'il s'agit sans conteste du rôle de sa vie tant il s'investit corps et âme avec un charisme crépusculaire aussi distingué que monolithique. Ainsi, à la revoyure 25 ans plus tard; et pour la 4è fois, je reste stupéfiais par la réjouissance des séquences d'action chorégraphiées avec un art consommé du montage ultra dynamique. Si bien que la pyrotechnie (tant auprès des corps à corps que des gunfights) s'avère toujours lisible pour le plaisir du spectateur fasciné par les talents (super)héroïques de notre vampire high-tech. Car outre la simplicité de son scénario à la fois parfaitement charpenté, efficace, inventif, surprenant parfois même, Blade demeure plus subtil, consistant qu'il n'y parait si on y gratte son vernis. Tant auprès des rapports de Blade avec sa mère (chut pour ne pas spoiler !), de sa relation vénéneuse (beaucoup plus étroite qu'elle n'y parait) avec Frost que de son profil sobrement torturé puisque partagé entre la plus-value de sa malédiction afin de mieux combattre le Mal sur le point de parfaire leur prophétie (celle de redonner vie au Dieu des vampires) et son désir irrépressible de redevenir humain avec l'appui du docteur Karen Jenson avec qui il entame une relation fraternelle au grand dam de la romance escomptée à notre surprise. 

Si bien que Blade carbure à l'adrénaline d'une violence décomplexée ne laissant que peu de places aux sentiments. Même la mort d'un des personnages est brièvement dépeinte avec une surprenante froideur, ce qui n'est guère péjoratif car le film se distingue par sa facture badass tout en y instillant un climat fascinatoire d'une modernité gothique. A l'instar de sa splendide photo chrome désaturée, nuancée parfois de couleurs saillantes afin d'afficher une facture formelle aussi personnelle que contemporaine. Et si on peut sans conteste déplorer aujourd'hui la médiocrité de certains FX en CGI (l'aspect cartoon fait tâche), l'action demeure si jouissive, exubérante et surtout homérique pour pardonner assez facilement ses artifices sous l'impulsion d'une musique techno évidemment punchy. D'ailleurs son prologue anthologique confiné dans une boite de nuit ensanglantée est resté dans toutes les mémoires des fans, tant auprès de son effet de surprise que pour l'attrait fulgurant de son horreur redoutablement épique, débridée, décomplexée. On peut enfin saluer les aimables présences de nos vétérans Udo Kier et Kris Kristofferson dans des seconds-rôles assez denses et expressifs, ce qui renforce la carrure élitiste de ce métrage unissant ancienne et nouvelle génération avec une expansivité toute à la fois provocatrice (les vampires juvéniles) et responsable (d'autres vampires ascendants puis nos héros redresseurs de tort).

Gros film d'action mené sans temps morts alors qu'il affiche une durée substantielle de 2h00, Blade dégage une énergie et une insolence contagieuses sans jamais se vautrer dans la facilité de règlements de compte itératifs eu égard de l'habileté de son pitch faisant notamment honneur à ses personnages clinquants. Quant à Wesley Snipes, il vampirise l'écran en mastard ténébreux quasi indestructible si bien que jamais plus il ne retrouvera cette aura ensorcelante lors de ses futurs projets mainstream.
 
*Bruno
4èx

Ci-joint la chronique de Blade 2http://brunomatei.blogspot.fr/2012/10/blade-2.html

jeudi 17 août 2023

Le Mal par le Mal / Band of the Hand

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site notrecinema.com

de Paul Michael Glaser. 1986. U.S.A. 1h49. Avec Stephen Lang, Michael Carmine, Lauren Holly, John Cameron Mitchell, Danny Quinn, Leon.

Sortie salles France: 20 Août 1986. U.S: 11 Avril 1986

FILMOGRAPHIE: Paul Michael Glaser est un acteur et réalisateur américain, né le 25 Mars 1943 à Cambridge, Massachusetts. 1986: Le Mal par le Mal. 1987: Running Man. 1992: Le Feu sur la Glace. 1994: The air up there. 1998: Kazaam. 


