vendredi 17 juin 2011

Crime à Froid / Thriller a cruel picture / They call her One Eye / En Grym Film. Version Intégrale.


de Bo Arne Vibenius. 1974. Suède. 1h46. Avec Christina Lindberg, Heinz Hopf, Despina Tomazani, Soveig Anderson.

Interdit au moins de 18 ans (avec inserts X)

FILMOGRAPHIE: Bo Arne Vibenius est un réalisateur, producteur, scénariste et acteur suédois né le 29 Mars 1943 à Solna. 1969: Hur Marie träffade Fredrik. 1974: Thriller, en grym film. 1975: Breaking Point.

                                      

Bien avant les illustres l'Ange de la Vengeance et I spit on your grave (Day of the Woman), un jeune suédois âgé de 31 ans réalise en 1974 un "rape and revenge" particulièrement insolite dans son alliage des genres rehaussé d'une ambiance hermétique. Action, drame, porno, violence s'entrecroisant à travers une structure hybride de film d'auteur, entre cinéma expérimental et série B d'exploitation. Le pitchMadeleine est une jeune fille solitaire ayant été violée durant son enfance par un vieillard. Plusieurs années ont passé et elle vit maintenant dans la ferme de ses parents, loin de la civilisation urbaine. Profondément perturbée par cette agression, elle est depuis atteinte de mutisme et reste le plus souvent cloîtrée dans sa demeure familiale. Un jour, elle décide malgré tout de partir en ville mais rate in extremis son bus. Un inconnu qui empruntait le même chemin lui propose alors de monter dans son véhicule pour la dépanner. Après avoir déjeuner ensemble dans un restaurant, il emmène Madeleine à son domicile pour la droguer. Devenue toxicomane, la jeune fille est obligée de se prostituer auprès d'une fidèle clientèle.

                                     

Dès le prélude déstabilisant et malsain parmi cette tentative de viol perpétrée dans un parc public, le malaise est déjà perceptible face au regard dérangé, zoom à l'appui, d'un vieillard aliéné écumant du sang aux lèvres. L'homme ahuri s'empressant de plaquer au sol une fillette impuissante sur les feuillages d'un automne blafard. L'illustration des évènements décrits avec réalisme insalubre, à la manière d'un reportage clinique, nous entraîne donc ici dans une descente aux enfers jusqu'au-boutiste. La mise en scène personnelle, prenant soin de nous accoutumer aux personnages évoluant dans un environnement malsain, permet d'y renouveler une histoire de rape and revenge classiquement structurée. L'ambiance froide et monolithique conduite sur un rythme langoureux et studieux retenant l'attention à travers son sens précis de la narration. Ainsi, avec l'entremise de plans chocs, telle cette crevaison d'un oeil filmé en gros plan ou des inserts pornos accentuant l'intensité de la dépravation sexuelle, Crime à Froid est un objet filmique parfois expérimental, grandiloquent, austère. La photographie limpide, les décors naturalistes régis sans fioriture et les comédiens emphatiques exacerbant ce sentiment tangible de reportage pris sur le vif.

                                    

La partie revenge de Madeleine ne faisant ensuite qu'accroître ce sentiment insolite d'oeuvre hybride de par ses lymphatiques effets de ralenti d'une violence stylisée. Mais au risque de lasser les indécis, ces furieux accès de brutalité sanglante où les gunfights décuplent leur poudre explosive, séduit, déconcerte ou désarçonne selon la personnalité de chacun. Alors que le final largement influencé du western spaghetti livre ses plus beaux plans alambiqués, ses contre-plongés iconiques et ses horizons désolées de clair obscur. L'ambiance crépusculaire et ténébreuse culminant vers un règlement de compte atypique afin d'ébranler l'imaginaire du spectateur désorienté. Il faut d'ailleurs vanter l'étonnante interprétation de Christina Lindberg dans celle, mutique, d'une justicière inflexible, avide de revanche expéditive après que ses parents se soient suicidés par duperie d'un proxénète. Gracile, taciturne et intrigante dans sa défroque ténébreuse et son oeil borgne, elle réussit à iconiser son personnage marginal, nouvel archétype timidement sensuel de l'ange exterminatrice.

                                       

Difficile d'accès car demandant un effort d'immersion auprès de son cheminement narratif, Crime à froid reste une oeuvre bariolée unique en son genre. Un essai personnel féru de bonnes intentions mais parfois maladroit dans ses ambitions auteurisantes compromises au cinéma d'exploitation. Imparfait donc, baroque, versatile et interlope, cet ovni singulier laisse en tout état de cause un souvenir persistant dans l'esprit du spectateur, entre fascination et répulsion. 

*Bruno Matéï.
17.06.11

                                      

5 commentaires:

  1. Merci pour la critique et le film oublié .NeoClub

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  2. Avec plaisir. Ma critique sera quelque peu modifiée pour être peaufinée demain matin...

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  3. Je prends de plus en plus de plaisir à venir trainer sur ton blog. j'ai commencé la lecture de tes articles et je te félicite encore une fois.
    They call her one reste un très bon souvenir. je me souviens parfaitement du jour où j'ai louer ce film. J'étais parti pour louer Platoon et finalement mon choix s'est porté sur une jaquette qui annonçait fièrement la couleur: le film que le cinéma n'a pas voulu montrer...
    Avez une grosse étiquette rouge contenant je ne sais plus quel avertissement.
    Souvenirs, souvenirs...

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  4. Merci Sevenko. Et j'ai les mêmes souvenirs que toi ! C'est aussi de cette manière que j'ai découvert le film à l'époque pour la 1ère fois !

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  5. Sevenko à dit ;
    Avez une grosse étiquette rouge contenant je ne sais plus quel avertissement.

    N'était-ce pas le label rouge?

    ce qui est sûr c'est qu'il n'est pas pasteurisé ce film.

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