Sortie salles France: 22 Mars 2023.
FILMOGRAPHIE: Emmanuelle Nicot est une réalisatrice et scénariste française, née le 18 novembre 1985 à Sedan (Ardennes). 2022: Dalva.
L'inacceptable n'est pas que dans les mots et les gestes, il est dans les situations assumées qu'on refuse de remettre en question, qu'on refuse de changer.
Auréolé de 3 prix à Cannes et à Namur ainsi qu'une récompense à Sao Paulo alors qu'il s'agit de la première oeuvre de la réalisatrice Emmanuelle Nicot et du tout premier rôle de l'actrice Zelda Samson (âgée de 12 ans), Dalva dégage une forte émotion à travers la thématique dérangeante de l'inceste impartie à la perte de l'innocence. Le récit illustrant scrupuleusement le parcours introspectif de Dalva tout juste placée en centre d'accueil par un juge à la suite d'abus sexuels perpétrés par son père. Placé sous le signe de la suggestion, comme l'illustre le violent prologue uniquement bâti sur le hors-champs sonore, Dalva dégage une délicate et douloureuse empathie lorsque la victime sous emprise des déviances (im)morales de son père tente de le préserver coûte que coûte par amour paternel. Car littéralement perturbée et endoctrinée d'avoir trop longtemps cédé à ces avances pour y admettre leur relation interdite, Dalva s'efforce de se raccrocher à l'affection de son bourreau en dépit des consignes censées de son éducateur s'efforçant de la ramener à la raison dans sa situation autrefois soumise.
Or au fil de ses difficiles relations amicales avec celui-ci (un peu brutal et drastique par moment) et sa co-locataire marginale Samia, séparée d'une mère prostituée, Dalva va peu à peu réapprendre à vivre dans son corps d'ado en voie de réconciliation avec une vie sociale autrement plus conventionnelle et rédemptrice au sein de son centre d'accueil où de jeunes ados tentent peu à peu de se reconstruire malgré leur perte de repère, leur douleur interne d'avoir été brutalement séparés de leurs parents. Ainsi donc, au-delà de l'interprétation sans fard de Zelda Samson d'une fragilité à fleur de peau par son regard innocent plein de doute, d'humanité, de rancoeur, de rébellion, de sagesse enfin par son éveil de conscience, la réalisation d'Emmanuelle Nicot est un sacerdoce à ne forcer jamais le trait de la sinistrose ou du pathos au coeur d'un sujet aussi polémique ici traité avec pudeur et finesse par son réalisme attentionné. Notamment par la plus-value du non-dit auprès de plans serrés sur les visages sobrement expressifs que la réalisatrice s'attarde pour y extraire une acuité sensorielle. Le spectateur témoignant du quotidien incertain de Dalva (et sa métamorphose physique) entre appréhension, espoir, compassion au fil de son évolution morale peu à peu fructueuse en dépit de ses incartades influencées par des camarades curieux du goût de l'interdit (beuveries, cigarettes) en lieu et place de délivrance.
D'une grande sensibilité auprès de la présence angélique de Zelda Samson évoluant face à nous dans une force expressive subtilement ambigüe mais toujours rattrapée par l'apprentissage du discernement, Dalvia bouleverse inévitablement sans complaisance sous la mainmise de la suggestion et du refus d'une provocation mal placée. Une première oeuvre magnifique donc, salutaire, qui laisse des traces dans l'encéphale et qui, surtout, nous aide à mieux comprendre les tenants et aboutissants de cette improbable relation entre victime et bourreau communément impliqués dans une tendresse tendancieuse dénuée d'éthique. Dur et cruel mais nécessaire et positif car d'utilité publique.
*BrunoRécompenses:
Festival de Cannes 202213 :
prix FIPRESCI de la Semaine de la critique
Prix Rails d'or
Prix de la Révélation de la Semaine de la critique pour Zelda Samson
Festival international du film francophone de Namur 202217 :
Prix de la Découverte
Prix de la meilleure interprétation pour Fanta Guirassy
Prix du jury junior
Festival international du film de São Paulo 2022 : prix de la meilleure actrice pour Zelda Samson
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