dimanche 26 juin 2011

IL ETAIT UNE FOIS DANS L'OUEST (Once Upon a Time in the West / C'era una volta il West)

                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site myscreens.fr

de Sergio Leone. 1968. Italie/U.S.A. 2H43. Avec Charles Bronson, Henry Fonda, Claudia Cardniale, Jason Robards, Gabriele Ferzetti, Frank Wolff, Lionel Stander, Keenan Wynn, Paolo Stoppa, Jack Elam, Woody Stroode.

Sortie Salles Italie: 21 Décembre 1968. France: 27 Aout 1969.

FILMOGRAPHIE: Sergio Leone est un réalisateur, scénariste et producteur italien, né le 3 Janvier 1929 à Rome, décédé le 30 Avril 1989.
1959: Les Derniers Jours de Pompéi, 1960: Sodome et Gomorrhe, 1961: Le Colosse de Rhodes, 1964: Pour une poignée de Dollars, 1965: Et pour quelques Dollars de plus, 1966: Le Bon, la Brute et le Truand, 1968: Il Etait une fois dans l'Ouest, 1971: Il était une fois la Révolution, 1973: Mon Nom est Personne (co-réalisé avec Tonino Valerii), 1975: Un Génie, deux Associés, une Cloche (co-réalisé avec Damiano Damiani), 1984: Il Etait une fois en Amérique, 1989: Les 900 jours de Leningrad (inachevé).

                                     

Pionnier du western spaghetti, Sergio Leone réalise en 1968, juste après l'achèvement de sa trilogie du dollar, la quintessence finale du genre, Il Etait une fois dans l'Ouest. Une clef de voûte emphatique portée par la partition lancinante d'Ennio Morricone ancrée autant dans la légende. Paradoxalement, à l'époque de sa sortie US, il essuya un échec commercial et critique alors que quelques scènes furent censurées ! (22 minutes afin d'alléger sa durée inhabituelle !). Certaines sources affirment également que le rôle qu'endosse l'éminent Henry Fonda dans celui du tueur d'enfant était débouté par le public américain, faute de sa prestation à contre-emploi. Quatre scénaristes ont aussi été crédités pour la réalisation du projet dont le célèbre réalisateur Bernardo Bertolucci. Mais c'est au débutant Dario Argento à qui l'on doit de sa funeste signature la fameuse anthologie illustrant, non sans sadisme, une exaction machiavélique de victime par pendaison ! Dans l'Ouest des États-Unis, près de Flagstone, la conception d'une ligne de chemin de fer est en projet. Attendu par un trio de tueurs déterminés, un inconnu accoutré d'un harmonica descend d'un train et les abat méthodiquement. Dans cette contrée en pleine mutation pour l'infrastructure urbaine, l'homme sans nom est à la recherche de Frank, un tueur à gages responsable de la mort de son frère, aujourd'hui associé avec le directeur cupide de la construction du chemin de fer.

                                     

Dès le préambule aphone, Il Etait une fois dans l'Ouest nous illustre une séquence semi-parodique lorsqu'un trio d'individus suspicieux attend patiemment l'arrivée d'un train pour exécuter l'homme qui en descendra. Dans un quasi mutisme elliptique, les dix premières minutes rivalisent d'inventivité et de maîtrise dans la gestion du plan large/serré et des cadrages alambiqués pour ausculter les regards sournois des bandits aux trognes patibulaires. Un air d'harmonica s'y fait soudainement écho derrière le train alors qu'un individu mystérieux dévoile sa silhouette pour les défier. Cet air musical concis et métronomique distille une ambiance vénéneuse afin d'annoncer leur trépas. Le ton lyrique est donné ! Ce western crépusculaire sera opératique, nonchalant, élégiaque et flamboyant à travers son florilège d'émotions scandées d'une musique tantôt inquiétante tantôt romanesque. Sergio Leone, ne souhaitant pas de prime abord réentreprendre un nouveau western (il songeait plutôt à concrétiser l'univers du gangstérisme des années 20 avec Il Etait une fois en Amérique) en réalise ici le point d'orgue funèbre afin d'annoncer la fin du genre au sein de l'Ouest sauvage. Il nous transcende donc une ultime fois la destinée désespérément esseulée de cow-boys marginaux en déclin avant qu'une nouvelle  civilisation n'éclose avec le projet capitaliste d'une construction ferroviaire. A travers les thèmes de la vengeance, de la lâcheté du crime et du deuil insurmontable qui s'ensuit, nos personnages au caractère distinct vont se croiser, se fréquenter et côtoyer le mal afin de sauver leur peau, entamer leur devise et oublier leur morne existence. Durant ce long cheminement entrepris dans la rancoeur et l'auto-justice, la mort semble planer sur leurs épaules condamnées à survivre dans la solitude à l'aube d'un Ouest en mutation.