A condition de faire preuve d'indulgence, de recul et exclusivement réservée à la génération 80, Le Mal par le Mal est une sympathique curiosité que l'acteur Paul Michael Glaser réalisa pour son 1er essai derrière la caméra. En dépit d'un pitch basique à la fois improbable, naïf, régressif et contradictoire (de jeunes délinquants sont enrôlés dans un centre (expérimental) de redressement en guise de réinsertion sociale, et ce avant de devenir malgré eux des justiciers expéditifs à la suite de la mort de l'un d'eux); Le Mal par le Mal joue la carte décomplexée de la bande dessinée au fil d'un cheminement narratif davantage belliqueux lorsque nos délinquants en roue libre se transforment en Rambo pugnaces lors de séquences d'action plutôt funs, spectaculaires, chorégraphiées avec soin et talent. 


Qui plus est, et en dépit de leur posture tantôt chieuse, tantôt irritante (principalement lors de leur apprentissage dans un milieu naturel sauvage); nos personnages juvéniles demeurent suffisamment attachants, humanistes, vaillants à travers leur unité amicale pour pardonner les quelques longueurs qui empiètent le récit. Notamment en se focalisant sur quelques séquences clipesques supervisées par Michael Mann (ici producteur) dont on reconnaît bien là son goût pour les envolées lyriques envoûtantes héritées du 6è Sens sorti la même année ! Accompagné d'une BO pop/rock souvent entêtante ou aérienne, le Mal par le Mal assume pleinement son côté divertissement décérébré tout en suggérant en filigrane une réflexion sur la réinsertion des délinquants par le biais d'une épreuve de force militariste qui pourrait porter ses fruits si certains gouvernements oseraient la mettre en pratique de nos jours. Ainsi, finalement, et avec une grosse louche de délire et de dérision, le Mal par le Mal demeure tristement actuel pour tenir lieu de son constat avant-gardiste imparti à la guerre de la drogue et de ses trafiquants criminels imposant toujours plus leur mainmise auprès d'une population servile.


*Bruno

lundi 14 août 2023

La Prémonition

                                                 
                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site humungus-cinebisart.blogspot.com

de Robert Allen Schnitzer. 1975. U.S.A. 1h33. Avec Sharon Farrell, Richard Lynch, Jeff Corey, Chitra Neogy.

Sortie sales U.S: 21 novembre 1975 (Jackson, MS, premiere). 19 mai 1976 (New York City, New York)

FILMOGRAPHIE: Robert Allen Schnitzer est un réalisateur et producteur américain. A Man Called... Rainbo 1990. Kim Evenson and Charles Laulette in Kandyland (1988). The Premonition (1975). Rebel (1973)


Introuvable, oubliée, extrêmement rare, La Prémonition (sorti à l'époque en Vhs chez Embassy mais inédit en salles chez nous) est une étrange curiosité conjuguant mystère, drame, policier, suspense, ainsi qu'une pointe d'horreur d'après les thématiques de la télépathie, des hallucinations et de la parapsychologie lorsqu'une mère et sa ravisseuse vont entamer une liaison occulte. Jude et Andrea étant un couple en perdition puisque délibéré à procéder au kidnapping d'une fillette pour des motifs que nous connaîtrons un peu plus tard. Etonnamment bien interprété auprès de comédiens méconnus, si on excepte Sharon Farrell (le Monstre est Vivant) qui vient de nous quitter et l'étonnant Richard Lynch, et réalisé avec une certaine efficacité, la Prémonition vaut le détour pour son étrangeté quasi indicible. Sa façon agressive d'y provoquer l'hostilité par des visions d'effroi assez malaisantes (épaulées d'un judicieux travail sur la bande-son) et ses interrogations sans réponse, comme le souligne son final équivoque que certain(e)s pourraient peut-être trouver un brin ridicule (la victime interprétant un air de piano en pleine rue pour tenter d'attirer sa fille par l'entremise d'une experte en parapsychologie), nous suscitant l'attention jusqu'au générique. 


