lundi 4 avril 2011

LA CHAMBRE DES MORTS


de Alfred Lot. 2007. France. 1H53. Avec Mélanie Laurent, Eric Caravaca, Gilles Lelouche, Jonathan Zaccaï, Céline Sallette, Laurence Côte, Jean François Stevenin, Nathalie Richard, Stéphane Jobert.
Sortie en France le 14 Novembre 2007.

FILMOGRAPHIE: Alfred Lot est un réalisateur et scénariste Français.
2007: La Chambre des morts
2009: Une petite zone de turbulence

                                    

Premier long-métrage d'Alfred Lot, La Chambre des morts, adaptation cinématographique du roman de Franck Thilliez, empreinte la voie du thriller US en s'allouant d'une ambiance pesante et opaque, dans la mouvance du Silence des Agneaux et son angoisse palpable paroxystique des derniers retranchements.

Deux individus éméchés circulant en voiture à vive allure renversent par accident un homme alors qu'il venait de rapporter une rançon d'un million d'euros pour délivrer sa fille kidnappée. Le duo décide de se débarrasser du corps et s'emparer de l'argent, pensant qu'il s'agit d'un butin de malfaiteur.
Le lendemain matin, après la découverte du corps du père de famille, la police dépêchée sur les lieux d'un entrepôt trouve le cadavre de sa fille atteinte de cécité, alors que des poils d'animaux sont laissés comme indice. Quelques jours plus tard, une seconde adolescente issue d'une famille précaire et souffrant de diabète est à nouveau enlevée. La jeune policière Lucie et son collègue Norman enquêtent sur cette sombre histoire laborieuse.

                                        

Interprété par une flopée de comédiens modestement discrets et au physique naturel concordant, La Chambre des Morts suit l'enquête difficile de deux inspecteurs de police, Lucie, célibataire inflexible mais mère de deux enfants, et son équipier, le lieutenant Norman, secrètement amoureux de cette partenaire introvertie occultant un douloureux secret infantile.
Dès le préambule percutant, particulièrement inopiné dans les circonstances requises pour faire intervenir deux meurtres étroitement liés à une affaire de kidnapping sordide, le ton mortifère est donné. L'ambiance est réaliste, lourde et austère, dénuée d'effets épurés avec l'apparition spectrale d'une jeune fille morte au sourire inerte, retrouvée ligotée sur une chaise dans l'environnement glauque d'un entrepôt vide.
Cette découverte macabre particulièrement dérangeante et poignante, éludée d'outrance putassière nous donne irrémédiablement l'envie de découvrir le cheminement de cette sombre affaire d'enlèvement infantile. Alors que le ou les coupables présumés semblent eux-mêmes profondément affectés par un passé potentiellement lié à une enfance maltraitée (d'où la présence de ses flashs-back récurrents établissant une relativité entre le tueur et l'inspectrice de police).

Avec sa texture blême d'une photographie blafarde, Alfred Lot nous entraîne parmi la complicité des solides comédiens Mélanie Laurent et Eric Caravaca à suivre une troublante enquête cauchemardesque aux cimes du conte horrifique durant ses vingts dernières minutes éprouvantes, remarquablement menées sur un rythme intensif et accentué par le tempo envoûtant d'un score musical entêtant. Un final qui rappelle fortement le point d'orgue angoissé du Silence des Agneaux quand Clarice Starling essaie d'appréhender le coupable dans l'investissement de la propre demeure du tueur. Le psyché traumatique liée à l'enfance de Lucie est également à peine influencé par le personnage docile qui était campé par Jodie Foster (alors qu'à un moment précis d'une séquence anodine, on apercevra brièvement dans la bibliothèque de la brigadier le fameux roman du second opus de Thomas Harris !).

                                 

Noir et rugueux, La Chambre des morts nous impose l'endroit grisonnant d'une cité minière du nord de la France avec l'attribution de quelques décors peu communs comme le refuge nocturne d'une boite sado-maso échangiste, un zoo animalier régit par un néfaste taxidermiste, une cave lugubre décrépie, un petit logement aménagé d'animaux empaillés ou l'endroit flamboyant et gothique d'une chambre majestueuse, héritée de la Hammer film.
Alors que les nombreux personnages qui parsèment le récit se révèlent le plus souvent des marginaux torturés, pervertis, avilis par le mal ou des individus esseulés, meurtris, aigris, évoluant dans un milieu social peu privilégié.
  
L'élégante Mélanie Laurent interprète avec candeur, flegme et spontanéité le personnage secret d'une jeune célibataire refoulée, victime malgré elle d'un passé vilipendé, profondément esseulée dans son existence terne même si l'éducation de ces deux jeunes enfants lui permet d'accorder un regain d'intérêt pour son avenir sans ambition.
Son partenaire Eric Caravaca impute une aimable composition de lieutenant confirmé dans une discrète prestance épris aux sentiments amoureux pour son équipière de service.
Gilles Lelouche se révèle parfaitement tempéré dans la peau d'un père de famille rongé par le remord d'avoir osé transgresser les lois dans sa complicité indirecte de devoir dissimuler un cadavre pour l'appât d'un gain faramineux. Son acolyte interprété par Jonathan Zaccaï est tout aussi royal de conviction dans ses exactions crapuleuses en chute libre impliquant le crime gratuit éhonté.
ATTENTION SPOILER !!!
Céline Sallette était totalement appropriée pour s'investir d'un rôle chétif dans sa psychologie meurtrie et traumatisée par une enfance galvaudée. Elle se révèle particulièrement inquiétante, ombrageuse dans ses accès dérangés d'une folie meurtrière impliquant la présence décharnée de primates anthropoïde, de loups et de chiens de chenil empaillés.
FIN DU SPOILER.

                                      

Passé inaperçu à sa sortie et peu aidé par une critique timorée à louer les qualités formelles d'un thriller glauque captivant, La chambre des morts est une excellente surprise pour le cinéma de genre hexagonal. Son ambiance opaque et blafarde constamment prégnante, l'interprétation habile de chaque comédien inscrit dans une existence socialement minante ou dans l'anxiété d'une psychologie ébranlée et la qualité d'un scénario frivolement touffus mais passionnant acheminent un thriller oppressant des plus séduisants.

Dédicace à Jean François Dupuy.
04.04.11.
Bruno Matéï.

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