                                         

Spoiler !!! Autour d'un florilège de séquences mémorables à l'intensité dramatique, la vengeance latente qui en était le moteur essentiel dévoile ses motivations lors d'un flash-back traumatisant de perversité. Ce épicentre émotionnel éprouvant révélera enfin au spectateur la réminiscence d'une mise à mort machiavélique perpétrée sous un soleil écrasant. Un acte d'une cruauté acérée incriminant contre son gré un frère contraint de supporter du poids de ses épaules son aîné suspendu d'une corde au cou au sommet d'une arche. Pour amplifier l'état de marasme administré aux deux frères, l'instrument musical d'un harmonica sera infligé dans la bouche du cadet afin de l'humilier et accélérer l'agonie fatale de la victime. On comprend dès lors que cet instrument monocorde perçu durant tout le film n'était qu'une mélodie funéraire afin de suggérer un souffle d'agonie, quand bien même au moment propice de la dite vengeance, l'harmonica sera cette fois-ci ironiquement administré dans la bouche du bourreau ! Après le duel légendaire perpétré par nos deux ennemis jurés, la romance escomptée entre la veuve Jill McBain et l'homme sans nom s'avère destituée de rédemption amoureuse si bien que chacun repartira indépendamment avec sa solitude et ses souvenirs avant que la mort ne rattrape une ultime fois un troisième témoin reconverti. Fin du Spoiler. Au niveau du casting, l'inoubliable Charles Bronson n'eut jamais été aussi magnétique que dans ce personnage de vengeur taciturne nanti d'un regard buriné inflexible. Un homme apatride condamné à mûrir un châtiment implacable pour le compte d'un tueur sournois et pervers. Sa posture de cow-boy flegmatique accoutré d'un d'harmonica distille une aura hermétique à chacune de ses apparitions. Radieuse et sensuelle, Claudia Cardinale endosse avec fragilité une prostituée au grand coeur ayant décidé de rompre avec son passé racoleur pour l'amour de son nanti époux. Hormis le massacre perpétré envers sa famille, son destin l'amènera pour autant à relever la tête avec dignité et bravoure afin de fonder un nouvel avenir optimiste. En tueur d'enfant sans vergogne, Henry Fonda déconcerte au plus haut point pour ceux qui s'attendaient à ce que l'acteur bellâtre compose un rôle autrement humble. Enraciné dans la lâcheté, l'immoralité, le mépris et la violence, il fascine par sa snobe élégance, à l'image de son regard azur faussement rassurant. En bandit vieillissant, Jason Robards apporte une touche d'empathie de par son soutien loyal pour l'homme à l'harmonica et la veuve auquel il semble timidement amoureux.

                                      

Il était une fois l'ouest nouveau, ou le chant du cygne au western spaghetti. 
Mis en scène avec la virtuosité du maestro du western transalpin, Il Etait une fois dans l'Ouest constitue une danse baroque avec la mort, un opéra lyrique inscrit dans l'emphase, à l'instar de son élégie musicale rythmant le destin de personnages désabusés, marginaux passéistes marqués par l'injustice et le poids de la vieillesse. Avec la densité d'un scénario charpenté, ce western mélancolique dépeint en outre le bouleversant témoignage d'une veuve motivée à regagner son honneur, sa dignité et son autonomie, unique personnage capable d'évoluer au sein de sa nouvelle civilisation. Pour parachever, la vengeance obsédante de l'homme sans nom qui hante tout le récit illustre aussi en parallèle l'achèvement de ce nomade incapable de s'insérer dans la nouvelle société, car préférant s'éloigner du progrès pour s'éclipser vers une horizon indéterminée.

Note: Rattaché au lyrisme du film, la traduction littérale du titre italien, C'era une volta il West est Il était une fois l'ouest.

27.06.11
Bruno Matéï.

ANECDOTES.
Le générique du début d'Il Etait une fois dans l'Ouest est le plus long de l'histoire du cinéma.
Sergio Leone, qui avait essayé d'engager Charles Bronson dans les films Pour une Poignée de Dollars et Le Bon, la Brute et le Truand, obtint enfin son accord pour interpréter Harmonica.
Pour le rôle de Frank, Leone tenait absolument à Henry Fonda, en contre-emploi des rôles de braves types honnêtes, nobles et positifs qui firent sa renommée : il joue ici un tueur ignoble n'hésitant pas à massacrer des innocents et des enfants et crachant à tout bout de champ. Eli Wallach, qui interprétait Tuco dans Le Bon, la Brute et le Truand, a persuadé Fonda d'accepter le rôle. Au tout début du tournage, Leone, voyant Fonda avec des lentilles de couleur marron et une moustache, voulut immédiatement le remplacer. Mais après avoir été maquillé et habillé, celui-ci convainquit le réalisateur sans avoir dit un seul mot. Sa performance est remarquable, car né en 1905, il avait 63 ans lors du tournage du film, dans lequel il semble beaucoup plus jeune, surtout dans le flash-back final qui révèle le motif de la vengeance d'Harmonica.

  

8 commentaires:

  1. Hello!

    Tu m'as donné envie de le revoir!! :)
    Surtout que je l'ai vu en Blu Ray près de chez moi...
    Toujours un plaisir à lire!

    A+
    Tom

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  2. Ce film est immortel Tom, revoit le, c'est un immense moment de cinéma sensitif !
    Amicalement !

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  3. J'ai beau chercher, il n'y a rien à jeter dans ce film .
    c'est l'un des rares films que j'ai vu qui atteint une telle magie, un voyage
    dans la sève du septième art.

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  4. Assure mon numéro 1 dans ce domaine, magnifique á tout les niveaux. Excellente critique si je peux me permettre Bruno. ....

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  5. Merci beaucoup "anonyme". Un article uniquement fondé sur la raison du coeur.

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  6. Déjà je l'adorai , mais après l'avoir vu sur grand écran c'est pire.Putain quel choc.....Merci Bruno

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  7. Un chef d'oeuvre du western sans doute le meilleur de tous les temps ....bravo tout est dit .

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  8. Merci beaucoup Eric.

    Clin d'oeil Francky ! ^^ (t'as une sacrée chance de l'avoir vu sur grand écran même si j'y ai déjà assisté du haut de mes 8 ans ! )

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