De par son climat de bizarrerie constant (notamment auprès de la profession du kidnappeur Jude appartenant à la communauté de forains au sein d'un cirque), la présence inquiétante de Danielle Brisebois en maman éplorée fraichement sortie de psychiatrie pour sombrer dans une détresse maternelle préjudiciable, la compagnie saillante de Richard Lynch, traditionnellement envoûtant en clown imprévisible par ses humeurs versatiles, La Prémonition séduit en toute simplicité narrative en dépit de son bâclage imparti aux thèmes de la télépathie et des prémonitions traitées de manière (sciemment) elliptiques. Peut-être afin de mieux provoquer incompréhension, doute et angoisse à travers son ambiance hermétique plutôt palpable. Ajoutez à cela cette fameuse texture granulée et documentée tributaire de l'époque cinématographique des Seventies et vous obtenez un OFNI ineffable émaillé de situations aussi aléatoires que saugrenues (notamment auprès de la tentative d'enlèvement nocturne dans la chambre de la victime).


Sharon Farrell décédée le 15 mai 2023 (mais annoncé en Août).

Remerciement à Ciné-bis-art pour leur copie Dvd de bonne qualité. 

*Bruno

vendredi 11 août 2023

Cracks

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Jordan Scott. 2009. France/Irlande/Angleterre. 1h44. Avec Eva Green, Juno Temple, María Valverde, 
Imogen Poots, Ellie Nunn.

Sortie salles France: 30 Décembre 2009. U.S: 18 Mars 2011

FILMOGRAPHIE: Jordan Scott, née le 7 octobre 1977 à Borough londonien de Merton, en Angleterre, au (Royaume-Uni), est une réalisatrice, scénariste, actrice et romancière britannique. 2002 : Never Never. 2005 : Les Enfants invisibles (co-réalisatrice avec Ridley Scott). 2009 : Cracks. A venir: Berlin Nobody.


Il y a des surprises que l'on ne voit pas arriver, des films que l'on se décide à tenter au moment propice, comme si tout était tracé d'avance par notre force intuitive, comme si toutes nos actions (coordonnées) n'étaient finalement pas le fruit du hasard. Si bien que Cracks est venu à moi tel un uppercut émotionnel dont je n'imaginais guère l'impact traumatique qu'il aurait pu causer sur ma psyché torturée. Tant et si bien que Cracks n'a cessé de m'interpeller sur la complexité de ces jouvencelles gouvernées par une professeur à la fois ferme, ambitieuse, bienveillante, persuasive, anticonformiste de par son désir d'émancipation féminine qu'Eva Green cultive avec une force tranquille étrangement vénéneuse, équivoque, indéchiffrable. Et ce afin d'influencer ces élèves d'offrir le meilleur d'elles mêmes en creusant toujours plus loin leur "désir" (doctrine chère enseignée par leur professeur) du surpassement. Un rôle taillé sur mesure pour l'actrice souvent sulfureuse, son meilleur rôle à l'écran selon un bouche à oreille massif que je suis incapable de contredire tant elle m'a retourné les neurones avec une vigueur contenue, une retenue glaciale à couper au rasoir. Son jeu sobrement ambigu entretenant incessamment le doute, le questionnement, la réflexion sur ses actions, ses postures décomplexées toutefois respectées et ses prises de décision discutables, voires étonnamment irresponsables. 


Une personnalité apatride si j'ose dire durant une bonne partie de métrage, jusqu'à ce que la réalisatrice (fille de l'émérite Ridley Scott !) se décide à éclaircir peu à peu les zones d'ombres auquel nous nous passionnons avec une immersivité davantage éprouvante. On songe d'ailleurs parfois un peu à Picnic à Hanging Rock et à Virgin Suicides pour la scénographie onirique (magnifiquement cadrée) de ces jeunes filles vierges en accord avec une nature candide, sereine, édénique. Notons au passage ses magnifiques décors naturels probablement Irlandais (info à vérifier) que nos protagonistes juvéniles étreignent du fond d'un lac (avec de splendides plongeons au ralenti) ou à proximité du bois ou d'une clairière. Le récit contemplatif décrivant dans une mesure dépouillée la quotidienneté d'un pensionnat de jeunes filles, une école d'élite concourant à la natation, jusqu'à ce qu'une jeune recrue, Fiamma, aristocrate surdouée, débarque et bouleverse leur équilibre amical. Impossible ici d'aller plus loin, d'y déflorer ses thématiques, d'y dévoiler ses ruptures de ton pour ne pas ébruiter d'indices. Cracks se déclinant en expérience cinématographique inusitée. Un moment de cinéma éthéré plein de poésie, de sensibilité, de fragilité et de gravité. Une fine étude psychologique tournant autour de la jalousie, de l'élitisme et la rancune que je peux dévoiler sans spoiler puisque les 10 premières minutes nous avertirent déjà de la rivalité féminine qui se déroulera face à notre regard tour à tour charmé, dérangé,  perplexe, empathique, piégé, souffreteux, tel l'animal tentant de s'extirper du piégeage en se dévorant la patte en désespoir de cause. Une oeuvre maudite inoubliable qui me hantera jusqu'au dernier souffle.

*Bruno

lundi 7 août 2023

Sans pitié / No Mercy

                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com
 
de Richard Pearce. 1986. U.S.A. 1h48. Avec Richard Gere, Kim Basinger, Jeroen Krabbé, George Dzundza, William Atherton, Gary Basaraba 
 
Sortie salles France: 19 décembre 1986 (U.S) / 1er mars 1987 (France)
 
FILMOGRAPHIE: Richard Pearce est un réalisateur, directeur de la photographie et producteur américain né le 25 janvier 1943 à San Diego, Californie (États-Unis). 1979 : Heartland. 1981: Threshold. 1984 : Les Moissons de la Colère. 1986 : Sans pitié (No Mercy). 1990 : Le Chemin de la liberté (The Long Walk Home). 1992 : En toute bonne foi (Leap of Faith). 1996 : La Couleur du destin (A Family Thing). 2003 : La Route de Memphis (Histoire du blues produit par Martin Scorsese Presents).
 

Policier oublié des années 80, qui plus est peu valorisé par la critique de l'époque, Sans Pitié est et restera depuis ma révision de ce soir un excellent divertissement bourré de charme en la présence hyper attachante du duo torride Richard Gere / Kim Basinger. Le couple symptomatique des eighties ne débordant jamais (ou si peu si on épargne quelques cris inutiles de Kim lors d'hostilités meurtrières) à travers leur rivalité qu'ils se partagent dans l'épreuve de force et de survie. Avec en intermittence, des accalmies romanesques à la fois franchement émouvantes et envoûtantes quant au profil fragile imparti à l'escort-girl brisée par un passé orphelin qu'Eddie commence peu à peu à comprendre en dépit de son machisme gouailleur. Richard Gere se fondant sans ambages dans le corps du flic téméraire avec une force d'expression à la fois arrogante, obtuse, pugnace (mâchoire serrée en sus) mais aussi clémente et libératrice. 


N'ayant d'autre ambition que de divertir en bonne et due forme, Richard Pearce (les Moissons de la Colère) sait doser efficacement action, suspense et romance parmi la sobriété de ce couple glamour tentant de s'opposer ardemment à leurs assaillants tout en apprenant à s'apprivoiser avec parfois une poignante dimension humaine. Entre rancune, constance, mélancolie passéiste et désabusement. Et si l'intrigue simpliste demeure sans surprise, l'efficacité du récit ne laisse aucune place à l'ennui si bien qu'elle reste accrocheuse jusqu'au violent règlement de compte final à la tension palpable. On peut enfin relever l'aspect un brin fantasmatique de sa scénographie particulièrement soignée, tant auprès de la ville nocturne de Chicago que de la nature humectée du Bayou filmée de manière presque sensorielle que les années 80 ont su si bien parfaire avec amour du genre sous l'impulsion (ici) du score d'Alan Silvestri qui devrait ravir les nostalgiques.


Un excellent divertissement donc qui en prime d'y cultiver suspense, action et angoisse de façon haletante possède un coeur pour nous attendrir auprès d'une romance fragile à la sensibilité franchement communicative. Ce qui s'avère d'ailleurs peut-être la plus grande réussite du métrage que d'avoir su mettre en exergue en filigrane cette intensité émotionnelle que nous n'avions pas vu venir au fil de son cheminement classique. Et bon sang, quelle classe ténue cette Kim Basinger en femme fatale sentencieuse, qui me manque tant aujourd'hui ! 

Merci Jean-Marc Micciche.

*Bruno
2èx

mardi 1 août 2023

Dalva. Prix FIPRESCI de la Semaine de la critique / Prix Rails d'or / Prix de la Révélation de la Semaine de la critique pour Zelda Samson

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com
 
de Emmanuelle Nicot. 2022. France/Belgique. Avec Zelda Samson, Alexis Manenti, Fanta Guirassy, Marie Denarnaud, Jean-Louis Coulloc'h, Maïa Sandoz.

Sortie salles France: 22 Mars 2023.

FILMOGRAPHIE: Emmanuelle Nicot est une réalisatrice et scénariste française, née le 18 novembre 1985 à Sedan (Ardennes). 2022: Dalva. 

L'inacceptable n'est pas que dans les mots et les gestes, il est dans les situations assumées qu'on refuse de remettre en question, qu'on refuse de changer.

Auréolé de 3 prix à Cannes et à Namur ainsi qu'une récompense à Sao Paulo alors qu'il s'agit de la première oeuvre de la réalisatrice Emmanuelle Nicot et du tout premier rôle de l'actrice Zelda Samson (âgée de 12 ans), Dalva dégage une forte émotion à travers la thématique dérangeante de l'inceste impartie à la perte de l'innocence. Le récit illustrant scrupuleusement le parcours introspectif de Dalva tout juste placée en centre d'accueil par un juge à la suite d'abus sexuels perpétrés par son père. Placé sous le signe de la suggestion, comme l'illustre le violent prologue uniquement bâti sur le hors-champs sonore, Dalva dégage une délicate et douloureuse empathie lorsque la victime sous emprise des déviances (im)morales de son père tente de le préserver coûte que coûte par amour paternel. Car littéralement perturbée et endoctrinée d'avoir trop longtemps cédé à ces avances pour y admettre leur relation interdite, Dalva s'efforce de se raccrocher à l'affection de son bourreau en dépit des consignes censées de son éducateur s'efforçant de la ramener à la raison dans sa situation autrefois soumise. 

Or au fil de ses difficiles relations amicales avec celui-ci (un peu brutal et drastique par moment) et sa co-locataire marginale Samia, séparée d'une mère prostituée, Dalva va peu à peu réapprendre à vivre dans son corps d'ado en voie de réconciliation avec une vie sociale autrement plus conventionnelle et rédemptrice au sein de son centre d'accueil où de jeunes ados tentent peu à peu de se reconstruire malgré leur perte de repère, leur douleur interne d'avoir été brutalement séparés de leurs parents. Ainsi donc, au-delà de l'interprétation sans fard de Zelda Samson d'une fragilité à fleur de peau par son regard innocent plein de doute, d'humanité, de rancoeur, de rébellion, de sagesse enfin par son éveil de conscience, la réalisation d'Emmanuelle Nicot est un sacerdoce à ne forcer jamais le trait de la sinistrose ou du pathos au coeur d'un sujet aussi polémique ici traité avec pudeur et finesse par son réalisme attentionné. Notamment par la plus-value du non-dit auprès de plans serrés sur les visages sobrement expressifs que la réalisatrice s'attarde pour y extraire une acuité sensorielle. Le spectateur témoignant du quotidien incertain de Dalva (et sa métamorphose physique) entre appréhension, espoir, compassion au fil de son évolution morale peu à peu fructueuse en dépit de ses incartades influencées par des camarades curieux du goût de l'interdit (beuveries, cigarettes) en lieu et place de délivrance. 

D'une grande sensibilité auprès de la présence angélique de Zelda Samson évoluant face à nous dans une force expressive subtilement ambigüe mais toujours rattrapée par l'apprentissage du discernement, Dalvia bouleverse inévitablement sans complaisance sous la mainmise de la suggestion et du refus d'une provocation mal placée. Une première oeuvre magnifique donc, salutaire, qui laisse des traces dans l'encéphale et qui, surtout, nous aide à mieux comprendre les tenants et aboutissants de cette improbable relation entre victime et bourreau communément impliqués dans une tendresse tendancieuse dénuée d'éthique. Dur et cruel mais nécessaire et positif car d'utilité publique.

*Bruno

Récompenses:

    Festival de Cannes 202213 :
        prix FIPRESCI de la Semaine de la critique
        Prix Rails d'or
        Prix de la Révélation de la Semaine de la critique pour Zelda Samson

    Festival international du film francophone de Namur 202217 :
        Prix de la Découverte
        Prix de la meilleure interprétation pour Fanta Guirassy
        Prix du jury junior

    Festival international du film de São Paulo 2022 : prix de la meilleure actrice pour Zelda Samson

vendredi 28 juillet 2023

Chien de la casse. Prix du Public, Angers 2023.

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Jean-Baptiste Durand. 2023. France. 1h33. Avec Anthony Bajon, Galatéa Bellugi, Raphaël Quenard, Dominique Reymond, Bernard Blancan.

Sortie salles France: 19 Avril 2023

FILMOGRAPHIEJean-Baptiste Durand est un réalisateur, scénariste et acteur de cinéma français né le 15 octobre 1985 à Antibes (06). 2023 : Chien de la casse. Prochainement: L'homme qui avait peur des femmes. 


Un hymne à l'amitié chez la génération périurbaine.
Comédie dramatique sociale illustrant la dissension amicale de deux acolytes périurbains aux caractères antinomiques, faute de l'intrusion d'une jeune fille dont le plus introverti en tombe amoureux, Chien de la casse est une première oeuvre sidérante de maîtrise. Un coup de coeur couronné de trois prix (à l'heure où j'imprime mes impressions personnelles) rappelant le cinéma de CorneauPialat, Claude SautetBruno Dumont de par l'authenticité de son vérisme documenté au sein d'une scénographie rurale touchée par le chômage, la petite délinquance, la solitude, le mal-être. Une véritable révélation en la personne de son auteur Jean-Baptiste Durant tant habité à tailler sur pellicule son histoire profondément humaine et de son acteur vedette Raphaël Quenard crevant l'écran à chacune de ses apparitions. A l'instar d'un Patrick Dewaere à ses prémices, toute proportion gardée, de par sa force tranquille et de sureté. C'est dire si ce dernier désarmant de spontanéité à travers son autorité écorchée s'avère brut de décoffrage dans sa posture de grand frère un poil trop orgueilleux auprès de son franc-parler parfois offensant (euphémisme, la séquence dérangeante du resto, rupture de ton narrative pour une seconde partie plus douloureuse et amère). Sans compter sa susceptibilité pathologique (tant auprès de ses amis que de sa mère) faute de son complexe d'infériorité qu'il n'ose dévoiler à lui même et aux autres. 


Surtout lorsqu'il s'adresse à son partenaire de toujours Dog endossé par Anthony Bajon dans sa présence chétive autrement timorée, taiseuse, sentencieuse, effacée. Et ce sans nullement sombrer dans la caricature auquel il aurait pu se morfondre si bien qu'il crève également l'écran auprès de son mal-être existentiel perméable que l'on subi avec tendre empathie mais aussi parfois une gêne tacite dans son incapacité à s'exprimer. Et si sur le papier, le pitch d'une banalité confondante avait de quoi faire fuir le plus clément des producteurs (alors qu'ici c'est une femme qui s'y est collée), Jean-Baptiste Durant le transcende en toute quiétude en tablant sur la caractérisation psychologique de ses personnages évoluant face à nous comme si nous étions parmi eux en interne de l'action davantage acrimonieuse. Des profils complexes (et complexés !) que l'on observe donc avec une infinie attention, les personnages s'efforçant malgré eux de communiquer, de crier leur malaise, leur solitude, entre maladresses, intimidations et provocations autoritaires lorsque Mirales, jaloux de cette rivalité amoureuse, continue d'asseoir sa mainmise avec un égoïsme aussi cruel qu'émouvant. 


“Une amitié qui peut résister aux actes condamnables de l'ami est une amitié.”
C'est donc cette profonde humanité désarmante de naturel qui fait la plus-value de cette oeuvre intimiste que d'observer ses marginaux pétris d'utopie, de bonnes intentions et de furieux désir de vivre, d'aimer dans leur fonction esseulée incertaine. Chien de la casse nous illustrant avec une vibrante humanité torturée la puissante (autant que houleuse) amitié d'un tandem (rigoureusement) contradictoire se déchirant corps et âme à crier leur amour l'un pour l'autre (y'a t'il une homosexualité refoulée chez Mirales ?). Les interprètes communément transis de vécu crevant l'écran (et l'abcès) auprès d'une force expressive contagieuse. Dans la mesure où lorsque apparait le générique de fin nous regrettons amèrement de les avoir déjà quittés, même si on se rassure de leur dessein plausiblement optimiste. Sans réserve un des grands films de 2023, en espérant que ces nouveaux talents surgis de nulle part continuent d'explorer le paysage cinématographique français avec autant de sincérité explosive.

*Bruno

Récompenses
Festival Premiers Plans d'Angers 2023 : Prix du Public.
Festival La Ciotat Berceau du cinéma 2023 : Lumière d'or et double prix d'interprétation masculine pour Raphaël Quenard et Anthony Bajon
Festival de Cabourg 2023 : Swann d'or du meilleur premier film et Swann d'or de la révélation masculine pour Raphaël Quenard

mercredi 26 juillet 2023

Straight on till morning

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Peter Collinson. 1972. Angleterre. 1h39. Avec Rita Tushingham, Shane Briant, James Bolam, Katya Wyeth, Annie Ross, Tom Bell.

Sortie salles Angleterre: 9 Juillet 1972

FILMOGRAPHIE: Peter Collinson est un réalisateur anglais, né le 1er avril 1936 à Cleethorpes (Angleterre), décédé le 16 décembre 1980 à Los Angeles (Californie).1963 : Blackwater Holiday (doc). 1967 : La Nuit des alligators. 1968 : Les Bas Quartiers. 1968 : Un jour parmi tant d'autres. 1969 : L'or se barre. 1970 : Les Baroudeurs. 1971 : La Peur. 1972 : Straight on Till Morning. 1972 : Nid d'espions à Istanbul. 1973 : Les Colts au soleil. 1974 : La Chasse sanglante. 1974 : Dix petits nègres. 1975 : La Nuit de la peur. 1976 : Le Sursis. 1977 : Un risque à courir. 1978 : Demain, la fin ou La Rage au cœur. 1980 : Australia Kid.

C'est une réelle curiosité expérimentale que nous propose la Hammer Film par l'auteur du classique maudit La Chasse Sanglante (on désespère d'une sortie BR !), Peter Colinson. Très peu connu du public, inédit en salles dans nos contrées et rarement cité auprès des aficionados, Straight on till morning se décline en huis-clos domestique un tantinet psychédélique si je me réfère aux 20 minutes liminaires festoyantes et à son montage épileptique alternant deux séquences distinctes (voirs 3 par moments) de manière furtive, pour ne pas dire agressive. Tant et si bien que de prime abord il m'eut été difficile de me familiariser à cette romance schizo auquel un célibataire utopiste (il refuse de grandir, de travailler, d'entreprendre quelconque projet) multiplie les conquêtes féminines en s'efforçant d'y dénicher le physique standard. Dans la mesure où Peter (allusion à Peter Pan), victime de sa beauté physique, ne supporte plus les cagoles d'un soir à la posture aussi sexy qu'orgueilleuse. 

Or, un jour, il fait la connaissance de Brenda, jeune fille immature et influençable, venant tout juste de quitter son cocon, faute d'une maman bigote monoparentale. Au fil de leur relation amoureuse que l'on nous illustre de manière à la fois interlope et déroutante, avec parfois cette tendance d'y privilégier le montage bicéphale moins irritable, la dinette vire au cauchemar relationnel. Avec, en intermittence, trois séquences horrifiques expérimentales assez perturbantes et épeurantes, de par une très habile utilisation auditive résolument terrifiante, dérangeante, malaisante, plutôt que de céder aux sirènes du gore graphique. Cependant,  Straight on till morning a du mal à captiver à travers son ambiance atypique quasi ineffable, à l'aune de son cheminement narratif assez prévisible et conté de manière si personnelle, même si notre curiosité reste en éveil jusqu'au générique de par l'excellence de l'acting infiniment convaincant. Et c'est bien là la plus grande qualité du métrage que de tabler sur le duo galvaudé Rita Tushingham (au physique fort particulier dans son corps de femme enfant aux yeux azurs) / Shane Briant  particulièrement magnétique dans leurs postures dégingandées de grands gamins borderline inévitablement livrés à la déroute conjugale. 

A réserver toutefois à un public averti dans la mesure où son climat hermétique peu affable et amiteux, risque de déplaire à une frange de spectateurs. C'est d'ailleurs probablement le métrage le plus bizarroïde que j'ai pu voir au sein de la firme Hammer qui tentait ici de se redorer le blason à l'orée des Seventies.

*Bruno